Prise en charge dentaire des patients sous inhibiteurs de la résorption osseuse et sous anti angiogéniques

Prise en charge dentaire des patients sous inhibiteurs de la résorption osseuse et sous anti angiogéniques

Introduction :

L’utilisation de nouvelles molécules inhibitrices de la résorption osseuse dans plusieurs spécialités médicales, notamment en cancérologie, devient de plus en plus fréquente en raison de leur bénéfice et leur amélioration du cadre de vie des malades, néanmoins une complication majeure peut avoir lieux, plus précisément au niveau des maxillaires, représentée par l’ostéonécrose des maxillaires (ONM).

L’absence d’un traitement curatif et efficace de cette ostéochimionécrose des maxillaires (OCNM) impose un maximum de prudence et un protocole bien établi lors de la prise en charge de ce type de patients, où un mauvais état de la cavité buccale constitue un des principaux facteurs de risque. Le chirurgien dentiste, dont le rôle est très déterminant dans la prévention de la survenue de cette complication, doit adapter sa conduite en fonction du niveau de risque et préciser les facteurs de Co morbidités tout en gardant une collaboration multidisciplinaire avec le médecin traitant.

  1. Définition :

L’ostéonécrose médicamenteuse des mâchoires (ONM), dite aussi osteochimionecrose des maxillaires (OCNM), a été décrite pour la première fois par Marx en 2003, suivi par Ruggerio en 2004. En 2014, l’American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons (AAOMS) a définit cette atteinte par la présence de trois critères:

  1. Une exposition osseuse, directe ou a travers une fistule intra- ou extra buccale dans la région maxillo-faciale, persistante depuis plus de huit semaines.
  2. Absence d’antécédent de traitement par radiothérapie cervico-faciale ou de récidive

tumorale locale ou de métastases.

  1. La notion d’un traitement par inhibiteur de la résorption osseuse (IRO), essentiellement les bisphosphonates (BPs) ou le denosumab (Dmab), pouvant être à l’origine d’ONM.
  2. Physiologie :

Dans le processus de résorption osseuse, l’activation des ostéoclastes, cellules effectrices de ce phénomène, à partir des précurseurs hématopoïétiques de la moelle osseuse, dépend du récepteur activateur du facteur nucléaire RANK (kappa-B) et de son activateur RANK-L (ligand) produits par les ostéoblastes et les lymphocytes T (schéma 1).

La régulation du niveau de résorption osseuse est obtenue par la synthèse et la libération par les ostéoblastes de l’ostéoprotégérine (OPG), un antagoniste du RANK-L.

L’action des molécules IRO se fait en inhibant ces voies de stimulation et de régulation du processus de formation et de résorption osseuse, soit par voie intra cellulaire (biphosphonates) ou extra cellulaire (denosumab).

Schéma 1 : Activation de la résorption osseuse par fixation du RANK-L (produit par les ostéoblastes)

sur son récepteur ostéoclasique RANK. La régulation se fait par la production de l’OPG par les ostéoblastes.

  1. Pharmacologie :

Parmi les médicaments anti resoptifs existants, les plus associés au développement des ONM sont des plus utilisés et ils sont représentés par les biphosphonates (BPs) et les anticorps monoclonaux anti-RANK-L (denosumab) dont le risque varie en fonction de la puissance des molécules, des indications et la durée de prise. Ces traitements ont pour action le blocage de la résorption osseuse afin de maintenir le seuil de densité osseuse en ciblant les ostéoclastes et trouvent leur indication dans des pathologies ostéolytiques bénignes (ostéoporose, maladie de Paget, dysplasie fibreuse, ostéogenèse imparfaite, etc.) ou pathologies malignes (métastases osseuses de tumeurs solides, myélome). Leur rôle est préventif contre la survenu de fractures osseuses (extrémité supérieure du fémur), les compressions médullaires, la progression tumorale intra-osseuse ou encore l’hypercalcémie maligne, améliorant ainsi la qualité de vie des patients.

  1. Les bisphosphonates (BPs) :

Il existe différents types de molécules (schéma 2) repartis en 3 types de générations avec des voies d’administration et 2 indications distinctes, bénignes et malignes. (Tableau I et II)

Schéma 2 : Composition moléculaire des BPs. Les radicaux R1 et R2 correspondent aux éléments nitrogènes. Les 2 éléments O permettent la liaison avec le Ca2+ de l’hydroxyapatite osseux.

