Le diagnostic des anomalies dentaires
Le diagnostic des anomalies dentaires
(Diagnosis of dental anomalies)
INTRODUCTION:
De nombreuses anomalies du système dentaire (nombre, position, forme, éruption et structure) relèvent d’une origine exogène ou bien d’un mécanisme génétique dont les modalités sont de mieux en mieux connus. Des troubles systémiques peuvent aussi être responsables de situations pathologiques qui perturbent les facteurs fondamentaux de l’odontogenèse.
- Définition :
L’anomalie constitue une irrégularité, une déviation par rapport à ce qui est habituel.
GYSEL définit ainsi une anomalie dentaire : « toute altération de l’aspect externe, de la structure interne ou de la topographie d’une ou plusieurs dents, résultant d’un trouble quelconque survenu au cours du développement de la denture ».
- Classification :
- Anomalies de nombre :
- Réductions : l’agénésie dentaire :
- Anomalies de nombre :
- Définition :
C’est une anomalie de nombre correspondant à l’absence d’une unité dentaire, en relation avec l’absence du germe correspondant. Elle peut affecter une ou plusieurs dents (nombre inférieur à 6) et peut être uni ou bilatérale.
Remarque :
- L’hypodontie : c’est l’absence de quelques dents sans en préciser le nombre ;
- L’oligodontie (agénésies multiples) : c’est l’absence d’au moins 6 dents permanentes sur l’arcade, dds exclues ;
- L’anodontie : s’applique lors de l’absence totale de dents (temporaires et/ou permanentes). Elle est exceptionnelle, associée le plus souvent à une dysplasie ectodermique anhidrotique.
- Fréquence :
- L’agénésie touche particulièrement les dents de fin de série, elle affecte par ordre de fréquence (8 – 5< – 2> – 5>) : la dent de sagesse, suivie de la 2ème PM inférieure, de l’incisive latérale supérieure enfin la 2ème PM supérieure.
- Facteurs de variations :
- Selon le sexe : plus fréquente chez les filles ;
- Selon la race : plus fréquente chez les individus de race noire ou jaune ;
- Selon le type facial : plus fréquente chez les faces courtes ;
- Agénésie unilatérale : dans ¾ des cas, associée le plus souvent à un retard de formation du germe symétrique, à une microdontie ou à une anomalie de forme.
- Diagnostic positif :
L’interrogatoire permet d’exclure toutes autres causes possibles de l’absence du germe dentaire sur l’arcade (extraction, traumatisme, pathologie infectieuse…).
La radiographie panoramique et rétro-alvéolaire permet d’éliminer un éventuel retard d’éruption ou d’inclusion dentaire (confirme l’absence du germe dentaire).
- Diagnostic différentiel : il se fait avec :
- Les retards d’éruption ;
- Les inclusions dentaires ;
- La perte prématurée de la dent ou les extractions dentaires ;
- La fusion dentaire (synodontie).
- Augmentations :
L’augmentation de la formule dentaire (polyodontie ou hyperodontie) est beaucoup plus rare que sa réduction.
- Classification :
- Les dents supplémentaires : elles présentent une forme harmonieuse et un volume à peu près identique à la dent habituelle. Elles sont localisées soit sur la ligne d’arcade, soit en position linguale ou vestibulaire par rapport à la dent normale.
Les dents les plus affectées sont : les incisives latérales supérieures, incisives inférieures, molaires et prémolaires.
- Les dents surnuméraires : ce sont des dents de forme atypique, le plus souvent conoïde et de volume très réduit :
- L’odontome : c’est une tumeur odontogénique bénigne la plus fréquente des maxillaires se situe généralement dans la région prémolo-molaire. Il peut être complexe ou composé.
- Le mésiodens : est une dent conoïde, siège le plus souvent entre les 2 incisives centrales maxillaires. Elle peut gêner leur éruption. Il peut se présenter en anastrophie (retournement du germe ; la racine se retrouvant en direction buccale).
L’excès multiples (hyperdontie syndromique) est l’un des signes des grands syndromes faciaux comme la dysostose cléido-crânienne (syndrome de PIERRE MARIE et SAINTON).
- Etiologies :
- L’hérédité comme étant un facteur clé dans le développement des dents surnuméraires ;
- L’hyperactivité locale anarchique de la lame dentaire ;
- Prolifération des débris épithéliaux de la lame dentaire ;
- Division du germe dentaire.
