Diagnostic des anomalies dentaires
ETIOPATHOGÉNIE DES ANOMALIES DENTAIRES
Le développement cranio-facial s’étale sur une période d’environ 20 ans, pendant laquelle l’environnement va influencer la croissance osseuse et l’odontogénèse, génétiquement déterminées. Ainsi, les anomalies dentaires ont une double étiologie : génétique et non génétique.
4.1 Étiologies génétiques
Il s’agit d’une mauvaise transmission des données par les gènes, ceci au cours de l’embryogenèse, l’organogenèse, après la naissance, puis tout au long de la croissance (facteur héréditaire). Ces anomalies peuvent être transmises suivant les lois de l’hérédité et résulter de la combinaison non harmonieuse des gènes parentaux.
Mécanismes monogéniques
Les anomalies morphologiques résultant de la mutation spécifique d’un gène unique sont au nombre de cinq, et ont toutes une hérédité autosomique dominante. Il s’agit de :
- La « dens indente » (MK 12530)
- La « dens invaginatus » (MK 12528)
- La fusion des deux incisives centrales (MK 14725)
- L’allongement de taille de la couronne d’une dent (incisive supérieure) (MK 14730)
- La forme en « pelle » des incisives supérieures centrales ou latérales (MK 14740)
Mécanismes pléiotropes
Ce sont les anomalies dentaires rencontrées dans les diverses maladies génétiques.
Mécanismes chromosomiques
Il s’agit des mutations dues à des aberrations chromosomiques :
- Lié au chromosome X : ex. l’amélogenèse imparfaite
- Lié au chromosome Y : ex. perturbation de la taille des dents
4.2 Étiologies non génétiques
Des anomalies dentaires en tout point semblables aux précédentes peuvent résulter de causes non génétiques, par exemple :
- Les traumatismes directs du germe
- Une exposition radiothérapique
- Troubles du métabolisme phosphocalcique, carence en vitamine D
- Agents pharmacologiques
- Anomalies de position : inclusion ou localisation ectopique dans le syndrome du 1er arc ou dans les fentes congénitales de la face
- Anomalies de forme : liées à un traumatisme direct du germe (accidentel ou chirurgical) ou à une radiothérapie
- Anomalies de structure : toute perturbation durable de l’équilibre systémique peut engendrer des lésions structurales. D’autre part, l’alimentation joue un rôle au cours de la formation des dents (minéralisation) et après, au cours de la vie de la dent (mutation du phosphocalcium).
Certains agents pharmacologiques ont une action spécifique sur :
- Les améloblastes secrétaires, ayant pour effet des hypoplasies (antimitotiques : Vinblastine, Vincristine)
- Au niveau dentinaire, les tétracyclines sont responsables des colorations jaunâtres secondaires de la couronne
Troubles systémiques :
- L’insuffisance rénale chronique de l’enfant dialysé
- L’hypoxie tissulaire de l’insuffisance respiratoire
- Les cardiopathies congénitales cyanogènes
VI. CLASSIFICATION
Plusieurs classifications ont été établies, la plus utilisée est :
- Anomalie de forme
- Anomalie de nombre
- Anomalie de siège
- Anomalie de volume
En plus des anomalies suscitées, on va étudier dans cet exposé : les anomalies de structure et d’éruption.
VI. ANOMALIES D’ÉRUPTION
L’éruption dentaire est le phénomène chronologique au cours duquel les différentes dents, temporaires puis permanentes, se placent sur l’arcade maxillaire. Il s’agit soit d’un retard, soit d’une avance d’éruption localisée à une dent ou affectant l’ensemble de la denture. Jusqu’à un certain point, ces variations peuvent être tout à fait normales, car l’âge auquel surviennent l’éruption et la chute des dents varie beaucoup.
6.1 Éruption précoce
- Les dents natales sont celles qui sont présentes à la naissance. Les dents néonatales sont celles qui font leur éruption dans les 30 premiers jours de la vie.
- Concerne en général les incisives inférieures temporaires avec deux éventualités :
- L’enfant naît avec ses deux incisives inférieures.
- Les incisives inférieures apparaissent quelques jours après la naissance.
- L’évolution se fait vers la disparition de ces dents quelques jours après la naissance ou leur rétention jusqu’à la date de remplacement.
6.2 Éruption retardée
- Dent absente sur l’arcade après sa date normale d’éruption.
- Plus fréquente en denture permanente.
- Dent temporaire → après 10 mois
- Dent permanente → après 4 ans
- Confirmation radiographique : dent présente et en bonne position.
- Lorsque le retard porte sur plusieurs dents, il faut penser à une affection générale (fente labio-palatine, déficit hormonal).
- Pour une dent, la cause est locale :
- Dent surnuméraire
- Kyste péricoronaire
- Obstacles gingivaux : hyperplasie congénitale de la gencive
- Obstacles dentaires : DDM (dent de densité différente), ankylose
- Carences vitaminiques : en vitamine D (rachitisme)
- Génétique : Syndrome de Down
- Traumatisme

