Thérapeutique anti-cancéreuse / Pathologies Bucco-Dentaires

Thérapeutique anti-cancéreuse / Pathologies Bucco-Dentaires

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Introduction

Le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures fait appel à toutes les techniques utilisées en oncologie, notamment la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie. La décision thérapeutique doit se faire après concertation pluridisciplinaire associant psychologue, chirurgien maxillo-facial, radiothérapeute, oncologue, anatomopathologiste, radiologue et chirurgien-dentiste.

Le dentiste peut contribuer efficacement dans la prise en charge de ces patients, en procédant à la prévention, au dépistage systématique des lésions suspectes et à la gestion des effets secondaires de cette thérapeutique anti-cancéreuse. Un diagnostic précoce implique une prise en charge précoce, avec moins de séquelles ; un diagnostic avancé implique de lourdes conséquences fonctionnelles, esthétiques et psychologiques.

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les stratégies de prévention et de dépistage.
  • Connaître la prise en charge des malades à tous les stades de la maladie.

Plan

  1. Prévention
  2. Modalités thérapeutiques des cancers buccaux
    • Chirurgie
    • Radiothérapie
    • Chimiothérapie
  3. Traitements antirésorptifs et ostéonécrose des maxillaires
    • Bisphosphonates
    • Denosumab
  4. Conclusion
  5. Bibliographie

Prévention

La prévention des cancers buccaux repose sur le dépistage systématique des lésions suspectes, l’éducation des patients à l’hygiène bucco-dentaire et l’élimination des facteurs de risque (tabac, alcool, etc.). Le chirurgien-dentiste joue un rôle clé dans l’identification précoce des lésions potentiellement malignes.

Modalités thérapeutiques des cancers buccaux

Pour déterminer l’étendue ou faire le bilan d’extension d’un cancer, le médecin oncologue traitant et l’équipe multidisciplinaire ont recours à l’examen clinique, à l’imagerie médicale (radiographie, tomodensitométrie, résonance magnétique, scintigraphie) et aux tests biochimiques et génétiques. La classification T.N.M. (Tumor, Node, Metastasis) permet d’établir le bilan de la maladie cancéreuse et de guider le choix des diverses modalités thérapeutiques, soit la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie. Les paramètres diagnostiques de cette classification sont :

  • T : la taille de la tumeur (ex. : T1 = tumeur de 1 cm).
  • N : le nombre de ganglions infiltrés par les cellules cancéreuses.
  • M : les territoires où des cellules cancéreuses ont migré de la tumeur primaire et formé des métastases à distance.

Pour chaque type histologique de tumeur, sa localisation et sa dissémination correspondent un traitement spécifique qui tient compte des résultats escomptés et des risques associés au traitement. Les modalités thérapeutiques le plus souvent indiquées pour les cancers buccaux sont la chirurgie et la radiothérapie. La chimiothérapie seule est rarement utilisée, et on a davantage recours à une combinaison de radiothérapie et de chimiothérapie pour les stades avancés.

Chirurgie

L’intervention chirurgicale est souvent la première étape du traitement du cancer buccal. Elle dépend de la localisation et du type de tumeur. L’approche privilégiée est l’excision complète de la tumeur, ou l’exérèse suivie, dans certains cas, d’une chirurgie ganglionnaire.

Chirurgie d’exérèse à visée curative

Elle consiste à pratiquer une exérèse complète de la tumeur avec un peu de tissu sain, avec une marge de sécurité pour limiter le risque de récidive locale. Elle peut intéresser les tissus mous et les tissus durs :

  • Au maxillaire : maxillectomie partielle ou totale.
  • À la mandibule : mandibulectomie, interruptrice et non interruptrice.
  • À la langue : glossectomie.

Curage ganglionnaire

Il consiste à enlever en bloc les réseaux lymphatiques et des groupes de ganglions atteints. On distingue :

  • Curage à visée thérapeutique : indiqué pour les ganglions atteints.
  • Curage à visée prophylactique : indiqué pour les ganglions sains, mais envahis microscopiquement par des cellules tumorales.

Chirurgie de reconstruction

Elle consiste à réparer et reconstruire les pertes de substances et les séquelles morphologiques occasionnées par la chirurgie radicale. Après une période de guérison d’environ quatre semaines, le patient est habituellement dirigé vers la radio-oncologie pour recevoir une irradiation complémentaire. La chirurgie reconstructrice (endoprothèse, greffe pédiculée, microanastomosée) peut être immédiate ou différée. Grâce à cette chirurgie, le patient retrouve son intégrité corporelle et une meilleure réinsertion sociale.

