PERI-IMPLANTITES ETIOPATHOGENIE - THERAPEUTIQUES

PERI-IMPLANTITES ETIOPATHOGENIE – THERAPEUTIQUES

PERI-IMPLANTITES ETIOPATHOGENIE – THERAPEUTIQUES


INTRODUCTION

De nos jours, les implants font partie intégrante de l’arsenal thérapeutique pour traiter les édentements partiels ou totaux de nos patients. Un remodelage osseux physiologique au niveau du col implantaire est systématique et nécessaire pour établir un espace biologique autour des implants. Cependant, il arrive qu’il y ait une perte osseuse pathologique due à la colonisation bactérienne des tissus péri-implantaires, causant ainsi la péri-implantite.

Particularités des tissus mous péri-implantaires

Les tissus mous péri-implantaires sont appelés « muqueuse péri-implantaire », de couleur rose pâle, qui la différencie de la muqueuse alvéolaire avec la présence d’un piqueté de surface dû à l’insertion des faisceaux de fibres collagéniques sous l’épithélium de revêtement.

  • La hauteur de l’épithélium jonctionnel péri-implantaire est sensiblement voisine de son homologue jonction gingivo-dentaire (1 mm).
  • Les fibres de collagène du tissu conjonctif péri-implantaire sont orientées parallèlement à la surface de l’implant, dans laquelle aucune insertion de ces fibres n’est possible.
  • Le tissu conjonctif péri-implantaire est particulièrement riche en fibres de collagène mais pauvre en fibroblastes, ce qui assure un renouvellement tissulaire ralenti.
  • Le réseau vasculaire péri-implantaire est moins vaste en raison de l’absence de la vascularisation provenant du desmodonte qui puisse irriguer le tissu conjonctif péri-implantaire.

Définitions

  • European Workshop of Periodontology, 1980 : « Un processus inflammatoire destructif qui affecte les tissus durs et mous autour des implants ostéo-intégrés, conduisant à la formation d’une poche péri-implantaire avec perte osseuse. »
  • Albrektsson, 1986 : « La péri-implantite se définit comme une perte progressive de l’os péri-implantaire supérieure aux normes admises et simultanée à une inflammation des tissus mous. »
  • Smith et Zarb, 1989 : « La péri-implantite est définie comme un processus inflammatoire qui implique la muqueuse et l’os péri-implantaire et peut résulter en une perte progressive des tissus supports de l’implant. »
  • Définition retenue (Lindhe et Meyle, 2008) : « Les maladies péri-implantaires sont des infections. La mucosite péri-implantaire décrit une lésion inflammatoire au sein de la muqueuse, alors que la péri-implantite atteint en plus le support osseux. »

Étiopathogénie

Les implants dentaires remplacent les racines dentaires absentes. La flore bactérienne rencontrée autour des implants et dans les sillons péri-implantaires dérive de la flore naturelle de la cavité buccale. La composition de cette flore péri-implantaire est voisine de celle des sillons gingivo-dentaires.

Colonisation bactérienne

  • Chez l’édenté partiel : La colonisation des sillons péri-implantaires se fait très rapidement à partir des germes des sillons gingivo-dentaires.
  • Chez l’édenté total : L’absence des dents réduit le nombre de réservoirs microbiens. Néanmoins, les cryptes amygdaliennes et la langue hébergent des germes, surtout anaérobies, qui vont recoloniser les nouveaux sites implantaires dans un délai de 12 à 18 mois.

Formation du biofilm primaire

La plaque péri-implantaire est organisée en biofilm. La pellicule permet l’absorption des bactéries grâce aux constituants de leur paroi. Cette première couche organique se dépose immédiatement après l’exposition de l’implant dans la cavité buccale. Dès les premières minutes qui suivent, des bactéries isolées viennent y adhérer. Ces dernières commencent alors leur processus de division et, en quelques heures, forment de larges agrégats bactériens.