Tableau I

IRO à indication oncologique
MoléculesBPSAc anti-Rank LAnti angiogeniques
1ere GNon nitrogénés2eme GNitrogénés3eme GNitrogénés
DCI/Nom commercial®ClodronateClastoban®Lytos®10PamidronateAredia®100Ibandronate*Bonviva® Bondronate®10000Zoledronate**Zometa® Aclasta®20000DenosumabXgeva® Prolia®Bevacizumab*Avastin®Sutent**Sunitinib®Aflibercept*Zaltrap®
Mode d’administrationVOIVIVVO*IV *et** (Mensuel)SC (Mensuel)VO**IV*

(R ! : 1/10/100/1000/5000/10000/20000 : puissance des molécules)

Tableau II

IRO à indication pathologique bénigne
MoléculesBPSAc anti-Rank LAnti angiogeniques
1ere GNon nitrogénés2eme GNitrogénés3eme GNitrogénés
DCI/Nom commercial®EtidronateDidronel®1TiludronateSkelid®10Pamidronate**Aredia®100Alendronate*Fosamax® Fosavance®1000Risedronate*Actonel®5000Ibandronate*Bonviva® Bondronate®10000Zoledronate**Zometa® Aclasta®20000DenosumabXgeva® Prolia®//
Mode d’administrationVOVO*IV**VO*IV *et** (Annuel)SC (2X/an)//

(R ! : 1/10/100/1000/5000/10000/20000 : puissance des molécules)

Contrairement aux BPS de première génération, moins puissants et moins utilisés et qui ne sont pas à l’origine d’ONM, les BPs de deuxième et troisième générations peuvent l’être. Ces molécules de BPs ont une demi-vie osseuse très longue (10 ans en moyenne) du fait d’une très forte affinité pour le tissu minéral osseux en se fixant aux cristaux d’hydroxyapatite. Ils entrainent l’apoptose et la mort des ostéoclastes (par accumulation cytoplasmique des métabolites) ce qui inhibe la résorption osseuse (schéma 3). Ils agissent aussi en inhibant la farnesyl pyrophosphate synthase (FPPS), enzyme clé dans la fonction des ostéoclastes et on leur reconnait aussi un effet anti angiogénique.

L’incidence d’atteinte est variable en fonction du mode d’administration, de la fréquence et de l’indication.

Il est admis que les BPs par voie intraveineuse sont plus associés aux ONM avec une augmentation du risque selon la dose cumulée avec les années de traitement.

Les malades en oncologie reçoivent une injection par mois alors que les malades ayant une pathologie bénigne en bénéficient d’une injection par an d’où une dose cumulée et un rythme inferieure rendant ainsi le risque d’ONM plus faible pour les indications bénignes.

2.2. Denosumab (Dmab) :

Schéma 3 : Action inhibitrice des BPs en se fixant au niveau de la matrice minérale osseuse et entrainant la mort des ostéoclastes par accumulation intracellulaire (cytoplasmique).

Il s’agit d’un anticorps monoclonal (IgG2) dirigé contre le ligand de RANK (anti-RANK-L) à la surface des ostéoclastes (schéma 4), bloquant ainsi la voie du remodelage osseux par voie extra cellulaire, contrairement aux BPs.

Sa voie d’administration est exclusivement sous-cutanée et il serait plus rapidement éliminé des os de la mâchoire (6 mois).

Le risque d’ONM est important sous denosumab en injection mensuelle dans des indications oncologiques et nettement plus faible dans des indications bénignes avec une injection deux fois par an.

Schéma 4 : Action inhibitrice du denosumab par voie extracellulaire en se liant au RANK-L l’empêchant de se fixer sur le récepteur RANK à la surface des ostéoclastes.

  1. Epidémiologie :

L’ONM est très rare dans les traitements pour une pathologie bénigne, entre 0,001 et 0,1 % respectivement pour BPs oraux ou par voie IV. Le risque d’ONM est multiplié par 5 au-delà

de cinq ans de traitement, ce qui correspond le plus souvent à la durée totale d’un traitement anti-résorptif.

Concernant les indications oncologiques, le délai moyen de survenue d’une ONM sous BPs par voie intraveineuse est autour de 24 mois avec une incidence entre 0,85 % et 18,6 %.

