Ankylose temporo-mandibulaire / Pathologie et chirurgie buccale
Introduction
L’ankylose temporo-mandibulaire est caractérisée par une limitation de l’ouverture buccale en raison d’une fusion d’une partie de la mandibule avec la base du crâne, le maxillaire ou l’os zygomatique par formation d’un bloc osseux. C’est une pathologie de sévérité variable qui peut être fonctionnellement, morphologiquement et psychologiquement invalidante. Elle constitue un motif de consultation peu fréquent, mais qui pose un problème diagnostic et thérapeutique. Dominée par l’étiologie traumatique, sa prise en charge est souvent chirurgicale associée à un traitement fonctionnel.
Définition
L’ankylose de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM) se définit comme une constriction permanente des mâchoires, avec ouverture buccale inférieure à 30 mm mesurée entre les incisives, survenant par soudure osseuse, fibreuse ou fibro-osseuse, de façon uni- ou bilatérale. Cette constriction s’exprime par la diminution voire l’impossibilité absolue et définitive des mouvements de l’ATM.
Étiopathogénie
Étiologie
- Causes traumatiques : de loin la plus fréquente, les sujets types sont les adultes jeunes de sexe masculin. L’ankylose est alors majoritairement d’origine intra-articulaire et fait suite aux fractures condyliennes et sous-condyliennes. Cependant, elle peut aussi être juxta-articulaire :
- Fracture condylienne souvent passée inaperçue (méconnue) et mal prise en charge.
- Traumatisme crânien sévère.
- Fracture éclatement associée à une fracture de racine transverse du zygomatique et de l’apophyse coronoïde.
- Causes infectieuses : infections générales ou locales, aboutissant à la destruction de la capsule et du cartilage articulaire ainsi que l’appareil discal.
- Infections locales dites de voisinage : otite, mastoïdite, ostéite, cellulite, parotidite, etc.
- Infection générale : par voie hématogène, on retrouve essentiellement le streptocoque et le staphylocoque, plus exceptionnellement : gonocoque, tuberculose, fièvre typhoïde, scarlatine ou actinomycose.
- Causes inflammatoires : l’ankylose peut être la complication de :
- Polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, polyarthrite chronique juvénile (maladie de Still), rhumatisme psoriasique.
- Des ankyloses ont également été décrites après injection intra-articulaire de corticoïdes.
- Ankyloses congénitales : très rares, généralement suite à un traumatisme obstétrical.
Pathogénie
- Ankyloses post-traumatiques : Traumatisme → hémarthrose → fibrose → ossification du caillot sanguin → ankylose (formation d’un bloc osseux dans l’interligne articulaire).
- Ankyloses d’origine inflammatoire : Synovite → destruction des surfaces fibrocartilagineuses → surfaces osseuses dénudées et déformées → disque détruit → tissu fibreux cicatriciel envahit l’ATM → ankylose.
Classification
Dans le sens vertical : amplitude d’ouverture buccale
Évaluation quantitative de la limitation de l’ouverture buccale en mesurant l’espace entre les points inter-incisifs inférieur et supérieur à l’aide d’un pied à coulisse. La valeur de référence est 47,7 ± 7 mm :
- Supérieure à 20 mm : limitation légère.
- Entre 10 et 20 mm : limitation modérée.
- Inférieure à 10 mm : ouverture serrée.
- Inférieure ou égale à 5 mm : ankylose dite complète.
Dans le sens sagittal
Topazian propose une classification en 3 types selon l’étendue du bloc osseux sagittalement :
- Type I : affecte uniquement le condyle.
- Type II : affecte le condyle et l’échancrure sigmoïde.
- Type III : atteinte du condyle, de l’échancrure sigmoïde et de l’apophyse coronoïde.

Clinique
Chez l’adulte
Forme unilatérale
- Motif de consultation : gêne fonctionnelle (mastication, déglutition, phonation) due à la limitation de l’ouverture buccale, rarement des douleurs.
