Soins à domicile chez le sujet âgé
INTRODUCTION
Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables et présentent souvent des conditions cliniques compliquées. En Algérie, les personnes âgées de 60 ans et plus, représentent 9,8% de la population globale en 2020. Cette frange a atteint un effectif de 4,32 millions de personnes, dont 2,94 millions de personnes âgés de 65 ans et plus. Il est important que les acteurs actuels de soins de santé bucco-dentaire comprennent le vieillissement pour répondre aux besoins de cette population. Il y a une différence entre les besoins perçus et les besoins déterminés professionnellement des personnes âgées.
Puisque la majorité des patients âgés évitent de consulter un dentiste parce qu’ils ne ressentent aucun besoin de traitement, ou parce qu’ils n’ont pas l’accès au soin à cause de son état de dépendance, la profession dentaire doit apprendre à mettre en marché ses services de façon à les attirer et encore offrir ses service à domicile.
- DEFINITIONS
Les soins à domicile concernent tous les traitements médicaux possibles pratiqués par un personnel soignant hospitalier ou privé à domicile, permettant au patient d’être traité chez lui pour des raisons d’impossibilité de le déplacer en rapport avec son état de dépendance ou d’handicap
La dépendance : c’est l’impossibilité d’une personne à effectuer sans aide ces activités simples de la vie. Il s’agit d’une perte d’autonomie partielle ou totale par diminution des capacités physiques et/ou de raisonnement.
Donc, un patient dépendant est celui qui présente des pathologies lourdes avec perte totale ou partielle des fonctions motrices ou cognitives empêchant son déplacement au cabinet dentaire pour des soins.
- PLACE DE LA SANTE BUCCO-DENTAIRE DANS LA SANTE GLOBALE DES SUJETS AGES
Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables et présentent souvent des conditions cliniques compliquées. Les pathologies chroniques comme le diabète et les maladies respiratoires, la polymédication, la fragilité et la dépendance dans les activités de la vie quotidienne accompagnent souvent le vieillissement physiologique.
La baisse de la vue, la diminution de la dextérité et la démence mettent également en péril les routines quotidiennes d’hygiène orale.
De plus, la perte de dents voire l’édentement total altère la mastication induisant une modification de l’alimentation en termes de texture et de variété d’aliments. Elle peut également affecter leur vie sociale et, plus globalement, la qualité de vie.
Les maladies bucco-dentaires partagent en outre un certain nombre de facteurs de risque avec d’autres maladies comme une mauvaise alimentation, en particulier celle riche en sucre, le tabagisme et la consommation d’alcool.
Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut avoir des conséquences graves sur la santé générale des personnes âgées.
Ainsi, le maintien d’une bonne santé bucco-dentaire est crucial pour maintenir la santé globale et vice versa.
- ÉVALUATION DU NIVEAU DE DEPENDANCE :
- Pré-évaluation :
L’évaluation du niveau de dépendance est une étape importante dans la prise en charge des personnes âgées et permet de mieux définir les risques bucco-dentaires de votre patient. Cela peut se faire en :
-Utilisant des questions simples :
- Votre patient peut- il se brosser les dents tout seul ?
- Voter patient peut-il ouvrir facilement la bouche ?
- Votre patient peut-il aller au fauteuil tout seul ?
- Votre patient peut-il tenir un film radio ?
