Valvulopathies et endocardite infectieuse (EI)
Valvulopathies et endocardite infectieuse (EI)
Rappel anatomique
Le fonctionnement du cœur
Les valves cardiaques sont des structures élastiques, non contractiles, qui empêchent le reflux du sang d’une cavité cardiaque vers une autre. Elles sont au nombre de quatre :
- La valve aortique : située entre le ventricule gauche et l’aorte ascendante.
- La valve mitrale : située entre l’oreillette gauche et le ventricule gauche, composée d’une petite valvule et d’une grande valvule, reliées par des cordages (fibres élastiques) au muscle cardiaque par l’intermédiaire des piliers.
- La valve tricuspide : située entre l’oreillette droite et le ventricule droit.
- La valve pulmonaire : située entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire.
En temps normal, les valvules du cœur régulent le débit sanguin dans les cavités cardiaques.
Épidémiologie
Une étude américaine montre que près de 2 % de la population adulte est porteuse d’une valvulopathie, la plus fréquente étant l’insuffisance mitrale. La prévalence augmente avec l’âge, atteignant 10 à 15 % chez les patients de plus de 75 ans, et devrait continuer à croître avec le vieillissement de la population.
Une valvulopathie survient lorsque une ou plusieurs valvules cardiaques ne fonctionnent pas correctement.
Causes
Dans les pays occidentaux, la fréquence des valvulopathies d’origine rhumatismale diminue, tandis que celle des valvulopathies dégénératives augmente. Dans les pays en voie de développement, les atteintes rhumatismales prédominent.
Différentes atteintes valvulaires
En cas de valvulopathie, une valvule peut :
- Ne pas se fermer correctement (insuffisance ou fuite).
- Ne pas s’ouvrir complètement (sténose).
- Revenir à l’intérieur de la cavité cardiaque précédente en ballonnant (prolapsus valvulaire).
Ces anomalies peuvent affecter le débit sanguin, forçant le cœur à travailler plus intensément. Les valvulopathies touchent souvent une valve de manière isolée, mais des troubles poly-valvulaires peuvent coexister, et une valve peut être à la fois sténosante et insuffisante.
Types de troubles valvulaires
- Insuffisance aortique : absence d’étanchéité des valvules, entraînant un reflux sanguin de l’aorte vers le ventricule gauche pendant la diastole.
- Rétrécissement aortique : diminution de la surface de la valvule aortique, créant un obstacle à l’éjection du sang par le ventricule gauche dans l’aorte au cours de la systole.
- Insuffisance mitrale : fuite de la valvule mitrale, provoquant un reflux sanguin du ventricule gauche vers l’oreillette gauche pendant la systole.
- Rétrécissement mitral : sténose de l’orifice mitral, obstruant le flux sanguin de l’oreillette gauche vers le ventricule gauche.
- Prolapsus valvulaire mitral : ballonnement des valves mitrales dans l’oreillette gauche pendant la systole.
- Insuffisance ou reflux valvulaire pulmonaire : absence d’étanchéité de la valvule, entraînant un reflux sanguin de l’artère pulmonaire vers le ventricule droit pendant la diastole.
- Sténose pulmonaire : rétrécissement de la voie d’éjection pulmonaire, obstruant le flux sanguin du ventricule droit vers l’artère pulmonaire pendant la systole.
- Insuffisance tricuspidienne : perte d’étanchéité de la valvule tricuspide, entraînant un reflux sanguin du ventricule droit vers l’oreillette droite pendant la systole.
- Rétrécissement tricuspidien : rétrécissement de l’orifice tricuspide, obstruant le flux sanguin de l’oreillette droite vers le ventricule droit.
Endocardite infectieuse (EI)
Définition
L’endocardite infectieuse est une septicémie due à une bactérie ou une levure se greffant sur l’endocarde d’un cœur sain ou pathologique.
Intérêt de la question
Étiopathogénie
L’EI comprend quatre éléments principaux :
- Cardiopathie sous-jacente (sauf pour les EI aiguës).
- Porte d’entrée.
- Terrain de survenue.
- Agent infectieux.
Anapathologie
- Lésions endocardiques : principalement des végétations et des ulcérations.
- Lésions artérielles : embolies bactériennes (vaisseaux cérébraux, membres, rate) et anévrismes mycotiques.
