Patient immunodéprimés
Les maladies qui entraînent une immunodépression représentent un groupe très
Hétérogène de pathologies, allant des plus rares (déficits immunitaires congénitaux) à des pathologies beaucoup plus fréquentes (cancer, corticothérapie, syndrome d’immunodéficience acquise …)
Les patients immunodéprimés ont une susceptibilité élevée aux infections qui doit être prise en compte par l’odontologiste lors de sa prise en charge.
Son rôle, en concertation étroite avec le médecin en charge du patient, est de Contrôler les foyers infectieux intra buccaux et prévenir leur dissémination systémique.
- Définition:
Les patients immunodéprimés présentent un dysfonctionnement d’un ouPlusieurs éléments du système immunitaire
- Le système immunitaire est composé d’un ensemble de cellules Lymphocytes, polynucléaires, monocytes et macrophages); c’est L’immunité cellulaire et de molécules (cytokine et complément) c’est l’immunité humorale,
- Dont le rôle est d’assurer l’intégrité de l’organisme en le protégeant contre les substances étrangères ou les agents infectieux auquel il est exposé
- Les déficits immunitaires peuvent toucher l’immunité cellulaire ou l’immunité humorale.
- Etiologie :
2.1- l’immunodépression primitive:
Il s’agit de maladies héréditaires rares, causées par une anomalie génétique pouvant altérer la maturation lymphocytaire, entraîner un déficit quantitatif ou qualitatif des cellules phagocytaires ou, enfin, entraîner un déficit en complément.
2.2. L’immunodépression secondaire:
Les déficits immunitaires secondaires sont nombreux. Ils sont dus à des facteurs environnementaux, comportementaux et médicaux entraînant un affaiblissement progressif de l’immunité.
- Le VIH (virus de l’immunodéficience humaine responsable du SIDA : Syndrome d’immunodéficience acquise) est un facteur connu et reconnu D’immunodépression. Le virus entraîne la diminution du nombre de lymphocytes, cellules essentielles du système immunitaire..
- La malnutrition (et plus spécifiquement la sous-nutrition) entraîne le dysfonctionnement de certaines cellules à cause d’un apport trop faible des composants nécessaires à leur bon fonctionnement.
- Le diabète de type 2 engendre une nette diminution du nombre de cellules immunitaires.
- certaines pathologies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé) entraînent un état d’immunodépression.
- Les médicaments et les thérapies (notamment les chimiothérapies anticancéreuses et immunosuppresseurs) affaiblissent le système immunitaire en dégradant certaines cellules et en sollicitant l’organisme de manière trop importante.
- La leucémie est une maladie caractérisée par une surproduction de globules blancs anormaux qui perturbent le fonctionnement de l’immunité.
- Risque infectieux :
Le risque principal du patient immunodéprimé au décours de sa prise en Charge par l’odontologiste est le risque infectieux.
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a défini en 2001 deux catégories de patients à risque d’infection:
- le risque A correspond aux patients à risque d’infection identifiée localement et/ou d’infection générale (septicémie);
- le risque B correspond aux patients à risque d’infection liée à une localisation secondaire de la bactérie, c’est-à-dire à un nouveau foyer infectieux situé à distance du foyer primaire (endocardite infectieuse et infection sur prothèse articulaire).
Les patients immunodéprimés correspondent au risque A.
Des recommandations sur l’indication d’une antibioprophylaxie ou d’une antibiothérapie curative en fonction du geste réalisé sont également proposées.
- Prise en charge du patient immunodéprimé:
-La prise en charge par l’odontologiste des patients immunodéprimés doit être d’abord précoce (idéalement avant le début de la période d’immunosuppression)
-Une concertation étroite avec le médecin en charge l’immunosuppression est Primordiale.
-Le patient doit bénéficier d’un examen approfondi de la cavité buccale, complété par un panoramique dentaire (recherche et éradication de tous foyers infectieux suspects (granulome apico dentaire, délabrement de dents cariées, le détartrage et surfaçage radiculaire)
-le traitement des pathologies du parodonte.
- Une hygiène buccodentaire rigoureuse doit également être instaurée.
- La prise en charge se poursuit pendant la période d’immunodépression avec Des examens réguliers.
- Patients sous corticothérapie au long court
- Définition :
La corticothérapie est utilisée dans des maladies très diverses (maladies inflammatoires systémiques c’est le cas de la polyarthrite rhumatoïde …), les vascularites sévères, insuffisances surrénalienne, maladie de crohn … etc.).