Par ailleurs, les taux d’ONM seraient relativement similaires sous denosumab et BPs dans des indications malignes ainsi que dans des indications bénignes.

  1. Clinique :

La description clinique des ONM prend en compte plusieurs critères (Photos 1 et 2):

  • L’exposition osseuse : principal critère diagnostique.
  • La localisation : maxillaire ou mandibulaire, antérieure ou postérieure, vestibulaire, créstale, palatine.
  • Le nombre de localisations : unique ou multiples.
  • L’étendue ou extension.
  • Les conditions de survenue : spontanée ou après un traumatisme local comme une avulsion dentaire ou une prothèse, etc.
  • La suppuration, l’inflammation et les douleurs.

Ces signes cliniques peuvent être retrouvés seuls ou parfois accompagnés par des signes radiologiques.

Photos 2A, 2B et 2C : ONM à localisation maxillaire région prémolaire, stade 2.

A : 1. Exposition osseuse. 2. Fistule productive.

B : Image de lyse et de condensation osseuse non spécifiques.

C : Evolution vers la séquestration.

(Cas clinique, service de pathologie buccale (Pr BOUDAOUD), CHU Mustapha-Alger)

Le diagnostic différentiel de l’ONM se fait essentiellement avec l’ORN et doit aussi éviter la confusion avec certaines manifestations cliniques: l’alvéolite ou l’ostéite maxillaire, la parodontite agressive, la sinusite, la pathologie périapicale et certaines formes de dysplasie cemento-osseuse montrant des images similaires à la séquestration secondaire, sans omettre les localisations métastasiques.

  1. Radiologie :

En l’absence de caractéristiques radiologiques pathognomoniques, le diagnostic de l’ONM repose principalement sur la symptomatologie clinique.

Le plus souvent, les images radiologiques standards type panoramique révèlent un os inhomogène, d’allure mixte, avec des zones radioclaires et des zones très denses (Photos 3). On peut aussi visualiser des lésions de séquestration osseuse et des réactions périostées qui témoignent de l’inflammation osseuse. La présence d’un séquestre osseux bien délimité permet d’orienter la prise en charge du malade.

L’intérêt de l’imagerie réside aussi dans la prévention en identifiant les facteurs de risques comme les réactions périapicales et la maladie parodontale ou l’exploration des localisations métastatiques maxillaires.

L’imagerie 3D de type Cone Beam Computed Tomography (CBCT) ou Denta-scanner se révèlent nécessaires devant des lésions extensives afin de déterminer les limites et les rapports avec les éléments anatomiques de voisinage comme le canal dentaire inferieure, les sinus maxillaires et les fosses nasales (risque de CBS ou de CBN) et d’évaluer le risque de fracture à la mandibule (Photos 4).

Photos 3A et 3B : A : Panoramique dentaire montrant des images de lyse osseuse au niveau de la région antérieure avec extension postérieure.

B : CBCT en coupe axiale montrant l’étendue de la lyse osseuse nécrotique.

Photos 4A, 4B, 4C et 4 D : A : ONM mandibulaire postérieure avec exposition osseuse et fistulisation, stade 2.

B : CBCT en coupe coronale montrant la lyse osseuse et l’isolation d’un séquestre.

C : CBCT 3D montrant la fenestration osseuse au niveau de la région du trigone.

D : CBCT montrant l’extension de la nécrose osseuse vers le canal dentaire inferieure. (Cas clinique, service de pathologie buccale (Pr BOUDAOUD), CHU Mustapha-Alger)

  1. Classification :

En raison du caractère variable des signes cliniques, l’AAOMS a établi, en 2009 et revue en 2014, sa classification descriptive en quatre stades (Tableau III), du stade 0 qui concerne les ONM sans exposition osseuse avec des signes cliniques non spécifiques en lien avec une surinfection, aux situations d’exposition osseuse sans douleur (stade 1), puis avec des symptômes cliniques (stade 2), et enfin l’atteinte des structures de voisinage (stade 3).

StadeSignes
0*Absence d’exposition osseuse*Signes cliniques ou radiographiques non spécifiques
1*Nécrose osseuse asymptomatique*Absence d’infection
2*Nécrose osseuse symptomatique*Signes d’infection (suppuration)
3Stade 2, en plus extension régionale +/- fracture, fistule..

