MORPHOGENESE DES ARCADES DENTAIRES
Embryologie de l’organe dentaire
Chez l’embryon humain de 12 à 15 mm (6ème semaine), l’épithélium épiblastique de la bouche prolifère et donne naissance à un bourrelet épithélial continu, en forme de fer à cheval ouvert vers l’arrière. Ce bourrelet épithélial représente la future arcade dentaire, il existe une arcade dentaire par maxillaire. Le bourrelet épithélial s’enfonce dans le mésenchyme sous-jacent et constitue le “mur plongeant”.
Celui-ci se développe et se dédouble en deux formations :
- Une formation à direction verticale externe : la lame vestibulaire
- Une formation à direction linguale (ou palatine) interne : la lame dentaire
La lame dentaire
La lame dentaire proprement dite s’infléchit en direction linguale, son bord libre donne naissance aux bourgeons des 10 dents temporaires, à la 10ème semaine de la vie intra-utérine et plus tard vers la 16ème semaine celui de la 1ère molaire permanente. Enfin, une dernière prolifération de la lame dentaire sera à l’origine des germes des 2èmes et 3èmes molaires vers 1 an et 5 ans après la naissance.
La lame dentaire de remplacement
Malgré sa régression, la lame dentaire donne naissance, au-dessus des bourgeons des dents temporaires et en direction linguale, à 10 nouveaux prolongements épithéliaux. L’ensemble de ces nouveaux prolongements constitue la “lame dentaire de remplacement”. À partir de ces prolongements secondaires, on assiste à l’apparition des bourgeons des dents définitives.
Formation des arcades dentaires
Des travées osseuses maxillaires forment à partir des 8ème et 9ème semaines de la vie intra-utérine, deux gouttières tournées vers la cavité buccale. Aux 4ème et 5ème mois de la vie intra-utérine, des travées osseuses transversales commencent à séparer les différents germes dentaires (incisives, canines et molaires temporaires) existant dans ces gouttières, créant ainsi l’ébauche des alvéoles.
Durant toute la période de la vie intra-utérine, de nouvelles travées osseuses épaississent peu à peu les alvéoles et ainsi se crée progressivement un plancher osseux qui isole la région dentaire de l’axe vasculo-nerveux et le fond de la gouttière se transforme en un canal, c’est le canal dentaire.
Au cours du mouvement éruptif de la dent, des modifications importantes s’opèrent simultanément du côté osseux :
- D’une part, des nouvelles lames osseuses s’empilent dans le fond de l’alvéole qu’elles tendent à combler.
- D’autre part, l’os alvéolaire continue de croître rapidement et son rebord supérieur s’élève.
Chronologie de l’éruption dentaire
Définition de l’éruption dentaire
C’est un processus biologique de croissance complexe impliquant à la fois les dents et les tissus environnants. Il correspond à un déplacement d’une dent depuis son site intra-osseux maxillaire jusqu’à sa mise en place fonctionnelle sur l’arcade.
Chronologie de l’éruption des dents temporaires et permanentes
Pour faciliter l’étude de l’éruption, nous adoptons la division classique de ce processus en phases :
- Phase d’éruption passive : Cette phase correspond au début de calcification de la couronne, jusqu’à l’achèvement de celle-ci. L’apposition osseuse, au niveau des corticales, augmente la distance entre le germe et le bord basilaire, mais le germe ne s’élève pas.
- Phase d’éruption active pré-fonctionnelle : C’est la phase pendant laquelle la dent fait son éruption dans la cavité buccale, elle se termine au moment où la dent entre en contact avec ses antagonistes.
- Phase fonctionnelle : L’ascension des dents se poursuit jusqu’au contact occlusal en même temps s’achèvent tous les mouvements qui permettent la mise en place fonctionnelle des couronnes.
- Phase d’adaptation occlusale : Depuis le 1er contact établi, la dent encore en éruption cherche des rapports stables et un engrènement convenable avec son antagoniste.
Quoique ralenti, le mouvement d’éruption se poursuit tout au long de l’existence. En effet, la dent subit une usure tant sur sa face occlusale qu’aux points de contact entre dents voisines, ce mouvement axial a pour résultat de compenser cette usure. Ces données sont approximatives et tiennent compte des écarts entre les chiffres donnés par différents auteurs.
Dentition temporaire
La dentition temporaire s’étend en moyenne du 6ème au 30ème mois après la naissance, au rythme d’un groupe de dents tous les 6 mois. Vers 3 ans, la denture de 20 dents devient stable et fonctionnelle pendant 4 ans environ jusqu’à l’apparition de la 1ère dent permanente.