Complications et séquelles

  • Résection du maxillaire : communication bucco-nasale (CBN) et communication bucco-sinusienne (CBS) (reflux des aliments par le nez).
  • Résection du voile du palais : troubles phonétiques.
  • Résection de la langue : troubles de l’élocution.
  • Résection mandibulaire : déviation vers le côté atteint.

Précautions à prendre

  • Avant : réalisation d’un bilan bucco-dentaire (RECB).
  • Après : prothèse obturatrice pour les pertes de substance maxillaire, chirurgie reconstructrice.

Radiothérapie

Définition

La radiothérapie consiste à utiliser des radiations ionisantes pour altérer le matériel génétique des cellules cancéreuses et provoquer leur nécrose. Elle peut être :

  • Néo-adjuvante : utilisée avant la chirurgie.
  • Adjuvante : utilisée après la chirurgie.

La radiothérapie peut être utilisée dans deux buts majeurs :

  • Radiothérapie curative : guérir un cancer en visant à détruire la totalité des cellules cancéreuses.
  • Radiothérapie palliative : freiner l’évolution d’une tumeur, en traitant des symptômes (soulager la douleur).

Dosimétrie, fractionnement et étalement

  • Dosimétrie : mesure des rayonnements ionisants, en un lieu donné ou sur une personne.
  • Fractionnement : dose par séance.
  • Étalement : durée totale du traitement d’irradiation.

Champs d’irradiation

  • Volume cible : les volumes de tissus à irradier.
  • Champs d’irradiation : irradiation des tumeurs des voies aérodigestives supérieures (glande salivaire, maxillaires).

Techniques

Il existe deux types d’irradiation :

  • Radiothérapie externe : avec radiations de haute énergie.
  • Curiethérapie interstitielle ou brachythérapie : mise en place in situ d’une source radioactive qui irradie directement la tumeur (lèvres, langue, plancher).
Radiothérapie externe conformationnelle 3D

À partir d’un accélérateur linéaire d’électrons, source de rayonnement, elle permet de faire correspondre le plus précisément possible la forme du faisceau d’irradiation au volume de la tumeur, tout en limitant l’exposition des tissus et organes sains.

Radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (IMRT)
  • Repérage avec une très grande précision des tumeurs à irradier et ajustement très fin de la projection des faisceaux de rayons X dans les zones à traiter.
  • Reconstruction virtuelle des volumes et lésions pour que des doses optimales selon les organes soient délivrées tout en protégeant au maximum les tissus sains voisins.
  • Pour chaque faisceau : irradiation plus ou moins forte selon la cible et intensité modulable en cours de séance (homogénéité de toutes les séances, sécurité).
  • Effets secondaires moins importants.
Curiethérapie

Mise en place in situ d’une source radioactive qui irradie directement la tumeur de l’intérieur (lèvres, langue, plancher). Les volumes de tissus à irradier varient selon le type de tumeur, sa localisation ainsi que son drainage ganglionnaire (dose de 70 Gray pour les tumeurs T3/T4, N2/N3).

Volume cible irradié
Radiothérapie conformationnelle 3D
Radiothérapie conformationnelle par
modulation d’intensité

Le dentiste doit connaître les champs d’irradiation, le volume de tissus atteints et la dose délivrée prescrite par l’oncologue pour les tumeurs de la cavité buccale et de la sphère ORL. Il doit consigner ces données biométriques au dossier du patient pour faire la préparation bucco-dentaire avant la radiothérapie et, ultérieurement, évaluer toute procédure chirurgicale dans les champs irradiés.

Complications et séquelles de la radiothérapie

L’exposition du patient à de fortes doses de radiations des tissus buccaux et péribuccaux provoque de nombreuses complications dont partement, la radiothérapie externe avec radiations de haute énergie et la curiethérapie interstitielle ou brachythérapie.