- Interrogatoire : rechercher la notion de traumatisme, d’infection de voisinage, la date et le mode d’installation (ancien ou récent, récurrent ou persistant et constant).
- Palpation :
- Côté ankylosé : masse osseuse indolore, mouvements absents.
- Côté sain : persistance d’un léger glissement mandibulaire, ouverture buccale limitée.
- Examen endobuccal : difficile, retrouve des poly-caries, troubles de l’articulé, gingivites généralisées, parodontites.
- Autres signes : muscles atrophiés, asymétrie faciale.
Forme bilatérale
- Cals osseux dans les régions prétragiennes.
- Ouverture buccale inférieure à 5 mm.
- Denture, parodonte et muqueuse buccale altérés (hygiène difficile et absente).
Chez l’enfant
Conséquences graves sur la croissance mandibulaire.
Forme unilatérale
- Anamnèse : recherche de l’étiologie.
- Inspection :
- Asymétrie faciale avec latérodéviation vers le côté atteint, menton dévié vers le côté atteint (hémi-atrophie mandibulaire).
- Aplatissement de la joue du côté sain.
- Angle mandibulaire haut situé, branche montante courte.
- Ouverture buccale : limitée.
- Examen endobuccal : denture altérée (caries, malpositions, engrainement).
Forme bilatérale
- Atrophie mandibulaire avec micro- et rétromandibulie, classe II squelettique.
- Profil d’oiseau, rétrognathie ou hypognathie.
- Pas de latérodéviation, ni de propulsion, ni de diduction (pas de mouvement).
- Denture altérée.
- État général altéré (alimentation, respiration, déglutition).
Imagerie
- Orthopantomogramme (panoramique) : cliché de base permettant de visualiser le bloc osseux d’ankylose dans le sens sagittal, éventuelle dysmorphie, excellent pour l’examen du système dentaire.
- Téléradiographie de profil : pour les déformations squelettiques.
- Tomodensitométrie (TDM) : images précises du bloc d’ankylose, de son extension dans les 3 plans de l’espace, de l’interligne articulaire, de l’état de la cavité glénoïde et de la racine transverse du zygoma.
- Cône-Beam : alternative à la TDM, notamment chez l’enfant, moins irradiant.
- IRM : images précises pour les ankyloses fibreuses, mais sans intérêt pour les ankyloses osseuses.
Diagnostic différentiel
L’ankylose temporo-mandibulaire fait partie du grand groupe des limitations de l’ouverture buccale, dont il faut différencier :
- Trismus : non permanent, transitoire et évolutif.
- Constrictions permanentes osseuses extra-articulaires : synostose coronoidomalaire, ostéome du zygoma ou du maxillaire.
- Constrictions permanentes extra-osseuses : brides cutanéo-muqueuses (séquelles de brûlures, post-radiothérapie, sclérodermie).
- Simulation : certains patients peuvent simuler une limitation dans un contexte psychiatrique ou médico-légal. Provoquer un réflexe nauséeux peut faire céder la limitation.
Traitement
Traitement prophylactique
- Dépistage précoce et traitement des lésions condyliennes (choc vertical sur le menton, chercher systématiquement une fracture condylienne).
- Éviter l’immobilisation dans la mesure du possible (ne jamais immobiliser l’articulation en cas de fracture condylienne, notamment chez les enfants).
- Traitement des foyers infectieux pour éviter la propagation des infections de voisinage au niveau de l’articulation.
Traitement curatif
Le traitement est chirurgical avec les objectifs suivants :
- Lever l’obstacle et libérer l’articulation.
- Permettre une ouverture buccale.
- Maintenir les résultats obtenus et éviter les récidives.
- Restaurer l’harmonie de la face et améliorer l’esthétique.
Âge d’intervention
Intervention précoce, dès que possible, une fois le diagnostic posé, avec comme impératif un enfant suffisamment mature et motivé pour adhérer à sa rééducation postopératoire (en pratique, plus de 6 ans).
Protocole du traitement chirurgical
- Anesthésie : générale avec intubation naso-trachéale.