Tableau III : Classification des ONM selon l’AAOMS

L’inconvénient de cette classification est le fait qu’elle ne met pas en parallèle les stades de la maladie avec leur prise en charge adaptée.

  1. Facteurs de risque et Co-morbidités :

En plus de la puissance des BPs (3eme génération), leur voie d’administration (IV) et la durée du traitement (cumul des doses), l’association à d’autres molécules comme le denosumab ou les anti-angiogéniques augmente le risque d’ONM ainsi que la sévérité par l’apparition de localisations multiples et le développement spontané et rapide de la nécrose osseuse. Le risque d’ONM en lien avec les anti-angiogéniques, sans association à des IRO paraît très faible.

Le risque d’ONM semble augmenter aussi dans les indications bénignes lorsqu’on y associe des corticoïdes, des immunosuppresseurs ou des molécules cytotoxiques comme le méthotrexate (chimiothérapie).

En outre, le développement d’une ONM peut être associé à la présence d’un foyer infectieux (parodontite, réaction apicale) ou une prothèse traumatisante, à un geste chirurgical (Avulsion dentaire) ou à une maladie générale chronique (ostéoporose, l’insuffisance rénale, le diabète et l’immunodépression..) ou un mauvais état général (dénutrition, alcoolisme, toxicomanie, vieillissent avancé..).

Toutefois, le lien de causalité n’est pas toujours établi car l’avulsion peut être révélatrice de l’os nécrotique sous-jacent (stade 0).

Ces facteurs de Co morbidités permettent avec les autres critères, comme l’indication, la dose cumulée, le type d’acte et l’état dentaire, d’évaluer le risque d’ONM de faible à élevé selon les recommandations de l’AFSSAPS en 2007 (agence française de la sécurité sanitaire et des produits de santé, actuellement l’ANSM ou agence national de la sécurité du médicament. Tableau IV).

IndicationsBénigneMaligne
Facteurs de risque-DuréeMoins de 5 ansPlus de 5 ans
-Co morbidités/+/- facteurs de Co morbidités
-Actes invasif-Infections/NonOui
Risque d’ONMFaibleElevée

Tableau IV : Classification du risque d’ONM après prescription de BPs ou Dmab. Afssaps. 2007

  1. Prévention du risque d’ONM chez les patients sous IRO:

En plus du rôle du médecin dentiste, la prise en charge de ces patients doit faire intervenir le médecin traitant dans le cadre d’une collaboration pluridisciplinaire. Ce dernier doit informer sur la nature de la pathologie du patient, le type de molécule IRO prescrite, sa voie et sa date de l’administration.

L’interruption momentanée du traitement, appelée aussi « Drug holidays », pour permettre un acte dentaire, ne doit être instauré que par le médecin traitant après évaluation de son utilité et l’état général du malade avec l’absence de conséquences néfastes.

Il existe trois niveaux de prise en charge buccodentaire selon le temps de mise en œuvre du traitement anti resoptif osseux.

  1. Avant le début du traitement (Tableau V) :

Le traitement par IRO ne doit débuter qu’après la remise en état de la cavité buccale. Un bilan bucco dentaire doit être effectué chez tous les patients candidats à un traitement par inhibiteur de la résorption osseuse quelle que soit l’indication maligne ou bénigne, sur la demande du médecin traitant.

L’objectif de ce bilan est de permettre au patient d’entamer son traitement après élimination de tous les foyers bucco dentaires infectieux potentiels et à risque.

Des examens cliniques et radiologiques standards (RVG, panoramique dentaire) seront alors réalisés, suivis si nécessaire d’une remise en état de la cavité buccale en effectuant les avulsions dentaires qui s’imposent jusqu’à une cicatrisation complète (15 jours à 1 mois d’attente) avant le début du traitement anti resoptif osseux.

Les soins conservateurs et parodontaux pourront être réalisés pendant le traitement quelle que soit l’indication.

Pour diminuer les risques d’ONM, surtout en cas de haut risque chez les cas oncologiques, il sera recommandé au patient des contrôles réguliers et un maintien strict d’une bonne hygiène buccale.

Risque d’ONMFaibleHaut
ActesBilan bucco dentaire obligatoire
Bonne hygiène buccale et soins dentaires.Soins invasifs indiqués.Suivi dentaire régulier et annuel.Bonne hygiène buccal.Soins dentaires réalisés.Extractions dentaires indiquées.Attente cicatricielle (15j à 1 mois) avant la mise en œuvre du traitement.Suivi dentaire régulier.Information au patient sur les risques d’ONM.

