Névralgie du Trijumeau Classique / Pathologies Bucco-Dentaires
Introduction
La névralgie essentielle a été individualisée très tôt ; la première description date de la fin du XVIIème siècle avec J.H. FEHR et J. LOCKE. Dès 1756, ANDRE utilise le terme de “tic douloureux de la face” devenu universel pour désigner la névralgie essentielle du trijumeau. TROUSSEAU quant à lui la désigne sous le nom de “névralgie épileptiforme”.
La névralgie trigéminale classique (NTC), encore appelée névralgie trigéminale essentielle ou « tic douloureux », est présentée par l’International Association for the Study of Pain (IASP) comme « une douleur soudaine, habituellement unilatérale, sévère, brève et récurrente, se distribuant sur une ou plusieurs branches du cinquième nerf crânien ». C’est la plus fréquente des névralgies rencontrées.
La société internationale des céphalées (International Headache Society, IHS) établit la différence entre la névralgie trigéminale classique, souvent provoquée par une compression micro vasculaire au niveau de l’entrée de la racine trigéminale dans le tronc cérébral, et la névralgie trigéminale symptomatique, provoquée par une lésion structurelle autre que la compression vasculaire.
Rappel Anatomique
Le nerf trijumeau (V) ou cinquième paire de nerf crânien est le plus volumineux des nerfs crâniens. C’est un nerf mixte qui naît de deux racines : une sensitive et une motrice. Il se termine par trois branches issues du ganglion de Gasser :
- Le nerf ophtalmique : assure l’innervation cutanée d’un territoire qui comprend la partie antérieure de la région temporale, le front, la paupière supérieure et le dos du nez. Son territoire muqueux concerne le sinus frontal, le sinus sphénoïdal et le septum nasal. Le nerf ophtalmique supporte également la sensibilité de la conjonctive bulbaire et palpébrale ainsi que celle de la cornée.
- Le nerf maxillaire : assure l’innervation cutanée de la partie moyenne de la région temporale, la paupière inférieure, la pommette, la lèvre supérieure, l’aile du nez dans sa partie externe et le vestibule de la fosse nasale. Son territoire muqueux comporte la voûte et le voile du palais, l’orifice tubaire, le pôle supérieur de l’amygdale, le sinus maxillaire, les gencives, les alvéoles et les dents du maxillaire.
- Le nerf mandibulaire : assure l’innervation cutanée de la partie postérieure de la région temporale, la partie antérieure du pavillon de l’oreille, les parois antérieure et supérieure du conduit auditif externe, la lèvre inférieure et le menton. Son territoire muqueux comporte les deux tiers antérieurs de la langue, la face interne de la joue et du plancher de la bouche, les gencives, les alvéoles et les dents du maxillaire. Le nerf mandibulaire véhicule également les fibres motrices du trijumeau qui vont innerver les muscles.

Il est important de rappeler que la conque de l’oreille et l’encoche massétérine ne dépendent pas du trijumeau mais sont respectivement innervées par le nerf intermédiaire facial et le plexus cervical supérieur. Concernant l’innervation muqueuse, le tiers postérieur de la langue ne dépend pas du nerf trijumeau mais du nerf glosso-pharyngien.

Épidémiologie
La principale caractéristique épidémiologique de la NTC est le lien avec l’âge, se traduisant par l’augmentation de son incidence avec l’âge et une prédominance en seconde partie de la vie.
- Sexe-ratio : 3 femmes pour 2 hommes.
- Âge moyen de début : > 50 ans.
- Un début précoce (< 40 ans) n’est pas rare. Cependant, les formes juvéniles existent mais elles doivent faire suspecter a priori une névralgie trigéminale douloureuse (NTD) symptomatique, en particulier une pathologie démyélinisante ou tumorale.
Sémiologie
Le diagnostic clinique repose sur cinq éléments cliniques :
- Typologie de la douleur.
- Topographie de la douleur.
- Circonstances de déclenchement de la douleur.
- Existence d’une période réfractaire entre les crises douloureuses.
- Absence de signe déficitaire neurologique après les crises douloureuses.
Typologie de la Douleur
- La douleur est très violente et brève, d’apparition brutale et d’emblée maximale, les patients la comparent à une décharge électrique ou à un coup de poignard.
- De manière plus rare, elle est décrite comme un « broiement » ou un « arrachement », très rarement comme une « brûlure ».
- Dans tous les cas, elle est décrite comme très intense, voire qualifiée d’insupportable.
- Ces paroxysmes douloureux, très brefs, ayant une durée d’environ 1 à 20 secondes, avec un début et une fin brusques, peuvent parfois se regrouper en salves pour constituer des accès d’une à deux minutes.
- Fréquence : de quelques crises par jour à 10 crises par jour.
- La douleur est essentiellement diurne et ne gêne pas le sommeil.
- Lorsque la crise survient, le malade s’immobilise dans une attitude douloureuse et grimaçante (« tic douloureux de la face »).
Topographie de la Douleur
- La douleur est unilatérale.
- Strictement localisée au territoire du nerf trijumeau et le plus souvent limitée à l’une de ses branches.
