Thérapeutiques restauratrices adhésives, OCE
Introduction
L’adhésion a considérablement évolué depuis son apparition en dentisterie dans les années 1950, époque où une liaison entre l’adhésif et les tissus dentaires a été recherchée. Il est crucial pour le clinicien de comprendre les mécanismes d’adhésion, les matériaux à coller, les systèmes adhésifs dentaires et leur utilisation dans des situations cliniques spécifiques.
Définitions
Adhérence
L’adhérence désigne l’union d’une surface à une autre avec laquelle elle est en contact intime. Elle peut être définie comme la force qui lie deux matériaux de natures différentes mis en contact intime.
Cohésion
La cohésion est l’attraction entre atomes ou molécules d’une même substance.
Adhésion
L’adhésion est l’attraction des molécules de surfaces. La résistance du collage dépend de l’intensité des forces présentes sur chaque site de contact.
Adhésif
Un adhésif est une substance capable de se lier chimiquement aux tissus dentaires d’une part, et aux composites d’autre part.
Paramètres intervenant dans le phénomène d’adhérence
Le contact intime des adhésifs avec le substrat dépend de plusieurs facteurs :
Mouillabilité
La mouillabilité est l’aptitude d’un liquide à entrer en contact intime avec un solide. Il est difficile de forcer deux surfaces solides à adhérer. Pour surmonter cette difficulté, on utilise des liquides qui s’étalent entre les irrégularités des surfaces, assurant un contact sur la majeure partie de la surface solide. La mouillabilité d’un adhésif implique son potentiel à déplacer d’autres liquides ou gaz pour être en contact intime avec une surface.
Angle de contact
L’angle de contact est l’angle formé par l’adhésif avec le substrat, déterminant jusqu’à quel point l’adhésif mouillera la surface à adhérer. L’étalement du liquide est parfait uniquement si l’angle de contact est nul.

Énergie de surface
S’il existe une adhérence, les surfaces tendent à s’attirer à leur interface. Plus l’énergie de surface est grande, plus la capacité d’adhérence est élevée. Cependant, l’énergie de surface, et par conséquent les qualités adhésives d’un solide, peuvent être réduites par des impuretés à la surface.
Différents types d’adhésion
Adhésion micromécanique
Cette forme d’adhésion est directement liée à la présence d’irrégularités à la surface de la dent, telles que des puits et des fissures. Ces irrégularités créent une pression capillaire de l’adhésif, facilitant sa diffusion dans la surface rugueuse. Lorsque l’adhésif pénètre dans les puits, il est maintenu en place grâce à des contre-dépouilles microscopiques, obtenues après l’utilisation d’acide phosphorique (Jean-François Roulet et Michel Degrange).

