PRESCRIPTION ET INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES CHEZ LE SUJET AGÉ
Introduction
La prise en charge des affections buccodentaires repose essentiellement sur le geste local (prise en charge buccodentaire), parfois encadrée par une prescription médicamenteuse. L’odontologiste est ainsi amené à prescrire des médicaments de nature diverse. Cependant, on ne peut prescrire un médicament qu’après avoir :
- Posé un diagnostic.
- Évalué le rapport bénéfice/risque.
- Tenu compte :
- des contre-indications,
- des interactions médicamenteuses,
- des pathologies associées (ex. : insuffisances hépatiques, rénales, etc.),
- des allergies.
Principes de base
Le choix du médicament dépend de :
- L’efficacité de la molécule.
- Son innocuité (tolérance et moins d’effets indésirables).
- Son coût.
- Sa disponibilité.
- Sa posologie.
- Sa voie d’administration :
- Voie orale (préférentielle) : comprimés, gélules, sirop, suspensions buvables.
- Voie rectale : suppositoire.
- Voies parentérales (urgence) : injections intramusculaire (IM) et intraveineuse (IV).
Prescription des antibiotiques
La prescription des antibiotiques est réservée aux infections bactériennes et peut être préventive ou curative. Parmi les principales familles d’antibiotiques :
- Bêtalactamines (pénicillines + céphalosporines).
- Macrolides vrais et macrolides apparentés.
- Imidazolés.
- Tétracyclines.
Antibiothérapie préventive
Son but est de prévenir la survenue d’infections :
- En cas de pathologie générale particulière.
- En cas d’intervention chirurgicale relativement lourde.
Elle peut se faire selon différentes modalités :
- En préopératoire.
- En postopératoire.
Antibiothérapie curative
En première intention (thérapie probabiliste et en monothérapie)
Amoxicilline :
- Molécule de choix pour le dentiste (bactéricide, à large spectre, bonne biodisponibilité).
- Posologie : 2 g/j en 2 prises sur une durée de 6 à 7 jours.
En deuxième intention : antibiothérapie d’association
- Macrolides / Spiramycine (Rovamycine®) : molécule à demi-vie plus longue.
- Métronidazole (Flagyl®) : efficace contre les bactéries anaérobies, posologie 500 mg, 1 g à 1,5 g/j.
Exemples d’associations :
- Amoxicilline + acide clavulanique = Augmentin®.
- Amoxicilline + Flagyl®.
- Spiramycine + Flagyl® = Birodogyl®.
Situations en préopératoire
- Patients irradiés de la région cervico-faciale.
- Patients sous chimiothérapie.
- Patients sous bisphosphonates.
- Dans le cadre de la prévention de l’endocardite d’Osler :
Administrée sous forme d’une dose flash une heure avant l’acte en une seule prise.
Protocole d’antibioprophylaxie :
Dans l’heure précédant un acte invasif, le patient doit prendre par voie orale :
- 2 g d’amoxicilline chez l’adulte.
- En cas d’allergie aux pénicillines : 600 mg de clindamycine chez l’adulte.
Situations en postopératoire
- Acte chirurgical.
- Chez certains patients à risque (terrain immunodéprimé, risque de retard de cicatrisation) :
- Diabétiques.
- Cancéreux.
- Sous corticothérapie au long cours.
- SIDA et HIV.
- Insuffisance rénale, etc.
Prescription des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
La réaction inflammatoire est un processus réactionnel physiologique de défense de l’organisme, déclenché par l’agression d’un agent pathogène. Elle est caractérisée par : rougeur, chaleur, douleur et œdème.
Indications
Prise en charge symptomatique des phénomènes douloureux aigus d’origine inflammatoire.
Propriétés
- Anti-inflammatoire.
- Antalgique.
- Antipyrétique.
- Inhibitrice de l’activation plaquettaire.
Exemples
- Ibuprofène (Upfen®, Sapofen®) : meilleure balance efficacité-toxicité.
- Kétoprofène (Profenid®).
