Réactions tissulaires au cours d’un déplacement dentaire
INTRODUCTION
Tout au long de la vie, les organes dentaires se déplacent spontanément en raison de la migration physiologique (dérive mésiale, abrasion occlusale et interproximale, pertes dentaires…).
Tout le système péridentaire (avec notamment le desmodonte et la lame criblée) est adapté à cette migration en maintenant l’homéostasie par un remodelage tissulaire permanent.
Le mouvement dentaire provoqué découle de la migration physiologique. En appliquant des forces sur les dents, l’orthodontiste va chercher à amplifier ce mouvement, donc à accroître les réactions tissulaires de façon à augmenter les déplacements pour positionner les dents dans les trois sens de l’espace en fonction des objectifs thérapeutiques recherchés (esthétiques, fonctionnels et occlusaux).
- DÉPLACEMENT DENTAIRE PHYSIOLOGIQUE
Comme de nombreux autres tissus, les tissus péridentaires ont, à l’état sain, un rythme de renouvellement à la fois cellulaire et extracellulaire. Ce Turn-over concerne les cellules, les fibres etla substance fondamentale du desmodonte, de l’os alvéolaire et, dans une moindre mesure, du cément.
C’est donc à la fois sur le plan osseux, et sur le plan desmodontal que se réalise le remodelage lié au déplacement, ici physiologique, d’une dent.
- Remaniement du desmodonte
Le ligament alvéolodentaire a une double responsabilité au niveau du remodelage :
- Il possède sa propre capacité de remodelage ;
- Il a un rôle régulateur du remodelage osseux.
A- Remodelage propre :
Les fibres de collagène sont détruites et remplacées de façon continue.
Le collagène est produit par les fibroblastes et sa synthèse est directement liée au nombre et à l’activité de ces cellules.
Au cours du mouvement dentaire, on assiste, non pas au déplacement d’un desmodonte inerte, maisà un remodelage fibrillaire permanent.
B- Contrôle de l’activité osseuse :
Lorsque le ligament alvéolodentaire est atteint, la dent s’ankylose.
Cela correspond, au niveau de la zone lésée, à l’envahissement du ligament, puis de la racine, par les processus de remodelage osseux.
Donc, pour assurer la protection de la racine le ligament met en place un contrôle des phénomènes de remodelage osseux : les fibroblastes inhibent la différenciation des ostéoblastes par la libération de différents facteurs solubles tels que les prostaglandines.
- Remodelage de l’os alvéolaire
L’os alvéolaire constitue la partie des mâchoires ou sont implantées les dents. C’est un tissu conjonctif dont la substance intercellulaire, fabriquée par ses cellules, se minéralise.
Il est constitué de cellules osseuses et d’une matrice fibreuse (90 % collagène, 10 % glycoprotéines) qui est secondairement minéralisée.
Pour assurer ses fonctions (support, protection..), l’os alvéolaire, comme l’ensemble des os de l’organisme, est soumis à un remodelage continuel assuré par les ostéoblastes et les ostéoclastes.
Au cours de la migration physiologique « toute travée osseuse tend à maintenir constante son épaisseur ». De ce fait, il explique que chaque fois qu’il y a résorption d’un côté, il y a apposition de l’autre côté et vice-versa.
- DÉPLACEMENT DENTAIRE PROVOQUÉ
L’application continue d’une force sur une dent va entraîner des réactions biologiques afin de diminuer les contraintes subies.
Il y a mise en jeu et orientation des phénomènes de remodelage avec, pour conséquence, le déplacement dentaire.
- Effets immédiats :
On observe après l’application d’une force sur une dent, des effets immédiats :
- Un déplacement léger et instantané de la dent lié à l’élasticité du desmodonte ;
- Puis un déplacement un peu plus lent correspondant à la fuite des liquides à travers la lamecriblée (hydraulique);
- On assiste après à une déformation de l’os alvéolaire.
- Puis si la force augmente encore, une légère déformation des tissus dentaires.
À l’arrêt de la force : la dent revient à sa position initiale en 1 à 2 minutes.
- Effets à plus long terme :
Un certain temps de latence va être nécessaire pour que le déplacement se poursuive.Il correspond à la mise en jeu des phénomènes histologiques de remodelage.
Cependant, ce temps de latence est très variable (de 01 à 10 jours).
Cette différence s’explique par le niveau de pression qu’entraîne le système mécanique :
Une pression faible: la vascularisation est perturbée mais peut quand même se produire et les phénomènes de résorption vont pouvoir se mettre en place rapidement : on parle de résorption directe ;
Une pression forte: empêche toute vascularisation, avec pour conséquences une nécrose et une dégénérescence localisées des cellules. Cette zone avait été décrite par Reitan et appelée zone hyaline du fait de son aspect au microscope optique « un aspect vitrifié acellulaire ».
La phase de hyalinisation débute 36 heures après l’application de la force initiale et dure en moyennede 12 à 15 jours pendant lesquels aucun mouvement n’est perceptible.
La compression de la zone hyaline empêche la venue et la formation des ostéoclastes à son niveau,
l’activité ostéoclastique est reportée à distance du desmodonte dans les espaces médullaires, riches en cellules.
On parle alors d’une résorption indirecte. Cette zone est éliminée après une période de 3 à 5 semaines si l’on n’effectue que des réactivations douces.
Après élimination de la zone hyaline, une nouvelle couche de cément et d’os alvéolaire se dépose et sert d’ancrage aux fibrilles de collagène néoformées, et la dent peut se déplacer de nouveau.