-Prenant connaissance de son historique médical, et des médicaments prescrits
-Identifiant la cause de l’aggravation de la dépendance et les risques sur sa santé orale
-Identifiant les facteurs de risque spécifiques :
- Troubles fonctionnels de la mastication et de la déglutition
- Altération du goût et changement d’habitudes alimentaires (risque de carence et augmentation de la consommation de sucre)
- Zones de rétention de plaque : furcations, concavités
- Qualité des obturations, prothèses fixées et mobiles
- Flux salivaire faible ou pH acide
- Hygiène bucco-dentaire insuffisante
- Apport en fluor insuffisant
- Cadre familial ou réseau de soutien
- Augmentation du degré dépendance, diminution de la dextérité, et/ou handicaps
- Antécédents médicaux (y compris bucco-dentaires), comorbidités, polymédication, drogues
- Le niveau de dépendance et soins à domicile :
Selon le CSHA « Canadian Study of Health and Ageing », les interventions recommandées peuvent varier selon le niveau de dépendance de la personne âgée. Les différents niveaux sont décrits dans le tableau suivant :
NIVEAU DEDEPENDANCE | DESCRIPTION |
IndépendantCSHA niveau 1 & 2 | Patient en forme pratiquant régulièrement des exercices. |
Pré-dépendant CSHA niveau 3 | Patient atteint de pathologie chronique pouvant avoir un impact surla santé orale, mais sans signe clinique bucco-dentaire au moment de la consultation. Les symptômes de comorbidité sont contrôlés. |
FaibleCSHA niveau 4 | Patient atteint de pathologie chronique affectant sa santé orale, maisqui n’a pas besoin d’aide pour se rendre chez le dentiste, pour maintenir seul une bonne hygiène orale, ou qui est aidé pour cela. |
MoyenCSHA niveau 5 | Patient atteint de pathologie chronique affectant sa santé orale, avec besoins en soins, mais qui n’a pas besoin d’aide pour se rendre chez le dentiste, pour maintenir seul une bonne hygiène orale, ou qui est aidé pour cela. Cette catégorie inclut aussi les patients qui demandent à être vus à domicile ou qui n’ont pas demoyen de transport pour se rendre au cabinet dentaire. |
ElevéCSHA niveau 6 & 7 | Patients présentant un contexte médical compliqué les empêchant de se rendre au cabinet dentaire. Ne peut être déplacéet doit être vu à domicile ou dans la structure d’accueil. |
Outre cette classification de la grille CSHA, il est également possible de déterminer de façon plus souple trois profils de personnes âgées :
Profil | Niveau de dépendance |
Robuste | Indépendant /CSHA niveau 1 & 2 |
Pré-dépendant /CSHA niveau 3 | |
Frêle (difficultés avec certaines tâches) | Faible / CSHA niveau 4 |
Dépendant (difficultés avec des tâches basiques de la vie quotidienne) Vivant seul/avec des membres de lafamille/dans une maison de soins | Moyen / CSHA niveau 5 |
Elevé / CSHA niveau 6 & 7 |
- FREINS DANS L’ACCES AUX SOINS DENTAIRES :
- Individuels (liés à la personne âgé) :
•Coopération (dépendance) •Pathologies multiples
- Organisationnels :
•Accessibilité matérielle des cabinets
•Communication entre l’équipe soignante et le médecin-dentiste
- Systémiques :
•Freins financiers •Formation des médecin-dentistes
VI. SOINS A DOMICILE DES SUJETS AGES
- Principe de « Soins mobiles » en établissement et à domicile :
La solution la plus évidente pour lever complètement la problématique du transport et l’accès aux soins dentaire limité, est que le médecin-dentiste intervienne directement au sein des maisons de retraite (établissement) qui sont considérés comme le domicile des personnes qui y résident ou à domicile (lieu de résidence). Et pour éviter les frais ainsi que la gestion importante d’un cabinet au sein de l’établissement, il faudrait que le praticien vienne avec son cabinet. Cette solution déjà décrite dans la littérature était considéré comme peu généralisable.
Ce sont les maisons de retraite ou les aidants qui appellent pour pendre les rendez-vous et à la suite du bilan, le médecin-dentiste prend contact avec le médecin traitant et avec la famille pour le consentement et l’information.
- Matériel :
L’absence d’un matériel adéquat comme le fauteuil, le scialytique, l’aspiration, le compresseur et la radiographie, n’autorise que des soins de prévention ou de base, difficilement réalisables sur une chaise ou un lit.
Grace au progrès technologique et la miniaturisation de l’équipement dentaire, un équipement portatif adapté à ce type de soins a été mis en œuvre et permet de prodiguer l’ensemble des thérapeutiques dentaires essentielles, à l’exception des soins chirurgicaux qui nécessitent des blocs opératoires et une organisation plus spécifique.
Ces équipements vont de la simple valise destinée aux soins d’urgences, à l’unit dentaire portatif qui permet une gamme complète de soins, sans oublier la radiographie portative.
Le cabinet mobile s’équipe ainsi, d’un appareil radio portatif et de mallettes transportables contenant tout le nécessaire pour pratiquer l’art dentaire à domicile. Et le fonctionnement bien que demandant une organisation rigoureuse n’est pas plus chronophage qu’une activité d’omnipratique classique.
