Prothèse fixée et Parodonte
Prothèse fixée et Parodonte
Introduction
Ce document traite de l’interaction entre la prothèse fixée et le parodonte, en mettant l’accent sur les aspects diagnostiques, les considérations cliniques et les précautions nécessaires pour préserver la santé parodontale lors de la réalisation de prothèses fixées. Il aborde également les impacts potentiels des procédures prothétiques sur les tissus parodontaux et les mesures à prendre pour minimiser les agressions.
1. Rappel
Le parodonte
Le parodonte est l’ensemble des tissus de soutien de la dent, comprenant la gencive, le ligament parodontal, le cément et l’os alvéolaire. Sa santé est essentielle pour garantir la longévité des restaurations prothétiques.
Le sillon gingivo-dentaire
Le sillon gingivo-dentaire est l’espace situé entre la gencive marginale et la surface dentaire. Il constitue une zone clé dans la conception prothétique, car une mauvaise gestion peut entraîner des inflammations ou des récessions.
L’espace biologique
L’espace biologique désigne la distance nécessaire entre la limite prothétique et la crête osseuse pour préserver l’intégrité des tissus parodontaux. Cette zone doit être respectée pour éviter des lésions inflammatoires ou des résorptions osseuses.
Profil d’émergence
Le profil d’émergence correspond à la forme de la prothèse au niveau de la transition entre la dent et la gencive. Une conception inadéquate peut compromettre l’esthétique et la santé parodontale.
2. Diagnostic parodontal préprothétique
Avant toute réhabilitation prothétique, une évaluation complète du parodonte est indispensable. Les aspects suivants doivent être analysés :
- La santé parodontale : Présence d’inflammation, de poches parodontales ou de perte osseuse.
- La hauteur et l’épaisseur du tissu kératinisé : Une quantité suffisante de gencive kératinisée est nécessaire pour la stabilité des prothèses.
- L’espace biologique : Doit être respecté pour éviter des complications parodontales.
2.1 Examen clinique en prothèse conjointe
L’examen clinique vise à évaluer :
- Le degré d’hygiène dentaire du patient.
- La gravité de l’atteinte parodontale.
- L’intégrité de l’odonte et la qualité des soins endodontiques.
- L’intégrité fonctionnelle de l’appareil manducateur.
Paramètres à considérer :
- Présence de plaque ou d’autres dépôts.
- Inflammation gingivale, poches parodontales, alvéolyse inter-radiculaire, mobilité dentaire.
- Sur le plan fonctionnel :
- Facettes d’usure des dents.
- Craquements articulaires.
- Douleurs à l’ouverture buccale.
- Spasmes musculaires.
2.2 Examen des modèles
L’analyse de l’occlusion sur modèles permet de déterminer si la prothèse peut s’intégrer dans le schéma occlusal existant ou si des corrections sont nécessaires. Une prothèse fixée réalisée sur un déséquilibre occlusal non corrigé aggravera ce déséquilibre, d’où l’importance d’une analyse occlusale préprothétique.
2.3 Examen radiologique
L’examen radiologique complète l’examen clinique en confirmant :
- L’état du parodonte profond et le contour des tissus muqueux.
- L’aspect de la trabéculation osseuse.
- La forme, profondeur et direction des racines.
- Le rapport couronne/racine.
- Les atteintes carieuses et la qualité des traitements endodontiques.
- La présence de racines résiduelles ou de kystes.
3. Évaluation de l’état parodontal pré-prothétique
L’examen parodontal minutieux permet d’identifier deux situations cliniques principales :
3.1 Parodonte malade
En cas de parodontopathie, aucune reconstitution prothétique ne doit être envisagée avant un traitement parodontal, pour les raisons suivantes :
- Une parodontopathie réduit la longévité des dents et des prothèses.
- La mobilité dentaire entrave la mastication et la rétention des prothèses.
- L’inflammation et la dégénérescence du parodonte empêchent les dents piliers de supporter les exigences fonctionnelles des prothèses.
- Les prothèses réalisées sur des empreintes de gencives malades ne s’adapteront pas correctement après traitement, laissant des espaces sous les pontics favorisant l’accumulation de plaque et l’inflammation.
Un plan de traitement parodontal suivi d’une évaluation clinique et radiologique est requis avant de poser l’indication ou la contre-indication d’une prothèse fixée.
3.2 Parodonte sain
Même en présence d’un parodonte sain, des défauts peuvent compromettre le résultat prothétique. Ces défauts doivent être corrigés avant la mise en place de la prothèse par des interventions telles que :
- Élongation coronaire.
- Freinectomie.
- Recouvrement des récessions.
- Augmentation de la gencive attachée.
- Alignement du feston gingival.
- Traitement des crêtes édentées par addition ou soustraction des tissus.
4. Influence de l’état parodontal sur le traitement prothétique
Tout traitement prothétique est conditionné par la disparition des signes d’inflammation. Un délai de cicatrisation d’au moins 12 semaines est requis avant la restauration prothétique pour garantir sa pérennité.
5. Incidences de la réalisation de la prothèse conjointe sur le parodonte
5.1 Lors de la réalisation de la préparation dentaire
La préparation dentaire génère des agressions sur les tissus pulpaire et parodontal, liées à l’instrumentation et aux matériaux utilisés. Ces agressions peuvent être :
- Mécaniques : Atteinte des fibres de Sharpey par un dérapage de la fraise.
- Bactériennes : Contamination par des instruments non stériles.
- Chimiques : Réaction aux matériaux utilisés.