VI/ Anomalies de structure :
De l’émail
d- Acquises :
Les hypoplasies partielles de l’émail
- Lorsqu’elle est totale, rechercher un trouble d’ordre général.
- Suivant la localisation de l’hypoplasie, on peut déterminer le moment de l’atteinte pathologique.
- Touche généralement les incisives et les 1ères molaires permanentes.
- Début de minéralisation après la naissance.

Amélogenèse imparfaite héréditaire – Forme hypoplasique
- Volume d’émail réduit ou absent.
- Surface coronaire irrégulière (stries, fissures).
Forme hypo mature
- Émail d’épaisseur normale mais moucheté ou opaque.
- De couleur blanchâtre ou brune, plus dur que l’émail hypo minéralisé.
- Surface rugueuse.

Forme hypo minéralisée
- Affecte les dents de manière bilatérale et symétrique.
- L’émail est de consistance molle avec une coloration jaune orangée à l’éruption, qui devient progressivement brune.
- Il a tendance à s’effriter sous l’effet de la mastication.

La fluorose
- Maladie chronique, en rapport avec l’administration durable de doses très importantes de fluor.
- La coloration des dents varie du jaune au marron foncé avec un aspect caractéristique de l’émail qui est terne, plus des taches crayeuses.

Opacités de l’émail
- Les opacités de l’émail sont des taches blanchâtres et mates présentes généralement sur les faces vestibulaires des incisives.
- Résultent d’une perturbation de courte durée du dépôt de la matrice d’émail.
v
La dent de Turner
- L’hypoplasie de la dent définitive.
- Plus souvent due à une infection périapicale de son homologue temporaire, qui atteint le sac folliculaire et lèse l’organe de l’émail.
- Elle affecte plus souvent les prémolaires, en particulier inférieures.

La dent de Hutchinson
- Les faces proximales convergent, donnant aux incisives une forme en « tonnelet ».
- Le bord incisif présente une échancrure semi-lunaire en « coup d’ongle ».