Au niveau osseux, il se forme sous l’effet de la traction un os immature, l’ostéoïde, qui, à l’instar de la zone hyaline du ligament, n’est pas résorbable.
Il s’opposera à tout mouvement dans sa direction. Donc il est inutile voir nocif de pousser la dent contre ce mur, car non seulement la dent ne se déplacera pas, mais il y aura, risque de résorption radiculaire (notamment lors des mouvements de va et vient).
En résumé:
La force utilisée doit être telle que la hyalinisation et la résorption osseuse indirecte soient limitées, et que la résorption osseuse directe soit favorisée.
Donc les forces au départ doivent être légères afin de réduire le côté en pression et donc diminuer la durée de la hyalinisation et obtenir ainsi un mouvement plus rapide tout en évitant les lésions dentaires ou parodontales.
A long terme, une fois le temps de latence nécessaire à la production cellulaire et différenciation ostéoclastique passé, on peut augmenter peu à peu l’intensité des forces.
- FACTEURS INFLUENÇANT LE DEPLACEMENT
- Facteurs biologiques intrinsèques
L’âge du patient :
- Plus le sujet est jeune, plus les conditions sont favorables au déplacement dentaire (cellules conjonctives jeunes en pleine prolifération, Turn-over cellulaire important…).
- Chez l’adulte, les conditions sont défavorables (moins de trabéculations osseuses, faible Turn-over, hyalinisation de règle…) : Appliquer des forces très légères, privilégier les déplacements en gression.
La dent :
- Plus la dent (surface radiculaire) est petite, plus elle est facile à déplacer.
- Une dent dépulpée se déplace aussi aisément qu’une dent saine, si le canal est correctementtraité et s’il n’existe pas de lésion apicale.
Le site du déplacement :
- Il sera plus difficile de déplacer les dents à la mandibule qu’au maxillaire (densité osseusedifférente).
Facteurs nutritionnels et endocriniens :
- Une diminution du taux de Calcium implique un déplacement dentaire rapide.
- Une augmentation du taux de la vit D implique un déplacement dentaire rapide.
- Le déplacement dentaire provoqué serait plus important chez les femmes enceintes.
- Les modifications hormonales augmentent la quantité d’eau dans le ligament qui devientplus compressible.
- Facteurs extrinsèques
Facteurs liés aux dispositifs :
- En techniques fixes, l’objectif est de déplacer les dents en translation, en conséquence, lazone de pression se répartit sur la totalité du desmodonte.
- A l’inverse, avec des appareils amovibles, seules des versions sont réalisées, entraînant despressions limitées à des zones précises de la racine (plus faciles).
Intensité et rythme d’application :
- Il semble que l’influence du rythme d’application soit plus importante que l’intensité de laforce.
- Certains auteurs conseillent d’utiliser des forces continues très progressivement décroissantes, afin d’entretenir un certain « pool » d’ostéoclastes et pour éviter la reproduction des phénomènes de hyalinisation.
- L’utilisation de forces légères est le meilleur moyen de réaliser un mouvement dentaire physiologique par résorption directe et apposition de compensation.
- LÉSIONS TISSULAIRES DUES AU DÉPLACEMENT PROVOQUÉ
- Les résorptions radiculaires :
Qui peuvent être soit marginales (qui se réparent facilement par apposition de cément secondaire)ou apicales (qui vont cicatriser mais sans reconstitution du tissu dentaire détruit).
Conduite à tenir :
- Utiliser des forces légères.
- Préférer les mouvements de gression /version.
- Éviter le mouvement d’aller-retour.
- Surveillance radiologique.
- À la 1ére alerte, supprimer la force pendant 4 semaines.
- Les coudures radiculaires : au cours du déplacement d’une dent en cours de calcification. Surtout au niveau des 2ème M inf puis sur les 1ère et 2ème PM.
Tout traitement précoce doit donc être précédé d’un examen de la calcification radiculaire qui pourra faire différer le début du traitement.
- Les hypercémentoses : Assez rares, elles se rencontrent sur des dents qui ont été exposées à des tractions très importantes.
Elles peuvent conduire à l’ankylose de la dent et se rencontrent le plus souvent sur des 1ère
molaires en infraclusion.
- Les effets sur la pulpe dentaire : Une hyperhémie, un œdème, et des hémorragies de la pulpe (réversibles).
Les mouvements d’ingression entraînent parfois des nécroses pulpaires lors de l’utilisation de forces lourdes (rare).
- Les effets sur le parodonte : Gingivites, mobilité, récession, fenestrations (mouvements trop vestibulaires des racines), fissures ou fentes gingivales (après fermeture d’espaces d’extraction), des pertes d’attache épithéliale et d’os marginal.
En dehors de l’hygiène, la cause de ces lésions parodontales est à rechercher dans : l’intensité de la force, la vitesse du déplacement ainsi que les traumatismes occlusaux qui accompagnent le traitement orthodontique.
- La douleur : Une pression trop importante appliquée sur une dent provoque une douleur immédiate, si la force appliquée est d’une intensité raisonnable le patient ne ressent rien, ou peu de chose.
La douleur n’apparait souvent que quelques heures plus tard et les dents sont sensibles à la pression.
La douleur persiste 2 à 4 jours en moyenne et disparait jusqu’à la prochaine activation, une prescription antalgique est conseillée.
Réactions tissulaires au cours d’un déplacement dentaire
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Réactions tissulaires au cours d’un déplacement dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.