Dent | I | II | III | IV | V |
---|---|---|---|---|---|
Éruption | 6 à 7 mois | 7 à 9 mois | Entre 18 et 24 mois | Entre 12 et 18 mois | Entre 24 et 30 mois |
Dentition permanente
Cette période dure jusqu’à l’âge de 18-20 ans environ, en passant par des phases statiques. Elle débute par l’éruption de la 1ère dent permanente (1ère molaire) vers 6 ans, et se poursuit par l’éruption des autres dents au rythme d’un groupe de dents par an. Elle est plus précoce chez les filles, et apparaît en 1er lieu à la mandibule puis au maxillaire.
Dent | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Éruption | 6 à 7 ans | 7 à 8 ans | 11 à 12 ans | 10 à 12 ans | 11 à 12 ans | Vers 6 ans | 12 à 13 ans | À partir de 17 ans |
Morphogénèse des arcades dentaires
La morphogénèse des arcades dentaires s’étale sur une vingtaine d’années. Elle comporte des phases d’activité, au cours desquelles apparaissent des groupes de dents, et des phases de stabilité sans modifications apparentes de la denture.
Les étapes de la morphogénèse des arcades dentaires (Selon Demogé)
Phase de constitution de la denture temporaire
Cette période dure environ 2 ans, de l’apparition des incisives centrales temporaires à celle des 2èmes molaires temporaires.
On distingue deux types d’arcades temporaires :
- Arcades de type 1 : Elles présentent des diastèmes simiens entre incisives latérales et canines maxillaires et entre canines et premières molaires mandibulaires.
- Arcade de type 2 : Sans diastèmes simiens.
Phase de denture temporaire stable
Cette période dure environ 4 ans, jusqu’à l’apparition des premières molaires permanentes ou l’expulsion d’une incisive centrale temporaire. À ce stade, on note habituellement des diastèmes inter-incisifs (diastèmes de Bogue). L’absence de ces diastèmes est une présomption de dysharmonie dento-maxillaire.
Phase de constitution de la denture mixte
Elle correspond à la mise en place des 1ères molaires permanentes et des incisives permanentes. Elle commence par l’apparition de la première molaire permanente ou la perte spontanée d’une dent temporaire, le plus souvent l’incisive centrale inférieure. Cette phase se situe en moyenne entre 6 et 8 ans.
- Éruption des incisives permanentes : L’éruption des incisives pose un problème d’alignement (encombrement) en cas d’arcade de type 2 car le diamètre mésiodistal des incisives permanentes est supérieur à celui des temporaires. Le déficit d’espace pour la mise en place des incisives permanentes sur une arcade dentaire trop petite sera compensé par trois mécanismes :
- Un mécanisme dentaire : utilisation des diastèmes inter-incisifs et des diastèmes simiens.
- Une augmentation de la largeur d’arcade par une vestibulo-version accentuée des incisives permanentes par rapport aux incisives temporaires.
- Un élargissement dû à la croissance.
- Éruption de la dent de 6 ans : Elle est relativement simple, son positionnement est guidé par le plan terminal de la 2ème molaire de lait. On assiste par la suite à la fermeture des diastèmes simiens sous la poussée éruptive.
Phase de denture mixte stable
Cette phase dure de 2 à 3 ans, de la mise en place fonctionnelle des incisives permanentes au début de la mobilité des premières molaires temporaires ou des canines temporaires. Elle se caractérise par une stabilité dimensionnelle des arcades dentaires.
Phase de constitution de la denture adolescente
Elle correspond au remplacement des canines et molaires temporaires par les canines et prémolaires permanentes, et dure en moyenne 2 à 3 ans. Elle s’étend selon les individus de 8 ans à 12 ans.
Compensation dentaire : Le diamètre des molaires lactéales étant plus important que celui des prémolaires, la chute des dents temporaires intermédiaires (canine et molaire temporaire) va céder de l’espace aux canines et prémolaires permanentes, c’est le « lee way space » ou l’espace de dérive mésiale. Il est évalué à 0,9 mm par hémi-arcade au maxillaire et 1,7 mm par hémi-arcade à la mandibule.
Après la chute des deuxièmes molaires temporaires, les premières molaires se déplacent mésialement. Cette « dérive mésiale » physiologique, plus importante à la mandibule, sera utilisée pour rétablir une occlusion molaire de classe 1.