Respect de l’espace biologique :
- Les bords prothétiques doivent être situés à 0,4 mm minimum du fond du sulcus et à 2 à 2,5 mm de la crête osseuse.
- Une préparation intra-sulculaire comporte un risque parodontal, pouvant entraîner des résorptions osseuses ou des récessions gingivales selon l’épaisseur du parodonte.
Précautions à prendre :
- Éviter les limites intra-sulculaires sauf si nécessaire pour des raisons esthétiques ou mécaniques.
- Apprécier la distance entre la limite prothétique et la crête osseuse à l’aide d’une sonde et d’une radiographie.
- Réaliser une limite cervicale (LC) régulière, précise et suffisamment large pour éviter les surcontours préjudiciables.
- Utiliser un cordonnet pour contrôler la profondeur de la LC et préserver l’espace biologique.
- Selon Magne et Belser, les instruments oscillatoires permettent des préparations précises et minimalement invasives, réduisant les risques pour les tissus mous.
5.2 Lors de l’élaboration des prothèses provisoires
Les prothèses provisoires protègent les tissus dentaires mais peuvent causer des agressions parodontales et pulpaires dues aux matériaux et à leur mise en œuvre.
Types d’agressions :
- Thermique : Réaction exothermique de polymérisation des résines pouvant brûler les muqueuses.
- Chimique : Intolérance rare aux composants des résines.
- Bactérienne : Mauvais état de surface ou ajustage cervical imprécis favorisant l’accumulation de plaque.
- Mécanique : Surcharge occlusale ou prématurités entraînant des réactions pulpaires ou desmodontales.
Précautions à prendre :
- Respect de la morphologie : Réalisation correcte des contacts proximaux, embrasures et contours axiaux.
- État de surface : Polissage pour obtenir une surface lisse.
- Adaptation cervicale : Vérifier l’absence de surextension, surplomb ou hiatus.
- Occlusion : Respecter la morphologie occlusale et le schéma occlusal.
5.3 Lors de la prise d’empreinte
La prise d’empreinte se décompose en deux phases : l’accès aux limites cervicales et l’insertion du matériau.
5.3.1 Agressions liées aux méthodes d’accès aux limites cervicales
L’objectif est d’enregistrer précisément le profil d’émergence, nécessitant une ouverture du sillon gingival d’au moins 0,2 mm. Les méthodes incluent :
- Déflexion gingivale : Cordonnets (imbibés ou non), Expasyl®.
- Éviction gingivale : Électrochirurgie, curetage rotatif, laser.
Déflexion par cordonnet(s) :
- Le diamètre du cordonnet doit correspondre à la profondeur du sillon et à l’épaisseur de la gencive.
- L’insertion d’un seul cordonnet peut léser l’attache épithéliale et provoquer des saignements.
- La technique du double cordonnet (un cordonnet fin non imbibé suivi d’un cordonnet plus épais imbibé) est moins traumatisante.
Éviction par électrochirurgie :
- Traumatique pour les tissus mous, avec atteinte de l’épithélium sulculaire et du tissu conjonctif.
- Risque de brûlures ou douleurs pulpaires en cas de contact avec des surfaces métalliques.
5.3.2 Agressions liées à la nature du matériau à empreinte
- Thermique : Élévation de température lors de la prise.
- Mécanique : Rétention de particules de silicone ou d’alginate dans le sillon.
- Chimique : Dépend du matériau utilisé.
- Hydrocolloïdes irréversibles (alginates) : Peu d’effets indésirables si le temps de contact est court, mais des débris stagnants peuvent causer une inflammation.
- Élastomères (silicones) : Peu irritants si bien mélangés, mais les accélérateurs peuvent être allergènes en cas de mélange insuffisant.
Précautions à prendre :
- Utiliser des systèmes comme Expasyl ou la technique du double cordonnet pour minimiser les traumatismes.
- Respecter les protocoles de mise en œuvre des matériaux.
- Choisir une technique d’empreinte adaptée (par exemple, compressive).
5.4 Lors de l’assemblage entre la prothèse fixée et la préparation dentaire
L’assemblage vise à obtenir un joint fin avec élimination des débris de ciment dans le sillon gingivo-dentaire. Les agressions dépendent du biomatériau utilisé et de la technique.
Types d’agressions :
- Mécanique : Rétention de débris de ciment provoquant une inflammation.
- Thermique : Réaction exothermique des ciments au phosphate de zinc.
- Bactérienne : Dissolution du joint de ciment favorisant l’accumulation de plaque.
- Chimique : Effet toxique immédiat ou tardif lié à la dégradation du ciment.
Ciments au phosphate de zinc :
- Acidité et exothermie provoquent une réaction inflammatoire initiale.
- La dégradation du joint entraîne une inflammation chronique légère, mais les ions zinc peuvent être bénéfiques.
Ciments verres ionomères :
- Biocompatibilité variable selon le produit, pouvant aller d’une absence de toxicité à une cytotoxicité marquée (surtout pour les produits périmés).
- Généralement bien tolérés par les tissus.
Colles :
- Effet toxique négligeable in vivo si la préparation est supra-gingivale et réalisée sous digue.
Précautions à prendre :
- Limiter les agressions thermiques et chimiques des ciments au phosphate de zinc par un respect strict des protocoles.
- Placer un cordonnet fin dans le sulcus avant le scellement pour empêcher la pénétration du ciment et faciliter l’élimination des excès.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Prothèse fixée et Parodonte

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.