Similitudes avec les parodontites

Les colonisations primaires sont essentiellement des cocci à Gram positif plutôt aérobies. L’apparition de phénomènes inflammatoires correspond à une dérive anaérobie de la flore, dans laquelle les bactéries à Gram négatif deviennent plus nombreuses. La plupart des bactéries pathogènes parodontales sont également impliquées dans la genèse des péri-implantites. La seule particularité concerne la présence de Staphylococcus aureus, qui a la capacité de coloniser des corps étrangers, notamment ceux en titane.

Facteurs de risque

Antécédents de parodontites

Avant tout traitement implantaire, la maladie parodontale doit être traitée puis stabilisée, car la pose d’implants dans un environnement parodontal inadéquat pourrait compromettre le succès implantaire. Traiter cette pathologie parodontale qui touche les dents résiduelles réduit le risque de maladie péri-implantaire, mais ne le fait pas disparaître. Par conséquent, un suivi très régulier des patients implantés est indispensable.

Contrôle de plaque

Une très mauvaise hygiène bucco-dentaire (indice de plaque ≥ 2) est fortement associée à la présence de péri-implantite (Ferreira et al., 2006). La prévalence du saignement au sondage augmente lorsque l’indice de plaque s’accroît.
Le contrôle de plaque autour des implants ne diffère pas de celui autour des dents. Il est important de brosser les piliers de cicatrisation implantaire pendant la période d’ostéo-intégration avec une brosse souple. Cependant, l’accessibilité nécessite parfois l’usage de brossettes monotouffes ou de fil spécial type Superfloss.

Diabète

Le diabète est une maladie systémique qui agit à plusieurs niveaux sur la capacité de cicatrisation, augmente la susceptibilité des patients aux infections et le taux d’échec implantaire (Fiorellini et Nevins, 2000). Le diabète est associé à un risque accru de péri-implantite, en particulier chez les sujets avec un mauvais contrôle de leur diabète.

Consommation de tabac

Des études sur les indicateurs de risque des maladies péri-implantaires rapportent une association significative du tabagisme avec la mucosite péri-implantaire, la perte osseuse marginale et la péri-implantite (Roos-Jansaker et al., 2006 ; Fransson et al., 2008).

Présence de tissu kératinisé

Un manque de tissu kératinisé autour des implants est lié à une accumulation de plaque, une inflammation tissulaire, une récession gingivale ainsi qu’une perte d’attache (Lin et al., 2013).

Excès de ciment de scellement des prothèses scellées implanto-portées

Des études ont montré que des excès de ciment de scellement sont associés à des signes d’affection péri-implantaire dans la majorité des cas et qu’après élimination de ces excès, aucun signe clinique d’affection péri-implantaire n’était observé.

Nature de la surface implantaire

Les caractéristiques d’une surface implantaire dépendent du relief (irrégularité de surface), de la rugosité et de la composition chimique de cette dernière. Selon les études, aucune différence statistiquement significative n’est trouvée entre les différents types d’implants (surface usinée ou rugueuse), à l’exception de la fréquence de la péri-implantite, qui est plus élevée pour les implants à surface rugueuse.

Facteur occlusal

Il a été observé que la destruction des tissus péri-implantaires commence à se produire avec 250 µm de hauteur occlusale excessive. Quand cette charge occlusale se transmet aux tissus péri-implantaires, elle entraîne une destruction osseuse plus importante que celle induite par la plaque bactérienne. Selon Renvert, la surcharge occlusale ne peut pas être à l’origine d’une péri-implantite. Selon lui, le traumatisme occlusal entraîne systématiquement la fibro-intégration de l’implant, l’étiologie de la péri-implantite restant exclusivement infectieuse.

Classifications morphologiques des lésions péri-implantaires

Classification de Spickermann et al., 1995

ClasseDescription
Classe 1Destruction osseuse uniquement horizontale et peu marquée.
Classe 2Destruction osseuse modérée avec éventuellement des atteintes verticales isolées.
Classe 3Destruction osseuse horizontale et circulaire plus avancée.
Classe 4Destruction osseuse sévère avec des lésions circulaires étendues et, éventuellement, perte complète d’une paroi osseuse.

