L’occlusion en implantologie / Implantologie Dentaire
Introduction
L’occlusodontie contribue au succès à long terme dans toutes les disciplines de l’odontologie. En effet, tous les traitements dentaires ont une implication occlusale puisque l’occlusion dentaire est la manière dont les dents maxillaires s’engrènent avec les dents mandibulaires. L’implantologie et l’occlusion sont deux domaines de la dentisterie extrêmement liés, car la prothèse guide la position des implants et les thérapeutiques associées. Réduire l’implantologie à un acte chirurgical conduit à des erreurs.
Spécificités implantaires influençant l’occlusion
Appareil d’ancrage radiculaire dans l’os
Le remplacement d’une racine naturelle par une racine artificielle (implant) entraîne des différences d’un point de vue fondamental et clinique. Les tissus parodontaux attachent naturellement l’os à la surface des racines des dents, agissant comme un amortisseur de chocs. Ces tissus protègent l’os sous-jacent. L’implant dentaire, quant à lui, fusionne à l’os de la mâchoire, offrant une grande stabilité.

Rôle du système neuromusculaire dans l’occlusion
Les récepteurs proprioceptifs
Les récepteurs proprioceptifs sont localisés au niveau du desmodonte, des articulations temporo-mandibulaires (ATM), des muscles et des tendons.
Les récepteurs desmodontaux
Les récepteurs desmodontaux enregistrent, via le nerf trijumeau, l’intensité d’une force sur une dent, son temps d’application et sa direction. Cet enregistrement se fait soit par voie réflexe (protection des dents et du parodonte), soit par voie automatique (analyse de la texture du bol alimentaire lors de la mastication et déclenchement de la déglutition). Ils détectent les interférences.
Les récepteurs des ATM
D’après Woda (1983), l’articulation temporo-mandibulaire est constituée de différents récepteurs : récepteurs de Ruffini, de Pacini, tendineux de Golgi et terminaisons libres. Elle possède une innervation sensitive propre, importante dans l’occlusion. Les récepteurs desmodontaux détectent des interférences de faible intensité, tandis que ceux de l’ATM et des muscles signalent des interférences plus importantes.
Récepteurs des muscles masticateurs
L’ATM est mobilisée par les muscles masticateurs, dont l’innervation motrice est principalement assurée par le nerf trijumeau (V3 – branche mandibulaire), qui gère également l’innervation sensitive des dents et du parodonte. L’innervation sensitive des muscles est assurée par :
- Les fuseaux neuromusculaires (protection contre un étirement inadéquat et adaptation du tonus musculaire).
- Les récepteurs tendineux de Golgi (protection contre une tension ou contraction musculaire inadéquate).
Conséquences sur l’occlusion
La mobilité
Mobilité dentaire (viscoélasticité)
Une dent saine présente une mobilité physiologique dans son alvéole grâce à la structure viscoélastique du ligament parodontal et à l’orientation des fibres de Sharpey. Les forces occlusales sont ainsi distribuées et absorbées par l’os alvéolaire, offrant une adaptabilité protectrice immédiate.
Mobilité implantaire (ankylose fonctionnelle)
L’immobilité d’un implant est un critère de succès de l’ostéointégration. Cela exclut la présence de tissu fibreux entre l’implant et l’os alvéolaire, et donc d’une structure ligamentaire. Par conséquent, il n’y a pas d’amortissement des forces.
Mobilité axiale
- Dent : Varie de 25 à 100 μm, avec une moyenne de 60 μm.
- Implant : Varie de 3 à 5 μm, avec une moyenne de 4 μm, en fonction de la densité osseuse.

Mobilité latérale (transversale ou horizontale)
- Dent : Se produit en deux étapes :
- Viscoélastique, non linéaire : Sous une force légère (~100 g), le ligament parodontal se déforme de façon réversible, protégeant et stimulant l’os alvéolaire.
- Linéaire : Sous une force plus importante (~500 g), l’os alvéolaire se déforme linéairement, en souffrance.
- Implant : Varie entre 10 et 50 μm, généralement inférieure à 25 μm, en une seule phase linéaire. Les implants supportent mal les contraintes latérales, avec un risque de fracture, car elles ne sont pas régulées par les récepteurs desmodontaux.



Le centre de rotation
- Dent : Grâce à la viscoélasticité du ligament parodontal et à la forme conique de la racine, le centre de rotation est situé au tiers apical.
- Implant : En l’absence de ligament parodontal et avec une forme cylindrique, le centre de rotation est déplacé au tiers cervical. Si l’implant est conique, il se rapproche de l’apex, comme pour une dent naturelle.



La perception sensitive et quantitative
Proprioception
Les récepteurs proprioceptifs (mécanorécepteurs) dans le desmodonte, les ATM, les muscles et les tendons contrôlent l’occlusion en modulant l’activité musculaire (force, direction, vitesse) et en informant sur la position de la mâchoire. Autour des implants, l’absence de desmodonte réduit la proprioception, mais des récepteurs dans la gencive, la muqueuse et l’os alvéolaire compensent partiellement.
Seuil de perception
- Dent : Détecte des épaisseurs de 15-20 μm (papier articulé = 16 μm) et des pressions de 1 g (Woda, 1975) à 11,5 g (Hämmerle et coll., 1995).
- Implant : Seuil de perception plus élevé, nécessitant 100 g pour percevoir une force.