Phase de denture adolescente stable
Elle correspond à la formule dentaire 1-2-3-4-5-6. Sa durée est liée à l’éruption de la deuxième molaire permanente.
Phase de constitution de la denture adulte jeune
Correspond à l’éruption de la 2ème molaire permanente.
Phase de denture adulte jeune stable
C’est une longue phase statique, qui s’étale de la mise en occlusion des dents de douze ans jusqu’à l’éruption des dents de sagesse. Elle correspond à la formule : 1-2-3-4-5-6-7.
Phase de constitution de la denture adulte
Elle correspond à l’éruption des dents de sagesse.
Phase de denture adulte stable
Toutes les dents permanentes ont enfin trouvé leur place et la fonction est maximale. Elle correspond à la formule 1-2-3-4-5-6-7-8.
Établissement de l’occlusion
Denture temporaire
Agencement intra-arcades
- La forme des arcades temporaires est pratiquement assimilable à un demi-cercle.
- Les dents temporaires n’ont pas d’axe particulier, elles sont implantées verticalement.
- Le plan d’occlusion est plat (pas de courbe de Spee).
- On observe fréquemment des diastèmes simiens (pré-canin maxillaire et post-canin mandibulaire) et des diastèmes inter-incisifs de Bogue.
Agencement inter-arcades
- L’occlusion est de type engrénante : une dent est en rapport d’occlusion avec deux dents antagonistes, sauf les incisives centrales mandibulaires et les deuxièmes molaires maxillaires.
- L’engrènement est peu marqué.
- L’arcade supérieure circonscrit l’inférieure.
- Le recouvrement incisif (overbite) est faible.
- Le surplomb incisif (overjet) est léger.
- Les canines inférieures sont mésialées d’une demi-dent par rapport aux supérieures : la canine supérieure s’articule entre la canine et la première molaire de lait inférieures.
Rapport molaire : Le plan terminal correspond aux rapports des faces distales des deuxièmes molaires temporaires maxillaires et mandibulaires dans le sens antéro-postérieur :
- Plan terminal à marche mésiale : Face distale de la deuxième molaire temporaire mandibulaire mésialée.
- Plan terminal droit (76% des cas) : Rapport cuspides à cuspides.
- Plan terminal à marche distale : Face distale de la deuxième molaire temporaire mandibulaire distalée.
Ces différents types de rapports préfigurent les relations qui s’établiront entre les premières molaires permanentes. La première molaire permanente évolue vers 6 ans, guidée par la face distale de la seconde molaire de lait selon le plan terminal. La situation habituelle du plan terminal droit en denture lactéale détermine une relation de bout à bout entre les molaires permanentes. Le passage à la relation de classe I (normal) se réalise grâce :
- Au déplacement mésial suite à la perte de la 2ème molaire lactéale (occupation de l’espace de dérive mésiale : « lee way space »).
- À la croissance antérieure plus importante de la mandibule par rapport au maxillaire, ou à la combinaison des deux.
Denture permanente
Agencements intra-arcades
La forme d’arcade
L’arcade dentaire présente la forme d’une demi-ellipse au maxillaire et d’une parabole à la mandibule.
Les courbes de compensation
- La courbe de Spee : La courbe de Spee est une courbe sagittale à concavité supérieure, elle commence au sommet de la canine inférieure et suit les sommets des cuspides vestibulaires des prémolaires et des molaires.
- La courbe de Wilson : Dans le plan frontal, les dents sont disposées suivant une courbe à concavité supérieure, appelée courbe de Wilson, passant par les sommets cuspidiens vestibulaires et linguaux des prémolaires et molaires.
- Au maxillaire : les tables occlusales sont orientées du côté vestibulaire.
- À la mandibule : à l’inverse, les tables occlusales sont orientées lingualement.
Orientation des axes dentaires
L’axe des dents des deux arcades est oblique par rapport à une perpendiculaire au plan d’occlusion.
Au maxillaire :
- Les incisives et canines sont mésioversées.
- Les prémolaires sont perpendiculaires au plan d’occlusion.
- La 1ère molaire est légèrement mésioversée.
- Les 2ème et 3ème molaires sont distoversées.
À la mandibule :
- Les incisives sont droites.
- Les canines en mésioversion.
- Les prémolaires sont perpendiculaires au plan d’occlusion.
- Les 1ères molaires présentent une inclinaison variable de -1 à +1.
- Les 2ème et 3ème molaires sont mésioversées.