Adhésion physique
Lorsque deux surfaces sont proches, des forces secondaires d’attraction peuvent être générées par des interactions bipolaires. Les molécules doivent posséder des propriétés de polarité pour s’orienter à l’interface. Les réactions polaires résultent des forces attractives entre les charges positives et négatives des molécules. Ce type d’adhérence est un processus rapide, réversible, et les molécules restent chimiquement intactes. Cependant, les liaisons physiques secondaires ne suffisent pas à assurer une liaison à long terme, car elles sont dégradées par la pénétration d’eau à l’interface. Il est donc nécessaire de rechercher des liaisons primaires ou un accrochage mécanique.
Adhésion chimique
La liaison chimique primaire se produit lorsque des électrons de deux atomes différents sont mis en commun. C’est l’adhérence idéale. Les adhésifs doivent être fortement attirés chimiquement vers leur surface d’application pour former the une forte adhésion.
Adhérence aux structures dentaires
Au niveau de l’émail
La surface amélaire est lisse (non rétentive) ou couverte de plaque bactérienne, ce qui empêche tout contact intime d’un matériau avec la surface dentaire. L’adhérence à l’émail n’est possible qu’après un traitement de la surface par application d’acide. L’acide modifie les caractéristiques de l’émail de deux façons :
- Effet principal : Augmentation de la rugosité de surface de l’émail à un niveau microscopique, rendant possible l’adhésion par une liaison micromécanique (micro-clavetage).
- Effet secondaire : Augmentation de l’énergie de surface, améliorant la capacité de la résine à s’adapter intimement à la surface de l’émail mordancé, à condition que la surface soit parfaitement séchée.
L’attaque acide permet une déminéralisation de la matrice interprismatique (sur une profondeur de 2 à 14 µm) et une dissolution plus importante du cœur des prismes, conférant à l’émail mordancé un faciès caractéristique en « corail ».
Au niveau dentinaire
La liaison à la dentine se fait par l’intermédiaire d’un adhésif, mais elle pose des problèmes complexes en raison des caractéristiques suivantes :
- La dentine est hydrophile, tandis que la plupart des adhésifs sont hydrophobes.
- La dentine est hétérogène, beaucoup moins minéralisée que l’émail et différemment organisée, ce qui empêche la création d’un relief à sa surface par une attaque acide.
- La surface dentinaire préparée est recouverte d’une boue dentinaire (smear layer).
Boue dentinaire (Smear Layer)
Définition
La boue dentinaire est une couche de débris organiques et minéraux résultant de la préparation d’une cavité dentaire.
Structure
- Apparaît comme une couche rugueuse tapissant la surface dentinaire, obturant les orifices tubulaires.
- Son épaisseur varie de 0,5 à 1,5 µm, selon l’utilisation ou non d’une projection d’eau et le type d’instrument utilisé.
- Elle contient peu de porosité.
Composition
- Collagène dénaturé.
- Eau d’origine dentinaire.
- Cristaux d’hydroxyapatite arrachés lors du fraisage.
- Autres éléments d’origine exogène (salive, sang, etc.).
Il est possible de définir deux zones distinctes dans cet enduit :
- Une zone de surface recouvrant la dentine.
- Une zone incluse dans les canalicules dentinaires, formant des bouchons canaliculaires.
Effets
- Diminution de l’énergie de surface.
- Nuit à l’étanchéité.
- Constitue une barrière contre l’invasion microbienne.
- Limite le flux sortant de fluide dentinaire, susceptible de diminuer l’efficacité du collage.
Traitement de la boue dentinaire
La boue dentinaire peut être traitée de plusieurs façons :
A. Conservation de la boue dentinaire

Arguments en faveur :
- Les tubuli sont obturés, empêchant les fluides dentinaires d’humidifier la surface de collage, ce qui constitue un obstacle à l’adhésion de la résine.
- La boue dentinaire empêche la pénétration des bactéries à travers les tubuli jusqu’à la pulpe.
- La perméabilité dentinaire n’est pas augmentée, rendant la pulpe moins sensible aux stimuli externes.
Critiques :
- La boue dentinaire contient des bactéries capables de se développer même sous des obturations étanches, responsables de réactions pulpaires (Brånström et Nyborg).
- La force de cohésion de la boue dentinaire à la dentine ne dépasse pas 5 MPa, limitant la valeur d’adhésion. Cette approche a donc été abandonnée.
B. Modification de la boue dentinaire

- La couche de débris est traitée et nettoyée superficiellement, laissant les tubuli obturés.
- Objectif : Créer une surface chimiquement réceptive aux agents de couplage et aux résines.
- Utilisation de systèmes automordançants (adhésifs dissolvant partiellement la boue dentinaire), basés sur des monomères d’acides faibles.
- Ces monomères dissolvent d’abord la phase minérale de la boue dentinaire avant d’attaquer superficiellement la dentine sous-jacente.
- La boue dentinaire n’est pas totalement éliminée mais infiltrée. Après polymérisation, ses constituants organiques et les fibres de collagène de la surface dentinaire traitée sont imprégnés par la résine adhésive.
- La boue dentinaire joue un rôle protecteur, réduisant les sensibilités postopératoires.
C. Élimination de la boue dentinaire (Total Etch)

