Sensibilité et Hypersensibilité Dentinaire
Introduction
Il est bien connu que la douleur dentaire (DLR) est l’un des motifs majeurs qui incitent les patients à consulter un chirurgien-dentiste (CD). Certains patients se plaignent même de douleurs survenant en buvant, en mangeant, en se brossant les dents, ou dans certains cas, en aspirant de l’air. Parmi les douleurs dentaires les plus intenses figure celle associée à l’hypersensibilité dentinaire. Bien que cette affection soit relativement bénigne, elle constitue une gêne quotidienne significative pour les patients, et sa prise en charge représente un véritable défi pour les praticiens.
1. Rappels : Innervation du Complexe Pulpo-Dentinaire
L’innervation du complexe pulpo-dentinaire dérive des branches maxillaires et mandibulaires du nerf trijumeau (V). Cette innervation atteint sa maturation après la fermeture apicale. La pulpe dentaire est innervée par deux types de fibres :
- Fibres sensitives : responsables de la perception de la douleur.
- Fibres vasomotrices : impliquées dans la régulation vasculaire.
2. Phénomène de la Sensibilité Dentinaire
Théories de la Sensibilité Dentinaire
L’extrême sensibilité de la dentine est l’un des problèmes les plus mystérieux et embarrassants de la physiologie dentaire. Cela est dû à la structure unique de la dent, caractérisée par des relations intimes et indissociables entre la dentine (un tissu minéralisé perforé de nombreux canalicules) et la pulpe (un tissu conjonctif lâche limité en périphérie par une cellule spécialisée : l’odontoblaste). Classiquement, trois grandes hypothèses expliquent la sensibilité dentinaire :
- Théorie de la Conduction Nerveuse
Selon cette théorie, la sensibilité dentinaire résulte de l’irritation directe des fibres nerveuses intradentinaires. - Théorie de la Transduction
L’odontoblaste joue un rôle clé dans la transmission de la douleur. Sa position spatiale unique, en contact étroit avec les terminaisons nerveuses pulpaires, suggère qu’il pourrait être un acteur central dans la transduction sensorielle des stimuli dentinaires. - Théorie Hydrodynamique
Défendue avec vigueur par Brännström en 1964, cette théorie propose que les impulsions nerveuses sont déclenchées par un mouvement de fluide dans les tubules dentinaires, provoqué par des stimuli externes.
3. Hypersensibilité Dentinaire
3.1. Définition
L’hypersensibilité dentinaire (HSD) est définie comme une « douleur brève et vive ressentie au niveau de la dentine exposée, généralement en réaction à des stimuli thermiques, tactiles, osmotiques ou chimiques, ou en présence d’air, et qui ne peut être attribuée à une autre anomalie ou pathologie dentaire » (Holland et al., 1997).
3.2. Données Épidémiologiques
- Prévalence : Varie de 3 % à 57 % (Graf & Galasse, 1977 ; Flynn et al., 1985 ; Orchardson & Collins, 1987 ; Irwin & McCusker, 1997 ; Lui et al., 1998 ; Murray & Roberts, 1994 ; Rees, 2000).
- Facteurs de risque :
- Les patients plus âgés ou très motivés dans leur hygiène bucco-dentaire présentent une sensibilité plus élevée que les patients irréguliers.
- Prévalence supérieure à 78 % chez les patients atteints de maladies parodontales (Chabanski et al., 1997).
- Âge : Majorité des sujets atteints entre 20 et 50 ans, avec un pic entre 30 et 40 ans.
- Dents concernées : Les canines (C) et les premières prémolaires (PM) sont les plus fréquemment touchées.
- Localisation : Les régions cervicales des faces vestibulaires (V) sont affectées dans 93 % des cas. Une exposition occlusale et palatine est également fréquente chez les jeunes adultes.