- Conséquences :
- Empêcher l’éruption d’une dent définitive ;
- Dévier l’évolution de dents permanentes voisines ;
- Malpositions : versions, rotation… ;
- Résorptions pathologiques ;
- DDM par macrodontie relative si dent surnuméraire ou supplémentaire évoluées.
- Anomalies de position ou de situation des dents :
En plus des versions, des rotations et des ectopies dentaires on peut citer :
- L’inclusion dentaire :
- Définition :
Une dent incluse proprement dite est « une dent encore incluse dans l’os maxillaire ou mandibulaire dont l’édification radiculaire apicale s’est terminée avant que le processus d’éruption ne lui ait permis d’évoluer jusque dans le milieu buccal, sans la moindre effraction de la muqueuse orale et sans contamination du sac péricoronaire par la flore bactérienne buccale.
- La transposition dentaire :
Elle correspond à une inversion (permutation) de la position habituelle de 2 dents (adjacentes ou non).
Au maxillaire, la forme la plus fréquemment retrouvée est la transposition 1ère PM-canine ; suivie de canine-incisive latérale et l’inverse à la mandibule.
- L’hétérotopie : (Du grec hétéros : autre ; topos : lieu)
Une dent hétérotopique est une dent située à une place anormale au-delà de l’environnement anatomique régionale habituelle de la mandibule ou du maxillaire.
Ex : canine près de l’orbite, dent de sagesse dans la branche montante.
- Anomalies de forme :
- Anomalies de taille (volume) :
Les termes de microdontie et macrodontie concernent des dents anormalement petites ou grandes, soit pour la totalité de la denture, soit pour quelques éléments.
- Macrodontie :
C’est l’augmentation de la taille des dents qui peut être localisée à une dent ou à un groupe de dents (le plus souvent les incisives supérieures et particulièrement les incisives centrales qui sont anormalement large).
- Microdontie :
C’est la réduction harmonieuse du volume des dents, elle peut être localisée à une dent (l’incisive latérale supérieure le plus souvent), à un groupe de dents, ou affecter l’ensemble de la denture. Elle est liée au génotype.
Le diagnostic différentiel se fait avec la DDM par macrodontie ou microdontie relatives : les dents sont de taille habituelle sur des maxillaires qui présentent des dimensions grandes ou réduites.
- Anomalies morphologiques :
Les anomalies morphologiques peuvent donner à la dent un aspect inhabituel :
- Le tubercule de CARABELLI : c’est une cuspide surnuméraire située à la face palatine de la 1ère molaire maxillaire.
- Le tubercule de BOLK : c’est une cuspide surnuméraire située à la face antéro- vestibulaire des molaires supérieures.
- La perle d’email : c’est une masse circulaire de matériel calcifié qui apparait le plus souvent dans la bifurcation des molaires et est attachée à la surface externe de la dent.
Il faut y ajouter des dystrophies coronoradiculaires non spécifiques responsables de divers tableaux de :
- La dent invaginée « dens in dente » (Fig.2) : c’est une invagination de l’organe de l’émail dans la pulpe, l’incisive latérale supérieure permanente est la plus impliquée.
- La gémination (a) : elle représente une division incomplète d’un germe, en général une incisive. L’encoche médiane coronaire et la présence d’une seule racine sont le témoin de cette anomalie.
- La schizodontie (b) : c’est une division complète d’un germe, ce qui va aboutir à la formation d’une dent supplémentaire.
- La fusion (synodontie) (c) : c’est l’union de 2 germes par leur dentine au moment de la dentinogénèse.
- La concréscence (d) : c’est l’union de 2 dents par leur cément au moment de la cémentogénèse (par hypercémentose). Il n’est pas rare que le phénomène s’observe entre une dent incluse et un élément normalement évolué sur l’arcade.
- Le taurodontisme (Fig.4) : c’est une dysmorphie découverte à l’examen radiographique, caractérisée par une vaste chambre pulpaire des prémolaires mais surtout des molaires ; due au déplacement apical de la furcation radiculaire.
- La dilacération corono-radiculaire (Fig.5) : c’est une anomalie caractérisée par une angulation entre la couronne et la racine de la dent permanente. Elle fait suite à un choc mécanique (traumatisme) affectant l’incisive temporaire (qui se transmis au germe de la dent permanente au cours de la minéralisation de la couronne vers
l’âge de 4 à 5 ans).
- Anomalies d’éruption des dents :
Il s’agit d’un retard ou d’une précocité d’éruption localisée à une dent ou affectant l’ensemble de la denture.