- Voies d’abord : pré-auriculaire (voie directe), sous-angulo-mandibulaire (voie indirecte), ou les deux.
- Résection et suppression du bloc d’ankylose : résection suffisante (8 mm à 1 cm) pour éviter les récidives.
- Arthroplastie : donner une forme à la zone de résection pour former un néocondyle.
- Coronoïdectomie : uni- ou bilatérale, soit parce que le coronoïde est impliqué dans l’ankylose, soit parce que le muscle temporal rétracté risque de constituer un obstacle à l’ouverture buccale.
- Reconstructions et interpositions : éviter la récidive en barrant la prolifération osseuse avec :
- Matériaux alloplastiques : résine, prothèse, lames métalliques, silicone.
- Matériaux autogènes : aponévrose, muscle, peau, derme.
Rééducation fonctionnelle
Indispensable en postopératoire pour la réussite du traitement.
Impératifs
- Mise en œuvre précoce.
- Participation persévérante du patient.
Objectifs
- Maintenir, voire améliorer le gain chirurgical (amplitude d’ouverture buccale).
- Améliorer la trophicité locale.
- Assouplir les structures capsulo-ligamentaires et musculaires.
- Augmenter les mouvements de latéralité et de propulsion.
- Rétablir l’équilibre des forces musculaires.
Moyens
- Kinésithérapie : assouplissement des structures capsulo-ligamentaires et musculaires (chaleur, massage, étirements) à visée sédative et décontracturante pour préparer à la mécanothérapie.
- Mécanothérapie : mouvements actifs ou passifs des articulations au moyen d’appareils spéciaux (mobilisateurs) pour des ouvertures et fermetures maximales, propulsion maximale et latéralité.
Séquelles et complications
Lorsqu’une ankylose survient chez l’enfant, elle entraîne des troubles de la croissance mandibulaire et maxillaire, d’autant plus marqués qu’elle survient à un stade précoce. La destruction du cartilage condylien et l’absence de mouvements ont un retentissement sur la croissance de la mandibule et indirectement sur celle du maxillaire supérieur.
Complications locales
- Hypotrophie mandibulaire :
- Formes unilatérales : latéro-micrognathie, asymétrie faciale.
- Formes bilatérales : micro-rétrognathie, profil d’oiseau.
- Polycaries, mauvaise hygiène bucco-dentaire, infections locales.
- Troubles de l’occlusion.
- Bouche et pharynx difficiles à examiner.
- Troubles phonatoires, masticatoires et respiratoires.
Complications générales
- Gêne alimentaire → troubles nutritionnels → enfant chétif et maigre.
- Troubles digestifs.
- Troubles psychologiques : problèmes d’insertion scolaire et sociale.
Conclusion
L’ATM est une articulation complexe et hautement spécialisée tant sur le plan anatomique que fonctionnel. Son ankylose est une évolution redoutable de toute lésion passée inaperçue ou mal prise en charge, intéressant son intégrité ou son environnement immédiat. Si le traitement étiologique reste du ressort de la chirurgie maxillo-faciale, le médecin dentiste participe amplement par un dépistage précoce, clé de la réussite de la prise en charge. L’étiologie traumatique est de loin la plus fréquente, notamment chez l’enfant. Le traitement est difficile, long et fastidieux, nécessitant l’implication et la persévérance du patient. Enfin, le risque d’échec et de récidive n’est pas à négliger.
Bibliographie
- Bénateau. H, Chatellier. A, Caillot. A, Diep. D, Ku`n-Darbois. J.-D, L’ankylose temporomandibulaire ; 52ᵉ congrès de la SFSCMFCO ; 2016.
- J.-F. Chassagne, S. Cassier, É. Simon, C. Wang, S. Chassagne, C. Stricker, J.-P. Fayard.
Ankylose temporo-mandibulaire / Pathologie et chirurgie buccale
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Ankylose temporo-mandibulaire / Pathologie et chirurgie buccale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.