4. Aspect Étiologique
L’hypersensibilité dentinaire se manifeste par une douleur aiguë de courte durée, due à l’exposition de la dentine à divers stimuli externes :
- Stimuli thermiques : Chaud ou froid lors de la prise alimentaire ou de boissons, air inspiré.
- Stimuli osmotiques : Sucre.
- Stimuli chimiques : Acides (citron, pamplemousse, boissons acides, médicaments).
- Stimuli mécaniques : Brosse à dents, ongle, sonde.
Lorsque la récession gingivale est liée à une maladie parodontale ou à ses traitements, certains auteurs préfèrent le terme de sensibilité radiculaire.
4.1. Exposition Dentinaire
L’exposition de la dentine peut résulter de :
Au niveau coronaire :
- Abrasion dentaire : Usure mécanique (ex. : brossage excessif).
- Érosion dentaire : Dissolution chimique (ex. : acides alimentaires).
- Attrition dentaire : Usure par contact dent-dent.
Au niveau radiculaire :
- Récession gingivale : Exposition de la racine due à la perte de gencive.
Autres étiologies :
- Occlusion traumatique.
- Stress.
- Biotype gingivale.
- Tabac (lié aux maladies parodontales).
- Traitement parodontal ou chirurgical.
- Éclaircissement dentaire.
5. Pathogénie et Mécanisme Physiopathologique
Selon Absi et al., les dents sensibles présentent :
- Un nombre de tubules ouverts par unité de surface 8 fois supérieur.
- Un diamètre moyen des tubules presque doublé (0,83 μm contre 0,4 μm pour les dents non sensibles).
Addy (2002) confirme que la théorie hydrodynamique de Brännström est la plus largement acceptée. Elle postule que la douleur est déclenchée par des déplacements rapides du fluide intra-canalaire dans les tubules dentinaires en réponse à des stimuli.
6. Facteurs Déclenchant la Douleur de l’HSD
- Stimuli thermiques :
- Chaud : Mouvement centripète du fluide, douleur à partir de 44 °C.
- Froid : Mouvement centrifuge du fluide, douleur à partir de 13 °C.
- Stimuli mécaniques : Brosse, sonde, ongle.
- Stimuli chimiques, bactériens ou osmotiques : Acides, sucres.
7. Diagnostic Clinique
7.1. Interrogatoire
Concernant la douleur :
- Date d’apparition.
- Caractère (vive, brève).
- Intensité.
- Fréquence.
- Localisation.
- Facteurs d’aggravation et de soulagement.
- Sensibilité aux variations thermiques ou à certains aliments/boissons.
- Cessation de la douleur après retrait du stimulus.
Concernant le patient :
- Antécédents généraux et locaux.
- Degré de motivation et hygiène de vie.
- Traitements en cours.
- But de la consultation.
- Antécédents alimentaires (apport d’acides intrinsèques/extrinsèques).
7.2. Examen Endobuccal
- Examen minutieux de la cavité buccale.
- Identification de la dent ou zone douloureuse.
- Analyse détaillée :
- Présence de dénudation dentinaire.
- Couleur, degré d’atteinte carieuse.
- Qualité des tissus de soutien (récession gingivale).
- Tests :
- Test à la sonde : Passage d’une sonde pointue sur les surfaces dentaires pour repérer les zones sensibles.
- Coup de soufflet d’air : Application d’air pour détecter la sensibilité.
7.3. Diagnostic Différentiel
Le diagnostic de l’HSD est un diagnostic d’exclusion, nécessitant d’écarter d’autres pathologies dentaires.
7.4. Diagnostic Positif
Le test de Schiff est utilisé pour caractériser l’HSD (faible, modérée, sévère). Il consiste à appliquer un jet d’air sur la zone et à observer la réaction du patient.
8. Traitement
Il existe de nombreux traitements possibles, mais aucun « gold standard » n’a été établi. L’objectif est de :
- Limiter la transmission nerveuse (diffusion d’agents ioniques).