- Elle reste longtemps sur une seule branche mais peut diffuser aux autres branches.
- La branche maxillaire (V2) est la plus souvent concernée, la douleur débutant généralement au niveau de la lèvre supérieure, et touchant l’aile du nez et la gencive supérieure.
- La branche mandibulaire (V3) est la deuxième branche la plus souvent concernée, avec un territoire douloureux intéressant le plus souvent le territoire d’innervation du nerf mentonnier (houppe du menton, lèvre inférieure ou région dentaire inférieure).
- L’atteinte de la branche ophtalmique (V1) est la plus rare et concerne le territoire sus-orbitaire.
Circonstances de Déclenchement de la Douleur
- La plus habituelle est l’excitation directe d’un territoire cutané, plus- Zone gâchette (« trigger zone »), plus rarement muqueux.
- Les accès douloureux peuvent être également déclenchés de façon indirecte, par le froid, le vent, les situations de la vie quotidienne (parler, rire, mastiquer, déglutir, se raser), imposant aux patients des conduites d’évitement et une attitude figée. Les malades se forcent donc à une immobilité absolue, évitant de parler ou parlant du bout des lèvres, redoutant toute alimentation et geste d’hygiène faciale et/ou dentaire.
Existence d’une Période Réfractaire entre les Crises Douloureuses
- Chaque accès douloureux est suivi d’une période réfractaire d’une à deux minutes, où les stimulations tactiles sont inefficaces et que les malades mettent à profit pour réaliser les gestes déclenchant habituellement la douleur.
Négativité de l’Examen Neurologique
- L’examen clinique réalisé en dehors d’une période douloureuse est strictement normal.
- Il n’y a aucun déficit sensitif, sensoriel ou moteur après la crise au niveau du territoire d’innervation du nerf affecté : la sensibilité faciale et cornéenne, la force de contraction des muscles masséter et temporal sont respectées.
- De même, l’examen des autres nerfs crâniens ne révèle aucun signe déficitaire.
Imagerie
- Orthopantomogramme
- Scanner tomodensitométrie
- IRM
Ces examens permettent de dépister une éventuelle cause de la névralgie.
Diagnostic Différentiel
Névralgie Trigéminale Douloureuse (NTD)
Le diagnostic différentiel de la NTC est la neuropathie trigéminale douloureuse (NTD), anciennement appelée névralgies secondaires. Le concept de NTD repose sur la présence d’une étiologie identifiable par l’anamnèse et/ou par des examens paracliniques appropriés. La NTD est en lien avec une irritation, compression, destruction ou démyélinisation du nerf trijumeau en un point quelconque de son trajet entre son émergence au niveau du tronc cérébral et sa terminaison, et qui ne sont pas secondaires à un conflit vasculo-nerveux.
L’IHS définit la neuropathie trigéminale douloureuse en fonction de l’étiologie à l’origine de la neuropathie : poussée aiguë de zona, post-herpétique, post-traumatique, sclérose en plaques (SEP), autre pathologie.
- La NTD survient plus volontiers avant l’âge de 40 ans.
- Elle concerne le plus souvent la branche ophtalmique, mais elle peut concerner toutes les branches du nerf.
- Elle peut être bilatérale.
- La douleur est intense, évoluant par paroxysmes.
- Habituellement, il n’y a pas de zone gâchette.
- Des troubles sensitifs sont souvent notés : hypoesthésie, voire anesthésie.
- Une faible réponse initiale à la carbamazépine est souvent rapportée.
Avis Spécialisés
Des avis spécialisés sont nécessaires en odontostomatologie, ophtalmologie, ORL, et neurologie :
- Odontostomatologie :
- Les sinusites peuvent prendre le masque d’une algie vasculaire mais rarement d’une névralgie trigéminale.
- L’arthrite temporo-mandibulaire peut simuler une névralgie, mais il existe des signes associés (craquements, ressauts, etc.).
- Les tumeurs de la face donnent des douleurs le plus souvent continues.
- Les algies dentaires (carie, granulome, kyste, etc.) ont une traduction radiologique évidente.
Névralgie Non Trigéminale
Névralgie du Glossopharyngien
- Se manifeste par une douleur névralgique, intense, brève, en décharge électrique.
- Topographie différente de la NTC : au niveau oropharyngé (pharynx, loge amygdalienne, base de la langue) et/ou au niveau de l’oreille.
- Les douleurs oropharyngées peuvent irradier dans la région auriculaire et inversement.
Névralgie du Nerf Intermédiaire
- Se manifeste par des douleurs névralgiques localisées dans le conduit auditif externe.
- Une cause symptomatique doit être éliminée, notamment une névralgie post-zostérienne.
Céphalée Primaire : Algie Vasculaire de la Face

- Concerne le plus souvent les hommes, âge 10 à 30 ans.
- Douleur violente, unilatérale.
- Accès douloureux débute dans l’angle interne de l’œil, l’aile du nez ou encore la tempe.
- Atteint son acmé en 10 à 15 minutes.
- Dure de 15 minutes à 3 heures.