Complications immédiates
  • Mucite et dermite : La radiomucite commence à se manifester à partir de 15-25 Gray (soit 10-20 jours après le début de la radiothérapie). Variable, la mucite va de l’érythème non douloureux (grade 1) à de très nombreuses ulcérations saignantes accompagnées de douleurs sévères, entravant l’alimentation et la déglutition, nécessitant parfois une alimentation entérale ou parentérale.
  • Agueusie : Perte du goût, conséquence directe de l’irradiation sur les bourgeons du goût.
  • Hyposialie : Diminution de la sécrétion salivaire, secondaire à l’irradiation des glandes salivaires se trouvant dans le champ d’irradiation :
    • 50 % en cas d’irradiation des aires ganglionnaires.
    • 80 % en cas de tumeurs de l’oropharynx.
    • 100 % en cas du cavum. L’hyposialie entraîne l’apparition de caries post-radiques, d’ulcérations, de candidoses et de parodontites.
  • Mycoses : Elles représentent un risque permanent et cèdent à un traitement antifongique.
Complications tardives
  • Limitation de l’ouverture buccale : Elle peut s’installer plusieurs mois après la radiothérapie, due à l’irradiation des muscles masticateurs (fibrose musculaire). Elle gêne l’alimentation, l’hygiène bucco-dentaire et le port de prothèses dentaires.
  • Xérostomie : Sécheresse buccale due à la destruction irréversible des glandes salivaires, à partir de 65 Gray. Dans les cas où la xérostomie est une séquelle durable, il faut envisager d’utiliser la fluoruration de façon permanente. Les solutions de fluor doivent avoir un pH neutre pour éviter une sensation de brûlure aux gencives et aux muqueuses.
  • Complications dentaires : Concerne les dents dans le champ d’irradiation, dues à l’hyposialie (pH acide, flore acidogène). Il s’agit de caries du collet avec fracture rapide des couronnes (dent d’ébène, coloration brunâtre ou noirâtre).
  • Ostéoradionécrose : Dévitalisation de l’os dans le champ d’irradiation, découlant d’une inflammation des petits vaisseaux provoquant une endartérite proliférative, ce qui réduit la vascularisation du tissu osseux et le rend hypocellulaire et hypoxique (théorie de Marx). Elle touche plus souvent la mandibule que le maxillaire, en raison de la vascularisation terminale. Elle peut être spontanée ou provoquée par une extraction dentaire, apparaissant de quelques mois à plusieurs années après la radiothérapie.
  • Œdème sous-mental.
  • Chez l’enfant :
    • Fibrose musculaire : ankylose temporo-mandibulaire.
    • Troubles de la croissance : retard d’éruption, hypoplasie de la région irradiée.
    • Caries, candidoses.

Précautions à prendre

Avant la radiothérapie

Le dentiste doit évaluer l’état bucco-dentaire (caries dentaires, obturations défectueuses, hygiène bucco-dentaire déficiente, maladie parodontale non maîtrisée, mauvais ajustement des prothèses dentaires ou infection odontogénique). Les interventions incluent :

ClasseParticularitésIntervention avant la radiothérapie
Patient édenté à l’examen cliniqueL’examen radiologique peut révéler la présence de racines résiduelles, de granulomes ou de kystes.Élimination de toute lésion symptomatique. Préparation des crêtes édentées en prévision de la fabrication de prothèses, une fois la radiothérapie terminée.
Santé bucco-dentaire médiocreCaries importantes nécessitant des restaurations complexes. Plusieurs restaurations défectueuses. Présence de lésions péri-apicales chroniques. Parodontopathie.Extraction des dents irrécupérables ; soins conservateurs (dentisterie de restauration et endodontie). Les dents situées dans les champs d’irradiation sont traitées en priorité.
Santé bucco-dentaire acceptableLes dents restantes peuvent être restaurées selon les procédures habituelles (traitements conservateurs). Facteurs locaux minimes. Les poches parodontales sont inférieures à 4 mm, et 50 % du support osseux est toujours présent. Les restaurations sont de qualité douteuse à passable.La dentisterie de restauration et l’endodontie sont appliquées aux dents dont le parodonte le permet. Fluoruration des dents restantes. Extraction des dents ne pouvant être traitées de façon endodontique et se trouvant dans le champ d’irradiation.
Santé bucco-dentaire très bonneAbsence de malocclusions importantes et très bonne hygiène buccale. Présence de quelques lésions carieuses peu profondes. Les restaurations sont adéquates. Pas de maladie parodontale active et un support osseux dans les limites de la normalité.Aucune extraction. Restauration des lésions carieuses. Fabrication d’une gouttière personnalisée et fluoruration. Examen parodontal.
Pendant la radiothérapie

Il est impératif que le patient maintienne un programme rigoureux d’hygiène buccale :

