PRESCRIPTION ET INTERACTION MÉDICAMENTEUSE CHEZ LE SUJET ÂGÉ

PRESCRIPTION ET INTERACTION MÉDICAMENTEUSE CHEZ LE SUJET ÂGÉ

                                                  

PRESCRIPTION ET INTERACTION MÉDICAMENTEUSE CHEZ LE  SUJET ÂGÉ


Introduction

La prescription d’un médicament n’est pas un geste anodin, notamment chez les patients qui présentent un risque physiologique, physiopathologique ou « thérapeutique » : interactions médicamenteuses. Le risque physiologique est représenté par l’âge, la grossesse et l’allaitement. L’âge pose des problèmes thérapeutiques chez le sujet de plus de 65 ans. En effet, les capacités de destruction hépatique et d’élimination rénale chez ce dernier sont altérées. De ce fait, la durée de vie des médicaments s’allonge, ce qui expose le patient à un risque de toxicité médicamenteuse. C’est pourquoi, l’interrogatoire doit faire préciser si le patient est sous traitement pour une pathologie donnée afin de prévenir un risque d’interaction avec les médicaments que peut prescrire un médecin dentiste.

Modification de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique des médicaments

D’une façon générale, les fonctions hépatique et rénale s’altèrent avec l’âge, et ce d’autant plus que l’âge est plus avancé. À titre d’exemple, la filtration glomérulaire diminue de 25 % à 75 ans et de 50 % à 90 ans, ce qui réduit, dans des proportions non négligeables, l’élimination des médicaments filtrés à travers les capillaires glomérulaires. L’altération de la fonction rénale associée à la réduction des capacités de dégradation hépatique impose, pour certains médicaments, une réduction de leur posologie habituelle.

Modification de l’absorption

  • Réduction de la sécrétion d’acide gastrique,
  • Diminution de la vitesse de la vidange gastrique,
  • Diminution de la surface de résorption digestive,
  • Diminution de la perfusion digestive.

En théorie, ces modifications physiologiques pourraient retentir sur la vitesse d’absorption et la quantité de médicaments absorbée.

Modification de la distribution et du transport

Avec l’âge, on observe une diminution de l’eau totale et de la masse maigre de l’organisme, ce qui augmente le risque de surdosage pour les médicaments hydrosolubles.

De plus, l’augmentation de la masse lipidique augmente le risque de stockage et de relargage prolongé des médicaments liposolubles, ce qui entraîne souvent une augmentation de la demi-vie. (Exemple : allongement de la demi-vie des benzodiazépines qui peut passer de quarante heures chez le sujet jeune à quatre à cinq jours chez le sujet âgé.)

La modification du transport plasmatique est reflétée par une hypo-albuminémie qui diminue la fixation des médicaments fortement liés à l’albumine, augmentant ainsi leur fraction libre et donc potentiellement leur toxicité (exemple : digoxine, sulfamides hypoglycémiants, anti-vitamines K, anti-inflammatoires non stéroïdiens…).

Modification du métabolisme hépatique

La vitesse de transformation hépatique des médicaments est souvent diminuée par la réduction de la masse hépatique et du flux sanguin hépatique.

Le Naproxène® et l’Ibuprofène présentent un métabolisme hépatique réduit.

Modification de l’élimination rénale

Classiquement, présence d’une insuffisance rénale chronique entre autres parce que le débit sanguin glomérulaire est abaissé. La baisse de la filtration glomérulaire est de 2 à 10 % par décennie. Donc diminution de l’excrétion urinaire de certains médicaments : (aminosides, digoxine, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, héparine de bas poids moléculaire).

Autres facteurs de risque

Maladies chroniques multiples : polymédication

La présence de maladies chroniques multiples entraîne souvent une polymédication.

Plusieurs médecins

La prise en charge par plusieurs médecins peut aboutir à la polymédication. Les traitements sont souvent changés par un médecin sans consultation des autres praticiens. Ce qui augmente le risque d’interaction iatrogène. En médecine dentaire, il faut essayer d’être le moins prescripteur possible.

Principes généraux de prescription thérapeutique chez le sujet âgé en odontostomatologie

L’acte thérapeutique ne se limite pas à la prescription de médicaments. Il comporte aussi une approche non médicamenteuse et psychologique.