Gravité
L’”>{</EI reste grave malgré les progrès médicaux et chirurgicaux, avec une mortalité de 6 à 25 % pour les EI subaiguës et 30 à 50 % pour les EI aiguës. Un diagnostic et un traitement précoces sont essentiels.
Prévention
La prévention, bien codifiée selon le niveau de risque, est la meilleure arme contre l’EI.
Manifestations cliniques (EI subaiguë d’Osler)
Circonstances de découverte
- Fièvre : signe majeur, constante.
- Céphalées, arthromyalgies.
- Hémiplégie ou accident déficitaire transitoire.
- Embolie artérielle (cérébrale ou périphérique), hémorragie cérébroméningée, hématome intracérébral.
- Douleur de l’hypochondre gauche.
Examen clinique
Syndrome infectieux
- Fièvre : symptôme majeur, presque toujours présent.
- Splénomégalie : présente dans 20 à 40 % des cas, parfois douloureuse.
- Toute fièvre chez un sujet porteur d’un souffle cardiaque doit faire suspecter une EI et justifier des hémocultures.
Signes cardiaques
- Apparition ou modification d’un souffle cardiaque, surtout de régurgitation, est très évocateur.
- Association fièvre + souffle cardiaque : forte valeur diagnostique.
- Insuffisance cardiaque : doit faire suspecter une EI en cas de fièvre.
- Plus rarement : atteinte coronaire ou péricardique.
Manifestations extracardiaques
Signes cutanés
- Faux panaris d’Osler : nodosités rougeâtres très spécifiques au niveau de la pulpe.
- Érythème de Janeway : précoce, indolore, palmoplantaire.
- Hippocratisme digital : fréquent, tardif, évocateur en cas de fièvre.
- Purpura vasculaire.
Manifestations neurologiques
- Infarctus cérébraux ou hémorragies cérébrales, de mauvais pronostic.
Examens paracliniques
Examens d’orientation
- Non spécifiques, parfois absents.
- FNS : anémie normocytaire normochrome, hyperleucocytose inconstante.
- Augmentation de la VS et de la CRP.
- Hypergammaglobulinémie polyclonale, facteurs rhumatoïdes, complexes immuns, cryoglobulinémie.
- Hématurie-protéinurie.
Examens décisifs
Hémocultures
- Examen de référence : 3 à 4 hémocultures à 1 heure d’intervalle, avant antibiothérapie, aux pics fébriles ou frissons.
- En cas d’antibiothérapie, une fenêtre thérapeutique est nécessaire.
- Cultures en milieu aérobie et anaérobie.
- Délai d’isolement : 1 à 3 semaines pour les bactéries à croissance lente (HACEK, streptocoques déficients, levures).
Échographie cardiaque
- Intérêt triple :
- Diagnostique : confirme le diagnostic avec 90 % de sensibilité (signe principal : végétations).
- Pronostique : évalue la sévérité des lésions valvulaires et l’impact hémodynamique.
- Thérapeutique : guide la décision chirurgicale (type et moment).
Diagnostic positif
Basé sur les critères de Durack :
- EI certaine : 2 critères majeurs ou 1 critère majeur + 3 critères mineurs.
Critères majeurs
- Hémocultures positives :
- 2 hémocultures positives pour streptocoque non groupable, Streptococcus bovis, groupe HACEK, staphylocoque ou entérocoque sans foyer identifié.
- Hémocultures positives persistantes pour le même organisme.
- Atteinte de l’endocarde :
- Clinique : souffle de fuite valvulaire récent.
- Échographique : végétations, abcès, nouvelle fuite périprothétique.
Critères mineurs
- Cardiopathie prédisposante ou toxicomanie.
- Fièvre > 38 °C.
- Phénomènes vasculaires : embolie artérielle, anévrismes mycotiques, infarctus pulmonaires, hémorragies conjonctivales ou cérébrales.
- Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, nodules d’Osler, taches de Roth.
- Critères microbiologiques : hémocultures positives ne répondant pas aux critères majeurs, sérologie positive pour un germe d’EI.
- Critères échographiques : échographie compatible sans répondre aux critères majeurs.
Porte d’entrée (PE)
- Identifiée dans 50 % des cas.
- Buccodentaire : la plus fréquente (streptocoque, soins dentaires avec saignement).