- Eruptions précoces et prématurées :
- Les dents natales et néonatales :
Les dents natales sont présentes dès la naissance de l’enfant tandis que les dents néonatales font éruption au cours du 1er mois de l’enfant.
Dans la majorité des cas, il s’agit d’incisives mandibulaires (85 %), dans 5 % des cas d’incisives maxillaires ou de molaires, enfin, dans 10 % des cas, de formations odontoïdes.
- L’éruption précoce :
L’éruption d’une dent temporaire est dite précoce lorsqu’elle survient 1 mois (incisive) à 6 mois (molaire) avant l’âge moyen d’éruption et plus d’1 an avant pour les dents permanentes.
Une précocité marquée associée à un âge osseux habituel peut provoquer une DDM transitoire.
- L’éruption prématurée :
Elle amène sur l’arcade dentaire des dents immatures, à l’état de germes. L’étiologie peut être d’origine traumatique, tumorale ou infectieuse.
- Eruptions retardées :
On parle de retard d’éruption d’une dent temporaire lorsque celle-ci apparait au-delà de 6 mois après l’âge d’éruption habituellement admis et 1 an après pour les dents permanentes.
Elle est d’étiologies multiples :
- Etiologies locales : l’hyperplasie gingivale congénitale ou médicamenteuse, kyste péricoronaire d’éruption, DDM par macrodontie relative, présence des dents surnuméraires ou supplémentaires, l’avulsion précoce de la dent temporaire.
- Etiologies générales : génétiques (syndrome de Down, dysplasie ectodermique anhidrotique, la dysostose cléidocrânienne..), carentielles (carence en vitamine A et D), ou endocriniennes (l’hypopituitarisme ; l’hypothyroïdie et l’hypoparathyroïdie).
- Anomalies de structure :
Elles reflètent les altérations des tissus constitutifs de la dent, d’origine génétique ou liées à l’environnement local ou systémique.
- Amélogénèse imparfaite :
- Forme hypoplasique : (défaut quantitatif)
- Elle résulte d’un déficit matriciel.
- La surface coronaire est irrégulière (parfois bosselée avec des stries, des fissures et des puits).
- L’émail est lisse et dur, mais sa minceur laisse transparaître la coloration jaune de la dentine.
- Radiologiquement : présence des
striations transversales ou verticales et d’une image de l’émail globalement aminci.
- Forme hypomature : (défaut qualitatif)
- L’émail est d’épaisseur normale mais sa dureté est moindre.
- L’aspect montre des marbrures jaune brun par place, ou des opacités blanchâtres.
- Radiologiquement, densité amélaire un peu affaiblie (radio-opacité amélaire similaire à celle de la dentine).
- Forme hypomineralisée : (défaut qualitatif survenant durant la calcification)
- C’est le reflet d’une calcification insuffisante de la phase organique.
- L’épaisseur d’émail est normale, mais sa consistance est très altérée. Le tissu est mou et friable, avec un aspect terne et crayeux.
- Radiologiquement, la densité est faible et la jonction amélo-dentinaire peu visible.
- Dentinogénèse imparfaite :
Elle rencontre soit isolée, soit associée à une des formes de l’ostéogenèse imparfaite et se caractérise par :
- Usure coronaire +/- intense ;
- La coloration générale est ambrée, translucide ;
- L’émail d’aspect bleuté, fragile et se détache facilement.
- Radiologiquement : couronnes de forme globuleuse avec des racines fines leur confèrent une forme dite en « battant de cloche ». Parfois, aucune image pulpaire n’est visible.
- Dysplasie dentinaire (DD) : 2 types sont décrits :
- Dysplasie dentinaire coronaire (DD de type II)
Elle se caractérise par l’atteinte des dents de lait seulement, la couleur est ambrée et translucide. Toutefois, la chambre pulpaire présente un aspect en « chardon ». La structure histologique de la dentine est très anarchique.
- Dysplasie dentinaire radiculaire (DD de type I), forme des « dents sans racines »
- La couleur et l’aspect de la couronne sont normaux ;
- Seules les racines sont anormalement courtes, favorisant une certaine mobilité. La chambre pulpaire est absente. La structure des tubules dentinaires est désorganisée.
CONCLUSION :
Les anomalies dentaires compliquent, le plus souvent, la stratégie et le bon déroulement d’un traitement orthodontique. Un diagnostic fiable et précis est indispensable pour initier le traitement le plus adapté.
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Le diagnostic des anomalies dentaires
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Le diagnostic des anomalies dentaires

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.