Relations inter-arcades
- L’occlusion est de type occlusion engrénante, une dent est en rapport d’occlusion avec deux dents antagonistes, sauf les incisives centrales mandibulaires et les troisièmes molaires maxillaires.
- Dans le sens vestibulo-lingual : l’arcade maxillaire est plus large et plus longue que l’arcade mandibulaire.
Au niveau incisif
Dans le sens sagittal : Il existe un surplomb vestibulaire des incisives maxillaires par rapport aux incisives mandibulaires, d’une valeur moyenne de 2 mm, appelé overjet.
Dans le sens vertical : Le recouvrement des incisives mandibulaires par les incisives maxillaires (overbite) est d’une valeur de 2 mm environ.
Dans le sens transversal : Il y a une coïncidence des points inter-incisifs. La référence pour déterminer la médiane correcte est le plan sagittal médian, qui réunit le plus grand nombre de points médians du visage.
Au niveau canin
La pointe de la canine supérieure doit se trouver normalement dans l’embrasure située entre la canine et la première prémolaire inférieure, c’est la classe I canine.
Au niveau molaire
Dans le sens antéro-postérieur, les dents inférieures sont mésialées d’1/2 cuspide par rapport aux dents supérieures, ce qui correspond à la classe I d’Angle.
Classification d’Angle : Elle est basée sur les rapports d’occlusion des faces vestibulaires des premières molaires dans le sens antéro-postérieur, en intercuspidie maximale.
- La classe I : Correspond à l’occlusion normale ou idéale, la première molaire inférieure est mésialée d’une demi-cuspide par rapport à la première molaire supérieure.
- La classe II : La première molaire inférieure se trouve distalée par rapport à la première molaire supérieure. La classe II comporte deux subdivisions qui se différencient suivant l’inclinaison des incisives supérieures :
- La classe II, division 1 : Présente une vestibulo-version des incisives centrales supérieures.
- La classe II, division 2 : Présente une lingo-version des incisives centrales supérieures.
- La classe III : Elle est caractérisée par une mésiocclusion des premières molaires mandibulaires.
Notions d’occlusion statique et dynamique
Occlusion statique
Position de repos
C’est la position qu’occupe la mandibule lorsque les muscles élévateurs, abaisseurs et posturaux se trouvent dans un état d’équilibre physiologique actif minimal ; les dents ne sont alors pas en contact.
Position d’occlusion en intercuspidation maximale (I.C.M.)
L’intercuspidie maximale est la position mandibulaire de fermeture dans laquelle les arcades dentaires présentent le maximum de points ou de surfaces de contact.
La relation centrée (RC)
Il s’agit d’une relation mandibulo-crânienne indépendante des dents. C’est la position la plus postérieure, non forcée de la mandibule ; les condyles occupent une position haute et symétrique dans les cavités glénoïdes, position à partir de laquelle tous les mouvements de latéralité sont encore possibles. Cette relation centrée articulaire doit coïncider à peu près avec l’I.C.M. (pas plus de 2 mm de décalage entre R.C. et I.C.M. dans le sens sagittal).
Occlusion dynamique
Le mouvement de propulsion
Il représente le trajet qu’effectue la mandibule lorsque les incisives inférieures glissent sur les faces palatines des incisives supérieures, depuis la position d’intercuspidation maximale (I.C.M.) jusqu’au bout à bout incisif. Ce mouvement doit suivre un trajet rectiligne avec désocclusion immédiate et totale des dents postérieures.
Le mouvement de latéralité
Le mouvement de latéralité représente le trajet qu’effectue la mandibule lorsque les dents inférieures glissent latéralement sur les faces internes des cuspides vestibulaires des dents maxillaires et plus particulièrement, sur la face palatine de la canine supérieure.
La fonction canine : Lorsque le patient glisse latéralement les dents mandibulaires sur les dents maxillaires, la canine supérieure conduit seule le mouvement sur tout le trajet depuis la position d’intercuspidation maximale jusqu’au bout à bout avec désocclusion immédiate et totale de toutes les autres dents. La fonction canine est très fréquente et peut être considérée comme la fonction latérale idéale.
La fonction groupe : Du côté travaillant, plusieurs dents, y compris les canines, guident le mouvement. La fonction groupe assure une bonne protection parodontale, les forces occlusales sont distribuées harmonieusement sur toutes les dents du côté travaillant.
MORPHOGENESE DES ARCADES DENTAIRES
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Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier
Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
MORPHOGENESE DES ARCADES DENTAIRES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.