Elle présente d’importantes propriétés anti -inflammatoires et immunoallergiques Et immuno-modulatrices.
Dite au long court lorsqu’elle dépasse un mois de traitement.
- Les corticoïdes ont des effets indésirables :
- Prédispositions aux infections (virales, bactérienne, mycosique)
- Troubles digestifs
- Insuffisance surrénale
- Hypertension artérielle
- Diabète stéroïdien
- Ostéoporose
- Complications infectieuses : réactivation d’un foyer infectieux latent (zona, herpès)
- Conduite à tenir :
- Prendre contact avec le médecin traitant : préciser la durée de la corticothérapie; identifier le patient insuffisant surrénal
- Limiter le stress du patient (impératif chez les patients insuffisants surrénaliens)
Actes invasif impliquant une cicatrisation muqueuse et /ou osseuse : manipulation gingivale, pulpaire, ou de la région péri apicale de la dent, ou effraction de la muqueuse orale :
- I Antibiothérapie de couverture à commencer la veille ou le matin avant l’acte et poursuivre jusqu’à cicatrisation muqueuse (7a 10j)
- Aucune précaution par rapport l’anesthésique.
NB: pas de précaution-particulières pour les actes non invasifs- à savoir soin conservateurs; soins prothétiques non sanguinolents, ajustement d’appareil ODF ….
4. 2-Sida:
Les pa-tients atteints du VIH présentent une diminution des défenses immunitaires causée par une baisse progressive et irréversible, ainsi que par des anomalies qualitatives, des lymphocytes T-CD4+ du sang.
Le virus est transmis par voie sexuelle, sanguine et matemofoetale. L’évolution naturelle a lieu en trois phases
- La primo-infection, qui a lieu deux à huit semaines après la transmission et qui est asymptomatique dans près de 50 % des cas ;
- La phase asymptomatique, qui peut durer 10 ans et parfois plus
- La phase sida lorsque le patient présente des infections à germes opportunistes (sarcome de Kaposi, pneumocystose pulmonaire par exemple
Les manifestations buccales fréquemment rencontrées chez les patients VIH sont :
-la candidose bucco-œsophagienne
-la maladie de Kaposi,
-la leucoplasie chevelue,
- l’herpès, thrombopénie probablement d’origine auto-immune, peut se traduire par des pétéchies, des ecchymoses et des gingivorragies spontanées ou provoquées, et des adénopathies cervicales .
Conduite à tenir et précautions à prendre en pratique stomatologie :
- La prise en charge des patients VIH impose des précautions destinées à Supprimer le risque de transmission croisée
- Prévenir les infections postopératoires (en raison de l’immunodépression)
- Prévenir le risque hémorragique chez les sujets présentant une thrombocytopénie.
-Par rapport au risque de transmission croisée : Tous les soins seront réalisés dans le cadre d’une asepsie clinique stricte : port du masque, double gantage, des lunettes et d’une casaque aussi bien pour le praticien que pour le personnel ; protection par des champs de toutes les surfaces exposées
-minimisation des contacts avec le sang et la salive ainsi que l’utilisation des Aérosols
- usage d’une aspiration puissante, préférence donnée à l’utilisation d’instruments à usage
unique
-rendez-vous fixés en fin de journée, pour réduire d’avantage le risque de contamination croisée.
Précaution à prendre à l’égard du risque infectieux:
Elle repose sur l’administration d’une prophylaxie anti-infectieuse pour réduire le risque infectieux post-opératoire. Le choix de l’antibiotique n’est pas soumis à un consensus. Il répond aux principes généraux de l’antibiothérapie de couverture.
c) Précaution à prendre à l’égard du risque h hémorragique
-En raison des risques de thrombocytopénie et/ ou de thrombopathie ainsi que des troubles hépatiques qui peuvent être associés, une NFS et un taux de prothrombine seront demandés avant tout acte à risque de saignement.
-Si les valeurs sont normales, les actes chirurgicaux seront réalisés selon les protocoles habituels.
-Si la thrombocytopénie est modérée, les mesures d’hémostases locales s’imposent
-Si thrombocytopénie sévère (sida maladie), l’opportunité d’une transfusion sanguine sera discutée avec le médecin traitant
4.4. Insuffisance hépatique :
- Définition : L’insuffisance hépatique se définit essentiellement par l’ atteinte des fonctions de synthèse du foie, se présente sous deux formes
- Aigues : lorsqu’ elle est d’origine médicamenteuse (comme l’intoxication au paracétamol), ou virale (hépatite B, C)
- chronique : fait suite à l’évolution de la cirrhose (la cirrhose est une affection irréversible et diffuse du foie, caractérisée par une désorganisation de l’architecture lobulaire hépatique, dont les principales étiologies sont la consommation excessive d’alcool, hépatites virales B, c , hépatite auto-immune.)