Note : Les classes 3 et 4 nécessitent la dépose de l’implant.

Classification de Behnecke et al., 1997

Fondée sur le diagnostic radiographique des lésions osseuses :

  • Lésions horizontales.
  • Lésions en colonne ou en crevasse.
  • Lésions en entonnoir.
  • Lésions en cuvette.
  • Lésions combinant les formes précédentes.

Classification de Schwartz et al., 2007

ClasseDescription
Classe 1Le plateau de l’implant reste au niveau crestal.
Classe 2Le plateau de l’implant est situé au-dessus du niveau crestal.

Diagnostic

Le diagnostic des péri-implantites repose sur différents critères : le sondage, la suppuration, l’analyse radiographique et la mobilité (Heitz-Mayfield, 2008).

Le sondage

  • Essentiel pour le diagnostic des maladies péri-implantaires.
  • Il faut sonder avec une force légère (0,25 N) pour ne pas endommager les tissus péri-implantaires.
  • Le saignement au sondage indique la présence d’une inflammation de la muqueuse péri-implantaire et peut être utilisé comme indicateur de la perte des tissus de soutien.
  • Une augmentation de la profondeur au sondage au fil du temps est associée à la perte d’attache.

La suppuration

  • Signe d’une lésion infectieuse et d’un état avancé de l’inflammation péri-implantaire, généralement au niveau d’une poche profonde.

Les radiographies

  • Requises pour évaluer et comparer le niveau osseux autour des implants, en particulier au niveau proximal.
  • Le panoramique offre une vision globale mais n’est pas assez précis. On lui préférera les radiographies type long cône, qui permettent de visualiser la perte osseuse en mésial et en distal.

La mobilité

  • La mobilité de l’implant signe une perte complète de l’ostéo-intégration, sa dépose est alors indiquée.

Thérapeutiques des lésions péri-implantaires

L’élément essentiel dans la prise en charge des péri-implantites est la nécessité d’intervenir le plus précocement possible. L’ensemble des auteurs s’accordent sur les points suivants :

  • Mise en œuvre d’une hygiène orale performante.
  • Équilibration des forces occlusales.
  • Débridement mécanique supra- et sous-gingival de la lésion péri-implantaire associé à un traitement antibactérien local.
  • Antibiothérapie systémique.
  • Polissage mécanique et désinfection chimique de la surface implantaire.

Thérapeutiques non chirurgicales

Traitement mécanique

L’objectif du débridement mécanique est identique à celui qui préside au traitement parodontal, à savoir l’élimination des biofilms microbiens supra- et sous-gingivaux. Cependant, l’instrumentation utilisée diffère de celle employée en parodontologie afin de ne pas altérer la surface des implants. Il est recommandé d’utiliser des instruments spécifiques en plastique ou en carbone, éventuellement recouverts d’un alliage d’or.

  • Le débridement mécanique peut être réalisé soit avec des curettes spécifiques aux formes adaptées aux implants, soit avec des inserts ultrasonores en téflon, en carbone ou en matériau composite.
  • Les surfaces métalliques accessibles seront à la fin polies avec des cupules en caoutchouc et une pâte très peu abrasive.

Traitements complémentaires

Différentes molécules et plusieurs modalités d’administration ont été proposées en complément du traitement mécanique :

  • Localement : La chlorhexidine est la molécule antibactérienne de choix. Elle est soit appliquée sur la surface implantaire sous forme de gel, soit administrée par irrigations. Des supports à libération lente de chlorhexidine ont montré plus d’avantages.
  • Antibiothérapie locale : Légèrement plus efficace. Il s’agit soit de fibres de tétracyclines (non disponibles actuellement), soit d’un gel de métronidazole à 25 %, soit d’un gel de doxycycline, soit de microsphères de minocycline.
  • Antibiothérapie systémique : Utilisation du métronidazole seul ou en association avec l’amoxicilline, selon les mêmes protocoles que ceux recommandés en parodontologie (1,5 g/j en 2 ou 3 prises pendant 7 jours).
  • Traitement par laser : Envisagé sur la base d’une action bactéricide et détoxifiante. Cependant, les résultats ne sont pas cliniquement significatifs, et le rapport coût/bénéfice ne peut recommander le traitement par laser pour l’instant.