- ORL : otite, sinusite.
- Génitourinaire : chirurgie, entérocoque ou bacilles gram négatif (BGN).
- Digestive : fréquente chez les personnes âgées (Streptococcus bovis, entérocoque).
- Cutanée : rare, staphylocoque doré ou épidermidis.
- Iatrogène : cathéters, pacemakers, chirurgie cardiaque.
Complications de l’EI
Complications cardiaques
- Insuffisance cardiaque.
- Embolies coronaires.
- Troubles de la conduction.
- Arythmies supra-ventriculaires et ventriculaires.
- Péricardite septique.
Complications extracardiaques
- Neurologiques : AVC.
- Rénales : insuffisance rénale, infarctus rénaux.
- Spléniques : infarctus, abcès.
- Embolies et anévrismes artériels mycotiques périphériques.
- Ostéoarticulaires : ostéoarthrite.
Formes particulières
EI du sujet âgé
- En augmentation en raison de l’allongement de l’espérance de vie.
- Survient sur valvulopathie dégénérative ou matériel intracardiaque.
- Mortalité hospitalière plus élevée que chez l’adulte jeune.
EI sur prothèse valvulaire
- Représente plus de 20 % des EI.
- EI précoces (< 2 mois post-opération) : très graves (germes virulents, cœur déjà opéré).
- EI tardives : 0,5 % patient/an, graves en raison des complications emboliques et des difficultés chirurgicales.
EI des toxicomanes
- En augmentation, touche les jeunes.
- Localisation tricuspidienne fréquente, mais les valves gauches sont également atteintes.
- Staphylocoque : responsable de 65 % des cas.
- Pronostic favorable pour l’atteinte tricuspidienne isolée.
Évolution et pronostic
- Variable selon le germe, la précocité du diagnostic, la présence d’insuffisance cardiaque et le terrain.
Diagnostic différentiel
- Collagénoses (ex. : lupus systémique).
- En cas de cardiopathie préexistante :
- Hémocultures positives : éliminer une contamination.
- Hémocultures négatives : éliminer rhumatisme articulaire aigu, maladie thromboembolique, surinfection pulmonaire.
- Post-chirurgie cardiaque : éliminer une infection pariétale.
Traitement
But
- Éradiquer l’infection.
- Prévenir les complications cardiaques et extracardiaques.
- Prendre en charge les lésions cardiaques extensives et les complications focales extracardiaques.
Moyens
Hospitalisation
- Nécessaire pour une prise en charge optimale.
Traitement médical
- Antibiotiques bactéricides : précoces, par voie intraveineuse, à forte dose, prolongés.
- Traitement adapté selon l’antibiogramme.
Traitement chirurgical
- Remplacement valvulaire.
Protocoles antibiotiques
Germe | Traitement | Posologie | Durée |
---|---|---|---|
Streptocoque viridans ou bovis | Pénicilline G + Gentamicine | 20-30 M UI/j + 3 mg/kg/j | 4 semaines (Péni G), 2 semaines (Gentamicine) |
En cas d’allergie : Céphalosporine ou Vancomycine | 30 mg/kg/j (max 2 g/j) | 4-6 semaines (prothèse : 6 semaines) | |
Streptocoque pyogène, pneumonie, groupe A-B-G | Pénicilline G (groupe A) | Forte dose | 4 semaines |
Pneumocoque résistant : Ceftriaxone + Vancomycine | – | – | |
Groupes B-C-G : Pénicilline G + Gentamicine | Forte dose + 3 mg/kg/j | 4 semaines + 5 jours | |
Entérocoque | Pénicilline G ou Ampicilline + Gentamicine | 12 g/j + 3 mg/kg/j | 6 semaines (Péni/Ampi), 2 semaines (Gentamicine) |
Alternative : Vancomycine + Aminosides | 30 mg/kg/j | – | |
Staphylocoque (valves natives) | Non méticillino-résistant : Oxacilline ou Céfazoline | 2 g/4h (Oxa) ou 2 g/8h (Céfa) | 4-6 semaines |
Méticillino-résistant : Vancomycine | 30 mg/kg/j | – | |
Staphylocoque (prothèse) | Méticillino-sensible : Oxacilline + Rifampicine + Aminoside | – | ≥ 6 semaines |
Méticillino-résistant : Vancomycine + Rifampicine | – | ≥ 6 semaines |
Traitement systématique de la porte d’entrée
- Recherche et traitement de la porte d’entrée systématiques.