La cirrhose peut se compliquer par : une encéphalopathie hépatique, syndrome hépatorénal, hémorragie digestive, à long terme un carcinome hépatocellulaire.
Répercussions générales et buccales :
Répercussions générales :
- La cirrhose provoque une immunodépression
- Thrombopénie due à un hypersplénisme
- Perturbation de la coagulation par altération des facteurs de coagulation
Répercussions buccales :
- Ictère, gingivorragies, purpura, pétéchies,
- hématomes buccaux, altération du gout,
- hypertrophie des glandes salivaires
- Conduite à tenir :
- contacter le médecin traitant: stade d’évolution de la maladie
- bilan biologique: connaitre les valeurs du TP et de la NFS (si TP
inférieur à 50% prise en charge hospitalière), à cause du risque hémorragique.
- précautions durant les soins pour éviter un accident d’exposition au sang
- éviter la lidocaine (augmentation de la demi-vie d’élimination en cas d’insuffisance hépatique)
- il est important d’éviter les produits hépatotoxiques, comme la clindamycine, et de
diminuer ou éviter l’utilisation des antibiotiques fortement métabolisés et ayant une élimination biliaire comme les macrolides et le métronidazole.
4.5. Hépatites :
- Définition :
Les hépatites virales sont des maladies du foie caractérisées par une inflammation du tissu hépatique secondaire à une infection virale (VHA, VHB, VHC, VHD, VHE), seules les hépatites B et C peuvent passer à la chronicité avec risque de cirrhose et de cancer du foie.
- Transmission:
-voie transfusionnelle_ (hémophile) hémodialysés, toxicomane, personnel soignant
-transmission sexuelle, foeto-matemelle, salivaire
- diagnostic: au stade aigue se fait devant l’ictère, les examens de laboratoire basés sur:
*l’augmentation des transaminases
*sérologie qui met en évidence les antigènes et les anticorps caractéristiques déterminant le virus responsable.
*Une hépatite virale (B ou C) peut provoquer une cirrhose et donc une insuffisance
hépatique. Cette dernière se caractérise par une baisse du TP donc risque hémorragique
- Conduite à tenir :
- En présence d’une hépatite virale aigue, les soins dentaires sont à Proscrire, hormis les cas urgent, et ceci à cause de la forte contagiosité de la maladie ainsi que le déficit immunitaire marquant cette période.
- Devant le risque hémorragique, demander un Bilan d’hémostase (TP, TCK, FNS)
Numération plaquettaire(NP) situé entre 80 000 et 150 000 /mm3 TP>50% | Mesure d’hémostase locale assurée (Risques hémorragiques en cas d’avulsion) |
NP <50 OOO/mm3 | Transfusion sanguinepeut être indiquée en concertation avec l’hématologiste ou l’hépatologue |
- utiliser des doses faibles d’anesthésiques à fonction amine (lidocaïne,mépivacaïne, articaïne) chez les patients présentant une pathologie hépatique sévère
- Asepsie clinique stricte et rigoureuse : port de lunette, masque, gants, matériels jetable, éviter les aérosols (turbine, pompe à air), chaine d’asepsie rigoureuse.
- Les films radiographiques doivent être placés dans des sachets protecteurs avant la pose du film et le cône radiographique recouvert lui aussi d’une protection.
- Exclure les médicaments métabolisés par le foie (érythromycine, paracétamol, aspirine)
- En cas d’accident avec exposition de sang (AES) par piqure ou blessure :
-Nettoyage immédiat de la zone cutanée lésée et au savon puis rincer.
-Désinfection à l’alcool 70° (3min) ou eau de Javel 12° (l0min) ou polyvidone iodé en solution dermique pure (5 min).
- Contacter rapidement le médecin référent afin d’évaluer le risque.
- Intérêt de la vaccination contre l’hépatite B du personnel soignant.
Conclusion
La prise en charge des malades immunodéprimés fait partie de notre pratique quotidienne, il est impératif de savoir les reconnaitre à travers une bonne anamnèse et surtout ne pas méconnaitre les nouvelles molécules pouf le traitement des cancers et autres pathologies auto-immunes, et afin de mener à bien notre démarche thérapeutique une concertation étroite avec le médecin traitant reste primordiale.
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Patient immunodéprimés
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
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Patient immunodéprimés

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.