Prise en charge des patients immunodéprimés

Prise en charge des patients immunodéprimés

Prise en charge des patients immunodéprimés

-­‐ Les maladies qui entrainent une immunodépression représentent un groupe très hétérogène de pathologies, allant des plus rares (déficits immunitaires congénitaux) à des pathologies beaucoup plus fréquentes (cancer, corticothérapie.

Syndrome d’immunodéficience acquise, diabète, vieillissement, etc.)

-­‐ Les patients immunodéprimés ont une susceptibilité élevée aux infections qui doit être prise en compte par l’odontologiste lors de sa prise en charge. Son rôle, en concertation étroite avec le médecin en charge du patient, est de contrôler les foyers infectieux intrabuccaux et prévenir leur dissémination systémique.

-­‐ Ce risque infectieux implique la plupart du temps une antibiothérapie préventive ou curative. Ces patients sont exposés par ailleurs à un risque élevé d’interactions médicamenteuses.

  1.  ­ ‐ Définitions :

-­‐ Les patients immunodéprimés présentent un dysfonctionnement d’un ou plusieurs éléments du système immunitaire.

Le système immunitaire est constitué d’un ensemble de cellules (lymphocytes, polynucléaires, monocytes et macrophages : immunité cellulaire) et de molécules (complément, cytokines : immunité humorale), dont le rôle est d’assurer l’intégrité de l’organisme en le protégeant contre les substances étrangères ou les agents infectieux auxquels il est exposé.

-­‐ Les déficits immunitaires peuvent toucher l’immunité cellulaire ou l’immunité humorale.

  1.  ­ ‐ Étiologie :

-­‐ On distingue habituellement les déficits primaires, ou hérités, des déficits secondaires, ou acquis de l’immunité.

-­‐ Les déficits primaires avec manifestations cliniques sont des affections rares, qui touchent environ un nouveau-­‐né sur 5000 naissances. Il s’agit de maladies héréditaires causées par une anomalie génétique pouvant altérer la maturation lymphocytaire, entrainer un déficit quantitatif ou qualitatif des cellules phagocytaires ou, enfin, entrainer un déficit en complément.

-­‐ Les déficits immunitaires secondaires correspondent à des situations plus diverses. Ils peuvent être iatrogènes, causés par une chimiothérapie ou une radiothérapie anticancéreuse, ou par le traitement immunosuppresseur utilisé au décours d’une greffe pour prévenir le phénomène de rejet. Les hémopathies malignes (maladie de Hodkin, leucémie, myélome multiple), les tumeurs solides et certaines pathologies auto-­‐immunes (lupus érythémateux disséminé) entrainent un état d’immunodépression.

-­‐ Un déficit immunitaire est également retrouvé dans les états de dénutrition sévère, chez l’insuffisant rénal chronique, chez le patient diabétique, chez le patient asplénique, splénectomisé (traumatisme splénique, sphérocytose héréditaire) ou avec rate non fonctionnelle (dépanocytose, envahissement malin, etc.)

-­‐ Le patient tabagique présente également une altération du système immunitaire secondaire à un déficit de la fonction macrophagique. Des infections virales, bactériennes ou fongiques sont susceptibles d’entrainer un déficit immunitaire, il s’agit principalement ici du virus de l’immunodéficience humaine VIH. Enfin, la grossesse elle-­‐même s’accompagne d’une dépression immunitaire nécessaire à la tolérance vis-­‐à-­‐vis du fœtus.

  1.  ­ ‐ Risque infectieux :

-­‐ Le risque principal du patient immunodéprimé au décours de sa prise en charge par l’odontologiste est le risque infectieux.

-­‐ L’agence française de sécurité sanitaire des produites de santé (Alssaps) a défini en 2001 deux catégories de patient à risque d’infection :

  • Le risque A correspond aux patients à risque d’infection identifiée localement et/ou d’infection générale (septicémie).
  • Le risque B correspond aux patients à risque d’infection liée à une localisation secondaire de la bactérie, c.-­‐à-­‐d. à un nouveau foyer infectieux situé à distance du foyer primaire (endocardite infectieuse et infection sur prothèse articulaire).

-­‐ Les patients immunodéprimés correspondent au risque A. Des recommandations sur l’indication d’une antibioprophylaxie ou d’une antibiothérapie curative en fonction du geste réalisé sont également proposées. Au vu de ces recommandations, aucun geste n’apparait contre-­‐indiqué chez les patients immunodéprimés.

  1. ­ ‐ Attitude préventive de l’odontologiste face à un patient immunodéprimé :
  2.  ­ ‐ Flore buccale et patient immunodéprimé :

-­‐ La cavité buccale constitue un réservoir de microorganisme pouvant être à l’origine de bactériémie chez le patient immunodéprimé. On observe une modification de la flore commensale : augmentation de la prévalence des streptocoques viridans, streptocoque mutans et streptocoque alphahémolytiques, entrérocoques (45% de portage chez les patients atteints de leucémie contre 24% dans la population générale, augmentation bacilles à Gram négatif (Bacteroides, Leptotrichia ou Actinobacillus, Porphyromonas, Treponema), augmentation de la prévalence des staphylocoques. Des infections aspergillaires ont également été décrites. L’apparition d’une flore non commensale a en outre été mise en évidence : bacilles à Gram négatif multirésistants (Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella et Enterobacter) et des levures de la famille des Candida. Les chimiothérapies et la prescription fréquente d’antibiotiques peuvent expliquer ces modifications.