Tableau V : CAT bucco dentaire avant le début d’un traitement anti resoptif osseux

  1. Pendant le traitement (Tableau VI) :

A- Cas des indications bénignes des IRO :

Les BPs per os ont généralement un risque faible d’ONM. Il faudra rechercher des facteurs de risque comme le traitement a base de corticoïdes ou d’immunosuppresseurs.

Le risque est considéré comme faible si la durée cumulée du traitement par IRO est inferieure à cinq ans, et sans corticothérapie active. Tous les soins, même chirurgicaux, sont possibles et sans antibioprophylaxie.

Au-delà de cinq ans, ou dans le cas de traitement par BPs ou denosumab associée à une corticothérapie ou des immunosuppresseurs, des mesures préventives anti infectieuses à base d’antibioprophylaxie 48h avant tout acte invasif dentaire ainsi que des bains de bouche à la chlorhexidine 0.12% seront mis en place et poursuivis jusqu’à cicatrisation totale, tout comme dans les indications malignes.

B- Cas des indications malignes :

Après le début du traitement par BPs par voie intraveineuse, le risque augmente avec le cumul des doses et l’attitude sera plus conservatrice en évitant au maximum les actes invasifs sauf urgence.

Des contrôles réguliers seront programmés deux fois par an pendant toute la durée du traitement. Les soins conservateurs pourront être réalisés sans précaution particulière à condition qu’ils soient pérennes tout en limitant les intervenants par souci de démotivation du patient. Par contre, les actes chirurgicaux seront contre-indiqués, et les avulsions limitées aux dents non récupérables (mobilité terminale, délabrement, racine, fracture radiculaire, fistule, réaction apicale…) tout en viellant à assurer un acte le moins traumatisant possible. Les actes doivent s’accomplir sous couverture antiseptique et anti infectieuse :

  • Instauration d’une antibioprophylaxie 48h avant.
  • Antibiothérapie (amoxicilline 2g/j, clindamycine 1200mg/j) jusqu’à cicatrisation muqueuse totale du site opératoire.
  • L’anesthésie utilisée doit être sans vasoconstricteurs.
  • Sutures hermétique et sans tension du site opératoire.
  • bains de bouche à base de chlorhexidine 0.12% ou de Bétadine.
  1. Après traitement (Tableau VI) :

La demi-vie osseuse est très longue pour les BPs après la fin du traitement, évaluée à environ dix ans, en rapport avec le cumul dû au nombre d’injections de BPs par voie intraveineuse, ce qui impose des règles stricts de prévention en cas d’actes dentaires invasifs même après l’arrêt de ces médicaments.

A- Cas des indications bénignes :

Le risque restera le même pendant plusieurs années, avec une diminution lente et progressive, car la demi-vie osseuse et les doses cumulées sont importantes pour les BPS par voie orale ou par voie intraveineuse. Les Co morbidités associées doivent être prises en compte pour l’évaluation du risque.

B- Cas des indications malignes :

Le traitement par BPs par voie intraveineuse dure en général 24 mois pour ce type d’indication. Dans ce cas, le risque d’ONM perdure de nombreuses années en raison de la demi-vie osseuse de la molécule (environ 10 ans).

Les précautions seront les mêmes que pendant le traitement.

Concernant le denosumab, compte tenu de la demi-vie osseuse courte pour ce type de molécule et en l’absence d’antécédents de BPs préalable à son instauration, le risque d’ONM sera très diminué dès les quelques mois après arrêt du traitement (6 mois).

Risque d’ONMFaibleHaut
ActesBilan bucco dentaire obligatoire
Bonne hygiène buccale.Soins dentaires sans précautions.Soins invasifs possibles.Implants dentaires possibles.Suivi dentaire régulier et semi annuel.Soins dentaires possibles.Anesthésie sans vasoconstricteurs.Extractions dentaires des dents irrécupérables avec sutures.Chirurgie avec protocole adapté.Antibioprophylaxie et antibiotherapie jusqu’à cicatrisation.Contre indication des implants.Suivi dentaire régulier semi annuel.Bonne hygiène buccale et antisepsie locale.Information au patient sur les risques d’ONM.Exploration en cas de signes suspects.