  • Brossage systématique des dents après les repas.
  • Utilisation quotidienne de la soie dentaire et application de fluor à pH neutre. Le patient peut utiliser un dentifrice pour enfants afin d’éviter l’hypersensibilité des muqueuses (sensation de brûlure).
  • L’emploi d’un rince-bouche à base d’alcool est contre-indiqué.
  • Gestion de la radiomucite :
    • Bains de bouche à base de bicarbonate de sodium.
    • Antiseptiques locaux.
    • Anesthésiques de surface (xylocaïne, lidocaïne en application locale).
    • Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en bain de bouche.
    • Antalgiques per os (palier 1 et 2).
    • Antifongiques en cas de candidose.
    • Antibiothérapie en cas de surinfection.
Après la radiothérapie

L’odontologiste est directement impliqué dans la prévention et le traitement des complications dentaires, muqueuses, osseuses et musculaires :

  • Limitation de l’ouverture buccale (LOB) : Une mécanothérapie est indiquée pendant et après la radiothérapie, à l’aide d’un instrument appelé « sauterelle », évitant ainsi l’ankylose mandibulaire et la fibrose musculaire. La sauterelle est un mobilisateur unidirectionnel à action verticale permettant d’augmenter l’amplitude du mouvement d’ouverture buccale.
  • Hyposialie :
    • Stimulants salivaires (ex. : Sulfarem S25).
    • Lubrifiants de la muqueuse (ex. : huile d’olive en bain de bouche avant chaque repas).
    • Ces modifications salivaires perturbent la flore buccale et entraînent l’apparition d’infections fongiques (ex. : Candida albicans). Une motivation à l’hygiène et un brossage de la langue permettent d’éviter leur survenue.
  • Caries post-radiques : Mise en place d’une gouttière porte-gel fluorée, avec application topique de gel fluoré tous les jours à vie, après le brossage, pour renforcer l’émail.
  • Avulsions dentaires : Les avulsions dans les champs d’irradiation doivent être envisagées le plus prudemment possible :
    • Antibiothérapie à large spectre (ex. : Amoxicilline) commencée 2 jours avant et prolongée jusqu’à cicatrisation muqueuse complète.
    • Anesthésie sans vasoconstricteur.
    • Les anesthésies intraligamentaires et intraseptales sont interdites.
    • Régularisation des septas interdentaires.
    • Sutures hermétiques.
    • Bains de bouche antiseptiques.
  • Réhabilitation prothétique : La prise en charge prothétique est complexe et difficile, elle doit tenir compte de la fragilité des muqueuses irradiées, de la crête et de la sécheresse buccale qui entravent le port de la prothèse. Elle est envisagée dans un délai d’un an après la radiothérapie, apportant un soutien fonctionnel, esthétique et psychologique.
  • Chez un enfant irradié : Motivation à l’hygiène bucco-dentaire, mêmes précautions citées ci-dessus.
  • Suivi : Surveillance clinique et radiographique tous les 4 à 6 mois, motivation à l’hygiène bucco-dentaire et au port de gouttières.

Chimiothérapie

Définition

La chimiothérapie consiste à administrer, par voie systémique, des médicaments ayant des propriétés cytotoxiques qui attaquent la masse de cellules cancéreuses.

Indications

  • Chimiothérapie néo-adjuvante : avant une chirurgie et/ou radiothérapie (permet de diminuer le volume tumoral et faciliter la chirurgie).
  • Chimiothérapie adjuvante : après une chirurgie.
  • Radio-chimiothérapie concomitante : pour potentialiser l’effet de la radiothérapie.

Molécules cytotoxiques utilisées

CatégorieTypeMolécule
Agents alkylantsMoutarde à l’azoteMelphalan
Agents alkylantsSels métalliquesCisplatine
AntimétabolitesAntifoliquesMéthotrexate
Produits naturelsTaxaneTaxotere

Effets indésirables

  • Mucite : Lésions inflammatoires de la muqueuse oro-pharyngée, altérant l’épithélium et le tissu conjonctif sous-jacent, se traduisant par une ulcération. Cette affection cause de la douleur et peut nuire à la mastication et à la déglutition. La gravité de la mucite est liée à la qualité de l’hygiène bucco-dentaire, aux prothèses du patient, aux traitements médicaux et à l’âge du patient.
  • Xérostomie : Sécheresse buccale de toute la muqueuse, gênante et handicapante.
  • Troubles de l’hémostase :
    • Leucopénie (infections).
    • Thrombopénie (hémorragies).
    • Anémie (pâleur).