-­‐ Les septicémies à streptocoques viridans sont fréquentes chez le patient immunodéprimé ; la cavité buccale en est la porte d’entrée et ce, d’autant qu’il existe des lésions muqueuses causées par une chimiothérapie et que le patient est fortement colonisé à streptocoques. Des septicémies à Fusobacterium nucleatum ou Leptotrichia buccalis ont également été décrites chez le patient neutropénique.

-­‐ L’augmentation quantitative et qualitative des germes dans la cavité buccale, associée à une diminution des défenses immunitaires, augmente le risque de dissémination bactérienne lors de soins dentaires. La quantité de plaque dentaire et l’importance de l’inflammation gingivale sont corrélées à la morbidité associée aux bactériémies.

  1.  ­ ‐ Risque inhérent à l’anesthésie locale :

-­‐ La réalisation d’une anesthésie locale n’apparait pas contre indiquée chez le sujet immunodéprimé, bien qu’une étude chez l’enfant non immunodéprimé ait montré une prévalence de 97% des bactériémies après anesthésie locale intra ligamentaire. Il n’est pas recommandé d’antibioprophylaxie pour une anesthésie locale isolée chez le patient immunodéprimé.

-­‐ L’adjonction d’un vasoconstricteur ne semble pas modifier ce risque.

  1.  ­ ‐ Risque inhérent à l’acte chirurgical :

Le risque principal au décours de la prise en charge du patient immunodéprimé est le risque infectieux. Chez ces patients, l’odontologiste va être confronté à une fréquence plus importante des lésions intrabuccales infectieuses et, également, à un risque de complications infectieuses systémiques dont le point de départ est la cavité buccale.

  1.  ­ ‐ Prise en charge du patient immunodéprimé :

-­‐ La prise en charge par l’odontologiste des patients immunodéprimés doit être précoce (idéalement avant le début de la période d’immunosuppression) et agressive. Une correction étroite avec le médecin en charge de l’immunosuppression est primordiale. Tout d’abord, avant la période d’immunodépression (chimiothérapie, radiothérapie, transplantation), le patient doit bénéficier d’un examen approfondi de la cavité buccale, complété par un panoramique dentaire (recherche d’un granulome apicodentaire, détecter un dépassement intra sinusien de pate d’obturation canalaire). Le but est le dépistage et l’éradication de tous les foyers infectieux oraux qui secondairement pourraient être à l’origine de complications graves, l’extraction des dents cariées, le détartrage et surfaçage radiculaire, ainsi que le traitement des pathologies du parodonte.

-­‐ Une hygiène buccodentaire rigoureuse doit être instaurée.

-­‐ La prise en charge se poursuit pendant la période d’immunodépression avec des examens réguliers. La planification de ces examens doit être organisée avec le médecin en charge du patient, en fonction de la profondeur de l’immunodépression.

-­‐ Dans le cas des patients greffés, il faut attendre une stabilisation de la situation clinique, c.-­‐à-­‐d. plusieurs mois après la transplantation, et s’assurer de l’absence de rejet pour réaliser de nouveau traitement.

-­‐ Chez les patients neuropéniques, la pauvreté des signes cliniques d’inflammation ou d’infection rend encore plus justifiée la réalisation d’examen de dépistage systématique. Une grande majorité des patients insuffisants rénaux chroniques présentent des lésions du parodonte, justifiant une prise en charge agressive au cours de la maladie, mais aussi en vie d’une éventuelle transplantation rénale. Le suivi doit être régulier et dans le cas des patients dialysés, organisé les jours sans dialyse.

-­‐ L’accent doit être mis à nouveau sur les mesures générales d’hygiène buccodentaire, puisqu’il est montré que celles-­‐ci permettent de diminuer la fréquence des stomatites et la sévérité des infections orales.

-­‐ Il est par ailleurs indispensable de réaliser des prélèvements à visée bactériologique en cas de suspicion de foyer infectieux, en raison du risque d’infection à bactéries multirésistantes afin d’adapter secondairement l’antibiothérapie.

Traitement antibiotique :

-­‐ Le risque infectieux et le risque de dissémination à distance des germes de la cavité buccale justifient chez les patients immunodéprimés la prescription d’antibiotiques lors du geste de l’odontologiste.

-­‐ L’Afssaps a publié en 2001 des recommandations entourant cette prescription.

Antibioprophylaxie :

-­‐ Le but d’une antibioprophylaxie est de prévenir le risque d’infection, localisée à la cavité buccale ou disséminée à l’ensemble de l’organisme (septicémie), lié à un geste endobuccal. Une antibioprophylaxie est recommandée au cours de tous les actes invasifs (avec risque de saignement significatif) pratiqués chez les patients immunodéprimés : soins endodontiques, soins prothétiques à risque de saignement, tous les actes chirurgicaux.

