Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires et permanentes immatures

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires et permanentes immatures

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires et permanentes immatures

Introduction

Comme tous les mammifères, l’homme présente deux dentitions successives : il est « diphyodonte ». La première denture est constituée de 20 dents temporaires ou primaires (en anglais primary teeth), dites aussi déciduales ou lactéales (terme impropre), communément appelées « dents de lait ». Elles seront remplacées par 32 dents successionnelles, définitives ou permanentes. La différence s’explique par l’absence de prémolaires et la poussée d’une troisième molaire.

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires

Introduction

En attendant le développement complet des maxillaires, les dents temporaires précèdent les dents permanentes pendant les premières années de la vie. Elles sont au nombre de vingt : 10 au maxillaire et 10 à la mandibule. Ces dents, dites de lait, sont considérées comme instables. Elles ont une durée de vie déterminée dans le temps, car la rhizalyse, un phénomène physiologique, intervient pour permettre à la dent de remplacement de prendre sa place sur l’arcade. Comparées aux dents permanentes, elles possèdent des caractères anatomiques et histo-physiologiques particuliers dont il faut tenir compte pour bien appréhender leur spécificité au plan pathologique et thérapeutique.

Caractéristiques morphologiques de la dent temporaire

La différence avec la dent permanente ne se situe pas uniquement au niveau de la taille, car la morphologie influence le contexte parodontal. Les spécificités doivent être analysées au niveau coronaire et radiculaire.

Au niveau coronaire

  • La forme très bulbeuse et ronde est due à une constriction cervicale importante.
  • Leur aspect globuleux est lié au fait que le diamètre mésio-distal est généralement supérieur à leur hauteur cervico-occlusale.
  • La taille : elle est plus petite d’un tiers que les dents permanentes, sauf au niveau des molaires temporaires supérieures où le diamètre mésio-distal est supérieur à celui des prémolaires qu’elles vont remplacer.
  • La couleur est d’un blanc laiteux ; l’épaisseur de la couche d’émail est plus mince que sur les dents permanentes.
  • La couche de dentine représente à peu près la moitié de celle présente sur les dents permanentes.
  • Les cornes pulpaires sont plus effilées, hautes et proéminentes.
  • Le volume pulpaire est plus important que celui des dents permanentes.
  • Le plancher caméral est traversé de nombreux canaux pulpo-parodontaux, dont le nombre augmente avec la résorption physiologique des racines.

Au niveau radiculaire

Les racines sont :

  • Plus fines et minces.
  • Relativement plus longues.
  • Beaucoup plus courbes et surtout divergentes, car le germe de la dent permanente se trouve entre elles.
  • Elles divergent au départ de la couronne et ne possèdent pas de tronc commun, leur séparation se faisant près de la ligne cervicale.
  • Les canaux ont des formes aplaties, leur section ressemble à un haricot.
  • Il existe de nombreux canaux pulpo-parodontaux, surtout au niveau inter-radiculaire et apical.

Caractéristiques histologiques des dents temporaires

La spécificité histologique concerne aussi bien les tissus minéralisés que la pulpe.

Émail

On distingue deux sortes d’émail : l’un formé in utero, le plus interne, et l’autre formé à partir de la naissance. Ils sont histologiquement nettement distincts et séparés l’un de l’autre par une ligne néonatale d’Orban. Cette ligne néonatale n’est que le reflet optique de l’accentuation d’une strie de Retzius dense par rapport au postnatal. Ces stries sont moins importantes en nombre et en pigmentation que celles observées sur la dent permanente. Leur présence confère cependant à l’émail postnatal un aspect plus sombre qui le distingue, en coupe, de l’émail prénatal.

Une particularité des prismes d’émail dans le tiers gingival : dans la dent temporaire, ces prismes tendent à rester inclinés légèrement en direction de la surface d’occlusion ou du bord libre, contrairement à la dent permanente où ces prismes prennent, au fur et à mesure de leur inclinaison, une direction perpendiculaire à l’axe de la dent. Les espaces interprismatiques sont plus nombreux et plus importants ; mais la couche superficielle est souvent aprismatique.

La fragilité et la réceptivité à la carie des dents de lait tiennent pour beaucoup à la faible répartition des formations d’émail sur les zones proximales. De plus, la structure de ces dents montre que cette fragilité semble surtout reposer sur l’émail périphérique postnatal, moins dense que les couches sous-jacentes.

La dentine

La même distinction d’origine se retrouve au niveau de la dentine entre une dentine prénatale, plus dense et homogène, et une dentine postnatale, moins compacte et plus poreuse.

La pulpe

Elle présente une structure comparable à celle de la dent permanente. Elle est richement vascularisée. Les constituants cellulaires et fibreux sont représentés par les fibroblastes, les histiocytes, les cellules endothéliales, les cellules mésenchymateuses et les fibres de collagène.