- Naproxène (Nopain®) : 275 mg.
- Acide méfénamique (Nifluril®) : 700 mg / 400 mg.
- Diclofénac (Voltaren®, Votrex®, Clofenal®) : 50 mg et 75 mg.
- Acide acétylsalicylique (Aspirine®) : non utilisé en dentaire.
Contre-indications des AINS
- Allergie connue.
- Antécédents d’ulcère gastroduodénal.
- Antécédents de crise d’asthme liée.
- Insuffisance rénale ou hépatocellulaire sévère.
- Insuffisance cardiaque.
- Patient sous anticoagulant.
- Processus infectieux évolutif.
Prescription des anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS ou corticostéroïdes)
De nature très proche de la cortisone, les AIS inhibent de façon importante toutes les phases de la réaction inflammatoire.
Indications
- Situations d’urgence (injectable).
- Contrôle de l’inflammation postopératoire.
- Prévention des réactions allergiques.
- Maladies auto-immunes ou dys-immunitaires de la muqueuse buccale.
La cortisone est une hormone glucocorticoïde naturelle synthétisée par les glandes surrénales, jouant un rôle essentiel dans la régulation du métabolisme des sucres, des défenses immunitaires et de l’inflammation.
Types de traitement
- Traitements de courte durée (< une semaine).
- Traitements prolongés.
Exemples de prescription
- Prédnisolone (Solupred®) : 1 mg/kg/j le matin pendant 3 jours.
- Méthylprednisolone (Medrol®, Solumedrol®) : injectable, 1 mg/kg/j le matin pendant 3 jours.
Prescription des antalgiques / Antidouleurs
L’OMS classe les antalgiques en 3 paliers :
Palier 1 : Analgésiques non morphiniques
Représentés par le paracétamol :
- Antalgique, antipyrétique.
- Efficacité élevée.
- Dose : 1000 mg.
- Excellente tolérance, très peu d’effets indésirables.
- Posologie recommandée : 1 g/prise toutes les 6 heures.
Palier 2 : Agonistes morphiniques faibles
Associations de paracétamol + dérivés opioïdes mineurs (ex. : codéine, dextropropoxyphène).
- Leur utilisation implique une restriction posologique.
Palier 3 : Agonistes morphiniques forts
- Les opioïdes forts (ex. : morphine).
- Utilisés dans les douleurs sévères, notamment d’origine cancéreuse.
- Exceptionnellement utilisés en odonto-stomatologie.
Prescription des antifongiques
On distingue :
- Médicaments topiques à action uniquement locale, sans effet systémique.
- Médicaments topiques à action locale et systémique.
Médicaments topiques à action locale
Appartenant à la famille des polyènes, ils agissent par contact direct, sont fongistatiques et fongicides.
- Inconvénients : nécessité d’une durée longue de traitement (au moins 3 semaines), problème de goût, bonne coopération du patient requise.
- Exemples :
- Fungizone® (amphotéricine B) : suspension.
- Mycostatine® (nystatine) : crème.
Médicaments topiques à action locale et systémique
Dérivés azolés, relativement bien tolérés, agissent sur des durées plus courtes que les polyènes, avec une action locale et générale.
- Daktarin® (miconazole) :
- Action générale faible, utilisé surtout pour son action locale.
- Gel buccal : adhère aux muqueuses ou sous une prothèse, améliorant le temps de contact.
- Peut s’utiliser en massage digital ou en brossage.
- Triflucan® (fluconazole) : 50 mg.
- Action générale importante, bonne diffusion salivaire, efficace dans les candidoses orales à Candida albicans.
Exemple de traitement de la candidose érythémateuse prothétique
- Désinfecter la prothèse en la brossant après chaque repas avec un dentifrice à base de chlorhexidine.
- Chaque soir, la laisser tremper au moins 1 heure dans un bain de bouche à base de chlorhexidine.
- Si associée à une chéilite ou une glossite, traitement combiné :
- Gel buccal Daktarin® : napper finement l’intrados de la prothèse après chaque repas avant de la remettre en bouche.
