Prescription des Antalgiques en Odonto-Stomatologie, Pathologie Bucco Dentaire
Introduction
La douleur, qu’elle soit secondaire à une intervention ou symptôme d’un état pathologique, est aujourd’hui de plus en plus difficilement admise par le malade. Le soulagement rapide de sa souffrance apparaît comme une priorité thérapeutique.
Définitions
La Douleur
« Expression sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion réelle ou potentielle des tissus ou décrite en termes d’une telle lésion »
Selon l’IASP (International Association for the Study of Pain)
Les Antalgiques
- Médicaments symptomatiques
- Agissent de façon aspécifique sur les sensations douloureuses qu’ils atténuent ou abolissent
- Sans agir sur leur cause
- À la différence des anesthésiques, ils n’altèrent pas les autres sensations ni la conscience
Rappels : Aspects de la Douleur
Selon le Mécanisme Générateur
- Douleurs par excès de nociception
- Douleurs neuropathiques
- Douleurs psychogènes
Selon la Durée d’Évolution
- Douleur aiguë
- Douleur chronique (persistant après plus de 3 à 6 mois)
- Douleur samadde
Évaluation de la Douleur
- Échelle Verbale Simple (EVS) : un peu, moyen, beaucoup, très fort, intolérable
- Échelle Visuelle Analogique (EVA) :
- La plus simple, se présente sous forme d’une ligne de 10 cm, graduée ou non
- Association SPARADRAP

Classification des Antalgiques selon l’OMS
Généralités
- Distinction classique entre antalgiques centraux et périphériques
- Découverte des récepteurs aux opioïdes
- Classification en fonction de leur affinité ou non pour ces récepteurs : antalgiques opioïdes et non opioïdes
Échelle Hiérarchisée (OMS, 1989)
- Palier I : Douleurs faibles à modérées (EVA < 4 cm)
- Palier II : Douleurs modérées à sévères (EVA 4 cm à 7 cm)
- Palier III : Douleurs très intenses ou rebelles (EVA > 7 cm)
Structure des Paliers
- Palier I : Antalgiques non opioïdes
- Palier II : Antalgiques opioïdes faibles
- Palier III : Antalgiques opioïdes forts
Antalgiques Non Opioïdes (Palier I)
Caractéristiques Générales
- Groupe de substances de natures chimiques variées
- Agissent sur les médiateurs chimiques algogènes périphériques : bradykinine, histamine, prostaglandines
- Action analgésique beaucoup plus faible que celle des dérivés morphiniques
- Efficaces sur les douleurs de moyenne intensité provenant de la peau, des muscles, des articulations ou des dents
- Peu efficaces sur les douleurs viscérales
- Souvent une composante anti-inflammatoire et antipyrétique
Paracétamol
Indications
- Première intention dans le traitement des douleurs nociceptives d’intensité faible à modérée
- Utilisé sans risque dans les douleurs survenues dans un contexte infectieux
Propriétés
- Antalgique
- Antipyrétique
Mécanisme d’Action
- Pas totalement élucidé
- Action centrale au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière
- Inhibition de la COX3
Formes Pharmaceutiques
- Orale (comprimés simples ou effervescents, gélules)
- Suppositoires
- Injectables (Perfalgan en perfusion IV)
Posologie
- Adulte : 1 g toutes les 6 heures, dose maximale 4 g/24 h
- Enfant : 15 mg/kg/prise, dose maximale 60 mg/kg/24 h
Effets Indésirables
- Exceptionnels aux doses thérapeutiques
- Toxicité hépatique importante en cas de surdosage (nécrose et insuffisance résiduelle)
Contre-Indications
- Allergie au paracétamol
- Insuffisance hépatique
Associations
- Avec la codéine (Efferalgan Codéine)
- Avec le dextropropoxyphène (Di-Antalvic)
- Ces associations permettent la prise en charge de douleurs de plus forte intensité
Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) à Dose Antalgique
- Action antalgique suffisante pour les douleurs banales et modérées
Aspirine et Dérivés Salicylés
Propriétés
- Antipyrétique
- Anti-inflammatoire
- Posologie analgésique : 1 à 2 g/24 h
- Posologie anti-inflammatoire : 4 à 6 g/24 h
Effets Secondaires
- Irritation de la muqueuse gastrique
- Effet antiagrégant plaquettaire (troubles de la coagulation)
- Action allergisante
Contre-Indications
- Hypersensibilité aux salicylés ou aux AINS
- Ulcère gastroduodénal en évolution
- Maladie hémorragique
- Femme enceinte à partir du 6e mois
- Anticoagulants oraux
Formes Pharmaceutiques
- Catalgine : 100 mg, 250 mg, 500 mg, 1 g
- Acétylsalicylate de lysine (Aspégic) : poudre pour solution buvable (100, 250, 500, 1000 mg) et injectable (500 mg/5 mL, 1 g/5 mL)
Remarque
- Les salicylés sont de moins en moins utilisés en raison de leurs nombreux effets indésirables
