Vieillissement des fonctions (salivation, mastication, gustation)

Vieillissement des fonctions (salivation, mastication, gustation)

Vieillissement des fonctions (salivation, mastication, gustation)

Vieillissement des fonctions orales : salivation, mastication, gustation

Le vieillissement est un processus naturel, lent et progressif qui affecte l’ensemble des organes et des fonctions de l’organisme, y compris ceux de la cavité buccale. Les structures buccales, telles que les dents, les muqueuses, les tissus de soutien, les récepteurs sensoriels, les fibres nerveuses et la salive, subissent des modifications physiologiques liées à l’âge. Ces altérations peuvent avoir des répercussions significatives sur la santé globale, la nutrition et la qualité de vie des personnes âgées, en particulier celles qui sont fragiles ou dépendantes. Cet article explore en détail les effets du vieillissement sur trois fonctions essentielles de la cavité buccale : la salivation, la mastication et la gustation, tout en proposant des stratégies pour préserver l’écosystème buccal.


Vieillissement et ses impacts sur la cavité buccale

Le vieillissement de la sphère orale touche l’ensemble des structures qui la composent : les dents, les gencives, les muqueuses, les glandes salivaires, ainsi que les nerfs et récepteurs sensoriels. Ces changements, souvent insidieux, peuvent altérer les fonctions orales, entraînant des troubles fonctionnels et des complications cliniques. Les personnes âgées, en particulier celles de plus de 80 ans, sont plus susceptibles de présenter des déséquilibres dans l’écosystème buccal, qui repose sur un équilibre délicat entre la flore commensale, la réponse tissulaire et la sécrétion salivaire. Ces déséquilibres peuvent être exacerbés par des pathologies chroniques, des traitements médicamenteux ou des modifications hormonales.


Effets du vieillissement sur la salivation

Rôle fondamental de la salive

La salive joue un rôle central dans le maintien de la santé buccale. Elle hydrate en permanence la cavité buccale, protège les tissus et facilite les fonctions orales. Ses rôles peuvent être regroupés en trois grandes catégories :

Rôle mécanique

  • Nettoyage et détersion : La salive élimine les débris alimentaires et tissulaires, réduisant le risque d’accumulation de plaque dentaire.
  • Lubrification : Elle réduit les frictions entre les dents, les muqueuses et les prothèses dentaires, améliorant le confort.
  • Facilitation de la mastication : La salive ramollit les aliments, facilitant la formation du bol alimentaire et la déglutition.

Rôle protecteur

  • Hydratation des muqueuses : La salive maintient l’hydratation des muqueuses grâce à la formation d’une pellicule protectrice riche en mucines, immunoglobulines (IgA) et enzymes comme le lysozyme.
  • Stabilisation du pH buccal : Son pouvoir tampon neutralise les acides produits par les bactéries, maintient l’équilibre de la flore buccale, prévient la prolifération de micro-organismes pathogènes et favorise la cicatrisation des tissus.
  • Protection contre les caries : En reminéralisant l’émail dentaire, la salive réduit le risque de caries.

Rôle immunitaire et antibactérien

  • Action antifongique : L’histatine, une protéine salivaire, inhibe la prolifération de Candida albicans, réduisant le risque de candidoses.
  • Agrégation bactérienne : La salive regroupe les bactéries en amas, facilitant leur élimination par le flux salivaire.

Modifications de la sécrétion salivaire avec l’âge

Des études récentes ont montré que la sécrétion salivaire diminue chez les personnes âgées, en particulier après 80 ans, tant au repos qu’après stimulation. Cette diminution affecte principalement les glandes sous-maxillaires et sublinguales, qui produisent la salive visqueuse riche en mucines. Les causes physiologiques de cette hyposialie incluent :

  • Atrophie du parenchyme salivaire : Dès l’âge de 50 ans, les glandes salivaires subissent une réduction progressive de leur tissu fonctionnel.
  • Diminution du volume des acini : Les unités sécrétrices des glandes salivaires rétrécissent, réduisant la production de salive.
  • Irrégularité des canaux sécrétoires : Les canaux deviennent moins efficaces, entravant l’écoulement de la salive.
  • Vieillissement du système nerveux autonome : La régulation nerveuse des glandes salivaires s’affaiblit, réduisant leur réactivité.

Facteurs aggravants

Plusieurs facteurs contribuent à l’aggravation de l’hyposialie chez les personnes âgées :

  • Médicaments : De nombreux traitements couramment prescrits en gériatrie, tels que les anxiolytiques, psychotropes, antihypertenseurs, bêtabloquants, diurétiques, antiarythmiques, antalgiques, antihistaminiques, anticholinergiques et agonistes dopaminergiques, ont un effet asséchant sur la cavité buccale.
  • Facteurs hormonaux : Les femmes âgées, en raison des changements hormonaux liés à la ménopause et d’un volume glandulaire naturellement plus faible, sont particulièrement touchées par la xérostomie (sensation de bouche sèche).
  • Perte dentaire : Les pathologies parodontales et l’édentement non compensé réduisent la stimulation mécanique des glandes salivaires, car les mouvements de mastication sont limités.
  • Prothèses dentaires : Les résines des prothèses, poreuses, absorbent la salive, aggravant la sécheresse buccale.
  • Pathologies systémiques : Des maladies comme le diabète, le syndrome de Gougerot-Sjögren, la polyarthrite rhumatoïde, la sarcoïdose ou les cancers orofaciaux réduisent directement la production salivaire.