- Phénomènes vaso-sécrétoires : rougeur conjonctivale, larmoiement, obstruction nasale, écoulement nasal, œdème palpébral, rougeur de la face et/ou sudation de la face et/ou myosis et/ptosis.
- Les crises surviennent typiquement à heure fixe, tous les jours pendant quelques semaines avec des rémissions très longues.
Diagnostic
Critères Diagnostiques de la Classification ICHD-3
Le terme de névralgie trigéminale classique (NTC) plutôt qu’essentielle ou idiopathique doit être utilisé. La classification ICHD-3 définit le diagnostic de la névralgie trigéminale classique avec les critères suivants :
- A. Au moins trois crises de douleur faciale unilatérale répondant aux critères B et C.
- B. Survenant dans une ou plusieurs branches du nerf trijumeau sans irradiation au-delà des branches du nerf trijumeau.
- C. La douleur a au moins trois des quatre caractéristiques suivantes :
- Se reproduisant sous forme de crises paroxystiques durant d’une fraction de seconde à deux minutes.
- D’intensité sévère.
- Telle qu’une décharge électrique, un élancement, un coup de poignard, une piqûre.
- Provoquée par des stimuli inoffensifs sur le côté atteint du visage.
- D. Sans déficit neurologique évident.
- E. N’est pas mieux expliquée par un autre diagnostic ICHD.
Traitement
Le traitement médical de référence reste la carbamazépine, un anticonvulsivant et anticholinergique. La carbamazépine dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement des névralgies du trijumeau et du glossopharyngien. Elle est disponible sous la forme de comprimés sécables à 200 mg, 200 mg à libération prolongée (LP) et 400 mg LP (qui ne doivent pas être mâchés ni écrasés).
- Posologie initiale : 200 à 400 mg/jour en 2 ou 3 prises.
- Ajustement : augmenter les doses progressivement jusqu’à la suppression de la douleur, puis diminuer progressivement la dose jusqu’à la plus petite dose efficace (dose maximale conseillée : 1600 mg/jour).
- Administration : répartir les doses en trois prises, au mieux 30 à 40 minutes avant les repas et les soins d’hygiène faciale et dentaire.
- Forme conventionnelle vs LP : privilégier la forme conventionnelle ; la forme LP aboutit à des taux de concentration moindres et nécessite des doses plus élevées, mais peut être utile au coucher.
- Contre-indications : bloc auriculo-ventriculaire, hypersensibilité connue à la molécule ou ses excipients, antécédents d’hypoplasie médullaire, antécédents de porphyrie hépatique, traitement par télaprévir et voriconazole.
- Interactions médicamenteuses : nombreuses, car c’est un inducteur enzymatique.
- Suivi :
- Réaliser un hémogramme et un bilan hépatique avant le début du traitement, une fois par semaine le premier mois, puis devant tout signe clinique d’appel.
- Un électrocardiogramme est souhaitable chez les sujets âgés avant le début du traitement pour écarter un trouble de conduction.
Points Clés
- La névralgie trigéminale classique se développe sans cause apparente autre qu’une compression vasculaire.
- Correspond à des manifestations douloureuses situées dans le territoire d’innervation sensitif du nerf trijumeau.
- Caractéristiques de la douleur :
- Localisation unilatérale.
- Durée très brève (de l’ordre de la seconde).
- Type de décharges électriques.
- Déclenchée par l’excitation d’une zone gâchette (« trigger zone »).
- Normalité des examens clinique et paraclinique.
- Négativité de l’examen neurologique (pas de déficits sensitif et moteur).
- L’imagerie (scanner, IRM, angio-IRM) permet d’éliminer une névralgie secondaire.
- La carbamazépine (Tégrétol®) est le médicament de loin le plus efficace.
Références
- Frank H. Netter, M. Atlas d’anatomie humaine. 5ème édition. Traduction de Pierre Kamina.
- Gabriel A, Gaury P. Le chirurgien-dentiste face à la névralgie essentielle du trijumeau. Actualités Odonto-Stomatologiques 2007;238:187-195.
- IASP. Névralgie trigéminale et douleur faciale persistante. Année mondiale contre les maux de tête. Octobre 2011. Octobre 2012.
- Lebolay M. Place de la névralgie faciale essentielle dans les algies bucco-dentaires. Thèse pour le diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire. Université Toulouse III. 2014.
- M. Sindou, Y. Keravel, B. Laurent. Aspects clinique et thérapeutique des névralgies essentielles du trijumeau et du glosso-pharyngien. EMC, Neurologie, volume 1, n°2, Avril 2014.
- G. Ducros, A. De Gaalon, S. Giraud, P. Massardier, E. G. Lanteri-Minet, M. Leclerc, D. Lacas, C. Navez, M. Roos, C. Valade, D. Mertens. French guidelines for diagnosis and treatment of classical trigeminal neuralgia (French Headache Society and French Neurosurgical Society). Rev Neurol (Paris). 2017;173(3):131-151.
Névralgie du Trijumeau Classique / Pathologies Bucco-Dentaires
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
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Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.