Arguments en faveur :
- La boue dentinaire gêne certaines liaisons chimiques entre le tissu minéralisé et l’adhésif.
- Elle diminue l’énergie de surface de la dentine.
- Elle contient des bactéries.
Méthode :
- Utilisation de systèmes avec mordançage préalable à l’aide d’une solution ou d’un gel d’acide phosphorique (pH extrêmement acide).
- L’attaque acide élimine l’essentiel de la boue dentinaire, ouvre les orifices tubulaires et déminéralise superficiellement les zones péri- et intertubulaires sur une profondeur de 1 à quelques microns.
Clé de l’adhésion dentinaire :
- Pénétration des tubuli dentinaires par l’adhésif, formant des prolongements intra-tubulaires (tags) qui ancrent mécaniquement la résine à la dentine.
- Formation de la couche hybride, obtenue par l’infiltration de l’adhésif dans les fibres de collagène de la surface dentinaire préparée.
Remarque :
- Après rinçage de l’agent de mordançage, la dentine présente une couche composée essentiellement de collagène et d’eau.
- Il est crucial de conserver un degré d’humidité suffisant pour éviter le collapsus du réseau de collagène (fermeture des espaces interfibrillaires). Ces espaces sont essentiels pour l’infiltration de la résine adhésive et la création de la couche hybride, dont le rôle dans l’étanchéité et l’adhérence est démontré par de nombreuses études.

Composition d’un système adhésif
La plupart des adhésifs comportent trois composants essentiels :
Acide
- Le principe fondamental de l’adhésion des systèmes adhésifs modernes repose sur la rétention micromécanique sur une surface amélaire et dentinaire préalablement déminéralisée par un acide.
- À l’émail, la dissolution plus importante du cœur des prismes crée un microrelief, permettant à la résine de s’infiltrer dans les anfractuosités pour assurer une adhésion par clavetage mécanique.
- À la dentine, l’acide élimine la boue dentinaire, déminéralise la surface, ouvre les tubuli dentinaires et expose le réseau collagénique, participant à la formation de la couche hybride.
Primer (Primaire d’adhésion, Conditionneur)
- L’application du primer permet la pénétration de la résine dans les tubuli.
- Composition :
- Un ou plusieurs monomères amphiphiles, dont le groupement fonctionnel hydrophile se lie au substrat collagénique et le groupe hydrophobe assure la liaison avec la résine.
- Un solvant (acétone, éthanol ou un mélange des deux) qui augmente la mouillabilité de surface.
- Rôles du primer :
- Augmente la mouillabilité de la dentine.
- Empêche le collapsus du collagène.
- Facilite la pénétration de la résine liquide et la création de la couche hybride.
Résine
- La résine adhésive, appliquée en dernière étape, copolymérise avec le primer.
- C’est une molécule organique ou organominérale qui pénètre les tubuli dentinaires et s’infiltre dans le réseau déminéralisé de la dentine péri- et intertubulaire, formant des tags de résine et une couche hybride.
- À l’émail, la résine forme également des tags, sous deux formes :
- Macro-tags : Remplissent les espaces interprismatiques.
- Micro-tags : Enveloppent individuellement les cristaux d’hydroxyapatite dénudés par le mordançage au sein de l’émail intraprismatique.
- La pénétration et la polymérisation de la résine entre les fibres de collagène créent la couche hybride.
Les systèmes adhésifs