Conséquences de l’hyposialie

La diminution du flux salivaire entraîne une série de symptômes et de complications qui affectent la qualité de vie des patients âgés :

  • Xérostomie : Sensation de bouche ou de gorge sèches et collantes.
  • Lèvres fendillées et langue sèche, parfois rouge ou fissurée.
  • Brûlures buccales : Irritation ou sensation de brûlure, particulièrement lors de la consommation d’aliments épicés.
  • Soif accrue : Besoin constant de boire pour compenser la sécheresse.
  • Dysgueusie : Altération de la perception des goûts, rendant les aliments moins savoureux.
  • Dysphagie : Difficultés à mastiquer et à avaler, augmentant le risque de fausse route.
  • Dysphonie : Troubles de l’élocution dus à la sécheresse des muqueuses.
  • Problèmes prothétiques : Inconfort ou instabilité des prothèses dentaires.
  • Déséquilibre de la flore buccale : Multiplication des levures (Candida albicans), aggravation des maladies parodontales et apparition de caries ou de lésions muqueuses.
  • Halitose : Mauvaise haleine due à l’accumulation de bactéries.

Stratégies pour préserver l’écosystème buccal

Pour contrer les effets de l’hyposialie et maintenir un écosystème buccal équilibré, il est essentiel d’adopter des mesures préventives et curatives centrées sur deux axes : l’équilibre de la flore bactérienne et la stabilisation du pH buccal.

Équilibrer la flore bactérienne

  • Hygiène buccodentaire quotidienne : Un brossage régulier, associé à des soins prothétiques adaptés, est indispensable pour éliminer la plaque dentaire et prévenir les infections.
  • Soins conservateurs : Les détartrages, les traitements des caries et, si nécessaire, les extractions dentaires permettent de limiter les foyers infectieux.
  • Restauration prothétique : La réfection ou l’adaptation des prothèses améliore la mastication et stimule la sécrétion salivaire.

Stabiliser le pH buccal

  • Hydratation et lubrification : L’utilisation de substituts salivaires ou de gels hydratants peut soulager la xérostomie et réduire les sensations de brûlure ou de picotement.
  • Éviter les produits asséchants : Les bains de bouche alcoolisés ou contenant des antiseptiques agressifs, ainsi que les dentifrices fortement mentholés, doivent être évités, car ils déséquilibrent la flore buccale et accentuent l’inconfort.
  • Utilisation de bicarbonate de sodium : Les rinçages buccaux avec une solution de bicarbonate de sodium réduisent l’acidité buccale, limitant ainsi le risque de mycoses et favorisant un environnement oral sain.

Effets du vieillissement sur la gustation

Altérations des perceptions gustatives

À partir de 65 ans, les personnes âgées présentent fréquemment une diminution de la perception gustative, liée à plusieurs facteurs physiologiques et environnementaux. Cette altération, appelée hypogueusie (diminution du goût) ou agueusie (perte totale du goût), affecte principalement les saveurs salées et sucrées, tandis que la perception de l’amer persiste plus longtemps. Les causes principales incluent :

  • Réduction des bourgeons gustatifs : Le nombre de papilles gustatives diminue avec l’âge, et leur efficacité s’amoindrit.
  • Atrophie des muqueuses : Les muqueuses linguales et buccales s’atrophient, réduisant la surface disponible pour les récepteurs gustatifs.
  • Hyposialie : La diminution de la sécrétion salivaire altère la dissolution des molécules sapides, indispensable à la perception des goûts.
  • Médicaments : Certains traitements, comme les antihypertenseurs ou les psychotropes, modifient la perception gustative.
  • Carences nutritionnelles : Les déficiences en zinc, cuivre, folates ou fer (anémie sidéropénique) entraînent une dépapillation linguale, réduisant la sensibilité gustative.
  • Prothèses dentaires : Les prothèses, en recouvrant les papilles gustatives, interfèrent avec la transmission des signaux gustatifs au cerveau.
  • Déséquilibres hormonaux : Chez les femmes ménopausées, les fluctuations estroprogestatives peuvent provoquer des pantogueusies (hallucinations gustatives, souvent métalliques ou acides).

Conséquences des troubles gustatifs

La diminution du goût, combinée à une altération de l’odorat (qui débute vers 70 ans chez les hommes et dès 40-50 ans chez les femmes), entraîne une perte d’appétit et une satiété précoce. Ces modifications peuvent conduire à une anorexie, voire à une dénutrition chez les personnes très âgées, avec des conséquences graves sur leur santé globale. Les troubles gustatifs affectent également le plaisir alimentaire, réduisant la qualité de vie et le lien social, souvent centré autour des repas.