Indications chirurgicales
- Insuffisance cardiaque résistante.
- EI emboligène.
- Infection résistante aux antibiotiques.
Surveillance
- Disparition de la fièvre et du syndrome inflammatoire : nécessaire mais non suffisante.
- Hémocultures : doivent devenir négatives rapidement et le rester.
Traitement préventif
Importance
- Éradication des foyers infectieux potentiels.
- Antibiothérapie prophylactique lors d’actes médico-chirurgicaux à risque.
Cardiopathies à risque d’EI
Prophylaxie recommandée
Haut risque :
- Prothèse valvulaire.
- Antécédent d’EI.
- Cardiopathie congénitale cyanogène.
- Shunts chirurgicaux.
Risque moyen :
- Autres cardiopathies congénitales.
- Valvulopathies acquises.
- Cardiomyopathie hypertrophique.
- Prolapsus mitral avec fuite ou épaississement valvulaire.
Prophylaxie non recommandée (risque faible)
- Communication interauriculaire.
- Shunt gauche-droit opéré.
- Pontage aortocoronarien.
- Prolapsus mitral sans fuite à valves fines.
- Pacemakers.
Gestes justifiant une prophylaxie
- Dilatations œsophagiennes, sclérose de varices œsophagiennes.
- Colonoscopie avec biopsies.
- Intubation intratrachéale.
- Interventions sur les voies urinaires.
- Interventions sur tissu cutané infecté.
- Infections parodontales (bactériémies spontanées).
Recommandations pour les soins dentaires
- Hygiène buccodentaire rigoureuse.
- Traitement de la racine :
- En une seule séance.
- Sous champ opératoire stérile.
- Endodonte accessible.
- Détartrage : autorisé.
- Implants et chirurgie parodontale : déconseillés.
- Patients à haut risque :
- Pulpopathies, parodontopathies, traumatismes : extraction.
- Prothèses sur dents à dépulper, implants, chirurgie parodontale : contre-indiqués.
- Préparation à une chirurgie valvulaire :
- Seules les dents pulpées ou avec un traitement parodontal parfait (> 1 an, parodonte intact) sont conservées.
- Extraction au moins 15 jours avant l’intervention.
- Antibioprophylaxie : nécessaire pour toute intervention autorisée, sauf caries superficielles et préparations prothétiques exsangues.
Antibioprophylaxie de l’EI (soins dentaires et voies aériennes supérieures)
Soins ambulatoires
Situation | Produit | Posologie (prise unique dans l’heure précédant le geste) |
---|---|---|
Pas d’allergie aux bêta-lactamines | Amoxicilline | 3 g per os |
Allergie aux bêta-lactamines | Clindamycine ou Pristinamycine | 600 mg ou 1 g per os |
Anesthésie générale
Produit | Posologie (avant, dans l’heure précédant le geste) | Posologie (6 h après) |
---|---|---|
Amoxicilline | 2 g IV perfusion (30 min) | 1 g per os |
Vancomycine ou Téricoplanine | 1 g IV perfusion ou 400 mg IV directe | Pas de 2e dose |
- Si plusieurs séances : espacer d’au moins 10 jours en cas d’antibiothérapie.
Conclusions
L’endocardite infectieuse est une maladie grave nécessitant un diagnostic et un traitement précoces pour réduire la morbi-mortalité. La prophylaxie est essentielle chez les populations à risque.
Références
- Pr François Delahaye, Dr André Mercusot, Dr Marie Célard et coll. Endocardite infectieuse. Revue du Praticien, 2005 : 55, I-7-Q80.
- J.P. Delahaye, R. Loire, F. Delahaye, F. Vandenesch, B. Hoen. Endocardite infectieuse. EMC, 11-013-B-10.
- Prevention of Bacterial Endocarditis – Tables, scientific statement.
- Gilbert Habib, Gérald Roul. Endocardite infectieuse. Juillet 2001.
- Avulsions dentaires et prévention de l’endocardite infectieuse : recommandations actuelles. Service de médecine interne, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France. Reçu le 13 mars 2007 ; accepté le 3 août 2007.
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Valvulopathies et endocardite infectieuse (EI)

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.