Thérapeutiques chirurgicales

Lambeau d’accès/ostéoplastie

Son objectif est d’éliminer ou, pour le moins, de réduire la poche péri-implantaire et de redonner aux tissus mous péri-implantaires une morphologie compatible avec un accès satisfaisant à l’hygiène orale.

L’élévation d’un lambeau mucopériosté va permettre le nettoyage et l’éventuel traitement de la surface implantaire, l’élimination du tissu de granulation et une ostéoplastie si nécessaire. Cependant, le débridement mécanique, même en vision directe, est limité ; un traitement chimique s’avère alors souvent indispensable.

Techniques de comblement/régénération

En présence de défauts osseux péri-implantaires infra-osseux et de cratères, le recours à des techniques de comblement et/ou de régénération issues de la chirurgie parodontale peut laisser espérer une reconstruction, ne serait-ce que partielle, des tissus détruits par la pathologie péri-implantaire.

De nombreux matériaux sont disponibles, et il est possible d’identifier les techniques suivantes :

  • Protocoles de comblement de la lésion par de l’os autogène, de l’os de banque, de l’os d’origine animale ou des matériaux synthétiques (substituts osseux).
  • Protocoles de régénération osseuse guidée avec utilisation de membranes résorbables ou non résorbables.
  • Combinaison des deux protocoles (mise en place d’un produit de comblement maintenu par une membrane de recouvrement).

Explantation

Lorsque toutes les thérapeutiques évoquées précédemment se révèlent inefficaces et ne permettent pas de stopper le processus de destruction osseuse, il faut savoir prendre la décision de retirer l’implant avant que la perte osseuse soit telle qu’elle n’autorise plus la pose d’un nouvel implant.

L’explantation de l’implant nécessite l’utilisation d’un foret creux (tréphine) dont le diamètre interne sera légèrement supérieur au diamètre externe de l’implant, ou bien la mise en place d’une vis dans la partie interne de l’implant connectée à une clé dynamométrique, et on réalise ainsi un mouvement de dévissage de l’implant dans son logement alvéolaire.

La pose d’un nouvel implant ne sera envisagée qu’après reconstruction osseuse et suppression des facteurs de risque qui auraient pu favoriser la péri-implantite.

Maintenance péri-implantaire

La maintenance implantaire fait intégralement partie du traitement implantaire. Elle doit être pensée pendant la phase d’étude du projet implantaire et mise en place à toutes les étapes de sa réalisation. Elle accomplira ainsi pleinement son rôle dans la prévention des péri-implantites et le maintien à long terme des implants. Elle nécessite une coopération permanente de la part du patient.

La périodicité des séances de maintenance est variable selon les critères d’évaluation du risque des patients. Ces séances incluent :

  • Une analyse des tissus péri-implantaires.
  • Une maintenance bactérienne préventive.
  • Un traitement précoce des mucosites.
  • Un contrôle de l’occlusion.

Conclusion

Alors que la technique implantaire a révolutionné la prise en charge de l’édentement, l’apparition croissante de complications infectieuses que représentent les péri-implantites constitue un énorme défi.

Dès lors, l’attention doit se porter sur la prévention par :

  • La sélection des cas justifiant d’une implantation.
  • L’assainissement parodontal préalable à la mise en place des implants.
  • Les instructions d’hygiène orale.
  • Un suivi régulier accompagné à chaque séance d’une prophylaxie professionnelle minutieuse.

De telles mesures sont les seules susceptibles de limiter l’apparition de ces complications infectieuses que sont les péri-implantites.


Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:

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