- Recouvrir ou obturer les tubules dentinaires exposés pour réduire les mouvements de fluide.
Les traitements se divisent en deux catégories : physiques (résines composites, ciments verres ionomères, greffes gingivales, lasers) et chimiques (hydroxyde de calcium, nitrate de potassium, fluorures, oxalates).
8.1. Traitement Préventif
- Enseignement d’une technique de brossage non traumatisante (brosse à dents électrique recommandée).
- Réhabilitation occlusale (traitement des parafonctions ou malocclusions).
- Thérapeutique parodontale.
- Modification des habitudes alimentaires (conseils diététiques).
- Éviter le brossage immédiatement après une boisson acide.
- Reminéralisation des lésions initiales de l’émail.
8.2. Traitement Symptomatique
Cahier des charges du traitement idéal (Tilliss & Keating, 2002 ; Bartold, 2006) :
- Minimum de séances et de temps d’application.
- Pas d’irritation pulpaire ni de douleur.
- Non nocif pour les tissus mous.
- Sans coloration dentaire.
- Efficacité rapide et prolongée.
- Facile d’utilisation et peu coûteux.
8.2.1. Traitement Symptomatique à Action Chimique (Désensibilisant)
8.2.1.1. Agents Chimiques à Action Anti-Inflammatoire
- Corticoïdes topiques : Abandonnés en raison de leurs effets secondaires.
8.2.1.2. Agents Chimiques à Action Caustique
- Nitrate d’argent : Abandonné (colorations, irritation pulpaire).
- Chlorure de zinc : À proscrire (risque de nécrose pulpaire).
- Formaldéhyde : Efficacité controversée.
8.2.1.3. Agents Chimiques à Action Minéralisante
- Composés fluorés : Fluorure d’étain (SnF), fluorure d’amines (AmF), monofluorophosphate de sodium (NaMFP), fluorure de sodium (NaF).
- Oxalates : Oxalates ferriques, oxalates de potassium, acide oxalique.
- Mécanisme : Formation de cristaux insolubles d’oxalates de calcium obstruant les tubules.
- Chlorure de strontium : Substitution du calcium dans l’hydroxyapatite, favorisant la minéralisation des canalicules.
- Hydroxyde de calcium : Efficacité limitée par sa faible persistance (application fréquente nécessaire).
8.2.1.4. Agents Chimiques à Action Neutralisante
- Nitrate de potassium :
- Bloque l’activation nerveuse et la transmission de la douleur.
- Très utilisé (gel avec gouttières ou dentifrice désensibilisant, 2 fois/jour pendant 3-5 semaines).
- Chlorure de potassium : Action similaire.
8.2.2. Traitement Symptomatique à Action Physique
- Vernis : Couverture des tubules exposés.
- Adhésifs : Protection de la dentine.
- Obturation adhésive : Résines composites ou ciments verres ionomères (indiqué pour pertes de substance importantes).
- Chirurgie mucogingivale : Correction des récessions gingivales.
- Thérapie laser : Réduction de la sensibilité par action sur les tubules.
- Traitement endodontique : En dernier recours pour les cas sévères.
Conclusion
L’hyperesthésie dentinaire affecte une part croissante de la population, en raison notamment d’habitudes alimentaires délétères. Elle doit devenir une préoccupation majeure pour les cliniciens, tant par sa prévalence que par les défis qu’elle pose en termes de diagnostic et de traitement.
Sensibilité et Hypersensibilité Dentinaire
Une occlusion équilibrée est cruciale pour la fonction masticatoire et la santé articulaire.
Le contrôle de la plaque dentaire reste la meilleure prévention contre les gingivites.
L’empreinte numérique transforme les workflows en prothèse et orthodontie.
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L’occlusion influence la mastication et l’équilibre de l’articulation temporo-mandibulaire.
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La gestion du stress pré-opératoire fait partie intégrante de la prise en charge.
Sensibilité et Hypersensibilité Dentinaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.