Autres AINS
Effets Thérapeutiques
- Anti-inflammatoire
- Antalgique
- Antipyrétique
- Antiagrégant plaquettaire
Indications
- Pathologie de l’ATM
- Traumatologie
- Infections
- Chirurgie buccale
Familles et Exemples
Familles | Principe Actif | Exemples |
---|---|---|
Salicylés | Aspirine | Aspégic 500 mg, Aspirine biotic 100 mg |
Pyrazolés | Phénylbutazone | Butazolidine |
Indoliques | Indométacine | Indocid 25 mg |
Propioniques (Arylcarboxyliques) | Ibuprofène Diclofénac Naproxène Kétoprofène Flurbiprofène | Sapofen 125-600 mg Voltarène 50-75-100 mg Apranax/Nopain 250-500 mg Profénid 100 mg |
Oxicams | Piroxicam | Feldène 20 mg, Prixam 20 mg |
Fénamates | Acide niflumique Acide méfénamique | Nifluril 250/400/700 mg |
Coxibs | Célécoxib | Celebrex 100/200 mg, Celoxib 100 mg |
Formes Pharmaceutiques
- Voie orale (comprimés, gélules)
- Voie rectale
Posologie
- Ibuprofène (Sapofen) : 200-400 mg/prise, maximum 1200 mg/24 h
- Kétoprofène (Profénid) : 25-50 mg/prise, maximum 75 mg/24 h
- Acide méfénamique (Nifluril) : 250-500 mg/prise, maximum 1500 mg/24 h
- Diclofénac (Voltarène) : comprimés à 25, 50, 75, 100 mg LP
Effet Analgésique
Analgésique | Dose |
---|---|
Ibuprofène | 800 mg |
Diclofénac | 100 mg |
Diclofénac | 50 mg |
Ibuprofène | 600 mg |
Ibuprofène | 400 mg |
Ibuprofène | 1200 mg |
Ibuprofène | 200 mg |
Diclofénac | 25 mg |
Naproxène | 550 mg |
Naproxène | 250 mg |
Effets Secondaires
- Reins : Insuffisance rénale, néphrite interstitielle, troubles électrolytiques
- Système cardiovasculaire : Hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, événements ischémiques (infarctus du myocarde, AVC)
- Poumons : Asthme, infiltration pulmonaire à éosinophiles
- Tractus gastro-intestinal : Hémorragies, lésions érosives-ulcéreuses, colite
- Foie : Augmentation des transaminases, insuffisance hépatique
- Sang : Inhibition des thrombocytes, neutropénie
- Peau : Exanthème, réaction lichenoïde
- SNC : Céphalées, acouphènes
- Grossesse :
- Phase initiale : Fausse couche
- Phase tardive : Hémorragies, faiblesse des contractions, fermeture précoce du canal artériel
Risque de Complications Gastro-Intestinales
AINS | Risque de complications gastro-intestinales |
---|---|
Ibuprofène | 1-2,1 % |
Aspirine | 1,6 % |
Diclofénac | 1,8-2,7 % |
Naproxène | 2,2-4,3 % |
Kétoprofène | 3,2-4,2 % |
Source : Rodriguez et al., Arch Intern Med, 1998, 158, 33-39
Interactions Médicamenteuses
- Potentialisation des :
- Anticoagulants
- Hypoglycémiants
Contre-Indications
- Ulcère gastroduodénal en évolution
- Hypersensibilité à un AINS et/ou à l’aspirine
- Insuffisance hépatique sévère
- Insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 60 ml/min)
- Dernier trimestre de la grossesse
- Association de 2 AINS
- Association avec les anticoagulants
- Cardiopathie ischémique ou antécédent d’AVC (coxibs)
Remarque
- La prescription des AINS est limitée par de nombreuses contre-indications, précautions d’emploi et interactions médicamenteuses
- Fortement déconseillé en cas d’infection grave ou non contrôlée
Autres Antalgiques Non Opioïdes
- Noramidopyrine (Novalgine) :
- Action antalgique puissante
- Risque immunoallergique d’agranulocytose grave
- Antalgiques dits “purs” :
- Aucune action antipyrétique ou anti-inflammatoire
- Exemple : Néfopam (Acupan), antalgique injectable, action proche des antidépresseurs
Antalgiques Palier II : Opioïdes Faibles
Caractéristiques Générales
- Activité antalgique moins puissante que celle de la morphine
- Traitement des douleurs modérées à sévères et/ou après échec des antalgiques du palier I
- Peu efficaces seuls, souvent associés à des antalgiques non morphiniques (ex. : paracétamol)
Propriétés
- Similaires à celles de la morphine, mais à un moindre degré :
- Action antalgique
- Effets psychomoteurs (bien-être, euphorie, hallucinations)
- Effets respiratoires (dépression respiratoire, bronchoconstriction, effet antitussif)
- Effets vomitifs
- Effets cardiovasculaires (hypotension)
- Action sur la musculature lisse
- Immunodépression
Mécanisme d’Action
- Action antalgique par l’intermédiaire des récepteurs opioïdes spécifiques situés à plusieurs niveaux (cérébral et médullaire)
Effets Indésirables
- Nausées, vomissements, somnolence, sensations vertigineuses
- Constipation et dépendance en cas de traitement prolongé
- Dépression respiratoire, myosis, coma, hypotension, troubles du rythme en cas de surdosage
Interactions Médicamenteuses
- Association déconseillée :
- Agonistes-antagonistes opioïdes