Précautions à prendre

  • Avant la chimiothérapie : Bilan et remise en état bucco-dentaire.
  • Pendant : La diminution de la lignée sanguine et de la réponse immunitaire chez le patient ayant subi un cycle de chimiothérapie est un élément important dans la planification d’un traitement dentaire. Motivation à l’hygiène bucco-dentaire, taux de plaquettes ≥ 80 000/mm³ en cas d’extraction, traitement de la mucite.
  • Après : Hygiène bucco-dentaire, après la phase de rémission, tous les actes sont recommandés.

Traitements antirésorptifs et ostéonécrose des maxillaires

Ostéonécrose des maxillaires

Définition

L’ostéonécrose des maxillaires induite par les bisphosphonates (ONMBP) a été décrite pour la première fois par Marx en 2003 (BRONJ : Bisphosphonate-Related Osteonecrosis of the Jaws). Depuis 2009, avec l’émergence de nouveaux traitements antirésorbeurs osseux, le terme BRONJ a été modifié en MRONJ (Medication-Related Osteonecrosis of the Jaws). Selon l’American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons (AAOMS) en 2014, un patient est considéré comme ayant une MRONJ si toutes les conditions suivantes sont remplies :

  • Traitement actuel ou passé avec des médicaments antirésorptifs ou antiangiogéniques.
  • Os exposé ou fistulisation intra- ou extra-orale dans la région maxillo-faciale.
  • Aspect clinique communiquant avec l’os et persistant pendant plus de 8 semaines.
  • Aucun antécédent de radiothérapie maxillaire ou de maladie métastatique maxillaire claire.

Stades d’évolution de l’ostéonécrose des maxillaires

StadeSignes cliniquesSignes radiographiques
À risquePatients soumis à un traitement antirésorptif ou antiangiogénique par voie orale ou IV, sans symptômes ni nécrose osseuse apparente.Sans symptômes ni nécrose osseuse apparente.
Stade 0Douleur dentaire en l’absence de cause dentaire, douleur osseuse maxillaire irradiante, douleur des sinus maxillaires, fonction neurosensorielle altérée, mobilité dentaire non expliquée par une parodontite, fistules péri-apicales ou parodontales non associées à une nécrose pulpaire.Perte ou résorption de l’os alvéolaire non due à une parodontite, modifications de la structure osseuse trabéculaire dense, sans formation d’os nouveau dans les alvéoles d’extraction, zones d’ostéosclérose dans l’os alvéolaire ou autour de la couche basale.
Stade 1Os exposé ou fistulisation intra- ou extra-orale dans la région maxillo-faciale, asymptomatique sans signe d’infection.Comme décrits au stade 0, observés dans l’os alvéolaire.
Stade 2Os exposé ou fistulisation intra- ou extra-orale dans la région maxillo-faciale, avec une infection (douleur, érythème, suppuration).Comme décrits au stade 0, observés dans l’os alvéolaire.
Stade 3Comme décrit au stade 2, avec fracture pathologique, fistule extra-orale, communication oro-antrale ou oro-nasale.Ostéolyse s’étendant jusqu’au bord inférieur de la mandibule ou du plancher sinusal.

Bisphosphonates

Les bisphosphonates (BPs) sont des molécules anti-ostéoclastiques utilisées pour le traitement de la maladie de Paget, la maladie osseuse métastatique et l’ostéoporose postménopausique ou cortico-induite. Les BPs diminuent les douleurs osseuses, la calcémie et l’incidence des fractures pathologiques. Ils ont une grande affinité pour le tissu osseux, ne sont pas métabolisés, mais s’accumulent dans l’os pendant plusieurs années, entraînant un effet secondaire : l’ostéonécrose des maxillaires.

MoléculeMaladie primitiveDoseVoie d’administrationPuissance
EtidronateMaladie de Paget300-750 mg/j pendant 6 moisOrale1
TiludronateMaladie de Paget400 mg/j pendant 3 moisOrale50
AlendronateOstéoporose10 mg/j ou 70 mg/semaineOrale1000
RisedronateOstéoporose5 mg/j ou 35 mg/semaineOrale1000
IbandronateOstéoporose2,5 mg/j ou 150 mg/moisOrale1000
PamidronateMétastases osseuses90 mg/3 semainesIV1000-5000
ZoledronateMétastases osseuses4 mg/3 semainesIV10000+

Denosumab

Denosumab est un anticorps monoclonal humain qui se fixe sur le système RANK/RANKL, inhibant la fonction, la formation des ostéoclastes et la résorption osseuse.