De la dentine :
Dysplasie de cap de pont = Dentinogénèse imparfaite
- Maladie héréditaire à transmission autosomique dominante, les deux dentures sont atteintes.
- Les dents ont une couleur sucré d’orge orangé, sont translucides et opalescentes.
- Elles sont dépourvues d’émail avec des couronnes très abrasées.
- Radiologiquement : racines courtes, oblitération de la lumière pulpaire totale et généralisée.
- N.B. : La presque totalité des anomalies de structures s’accompagnent de dyschromies.
La dysplasie dentinaire : Faible élaboration de dentine
- Maladie héréditaire rare liée à un caractère autosomique dominant, touche les deux dentures.
Type I : Dysplasie dentinaire radiculaire
- La couronne est normale.
- La racine est courte.
Type II : Dysplasie dentinaire coronaire
- Les racines sont de taille normale.
Anomalies du cément
Hypo- et aplasie du cément
- Elle consiste en un défaut de dépôt de cément cellulaire superficiel sur le cément acellulaire.
- Surviennent pendant la formation des dents mais aussi pendant leur vieillissement.
- N’affecte que les dents temporaires, surtout antérieures avant l’âge de 3 ans.
Hypercémentose
- L’épaisseur du cément devient considérable au niveau apical, formant une sorte de bourrelet de cément acellulaire.
- Elle atteint surtout les molaires mandibulaires et de localisation surtout apicale.
- Peut être due à une inflammation péri-apicale ou une affection générale.
VIII / Anomalies de forme (Dysmorphies)
8-1 Dysmorphies partielles (coronaires)
- Tubercule de Block : Rencontré au niveau des faces vestibulaires des 2ème et 3ème molaires supérieures.
- Tubercule de Carabelli : Face palatine de la 1ère molaire supérieure permanente et la 2ème molaire temporaire.
- Cuspides supplémentaires : Généralement radiculaires.
Exemple : La canine, qui en principe a une seule racine, peut en avoir deux.
8-2 Dysmorphies totales (Coronaire et Radiculaire)
- Amorphies totale et importante.
Exemples : Dent en “les dents en touches de piano”.
8-3 Anomalies par coalescence
a. La fusion
- Union totale de deux dents par leurs tissus durs (coronaire, radiculaire ou totale). La pulpe peut être individualisée ou commune.
- Touche généralement les incisives latérales et centrales supérieures et inférieures, ainsi que la canine inférieure.
b. La concrescence
- Fusion de deux dents par l’intermédiaire de leurs racines.
- Affecte surtout les incisives supérieures.
Gémination
- Division souvent avortée d’un germe dentaire.
- Plus fréquente dans la denture temporaire que permanente, notamment dans la région incisive.
IX / Anomalies de nombre
Classification
Réduction | Augmentation |
---|---|
Hypodontie | Dent supplémentaire |
Oligodontie | Dent surnuméraire |
Anodontie |
9-1 Hypodontie
- Définition : Absence de l’ébauche embryonnaire d’un ou de plusieurs germes, d’origine héréditaire.
- Totale : Aucune dent sur l’arcade ou le maxillaire.
- Partielle : Présence de quelques dents coniques (sur l’arcade ou incluses).
- L’anodontie touche les deux dentitions et est due à une cause générale.
Oligodontie : Absence d’au moins 25% du nombre total des dents.
9-2-1 Agénésie
- Définition : Anomalie correspondant à l’absence d’une ou plusieurs unités dentaires, liée à l’absence du germe.
- Touche souvent les dents permanentes de fin de série (DDS, incisives latérales, 2ème prémolaire).
- La dent temporaire correspondante est généralement présente.
- Étiologie : Héréditaire, liée à une tendance phylogénétique à la réduction du matériel dentaire (hypothèse contestée).
9-3 Hyperdonte (Hypergénésie)
- Augmentation du nombre de dents due à la minéralisation de germes qui devaient s’atrophier.
- Fréquente au maxillaire.
Types :
- Dent supplémentaire : Forme harmonieuse, touche une dent à la fois (incisive latérale, molaire, prémolaire).
- Dent surnuméraire (mésiodens, odontoïde) : Forme atypique, souvent de volume réduit, située entre les incisives latérales supérieures ou incluse.
Note : Dans les secteurs postérieurs, possibilité de 3ème prémolaire, 4ème ou 5ème molaire (“post-permanentes”).
X / Anomalies de siège (Dystopies)
Défaut de développement du maxillaire ou malposition du bourgeon dentaire.
Types :
- Hétérotopie
- Ectopie
- Transposition
- Rotation
- Anastrophie
- Ankylose
- Inclusion
10-1 Transposition
- Définition :
- Selon les Anglo-Saxons : Inversion de la position de deux dents.
- Selon l’Association Française de Normalisation (1968) : Dent évoluant sur l’arcade à la place d’une autre.
- Dents concernées : Majoritairement les canines transposées avec la 1ère prémolaire ou l’incisive latérale.
10-2 Transmigration :
- Définition : Déplacement d’une dent jusqu’au secteur opposé, généralement observable à la mandibule (rare).
- Caractéristiques :
- Inclusion horizontale (mésioversion) de la canine mandibulaire.