-­‐ L’intérêt d’une antibioprophylaxie n’est pas reconnu au cours des soins parodontaux non chirurgicaux et des actes non invasifs : acte de prévention. Soins conservateurs, soins prothétiques non sanglants, ablations postopératoire de suture, pose de prothèse amovibles orthodontiques et pose ou ajustement d’appareils orthodontiques.

-­‐ L’antibioprophylaxie des complications infectieuses localisées à la cavité buccale associe le métronidazome-­‐Flagyl et la spiramycine-­‐Rovamycine.

-­‐ L’antibioprophylaxie dont le but est de prévenir les infections systémiques associe amoxicilline et acide clavulanique-­‐ Augmentin par voie intraveineuse. L’association amoxicilline et métronidazole peut être également utilisée. En cas d’allergie aux b-­‐lactamines, l’association clindamycine-­‐Dalacine et gentamicine-­‐Gentalline est recommandée.

Antibiothérapie curative :

-­‐ Une antibiothérapie curative est indiquée dans le traitement de l’abcès périapical, de la nécrose pulpaire, des traumatismes alvéolodentaires compliqués, de la GUN, des parodontites agressives, de la parodontose, de la parodontite réfractaire, de la péricoronarite, de l’abcès parodontal, des cellulites, des ostéites, des stomatites bactériennes, des infections bactériennes des glandes salivaires, des péri-­‐implantites et au cours de la régénération tissulaire parodontale.

-­‐ L’intérêt d’une antibiothérapie n’est pas reconnu dans les pulpites irréversibles, les complications périradiculaires chroniques, les traumatismes alvéolodentaires simples, la gingivite chronique, les gingivites associées à des maladies systémiques ou à la prise de médicaments, les caries et les pulpites transitoires réversibles, les alvéolites sèches et les accidents d’éruption des dents temporaires.

-­‐ L’antibiothérapie comprend les pénicillines A (amoxicilline), les 5-­‐nitro-­‐imidazolés seuls ou associés aux macrolides. En cas d’allergie aux b-­‐lactamines, sont recommandés les macrolides, les streptogramines (pristinamycine-­‐Pyostacine) et les lincosamides. L’association amoxicilline acide clavulanique-­‐Augmentin est recommendée en 2ème intention. L’utilisation des céphalosporines n’est pas recommandée dans la prise en charge ambulatoire.

Adaptation des thérapeutiques :

L’immunodépression en elle-­‐même ne contre-­‐indique aucun traitement. Nous traiterons ici plus particulièrement du problème des antibiotiques. En raison des nombreuses interactions existant avec les traitements immunosuppresseurs et antiviraux, ainsi que la présence d’une insuffisance rénale ou hépatique, l’odontologiste devra savoir se référer au médecin en charge du patient avant la prescription de nouveaux médicaments.

Traitements immunosuppresseurs :

Les macrolides doivent être utilisés avec prudence avec la ciclosporine-­‐Néoral (inhibiteurs enzymatiques :risque d’augmentation du taux sanguin de ciclosporine), seule la spiramycine-­‐Rovamycine ne fait pas courir ce risque; la clindamycine et les aminosides, de la même façon, doivent être prescrits avec prudence (toxicité rénale).

Traitements antiviraux :

Les patients atteints du VIH sont traités par des associations d’antiviraux, principalement les inhibiteurs des protéases et les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse. Ces traitements possèdent de nombreuses interactions médicamenteuses et en particulier avec les antibiotiques.

Insuffisance hépatique :

Il est important d’utiliser de préférence des produits peu ou non métabolisés par le foie. On se doit d’éviter les produits hépatotoxiques, comme la clindamycine, et de diminuer ou éviter l’utilisation des antibiotiques fortement métabolisés et ayant une élimination biliaire importante, comme les macrolides et le métronidazole.

Particularités du patient VIH :

-­‐ Les patients atteints du VIH présentent une diminution des défenses immunitaires causée par une baisse progressive et réversible ainsi que par des anomalies qualitatives, des lymphocytes T-­‐CD4 du sang. Le virus est transmis par voie sexuelle, sanguine et maternofoetale. L’évolution naturelle a lieu en 3 phases : La primo-­‐infection, qui a lieu 2 à 8 semaines après la transmission et qui est asymptomatique dans près de 50% des cas ; une phase asymptomatique, qui peut durer 10ans et parfois plus ; enfin, la phase Sida lorsque le patient présente des infections à germes opportunistes (sarcome de Kaposi, pneumocytose pulmonaire par exemple).

-­‐ Au cours de la prise en charge, l’odontologiste peut avoir à diagnostiquer et à traiter les lésions orales plus ou moins spécifiques du VIH (leucoplasie chevelue de la langue, érythème linéaire gingival, candidose oropharyngée, ulcérations aphteuses extensives, gingivostomatites et parodontites aiguës ulcérantes et nécrotiques, sarcome de Kaposi). Il peut également avoir à prendre en charge des lésions orales infectieuses favorisées par l’état d’immunodépression. De façon intéressante, peu de patients atteints du VIH semblent présenter de complications systémiques aux pathogènes de la cavité buccale.

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