- Triflucan® 50 mg :
- Dose de charge : 200 mg à 400 mg le 1er jour.
- Dose suivante : 100 mg à 200 mg/j, 1 fois/j, pendant 14 à 30 jours.
- La prothèse ne doit pas être portée la nuit (surtout en raison de la réduction de la salivation nocturne).
Comment rédiger une ordonnance
Une ordonnance doit comporter :
- La date.
- Le nom et le prénom du patient.
- Le cachet du praticien prescripteur et sa signature.
- Elle doit être lisible.
Elle comportera un ou plusieurs médicaments avec :
- Nom du médicament.
- Dénomination commune internationale (DCI) ou nom de spécialité (non commercial).
- Forme pharmaceutique : gélules, comprimés, sirop, suppositoire, etc.
- Durée du traitement.
- Posologie et répartition journalière.
L’ordonnance doit être hiérarchisée : prescrire du traitement le plus important au moins important.
Les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
Les personnes âgées sont victimes d’un vieillissement physiologique et souvent de polypathologies, ce qui modifie :
- La pharmacocinétique et la pharmacodynamie des médicaments.
- Augmentation des risques de toxicité, d’effets indésirables et d’interactions.
Modifications pharmacocinétiques
- Résorption : peu modifiée par l’âge pour les prises orales.
- Distribution :
- Modification de la composition du poids corporel (augmentation des tissus adipeux, diminution de l’eau totale).
- Réduction de la concentration des protéines plasmatiques (albumine).
- Ces modifications altèrent la distribution des médicaments lipophiles, hydrophiles ou se fixant aux protéines plasmatiques, prédisposant aux effets indésirables et toxicités.
- Ex. : Les médicaments hydrosolubles (antibiotiques, sauf pénicillines) peuvent atteindre des concentrations trop élevées par insuffisance de dilution. Les médicaments fixés aux protéines plasmatiques (salicylates, pénicillines) voient leur effet toxique augmenté par l’augmentation de la fraction libre.
Modifications pharmacodynamiques
- Diminution de la fonction hépatique, du volume du foie et de l’activité enzymatique hépatique.
- Diminution de la fonction rénale (35 à 50 % chez le sujet âgé), entraînant une accumulation des médicaments et métabolites éliminés par cette voie, augmentant les effets secondaires et la toxicité potentielle.
Ces modifications vont dans le sens d’un surdosage, imposant une adaptation de la prescription.
Les interactions médicamenteuses chez le sujet âgé
Définition
L’association de deux médicaments responsables d’une modification de l’activité ou de la toxicité de l’un et/ou de l’autre.
La prescription simultanée de plusieurs médicaments est fréquente en gériatrie en raison des multiples problèmes de santé.
Tableau des interactions médicamenteuses
Médicament | Interaction médicamenteuse | Mécanisme | Effet |
---|---|---|---|
Aspirine | Warfarine (AVK) | Effets sur la fonction plaquettaire, la coagulation et l’intégrité de la muqueuse gastrique | Hémorragie gastro-intestinale et buccale |
Diurétiques | AINS | Hypotension orthostatique, perfusion rénale réduite | Chutes, faiblesse, syncope, insuffisance rénale |
Méthotrexate | Pénicillines, salicylates | Diminution de la sécrétion tubulaire rénale active | Intoxication par le méthotrexate |
AVK | AINS | Effets sur la fonction plaquettaire, la coagulation et l’intégrité de la muqueuse | Hémorragie gastro-intestinale et buccale |
AVK | Miconazole | Effet sur la coagulation | Hémorragie buccale |
Conclusion
La prescription en gérodontologie est un acte médical qui engage la responsabilité professionnelle du praticien. Elle obéit à des règles précises basées sur les connaissances scientifiques afin d’assurer une conduite thérapeutique adéquate en évitant au maximum les effets néfastes des médicaments.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
PRESCRIPTION ET INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES CHEZ LE SUJET AGÉ

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.