- Parfois éruption adjacente à la canine controlatérale (innervation et vascularisation controlatérale).
10-3 Hétérotopie :
- Définition : Présence d’une dent dans une localisation anormale (ex. : près de l’orbite pour la canine supérieure ou dans la branche montante pour la DDS).
- Particularité : Découverte souvent fortuite.
10-4 Ectopie :
- Définition : Dent située au voisinage de l’assise alvéolaire mais en dehors de la crête, incluse ou non.
- Signes cliniques :
- Esthétiques : Préjudice lié à l’encombrement.
- Occlusaux :
- Denture mixte :
- Type I : Persistance des canines temporaires, encombrement incisif important, dénudation de l’incisive canine inférieure.
- Type II : Expulsion unilatérale d’une canine temporaire, déviation du milieu, encombrement modéré.
- Type III : Expulsion spontanée des deux canines temporaires, diastème réduit ou absent.
- Denture permanente : Évolution vestibulaire en infra-position ou infra-mésio-vestibuloposition avec manque de gencive attachée.
- Denture mixte :
10-5 Anastrohie :
- Définition : Anomalie rare caractérisée par l’inversion (retournement) d’un germe dentaire.
- Conséquence : Pivotement de 180° autour d’un axe mésiodistal, plaçant la racine en position buccale et la couronne en position apicale.
10-5 Ankylose :
- Définition : Diminution partielle ou totale de la mobilité physiologique d’une dent.
- Fréquence : Observée surtout sur les molaires temporaires, rarement sur la denture permanente.
- Signes cliniques :
- Dent immobile.
- Percussion produisant un son clair.
- Signes radiologiques : Amincissement ou disparition de l’image ligamentaire.
- Cause : Trouble localisé de la croissance de l’os alvéolaire dû à un arrêt de l’activité ostéogénique du ligament alvéolo-dentaire.
10-6 Inclusion :
10-6-1 Définitions :
- Dent en révention : Dent empêchée d’évoluer normalement mais gardant un potentiel évolutif (dite “retenue”).
- Dent enclavée : Dent dont le sac péricoronaire communique avec la cavité buccale (sertissure gingivale imparfaite).
- Dent incluse : Dent ayant terminé sa maturation sans communication avec le milieu buccal. Peut être située normalement, en ectopie ou en hétérotopie.
10-6-2 Étiopathogénie :
- Cause principale : Diminution du potentiel éruptif.
- Facteurs locaux :
- Mauvaise direction de la dent.
- Malformation de la couronne ou de la racine.
- Dents surnuméraires.
- Extraction prématurée de la canine temporaire.
- Tumeurs ou kystes péricoronaires.
- Gencive hyperplasique (aspect fibreux).
- Facteurs généraux :
- Hérédité (ex. : dysostose cléido-crânienne).
- Maladies congénitales (ex. : FLP).
- Syphilis.
- Troubles de croissance maxillo-mandibulaire (DDM).
11 Anomalies de Volume :
- Macrodontie généralisée vraie : Extrêmement rare, associée au gigantisme hypophysaire (syndromes de Crouzon, Down).
- Macrodontie localisée vraie : Touche une ou plusieurs dents (peut concerner la racine : rhizomégalie).
- Microdonnie généralisée vraie : Associée au nanisme hypophysaire ou à certaines cardiopathies congénitales.
- Microdonnie localisée vraie : Touche une ou plusieurs dents (fréquente dans les fentes labio-palatines).
- Microdonnie relative : Liée à une dysharmonie dento-maxillaire (DDM).
11-1 Dysharmonie Dento-Maxillaire (DDM) :
- Définition : Disproportion entre les diamètres mésio-distaux des dents permanentes et le périmètre des arcades alvéolaires.
- Types :
- DDM par excès de place.
- DDM par manque de place (encombrement dentaire → macrodontie relative).
Conclusion :
Les anomalies de classe I répondent bien aux traitements d’interception et de prévention. Le diagnostic étiologique est essentiel pour :
- Surveiller : Examens cliniques et radiologiques répétés.
- Prévenir :
- Maintenir l’intégrité de la denture lactéale.
- Éliminer les obstacles mécaniques au moment opportun.
- Utiliser l’orthodontie prophylactique.
- Corriger : Traiter les anomalies via l’orthodontie, l’odontologie ou la prothèse.
Objectif final : Assurer une denture adulte correcte pour chaque enfant.
Diagnostic des anomalies dentaires
Une bonne hygiène bucco-dentaire repose sur un brossage efficace et l’usage régulier du fil dentaire.
Le diagnostic précoce des caries permet des soins moins invasifs et une meilleure conservation dentaire.
Maîtriser les techniques d’anesthésie locale améliore le confort du patient pendant les soins.
Les maladies parodontales demandent une approche pluridisciplinaire pour prévenir la perte dentaire.
L’occlusion influence la mastication et l’équilibre de l’articulation temporo-mandibulaire.
Les progrès en implantologie offrent des solutions durables et esthétiques pour les dents absentes.
Bien communiquer avec le patient favorise sa compréhension et son adhésion au traitement proposé.
Diagnostic des anomalies dentaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.