Quelques exemples :
VIVA ace : Il regroupe les commodités d’un cabinet dentaire dans un boîtier compact intégrant micro-moteur multi-usages, détartreur à ultrasons. Facile à transporter, sa structure légère s’installe en toute facilité dans diverses situations.
Combi-cart clinic
L’unit COMBI-CART CLINIC est très facile à pousser d’une pièce à l’autre.il ne nécessite aucune installation (Autonome).
- Objectifs
Le but des soins à domicile pour les personnes âgées dépendantes recherchera :
- Eliminations des foyers infectieux potentiels (racines ou les dents infectées).
- Soulagement des douleurs qu’elles soient aigues ou chroniques.
- Préservation des dents restantes par des soins d’hygiène et de restauration.
- Réhabilitation fonctionnelle des endentements et par conséquent amélioration du sourire.
- Rétablissement de l’occlusion avec une incidence directe sur l’amélioration de la mastication et de l’alimentation et par conséquent leur assurer une bonne qualité de vie.
- Amélioration du profil psychologique et de l’estime de soi d’où une insertion sociale et une vie affective plus réussies.
L’atteinte des objectifs sera Influencée par :
- Les doléances du patient, qui exprime des priorités.
- L’état physique, psychique, et fonctionnel du patient
- Les raisons de l’intervention.
- Le cout supporté par des patients vulnérables sur le plan socio-économique.
- Rapport cout-bénéfice lié à la nature de l’acte indiqué.
5. Types de soins
Le plan de traitement adopté doit être pratique et modifiable en fonction de l’état du malade et de sa collaboration.
Les soins doivent être simples et efficaces, fournies par une équipe formée à gérer les situations complexes notamment sur le plan socio-économique. La collaboration avec le médecin traitant et la famille est d’une grande nécessité.
Mesures d’hygiènes et de maintenance
Les traitements d’urgence : la prise en charge des infections et des stomatites, des douleurs, des problèmes fonctionnels et esthétiques.
Moyens utilisés dans ce cadre seront (selon le cas) :
Extractions, prescription d’ATB ou d’antifongiques (candidose), eau bicarbonatée ou bain de bouche, retouches sur prothèses (en cas de traumatisme, ulcération, contact occlusal prématuré, fracture, adjonction de dents).
Soins curatifs :
Ils représentent les soins conventionnels simples habituellement pratiqués au cabinet sans inclure les soins complexes et chirurgicaux :
Détartrage, Soins conservateurs, Extractions dentaires des racines et dents très mobiles (26 à 40%), Réhabilitation prothétique (rebasage et réfection).
Leur réalisation doit être rapide et simple, adaptée à l’état général du malade (complexe) et au coût.
- Les limites :
Les limites de ce type d’exercice sont principalement :
- L’ergonomie : l’absence de fauteuil et l’exercice sur des personnes qui présentent une mobilité et une ouverture buccale limitées obligent souvent à adopter des postures nécessitant une forme physique supérieure à un exercice classique ;
- Le choix du matériel et de l’organisation pour débuter l’exercice.