Paramètres cliniques améliorant l’herméticité
Pose de la digue : Champ sec
Un champ opératoire sec est essentiel pour garantir l’efficacité du collage.
Paramètres liés à la préparation de la cavité
- La contraction de polymérisation dépend du rapport entre le volume de la cavité à remplir et les surfaces des parois de la cavité. Réduire ce rapport diminue la contraction.
- Arrondir les angles réduit la concentration des contraintes.
- Préserver des bords d’émail épais améliore l’herméticité.
Paramètres liés à la méthode de placement et à la polymérisation
- Utilisation de la méthode par ajout de doses triangulaires avec photopolymérisation.
- La première couche de composite doit être cervicale.
- Ajout par couches obliques successives.
- Polymérisation de l’adhésif avant la pose du composite.
Les étapes critiques du collage en clinique
Isolation
L’isolation du substrat à coller de toute source d’humidité est un préalable indispensable.
Conditionnement universel de l’émail et de la dentine (Mordançage)
- Mordançage de l’émail : Application d’acide orthophosphorique (concentration de 32-37 %) pendant 15 à 30 secondes, voire 60 secondes selon le type d’adhésif.
- Mordançage de la dentine : Dans le concept de mordançage total, le même acide est utilisé pendant 15 secondes.
- Objectifs :
- Élimination de la boue dentinaire (smear layer).
- Déminéralisation de la dentine péri- et intertubulaire, exposant le réseau collagénique pour la formation de la couche hybride.
Rinçage
Le rinçage élimine les cristaux d’hydroxyapatite libérés par l’acide de mordançage ainsi que les résidus colloïdaux.
Séchage
- Avec les adhésifs modernes, un séchage complet n’est pas recommandé.
- Un séchage léger est préférable pour éliminer l’excès d’eau tout en conservant l’émail et la dentine humides.
Application du primaire
- Le primaire doit être appliqué avec précaution pendant plus de 15 secondes pour assurer son infiltration.
Séchage
- Après application du primaire, un séchage court et doux est nécessaire pour volatiliser l’excès de solvant avant l’application de la résine adhésive.
Application de la résine adhésive
- La résine adhésive est déposée abondamment sur la surface à coller, puis étalée à l’aide d’un applicateur pour établir un lien entre la surface préparée et le composite.
- Un léger souffle d’air est appliqué pendant 2 secondes.
Photopolymérisation
- La résine adhésive doit être photopolymérisée selon les recommandations du fabricant pour éviter une compétition entre la contraction de polymérisation du composite et l’établissement du lien adhésif.
Insertion du composite
Dent antérieure : Technique de stratification
- Description : Mise en place du composite par apports d’incréments successifs, utilisant différentes couleurs (antérieures) et consistances (postérieures) pour améliorer la qualité fonctionnelle et esthétique de la restauration.
- Étapes :
- Préparation de la dent :
- Biseau amélaire droit en vestibulaire (concave en linguale) pour augmenter les surfaces de collage de l’émail et favoriser l’intégration esthétique de la jonction composite/dent.
- Réalisation de la clé en silicone :
- Facilite la reconstitution de la paroi palatine et réduit les retouches d’occlusion.
- Pose du champ opératoire.
- Essayage de la clé en silicone (guide palatin).
- Conditionnement des tissus dentaires.
- Élaboration de la face palatine à l’aide du guide en silicone (teinte émail).
- Confection du mur palatin.
- Montage des lobes dentinaires (teinte dentine).
- Élaboration de la face vestibulaire (teinte émail).
- Contrôle de l’occlusion.
- Polissage : Polir parfaitement la restauration sans effacer le travail de surface effectué.
- Préparation de la dent :
Dent postérieure : Technique de stratification
- Description : Utilise une seule teinte mais deux viscosités :
- Un composite fluide pour les zones profondes.
- Un composite microhybride pour restaurer la face triturante.
- Méthode :
- Mise en place de bulbes cuspidiens (masses convexes) avec un composite fluide.
- La rencontre des masses forme les sillons, facilitant la sculpture de la face occlusale.
- Le tout est recouvert de composite microhybride pour restaurer la face triturante.
Technique Sandwich
- Description : Dans le cadre de cavités profondes et de classe II, un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR) est injecté en cervical, puis recouvert d’un composite.

Conclusion
Le collage s’est progressivement imposé en odontologie comme un moyen efficace d’assurer la rétention des restaurations tout en restant conservateur et esthétique. Cependant, pour répondre à la complexité du collage aux tissus dentaires, les matériaux évoluent constamment.
Thérapeutiques restauratrices adhésives, OCE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.