Particularités physiologiques des dents temporaires

Particularités physiologiques de la pulpe des dents temporaires

Le tissu pulpaire des dents temporaires est semblable à celui des dents permanentes. Pour Kopel, la pulpe des dents temporaires élabore plus facilement de la dentine réactionnelle en réponse à l’agression pulpaire que les dents permanentes. Cette réaction de défense ne s’observe cependant que pour les dents temporaires aux stades 1 et 2. L’innervation n’est pas aussi dense que pour les dents permanentes, expliquant pourquoi les dents temporaires paraissent moins sensibles. Le potentiel réparateur de la pulpe observé au niveau des dents temporaires du stade 2 se manifeste le plus souvent par l’apposition importante de dentine réactionnelle, qui constitue une barrière entravant la propagation de l’agression vers la pulpe.

Cycle vital des dents temporaires

Les dents temporaires sont des organes éphémères, caducs sur l’arcade dentaire, destinés à être remplacés au cours de la croissance des enfants. Leur cycle vital aboutit obligatoirement à leur exfoliation après la résorption progressive de leurs racines. Leur formation se fait pendant la période intra-utérine. Leur éruption se situe entre l’âge de 6 mois et 3 ans. Un enfant de 3 ans possède normalement toutes ses dents de lait sur les arcades, et ses molaires de lait sont en occlusion. La valeur moyenne de la période fonctionnelle d’une dent temporaire dans la cavité buccale est d’environ 8 ans ± 3 mois. Cette physiologie évolutive caractéristique peut être divisée en trois phases d’inégale durée.

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires et permanentes immatures
Phase de croissance (Stade I ou immaturité)

Elle est comprise entre le moment de l’éruption de la dent temporaire dans la cavité buccale et la fin de son édification radiculaire. Cette phase dure entre 1 à 1 an et demi. C’est le stade I, encore appelé stade de formation ou immaturité.

Au niveau anatomique, il n’y a pas de grosses particularités, à part le fait que les racines n’ont pas encore terminé leur édification. La capacité de réagir aux stimuli externes (carie, traumatismes) est variable au niveau pulpaire et se traduit par :

  • Soit une réparation avec conservation de la vitalité pulpaire.
  • Soit une stimulation anormale de la dentinogenèse avec fermeture de la chambre pulpaire, puis du canal pulpaire.
  • Soit une nécrose pulpaire, souvent asymptomatique, qui se manifeste par une décoloration de la dent, puis par une atteinte parodontale.
Phase de maturation (Stade II ou stabilité)

Elle est comprise entre la fin de l’édification radiculaire et le début de la résorption physiologique. À la fin de cette période, la dent temporaire est mature. Cette phase dure environ 3 ans et 9 mois. C’est le stade II, encore appelé stade de stabilité.

La dent est complètement formée, et nous avons l’ébauche du germe de la dent de remplacement. La dent temporaire présente, dans sa phase stable, une physiologie assez comparable à celle de la dent permanente. Elle possède la capacité de réagir aux stimuli physiologiques ; la dentinogénèse peut être particulièrement intense et plus importante qu’au niveau de la dent permanente. Son important potentiel cellulaire lui permet de remplir ses multiples fonctions d’induction, de formation, de nutrition, de protection, de défense et de réparation.

La pulpe présente une structure également comparable à celle de la dent permanente. Sa région centrale est richement vascularisée, son innervation semble être moindre que celle de la dent permanente. Ses relations avec le parodonte se font par la zone apicale, comme pour les dents permanentes, ainsi que par de nombreux canaux accessoires pulpo-parodontaux qui constituent, même en période de stabilité, de multiples voies d’échange.

Caractères physiopathologiques :
La dent temporaire stable peut répondre à une agression en concentrant ses activités de défense et de réparation, et donc réagir de façon active comme la dent permanente. L’atteinte pulpaire peut se faire rapidement malgré une faible perte de substance et une petite cavitation. Cette évolution rapide est également occasionnée par la moindre minéralisation de l’émail et par le fait qu’une dentine jeune est d’autant plus perméable. La pénétration bactérienne dans les tubuli dentinaires étant facilitée, l’inflammation pulpaire sera plus vite engendrée que sur une dent permanente.

Phase de régression (Stade III ou résorption)

Elle est comprise entre le début de la résorption des racines et leur exfoliation. Elle dure environ 3 ans et 6 mois. Ce stade est caractérisé par des modifications des structures radiculaires, parodontales et par ses rapports de proximité avec le germe de la dent permanente. La résorption physiologique aboutit à l’exfoliation de la dent temporaire, puis à son remplacement par la dent définitive. Il existe une relation étroite entre le degré de maturation de la dent permanente et le degré de résorption de la dent temporaire.

On remarque plusieurs modifications dues à la résorption :

  • Migration de l’attache épithéliale vers les régions en voie de résorption.
  • Modification des structures radiculaires : avec élargissement des orifices apicaux et multiplication des orifices secondaires, ce qui constitue de nombreuses communications pulpo-parodontales.
  • Modification de la zone inter-radiculaire : état inflammatoire et transformation du tissu conjonctif en tissu de granulation hyperhémié. Ce tissu possède une forte activité ostéoclastique qui conduira à la destruction du cément et de la dentine pour aboutir à l’exfoliation de la dent déciduale.
  • Modification de la pulpe : présence de cellules multinucléées de type inflammatoire et d’odontoclastes.