Avant la prescription

  • Écouter, examiner : la prescription d’un médicament n’est pas toujours la réponse la plus adaptée à la plainte du patient.
  • Connaître les pathologies actuelles du patient et ses antécédents (HTA, diabète, cardiopathie, insuffisance rénale…) ; connaître tous les médicaments pris par le patient.
  • Apprécier le poids, la pression artérielle, l’état d’hydratation et l’état nutritionnel.
  • S’assurer d’un diagnostic.
  • Choisir le médicament :
  • ayant le moins d’effets secondaires et d’interactions,
  • ayant la marge de sécurité la plus large,
  • ayant la demi-vie la plus courte,
  • ayant la voie d’administration et la forme galénique la plus adaptée aux handicaps du patient (tremblements, troubles visuels, troubles cognitifs, difficultés de préhension manuelle…).
  • Éviter le double emploi en repérant tous les médicaments qui appartiennent à la même classe thérapeutique, qui contiennent le même principe actif.

Application pratique de la prescription chez le sujet âgé en fonction du risque d’interaction médicamenteuse

Sujet âgé indemne de toute pathologie récurrente ou intercurrente

  • Utiliser des formes galéniques adaptées.
  • Adapter (en la réduisant) la posologie.
  • Bien expliquer l’ordonnance et les différents risques au patient.

Sujet âgé souffrant d’une pathologie chronique

Insuffisance hépatique

Impose une réduction de la posologie habituelle de certains médicaments métabolisés par le foie (macrolides, paracétamol, anesthésiques à fonction amine).

La déficience en facteurs de coagulation, la thrombopénie, et la thrombopathie, peuvent provoquer des hémorragies graves lors de la prescription des salicylés et des AINS (action antiagrégante plaquettaire). Ils doivent être évités.

Insuffisance rénale

Lors du syndrome néphrotique, il existe une fuite de l’albumine plasmatique (hypoalbuminémie). De ce fait, la fraction libre de tous les médicaments qui se fixent habituellement à l’albumine plasmatique s’accroît. Chez de tels patients, l’utilisation des salicylés et de tous les AINS doit soit faire l’objet d’une réduction posologique, soit céder la place aux corticoïdes.

Par ailleurs, en cas d’insuffisance rénale, la pression artérielle peut être élevée et l’apport des AINS aggrave l’hypertension artérielle préexistante.

La réduction de l’élimination médicamenteuse impose l’adaptation de la posologie de la pénicilline (risque de convulsions en cas de surdosage).

Diabète

Le diabétique insulinodépendant peut faire un déséquilibre glycémique lors de l’apport des corticoïdes. Si la prescription de corticoïde s’impose, il faudra augmenter le nombre d’unités d’insuline.

Les AINS et sulfamide hypoglycémiant : risque de chute de la glycémie pouvant, dans les cas sévères, conduire au coma hypoglycémique (interaction pharmacocinétique : compétition au niveau de l’albumine).

Hypertension artérielle

Les AINS peuvent, chez le sujet âgé, initier et, à fortiori, aggraver une hypertension artérielle préexistante par au moins deux mécanismes :

  • Une rétention du Na+ qui accroît la contractilité vasculaire et réduit donc l’efficacité des médicaments antihypertensifs.
  • Une action antiprostaglandine : les prostaglandines (PG) ont un rôle important dans l’équilibre tensionnel.

Insuffisance cardiaque

L’administration des AINS peut être, chez le sujet âgé, responsable du développement d’une insuffisance cardiaque congestive. Les auteurs ont montré que la probabilité d’hospitalisation pour une insuffisance cardiaque est multipliée par deux chez les patients âgés traités par un AINS. Ce risque est multiplié par dix chez les patients ayant des antécédents de pathologies cardiaques.

Les patients traités par AVK ne doivent pas recevoir des AINS ; en effet, ces derniers empêchent la fixation des AVK aux protéines plasmatiques (compétition), ce qui augmente leur fraction libre et accroît l’INR. Ceci peut se traduire par des réactions hémorragiques.

Les macrolides (azithromycine, clarithromycine, érythromycine) présentent un risque associatif avec les anticoagulants oraux : augmentation de l’effet anticoagulant, nécessitant une surveillance de l’INR.

L’association pénicilline A – méthotrexate est déconseillée : augmentation de la toxicité hématologique du méthotrexate par inhibition de la sécrétion tubulaire rénale des pénicillines.

Conclusion

La polymédication et les interactions médicamenteuses chez la personne âgée restent un véritable enjeu de santé publique, d’autant plus que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter. Une meilleure coordination entre les différents professionnels de santé semble essentielle et mérite d’être développée. Il ne faut pas oublier que chez le sujet âgé, le médicament ne doit pas résumer le soin et il est nécessaire de favoriser toutes les approches thérapeutiques non médicamenteuses.


Voici une sélection de livres:

PRESCRIPTION ET INTERACTION MÉDICAMENTEUSE CHEZ LE SUJET ÂGÉ

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *