Les films dentaires, leurs traitements et les facteurs influençant leurs qualités
Introduction
Depuis la découverte des rayons X en 1895 par le physicien Wilhelm Conrad Röntgen, la radiologie dentaire a connu des avancées spectaculaires, transformant la manière dont les diagnostics sont réalisés. Cette révolution technologique a permis de fournir des images précises et détaillées, essentielles pour le traitement des patients. Les progrès dans les techniques d’impression et de traitement des films radiographiques ont également joué un rôle clé, passant du développement manuel en chambre noire à des systèmes automatisés, puis à des technologies modernes fonctionnant en lumière du jour. Cet article explore en profondeur les films dentaires, leurs procédés de traitement, les différents types de radiographies dentaires, ainsi que les facteurs qui influencent la qualité des images obtenues.
Les films radiographiques argentiques
Composition des films argentiques
Les films radiographiques argentiques, utilisés pendant des décennies comme principal outil d’imagerie dentaire, se composent de deux éléments essentiels :
- L’émulsion : Cette couche est un mélange de sels d’argent (généralement du bromure d’argent) et de gélatine. Elle est sensible aux rayons X et à la lumière, réagissant de manière similaire aux films photographiques argentiques. Lorsqu’elle est exposée aux rayons X, l’émulsion noircit, créant une image contrastée. Les zones fortement exposées deviennent noires, tandis que les zones peu ou pas exposées restent claires.
- Le support plastique : Le film lui-même est une base en plastique recouverte de fines couches d’émulsion. Ce support sert de structure stable pour l’émulsion, permettant de capturer l’image radiographique. Lors de la prise de vue, le patient est positionné entre la source de rayons X et le film, qui est placé dans une cassette protectrice. Les rayons X traversent les tissus corporels (os, dents, tissus mous) et impressionnent l’émulsion en fonction de la densité des structures traversées.
Principe de fonctionnement
Le fonctionnement des films argentiques repose sur l’interaction des rayons X avec l’émulsion. Les rayons X, en traversant le corps, sont absorbés différemment selon la densité des tissus : les os, plus denses, absorbent davantage de rayons, tandis que les tissus mous en laissent passer plus. Cette différence d’absorption crée une image latente sur le film, qui est ensuite révélée par un processus chimique pour devenir visible.
Les principaux types de films dentaires
Les radiographies dentaires se déclinent en plusieurs types, chacun adapté à des besoins spécifiques en diagnostic. Voici une présentation détaillée des principaux types de radiographies dentaires :
Radiographie rétro-coronaire (Bite-wing)
La radiographie rétro-coronaire, également appelée bite-wing, est largement utilisée en dentisterie préventive. Elle permet de détecter les caries interdentaires (entre les dents) et sous la ligne gingivale, ainsi que d’évaluer l’état des restaurations dentaires. Son nom provient de la manière dont le patient mord sur une ailette en papier ou en plastique pour maintenir le film en place. Cette radiographie peut être réalisée directement sur le fauteuil du dentiste, ce qui la rend pratique pour des examens de routine.
Radiographie panoramique
La radiographie panoramique offre une vue d’ensemble des dents supérieures et inférieures, ainsi que des structures environnantes (mâchoires, sinus, articulations temporo-mandibulaires). Elle utilise un appareil spécialisé qui effectue une rotation autour de la tête du patient pour capturer une image bidimensionnelle (2D) représentant une structure tridimensionnelle (3D). Cette technique est particulièrement utile pour évaluer l’alignement des dents, détecter les anomalies ou planifier des traitements orthodontiques ou chirurgicaux.
Radiographie céphalométrique
La radiographie céphalométrique fournit une image latérale de la tête entière, mettant en évidence les relations entre les dents, les os des mâchoires et les tissus mous. Très utilisée en orthodontie, elle permet aux praticiens d’analyser l’alignement des dents et des mâchoires pour établir des plans de traitement précis. Elle est particulièrement précieuse pour évaluer la croissance cranio-faciale chez les enfants et les adolescents.
Radiographie à faisceau conique (CBCT)
La tomodensitométrie à faisceau conique (Cone Beam Computed Tomography, CBCT) représente une avancée majeure dans l’imagerie dentaire. Cette technologie utilise un faisceau conique de rayons X pour produire des images tridimensionnelles (3D) à partir de multiples projections 2D. Contrairement aux radiographies traditionnelles, qui offrent une vue plane, le CBCT permet de visualiser les dents, les os et les tissus environnants sous tous les angles. Cette méthode est particulièrement utilisée pour les implants dentaires, les chirurgies complexes et l’évaluation des pathologies osseuses.
Radiographie rétro-alvéolaire
La radiographie rétro-alvéolaire capture une image complète d’une dent, de la couronne jusqu’à la racine, y compris une petite partie de l’os alvéolaire environnant. Elle est idéale pour diagnostiquer les caries profondes, les fractures dentaires, les infections péri-apicales ou les anomalies des racines. Ce type de radiographie est souvent utilisé pour des examens ciblés sur une ou quelques dents spécifiques.
Le traitement des films radiologiques
Le traitement des films radiographiques peut être divisé en deux grandes catégories : le traitement conventionnel (argentique) et le traitement numérique. Chacun suit des processus distincts, bien que l’objectif reste le même : produire une image claire et diagnostique.
Le traitement conventionnel (argentique)
Le traitement conventionnel, ou développement, transforme une image latente (invisible à l’œil nu) en une image visible. Ce processus, initialement réalisé manuellement en chambre noire, a évolué vers des systèmes automatiques, puis vers des technologies en lumière du jour (daylight systems). Le développement comporte quatre étapes principales : la révélation, la fixation, le lavage et le séchage.
La révélation
La révélation est l’étape où l’image latente devient visible. Le film est plongé dans une solution de révélateur, un réducteur chimique qui convertit les ions d’argent exposés en argent métallique, formant des zones noires sur le film. Les composants clés du révélateur incluent :
- Hydroquinone et phénidone : Agents réducteurs agissant en synergie pour transformer les ions d’argent.
- Milieu alcalin : Maintenu à un pH de 10 à 11,5 par des substances comme l’hydroxyde de sodium (NaOH) ou les carbonates de sodium.
- Sulfite de sodium : Conservateur qui empêche l’oxydation du révélateur.
Le temps et la température de développement sont cruciaux. Un développement trop court entraîne une image sous-développée, tandis qu’un développement trop long peut provoquer une diffusion de l’argent métallique, réduisant la qualité de l’image.
La fixation
La fixation élimine les sels d’argent non exposés, stabilisant l’image. Le fixateur, généralement du thiosulfate de sodium ou d’ammonium, solubilise le brome et les grains de bromure d’argent non exposés. Cette étape se déroule en milieu acide (pH 4 à 5) à une température d’environ 20 °C pendant 5 à 10 minutes. Une fixation correcte garantit la pérennité de l’image.
Le lavage
Le lavage élimine les résidus chimiques, notamment les traces de fixateur, pour assurer la conservation à long terme du film. Un lavage insuffisant peut entraîner un jaunissement prématuré du film dû à la formation de sulfure d’argent par réaction entre l’hyposulfite résiduel et l’argent métallique.
Le séchage
Le séchage solidifie la gélatine de l’émulsion, rendant le film manipulable. Il peut être effectué à l’aide d’un rayonnement infrarouge ou d’un flux d’air chaud. Cette étape finalise le processus en garantissant que le film est prêt à être analysé sur un négatoscope.
Le traitement numérique
Avec l’avènement de la radiologie numérique, le traitement des images a radicalement changé. Au lieu d’utiliser des films argentiques, les systèmes numériques capturent les rayons X à l’aide de capteurs électroniques ou de plaques de phosphore réutilisables. Voici les étapes principales :
- Émission des rayons X : Les rayons X sont émis par un tube à l’intérieur de l’appareil de radiologie, traversant les tissus du patient.
- Capture de l’image : Une plaque de phosphore, positionnée comme un film traditionnel, absorbe les rayons X. Cette plaque est ensuite scannée par un numériseur connecté à un ordinateur.
- Traitement et affichage : Les données capturées sont analysées par un logiciel, qui reconstruit l’image numérique et l’affiche presque instantanément sur un écran.
Les avantages de la radiologie numérique incluent une réduction de l’exposition aux rayons X, une manipulation plus rapide et la possibilité d’ajuster les images (contraste, luminosité) sans perte de qualité.
Les critères de qualité de l’image radiographique
La qualité d’une image radiographique dépend de plusieurs facteurs, notamment le contraste, la définition et la densité. Ces paramètres influencent la capacité du clinicien à poser un diagnostic précis.