Ces modifications montrent que la dent temporaire est un organe dont la capacité de défense et de réaction va décroître au fur et à mesure que la résorption avance. La dent temporaire au stade III est une entité largement ouverte, en contact direct avec les zones parodontales, en continuel remaniement.

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents permanentes immatures

Introduction

Une dent permanente, présente sur une arcade, est dite immature tant que la jonction cémento-dentinaire apicale n’est pas en place. Les dents permanentes immatures sont présentes à partir de l’établissement de la denture mixte (6 ans) jusqu’au début de la phase de denture adulte jeune (15 ans). Une dent permanente immature présente certaines particularités histologiques, anatomiques et physiologiques, la rendant très singulière à traiter.

Caractéristiques morphologiques

La dent immature se caractérise par :

  • Une région apicale non formée complètement.
  • Un paquet vasculo-nerveux volumineux dans un canal endodontique évasé, laissant ainsi apparaître un apex largement ouvert.
  • Des parois dentinaires fines et fragiles, la racine apparaît comme mince et plus ou moins courte selon le degré d’évolution.

Caractéristiques histologiques

Immaturité amélaire

Lorsque la dent fait son éruption, l’émail est immature, puis il subit un processus de maturation post-éruptive (minéralisation secondaire) qui le rendra mature. Il s’agit d’un mécanisme complexe au cours duquel l’eau et les protéines sont progressivement remplacées par du calcium et du phosphate, ce qu’on appelle des cycles de déminéralisation-reminéralisation.

Dans sa forme mature, l’émail est constitué de nombreux cristaux d’hydroxyapatite et contient plus de 96 % de phase minérale, peu d’eau (3,2 %) et seulement quelques traces de matrice organique (0,4 %). Alors que sa forme immature est constituée d’une phase minérale réduite (37 %), d’une phase aqueuse bien plus grande (44 %) et d’une matrice organique plus importante (19 %). Ainsi, l’émail des dents immatures comporte de nombreux défauts structuraux et donc une surface poreuse favorisant la rétention de plaque bactérienne, propice au développement des lésions carieuses.

Immaturité dentinaire

La dent permanente immature présente une immaturité également au niveau de la dentine. La dentinogénèse se poursuit tout au long de la formation de la dent. Pendant le développement dentaire, trois types de dentine sont élaborés :

  • Dentine primaire : une dentine normale, composée de tubuli espacés régulièrement.
  • Dentine secondaire : se dépose en réponse aux facteurs biomécaniques, tels que les changements de température, les chocs mécaniques ou encore les irritations chimiques.
  • Dentine tertiaire : également appelée dentine réactionnelle ou irrégulière, se dépose après une irritation pulpaire majeure, comme par exemple une attrition ou une carie. Elle se forme exclusivement dans les zones adjacentes à l’irritation.

D’un point de vue morphologique, la dent permanente immature présente :

  • Une absence de dentine secondaire, ce qui implique un volume pulpaire important, sans rétraction des parois de la chambre pulpaire et des cornes pulaires.
  • Les dents permanentes immatures ne bénéficient pas encore du dépôt de dentine péricanaliculaire, permettant progressivement l’oblitération des tubuli. Ces tubuli largement ouverts rendent la dentine très perméable.

Cliniquement, cela a pour conséquence la prolifération rapide de la carie une fois la jonction amélo-dentinaire atteinte.

Pulpe

En raison de son importante vascularisation, la dent permanente immature présente un potentiel de réparation plus important que la dent permanente mature. L’innervation est elle aussi immature, ce qui contribue à la rendre moins sensible aux différentes stimulations externes. L’absence de constriction apicale fait que les voies nerveuses ne sont pas comprimées lors d’une éventuelle inflammation, ce qui explique une diminution voire une absence de douleurs.

Morphologie, histo-physiologie et physiopathologie des dents temporaires et permanentes immatures

Caractéristiques physiologiques

La dent fait son éruption dans la cavité buccale lorsque la racine a atteint les deux tiers de sa longueur totale (stade 8 de Nolla). Il lui faudra entre trois et quatre ans pour atteindre le stade 10 ; entre ces deux stades, la dent sera considérée comme immature. La formation radiculaire se fait par prolifération épithéliale dans le tissu conjonctif, que l’on appelle la gaine de Hertwig. C’est cette gaine qui permet la différenciation des cellules de la jeune pulpe radiculaire en odontoblastes, assurant la dentinogénèse de l’extrémité apicale de la racine.

Une fois l’acquisition de la longueur définitive de la racine, on observe la désintégration de la gaine de Hertwig, mettant ainsi la dentine à nu en contact direct avec le conjonctif environnant. Ce processus entraîne alors la formation de cémentoblastes qui élaboreront le cément primaire (qui participe à la fermeture des orifices apicaux) et le cément secondaire (qui couvre la partie apicale de la racine). Ce dernier prédomine au niveau du tiers apical des racines et contribue ainsi à la formation de l’apex.

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