- Alcool
- Dépresseurs du SNC (effet sédatif accru)
Contre-Indications
- Allergie au produit
- Asthme
- Insuffisance respiratoire
- Défaillance hépatique
Exemples
Codéine (Méthylmorphine)
- Chimiquement apparentée à la morphine
- Effet antalgique dû à sa biotransformation en morphine
- Utilisée en association avec le paracétamol (Codoliprane : 500 mg/30 mg par unité de prise)
Dextropropoxyphène
- En association avec le paracétamol (Di-Antalvic, Xalgesic)
- Demi-vie : 15 h, risque d’accumulation en cas de prises répétées
- Retiré du marché à partir de 2003 en raison d’un taux élevé de décès par surdosage
Tramadol
- Utilisé seul (Topalgic) ou en association (Zaldiar, Xamadol)
- Posologie : 50 à 100 mg/prise, maximum 400 mg/24 h
- Efficacité supérieure au paracétamol seul, mais plus d’effets indésirables
Antalgiques Palier III : Opioïdes Forts
Caractéristiques
- Représentés par la morphine
- Utilisation principalement en milieu hospitalier
- Indiqués pour les douleurs intenses (ex. : douleurs cancéreuses)
- En odontostomatologie : utilisation très limitée
- En cas d’échec du palier II, recours à la buprénorphine (Temgesic, 0,2 mg par voie sublinguale) pour des douleurs très sévères (ex. : ostéonécrose des maxillaires)
Indications et Modalités de Prescription
Indications
- Urgence douloureuse : Douleur aiguë par excès de nociception, avec composante inflammatoire importante
- Douleur post-opératoire : Douleur prévisible, liée aux lésions tissulaires engendrées par le traumatisme chirurgical
Facteurs à Prendre en Compte
- Types de douleurs
- Caractéristiques de la douleur
- Terrain et antécédents
- Interférences médicamenteuses
- Préférences du malade
- Intensité de la douleur
- Forme galénique
- Voie d’administration
- Horaires d’administration
Choix de l’Antalgique
- Dépend des caractéristiques de la douleur (étiologie, intensité) et du patient
- Contre-indications selon le terrain ou les antécédents :
- Aspirine en cas de risque hémorragique
- Aspirine et AINS en cas d’ulcérations digestives
- Paracétamol en cas d’hépatite évolutive
- Opioïdes en cas d’insuffisance respiratoire
- Aspirine, AINS en cas de terrain allergique
Interactions Médicamenteuses
- Exemple : Aspirine chez un patient sous traitement anticoagulant
- En cas de doute, consulter le dictionnaire Vidal
Modalités du Traitement Antalgique
- Espacer régulièrement les prises (en fonction de la pharmacocinétique) pour couvrir 24 heures en cas de douleur permanente
- Administrer l’antalgique en fonction des prodromes pour les douleurs paroxystiques
- Utiliser une posologie suffisamment élevée pour être efficace
- En cas d’inefficacité à la posologie maximale, passer à un antalgique de niveau supérieur
- Instaurer le traitement avant le réveil anesthésique, en synchronisant l’effet maximal de l’antalgique avec le pic douloureux post-opératoire
- Prescrire une dose fixe à intervalle régulier pendant 48 à 72 heures post-opératoires, suivie de prises à la demande
- Une douleur post-opératoire anormalement élevée et permanente au-delà de 3 jours doit évoquer une complication
Populations Spécifiques
Enfants
- Paracétamol : Molécule de choix
- Ibuprofène : Excellente alternative à partir de 3 mois, en l’absence de contre-indication
- Opioïdes faibles autorisés : Codéine, tramadol
Femmes Enceintes
- Paracétamol : Molécule de choix
- AINS : Contre-indiqués à partir de 6 mois, déconseillés avant
Sujets Âgés (+65 ans)
- Limitation des antalgiques en raison des modifications physiologiques et pathologiques
- Risque de surdosage plus élevé
- Paracétamol : Molécule de choix en première intention
Douleur Non Nociceptive
- Utilisation d’antalgiques adjuvants :
- Antépileptiques (Tegretol, Rivotril)
- Antimigraineux
- Antidépresseurs
- Indications : Névralgies faciales, algie vasculaire de la face, psychalgie
Conclusion
En odontostomatologie, les antalgiques sont souvent un complément à l’acte chirurgical local, qui reste primordial. L’identification du type de douleur est essentielle avant toute prescription. Bien que le recours aux antalgiques soit la méthode la plus courante pour contrôler la douleur, il ne faut pas négliger :
- Les approches psychologiques, notamment pour les douleurs chroniques
- La kinésithérapie
- Les thérapeutiques plus agressives (anesthésiques ou neurochirurgicales) lorsque nécessaires
Prescription des Antalgiques en Odonto-Stomatologie, Pathologie Bucco Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.