Tableau VI : CAT bucco dentaire pendant et après le début d’un traitement anti resoptif osseux

  1. La gestion thérapeutique de l’ONM :

La prise en charge des patients ayant développé une ONM doit se faire en milieu hospitalier. Actuellement, il n’existe aucun consensus international pour un protocole clair et bien codifié concernant la gestion thérapeutique de cette chimio nécrose osseuse.

Le but de la stratégie thérapeutique est de :

  • Contrôler la douleur.
  • Contrôler l’infection.
  • Prévenir la progression et la récidive de l’ONM.

A- L’approche conservatrice ou non chirurgicale:

Les recommandations favorisent le traitement conservateur (non chirurgical) pour les stades précoce de l’ONM (stades 0, 1, 2) tout en espérant une guérison. Une bonne hygiène buccale et des bains de bouche antimicrobiens à base de chlorhéxidine 0.12% associés parfois à une antibiothérapie locale (lavages) ou systémique (amoxicilline 2g/j, ou clindamycine 1200 mg/j en cas d’allergie, ou metronidazole 1.5g/j en association – pdt 8 semaines) pour obtenir la disparition de la suppuration et l’isolement du séquestre par rapport à l’os sain sous-jacent et son exfoliation spontanée. Si l’os nécrosé est adhérant à la base osseuse sous-jacente, l’ablation chirurgicale peut être nécessaire.

Cette attitude conservatrice trouve son intérêt en l’absence de douleur non contrôlée, de progression de la maladie et interruption du traitement anti résoptif osseux par l’oncologue en cas d’évolution de l’ONM.

La bio stimulation au laser LLLT (low level laser therapy) et la piezochirurgie représentent des alternatives modernes pouvant être associées à la chirurgie conservatrice ou de débridement. Des résultats prometteurs ont également été rapportés avec l’utilisation de la PRF (Platelet Rich Fibrin ou concentré plaquettaire riche en fibrine).

Il existe aussi d’autres approches qui restent expérimentales comme les topiques à l’ozone, les cellules souches de moelle osseuse, la pentoxifylline (Torental®), la vitamine E, tériparatide et l’oxygénothérapie hyperbare (HBO).

B- L’approche non conservatrice ou chirurgicale :

Des l’apparition des signes d’évolution ou de gravité (stade 3), un traitement chirurgical non conservateur doit être préconisé. Le type de la chirurgie varie en fonction des symptômes et du stade de la maladie en procédant à la séquestrectomie (photos 5) ou à la résection de l’os nécrosé par ostéotomie en l’association parfois à des thérapies adjuvantes (antibiothérapie, laser, PRF, antisepsie locale).

Photos 5A et 5B : A : ONM mandibulaire postérieure avec séquestration, stade 3 B : Séquestre osseux.

(Cas clinique, service de pathologie buccale (Pr BOUDAOUD), CHU Mustapha-Alger)

Conclusion :

Les inhibiteurs de la résorption osseuse, essentiellement les BPs et le denosumab, sont des traitements indispensables pour améliorer la qualité de vie des patients présentant des métastases osseuses ou des pathologies bénignes comme l’ostéoporose, mais ils exposent au risque de développer une ONM considérée comme une complication majeur à pronostic incertain.

Le rôle du chirurgien-dentiste dans la prise en charge de ces patients est incontournable afin de prévenir et de diminuer ce risque d’ONM. Le bilan bucco-dentaire avant le début du traitement permet de planifier la remise en état de la cavité buccale et ainsi entamer le traitement sans risque. Après instauration du traitement, tous les soins dentaires conservateurs peuvent être conduits sans risque d’ONM, tout en prenant des précautions particulières anti infectieuses pour des actes invasifs avec un risque important d’ONM.

Bibliographie

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  8. Sophie Lejeune-Cairon, Pascal Guggenbuhl. Les inhibiteurs de la résorption osseuse : Un sujet d’inquiétude pour les patients, les médecins prescripteurs, les chirurgiens-dentistes ? ID 16/17 22avril 2020.
  9. S. Otto (ed.), Medication-Related Osteonecrosis of the Jaws: Bisphosphonates, Denosumab, and New Agents, © Springer- Verlag Berlin Heidelberg 2015.

Prise en charge dentaire des patients sous inhibiteurs de la résorption osseuse et sous anti angiogéniques

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