- Prise en charge à domicile des sujets âgés :
La prise est fonction du niveau de dépendance de la personne âgée. Les différentes étapes de la prise en charge sont expliquées dans le tableau suivant :
1. Evaluation de la situation et stratégie de soin | |
Moyennement dépendant | Très dépendant |
-évaluation des risques bucco-dentaires liés à l’augmentation de la dépendance-Envisager la nécessité de s’appuyer sur une équipe pluri-professionnelle pour mettre en place des protocoles d’hygiène | -évaluation des risques bucco-dentaires liés à l’augmentation de la dépendance-Envisager la nécessité de s’appuyer sur une équipe pluri-professionnelle pour mettre en place des protocoles d’hygiène |
-Collaborer avec les autres professionnels de santé et sociaux à l’évaluation des facteurs de risques généraux de santé-Augmenter la fréquence des rendez-vous de contrôle pour limiter l’augmentation des facteurs de risque | -Surveiller la mise en place des protocoles d’hygiène bucco-dentaire particulièrement lorsque ceux-ci sont compliqués-Pendre en compte le contexte physique, cognitif et social pour déterminer les soins à réaliser (palliatifs, urgents,…)-Soins d’urgence palliatifs ou soins de routine. |
2. Prévention | |
Moyennement dépendant | Très dépendant |
-Surveiller toutes lésions buccales quelle que soit l’origine : prothèses, tabac, alcool-Mettre en place une maintenance professionnelle :Protocoles d’hygiène bucco-dentaire adaptés aux besoins du patient et à ses capacités.-Collaborer avec les autres professionnels de santé pour les aider à une meilleure prise en charge de la santé orale | |
-Réévaluer l’efficacité des protocoles d’hygiène quotidienne-Réévaluer la prescription en matière de Fluor dans le dentifrice et les bains de bouche-Réévaluer les risques secondaires liés à la poly médication | -Privilégier la prévention des pathologies orales et des protocoles d’hygiène bucco-dentaire-Soulager la sécheresse buccale |
3. Traitement | |
Moyennement dépendant | Très dépendant |
-Dans tous les cas, intervenir quand une lésion buccale persiste plus de 15 jour | |
-Concevoir les prothèses en privilégiant la facilité de nettoyage-Privilégier la restauration et le maintien des dents “stratégiques” | -Proposer des traitements palliatifs pour contrôler la douleur et l’infection et permettre au patient de conserver une vie sociale et ses activités |
4. Education et promotion de la santé | |
Moyennement dépendant | Très dépendant |
Donner les instructions aux aidants pour un protocole d’hygiène rigoureux et quotidienPrévoir une assistance pour les actes d’hygiène de routine adaptée au niveau de dépendance et à l’état de santé général du patientAssistance pour le brossage des dents deux fois par jour pendant 2 minutes avec une brosse à dents manuelle ou électrique, et un dentifrice fluoré. Ne pas rincer avec de l’eau après le brossage. La FDI recommende un dosage en Fluor jusqu’à 5,000 ppm (sur prescription médicale) en cas de risque carieux très élevé.Rendez-vous réguliers chez le dentiste (2 fois par an)Vérifier qu’il n’y a ni plaie, ni blessure dans la boucheEntretien des prothèses : nettoyage et maintien en boucheSoin des tissus mousBains de bouche réguliers à la Chlorhexidine ou au fluor | |
Maintenir le contact et lacollaboration avec l’équipe pluri- disciplinaire | Communiquer auprès des aidants, du patient, de la famille,et de toute l’équipe pluri-disciplinaire pour permettre une adaptation régulière des protocoles de soins |
CONCLUSION :
À mesure que la population vieillit et qu’une proportion croissante de celle-ci est placée en établissement ou confinée à domicile, le sous-traitement des caries, les parodontopathies et les édentations partielles et complètes risquent d’augmenter. Une approche intégrée est cruciale au maintien d’un niveau acceptable de santé chez les personnes âgées en établissement.
BIBLIOGRAPHIE :
- Phillipe PIRNAY, Marysette FOLLIGUET. Soins dentaires aux personnes âgées dépendantes. Soins gérontologie – n°104 – novembre/décembre 2013. © 2013, Elsevier Masson SAS.
- Willy Baumgartner, Martin Schimmel, Frauke Müller. Santé bucco-dentaire et soins dentaires chez la personne âgée en situation de dépendance, SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 125 4 P 2015.
- M. Lamy. La santé bucco-dentaire des personnes âgées, Rev Med Liège 2014; 69 : 5-6 : 357-360.
- S. Dartevelle. Guide pratique au fauteuil sur la prise en charge des personnes âgées, ©2019 FDI World Dental Federation
Soins à domicile chez le sujet âgé
La médecine dentaire exige une précision et une rigueur constantes pour garantir des soins optimaux.
Les étudiants en odontologie doivent maîtriser l’anatomie dentaire avant de pratiquer des interventions cliniques.
Les praticiens doivent se tenir informés des dernières avancées technologiques pour améliorer leurs traitements.
Une bonne communication avec le patient est essentielle pour établir un climat de confiance et de compréhension.
L’asepsie et la stérilisation sont des piliers incontournables pour prévenir les infections en cabinet dentaire.
La planification thérapeutique permet d’optimiser les résultats et d’éviter les complications postopératoires.
Les formations continues sont indispensables pour maintenir ses compétences à jour en médecine dentaire.
Soins à domicile chez le sujet âgé

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.