Le contraste
Le contraste désigne la différence de noircissement entre deux zones adjacentes d’une image radiographique. Une image à haut contraste présente des différences marquées entre les zones noires, grises et blanches, facilitant la distinction entre les structures (os, dents, tissus mous). Les facteurs influençant le contraste incluent :
- La nature de l’objet : La densité et l’épaisseur des tissus traversés affectent le contraste. Par exemple, l’émail dentaire, très dense, crée un contraste élevé avec les tissus mous.
- Le kilovoltage de crête (kVp) :
- Un kVp élevé (ex. 90 kVp) augmente la pénétration des rayons X, réduisant le contraste mais augmentant les nuances de gris (échelle de contraste longue).
- Un kVp faible (ex. 60 kVp) réduit la pénétration, augmentant le contraste mais diminuant les nuances de gris (échelle de contraste courte).
- La sensibilité du film : Les films rapides (plus sensibles) produisent plus de contraste mais moins de précision, tandis que les films lents offrent une meilleure définition mais nécessitent une exposition plus longue.
- Le développement (pour les films argentiques) : Un développement trop rapide ou insuffisant réduit le contraste, tandis qu’un développement excessif rend l’image trop sombre, diminuant les différences entre les structures.
La définition
La définition correspond à la netteté des contours de l’image. Une image bien définie permet de distinguer clairement les structures anatomiques. Les facteurs influençant la définition incluent :
- Distance foyer-film (DFF) : Une distance plus grande entre la source de rayons X et le film améliore la netteté en réduisant la distorsion.
- Distance objet-film (DOF) : Une distance minimale entre l’objet (dents) et le film réduit le flou.
- Taille de la source de rayons X : Une source plus petite produit des images plus nettes.
- Stabilité : Les mouvements du patient, du cône ou du film pendant la prise de vue peuvent provoquer un flou.
- Type de film : Les films lents, avec des grains d’émulsion plus petits, offrent une meilleure précision mais nécessitent une exposition plus longue.
La densité
La densité représente le degré global de noircissement du radiogramme. Une densité élevée correspond à une image plus sombre, tandis qu’une densité faible produit une image plus claire. Les facteurs influençant la densité incluent :
- Épaisseur des cristaux d’argent : Des dépôts plus épais absorbent plus de lumière, rendant l’image plus sombre.
- Quantité de rayons X : Une exposition plus intense augmente la densité.
- Nature des tissus : Les tissus denses (os) absorbent plus de rayons X, apparaissant blancs (radiopaques), tandis que les tissus moins denses (air, poumons) apparaissent sombres (radioclairs).
Quatre densités fondamentales sont observées dans les radiographies :
- Opacité (blanche) : Structures denses comme les os, qui absorbent beaucoup de rayons X.
- Clarté (noire) : Structures aériques comme les poumons, qui laissent passer les rayons X.
- Tissus mous : Présentent une densité intermédiaire, souvent visualisés avec des produits de contraste comme le baryum (Z = 56) ou l’iode (Z = 53).
Avancées technologiques et perspectives
Les progrès dans les technologies d’imagerie dentaire ont transformé la pratique clinique. La transition des films argentiques aux systèmes numériques a réduit l’exposition aux radiations, amélioré la rapidité du diagnostic et permis une meilleure manipulation des images. Les systèmes CBCT, en particulier, offrent une précision inégalée pour les diagnostics complexes, notamment en implantologie et en chirurgie maxillo-faciale.
Cependant, des défis subsistent, notamment en termes de coût des équipements numériques et de formation des praticiens. De plus, la gestion des données numériques pose des questions de stockage et de sécurité. À l’avenir, l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’analyse des images radiographiques pourrait encore améliorer la précision des diagnostics, en détectant automatiquement les anomalies ou en proposant des plans de traitement optimisés.
Conclusion
Les films dentaires, qu’ils soient argentiques ou numériques, jouent un rôle central dans le diagnostic et le traitement des pathologies bucco-dentaires. Les avancées technologiques, depuis les films argentiques développés en chambre noire jusqu’aux systèmes numériques modernes, ont permis d’améliorer la qualité des images, la sécurité des patients et l’efficacité des praticiens. Comprendre les types de radiographies, les procédés de traitement et les facteurs influençant la qualité des images est essentiel pour maximiser l’efficacité diagnostique. Avec les innovations continues dans le domaine, la radiologie dentaire promet de devenir encore plus précise et accessible, au bénéfice des patients et des professionnels de santé.
Les films dentaires, leurs traitements et les facteurs influençant leurs qualités
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Les films dentaires, leurs traitements et les facteurs influençant leurs qualités

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.