Indications

  • Ostéoporose.
  • Métastases osseuses.

Caractéristiques

CaractéristiqueDétails
Voie d’administrationSous-cutanée
PosologieOstéoporose : 60 mg/mois ; Métastases osseuses : 120 mg/6 mois
Durée de traitementPlus de 2 ans
Effets secondairesHypocalcémie, ostéonécrose des maxillaires

Précautions à prendre

Selon les recommandations de l’AAOMS (2014) :

Patients candidats aux traitements par bisphosphonates
  • Les dents irrécupérables et celles avec un mauvais pronostic doivent être extraites.
  • La chirurgie dentoalvéolaire doit être effectuée avant le début du traitement. Si les conditions systémiques le permettent, il est souhaitable de retarder le traitement antirésorptif ou antiangiogénique jusqu’à ce que le site d’extraction soit cicatrisé (14 à 21 jours) ou que la cicatrisation osseuse soit adéquate.
  • La prophylaxie dentaire, le contrôle des caries et la dentisterie restauratrice conservatrice sont essentielles pour maintenir des dents fonctionnellement saines. Ce niveau de soins doit être poursuivi même après le traitement.
  • Les patients porteurs de prothèses complètes ou partielles doivent être examinés pour détecter les zones de traumatisme muqueux, en particulier le long de la région de la bride linguale.
  • Les patients doivent être informés de l’importance de l’hygiène dentaire et des évaluations dentaires régulières, et signaler toute douleur, tuméfaction ou os exposé.
  • Les oncologues médicaux doivent évaluer et prendre en charge les patients devant recevoir un traitement antirésorptif ou antiangiogénique par voie IV, similaire à ceux dont le traitement par radiothérapie est prévu pour la tête et le cou.
Pendant le traitement par bisphosphonates sans ostéonécrose avérée
  • Le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire et de soins dentaires est d’une importance primordiale pour prévenir les maladies dentaires qui peuvent nécessiter une chirurgie dentoalvéolaire.
  • Les interventions dentaires invasives doivent être évitées.
  • Les dents non restaurables peuvent être traitées par ablation de la couronne et traitement endodontique des racines restantes.
  • En cas d’extraction dentaire : antibioprophylaxie, anesthésie sans vasoconstricteur, régularisation des septas interdentaires, sutures hermétiques.
Sous traitement par bisphosphonates avec ostéonécrose avérée
Stade d’ONMStratégies thérapeutiques
À risquePas de traitement, éducation du patient.
Stade 0Traitement antalgique et antibiotique.
Stade 1Éducation du patient, suivi clinique, bain de bouche antiseptique.
Stade 2Traitement symptomatique : antibiotiques, antalgiques, bain de bouche. Débridement pour éliminer l’irritation des tissus mous.
Stade 3Traitement symptomatique : antibiotiques, antalgiques, bain de bouche. Débridement chirurgical.

Conclusion

Le chirurgien-dentiste doit gérer toutes les complications liées à cette thérapeutique anticancéreuse, notamment la plupart des effets secondaires muqueux et osseux. Il doit également être un acteur à part entière dans la prise en charge, avec un rôle essentiel dans la prévention de ces effets secondaires.

Bibliographie

  1. American College of Rheumatology. Bisphosphonate-associated osteonecrosis of the jaw [ACR Hotline]. Atlanta, GA: American College of Rheumatology; June 1, 2006. Disponible sur : http://www.rheumatology.org/publications/hotline/0606onj.asp. Consulté le 12 mars 2008.
  2. Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie 2011. 2ème édition.
  3. Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie 2017. 4ème édition, Elsevier Masson.
  4. Limbour P. La chirurgie orale 2017. Édition ID.
  5. Maurais M, Bernier G. Modalités thérapeutiques des cancers buccaux préparation des patients et gestion des effets secondaires; Journal Dentaire du Québec 2004 : 31-37.
  6. Scully C. Risques médicaux en odontologie 2016. Elsevier Masson.
  7. Rapport de l’AAOMS. American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons Position Paper on Bisphosphonate-Related Osteonecrosis of the Jaws. Mise à jour. J Oral Maxfac Surg 2014; 72: 1938-1956.

Thérapeutique anti-cancéreuse / Pathologies Bucco-Dentaires

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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