Effets du vieillissement sur la mastication

Impact de l’édentement et des troubles buccaux

La prévalence de l’édentement augmente avec l’âge, entraînant des difficultés masticatoires qui affectent directement l’alimentation. Les principaux facteurs contribuant à ces troubles incluent :

  • Perte dentaire : Les caries, les maladies parodontales et les traumatismes dentaires réduisent le nombre de dents fonctionnelles.
  • Prothèses inadaptées : Des prothèses mal ajustées ou usées limitent l’efficacité masticatoire.
  • Douleurs buccales : Les lésions muqueuses, les infections ou les dents cassées rendent la mastication douloureuse.
  • Atrophie musculaire : Les muscles masticateurs, comme le masséter et le temporal, perdent en force et en coordination avec l’âge.

L’efficacité masticatoire des personnes âgées édentées peut être réduite de 50 à 80 % par rapport à celles ayant une dentition complète. Cette diminution empêche une adaptation adéquate de la mastication aux propriétés des aliments (dureté, texture), rendant la déstructuration des aliments moins efficace.

Conséquences nutritionnelles

Les troubles masticatoires conduisent les personnes âgées à modifier leurs choix alimentaires, privilégiant des aliments mous, collants ou faciles à avaler, souvent moins riches en nutriments. Les fruits et légumes crus, les viandes fibreuses et les aliments durs sont fréquemment éliminés, entraînant :

  • Carences nutritionnelles : Une réduction des apports en fibres, vitamines et protéines, essentielle à la santé globale.
  • Dénutrition : La diminution de l’apport alimentaire, combinée à une mauvaise absorption des nutriments due à une mastication inefficace, augmente le risque de dénutrition.
  • Perte de plaisir alimentaire : La limitation des choix alimentaires réduit la variété et le plaisir des repas, affectant le bien-être psychologique.

Prise en charge et prévention

Hygiène buccodentaire adaptée

Une hygiène buccodentaire rigoureuse est essentielle pour préserver la santé orale des personnes âgées. Les recommandations incluent :

  • Brossage quotidien : Utiliser une brosse à dents souple et un dentifrice non abrasif pour éviter l’irritation des muqueuses.
  • Soins prothétiques : Nettoyer les prothèses quotidiennement pour éviter l’accumulation de bactéries et de levures.
  • Contrôles dentaires réguliers : Les visites chez le dentiste permettent de détecter et de traiter précocement les caries, les infections ou les malpositions prothétiques.

Restauration fonctionnelle

  • Réadaptation prothétique : Des prothèses bien ajustées améliorent la mastication et la stimulation salivaire.
  • Soins conservateurs : Les traitements des caries et des maladies parodontales préservent les dents restantes.
  • Substituts salivaires : Les sprays ou gels hydratants soulagent la xérostomie et améliorent le confort buccal.

Approche nutritionnelle

Pour contrer les troubles gustatifs et masticatoires, il est recommandé de :

  • Enrichir les aliments : Ajouter des épices douces, des herbes ou des exhausteurs de goût pour stimuler l’appétit sans irriter les muqueuses.
  • Adapter les textures : Proposer des aliments hachés ou mixés, riches en nutriments, pour faciliter la mastication et la déglutition.
  • Surveiller les apports nutritionnels : Une consultation avec un diététicien peut aider à prévenir la dénutrition.

Suivi multidisciplinaire

La prise en charge des personnes âgées doit être globale et impliquer :

  • Dentistes : Pour les soins buccodentaires et prothétiques.
  • Gériatres : Pour gérer les pathologies systémiques et les traitements médicamenteux.
  • Orthophonistes : Pour traiter les troubles de la déglutition et de l’élocution.
  • Diététiciens : Pour optimiser l’alimentation et prévenir la dénutrition.

Conclusion

Le vieillissement des fonctions orales, incluant la salivation, la mastication et la gustation, a des répercussions significatives sur la santé et la qualité de vie des personnes âgées. La diminution de la sécrétion salivaire, l’altération des perceptions gustatives et les troubles masticatoires, souvent aggravés par l’édentement, les pathologies chroniques et les traitements médicamenteux, peuvent conduire à des complications graves comme la dénutrition, les infections buccales ou l’isolement social. Une prise en charge proactive, combinant une hygiène buccodentaire rigoureuse, des soins dentaires adaptés, une restauration prothétique efficace et une approche nutritionnelle ciblée, est essentielle pour préserver l’écosystème buccal et garantir un confort optimal. En gériatrie, où la nutrition et le lien social jouent un rôle clé, le maintien d’une santé orale satisfaisante est un enjeu majeur pour améliorer la qualité de vie des patients âgés, en particulier ceux qui sont fragiles ou dépendants.

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