Adaptation aux forces occlusales
- Dent :
- Points de contact inter-dentaires amortissant les mouvements dans le sens mésio-distal.
- Relation cuspide/fosse optimisant la transmission des contraintes occlusales.
- Implant :
- Résiste mieux aux forces axiales. Les forces latérales créent des mouvements de flexion importants.
- Le grand axe de l’implant doit être orienté selon la résultante des forces de mastication.
Rappels sur les concepts occlusaux
Occlusion Mutuellement Protégée (OMP)
- En Occlusion d’Intercuspidie Maximale (OIM) : Contacts postérieurs avec cuspides d’appui dans la fosse centrale, contacts tripodiques dans le sens transversal, occlusion 1 dent / 2 dents. Contacts antérieurs légers.
- En propulsion : Guide antérieur permettant une désocclusion des secteurs cuspidés. L’inclinaison de la pente incisive assure une concordance cinétique entre ATM et occlusion (absence d’interférence, désocclusion postérieure, symétrie, harmonie).

- En diduction : Éviter les contacts latéraux sur les dents postérieures du côté travaillant et surtout non travaillant. Deux types de guidage :
- Fonction canine.
- Fonction de groupe (antérieure, postérieure ou étendue).


Occlusion Bilatéralement Équilibrée (OBE) ou Occlusion Balancée
- En Occlusion de Relation Centrée (ORC) : Calage assuré par une répartition des contacts sur l’ensemble des dents, avec lingualisation des contacts et contacts antérieurs légers.
- En propulsion : Guide avec contacts équilibrés antérieurs et postérieurs, au moins un contact de chaque côté.
- En diduction : Contacts travaillant sur plusieurs dents et au moins un contact non travaillant stabilisant.


Gestion de l’occlusion des prothèses sur implant
La morphologie occlusale
Pour optimiser l’occlusion des prothèses sur implants, les recommandations incluent :
- Fosses et sillons peu marqués.
- Table occlusale rétrécie de 30 à 40 % dans la région molaire.
- Inclinaison cuspidienne réduite.
- Charge non axiale réduite.
- Contacts occlusaux plus légers sur les prothèses sur implants.
- Recouvrement vertical minimum pour réduire la charge sur les implants antérieurs.

Impératifs occlusaux à respecter
Concept de serrage différentiel de Misch
- Objectif : Obtenir des contacts sur la prothèse implanto-portée uniquement en occlusion serrée.
- Méthode : Le papier shimstock glisse en contact léger, mais accroche en serrage fort, partageant les forces entre l’implant et les dents. Cela évite l’égression des dents naturelles en comprimant le desmodonte (comme en déglutition en OIM).
- Alternative : Utiliser une épaisseur de papier marqueur de 8 μm pour les dents naturelles et 4 épaisseurs pour les implants, en tenant compte du différentiel de mobilité.

Choix du concept occlusal en fonction du type de prothèse implanto-portée
Aucun modèle occlusal idéal n’a été développé pour l’implantologie, mais des critères généraux réduisent les interférences postérieures et les forces latérales. Deux règles d’or :
- Prendre en compte la nature de l’élément antagoniste, en utilisant la proprioception des dents antagonistes si présentes.
- Choisir le concept occlusal favorisant la prothèse la moins stable.
Prothèse fixe implanto-portée : prothèse unitaire
Choix de la position mandibulaire de référence
- Généralement l’OIM initiale si fonctionnelle et stable, pour renforcer l’OIM sans la perturber.
Prothèse implanto-portée remplaçant une incisive, une prémolaire ou une molaire
Face à une dent naturelle (avec ou sans prothèse fixe)
- En occlusion : La prothèse implanto-portée intervient sans sous-occlusion pour éviter l’égression de la dent antagoniste.
- En propulsion et diduction : Occlusion mutuellement protégée.

Face à une prothèse amovible
- Prothèse partielle amovible (PPA) :
- En propulsion : Guide antérieur avec désocclusion postérieure si au moins trois couples d’incisives de bonne valeur parodontale. Sinon, guide antéropostérieur équilibré avec faible recouvrement incisif.
- En diduction : Fonction canine si les canines sont naturelles et de bonne valeur. Sinon, fonction de groupe si la PPA remplace une canine.
- Prothèse amovible complète (PAC) : Occlusion balancée.
Face à une ou plusieurs prothèses sur implants
- En occlusion : Légère sous-occlusion possible, avec contacts en occlusion active (principe de Misch).
- En propulsion et diduction : Occlusion mutuellement protégée (guide antérieur en propulsion, fonction canine en diduction) pour désocclusion postérieure.
Canine sur implant
Face à une canine naturelle
- En occlusion : Certains prônent l’absence de contacts en serrage léger, d’autres estiment que les récepteurs desmodontaux de la canine naturelle modulent les forces, permettant une participation sans sous-occlusion.
- En diduction : Consensus pour la fonction de groupe, impliquant les dents contiguës pour protéger la canine implanto-portée des forces horizontales. Selon M. Bert, la fonction canine est acceptable et fiable, car la fonction de groupe est difficile à équilibrer.
Face à une prothèse amovible
- PPA remplaçant une ou deux canines :
- Fonction de groupe si dents postérieures naturelles présentes (classe III, IV, ou V de Kennedy-Applegate).
- Occlusion balancée si nécessaire pour stabiliser la PPA (classe I, II, ou V).
- PAC : Occlusion balancée pour stabiliser la prothèse.

Face à une canine sur implant
- En occlusion : Contacts en occlusion active (principe de Misch).
- En propulsion : Occlusion mutuellement protégée (guide antérieur).
- En diduction : Pas de fonction canine. Prendre en compte la canine maxillaire controlatérale (M. Bert, P. Missika, 2009) :
- Canine controlatérale courte : Fonction de groupe réduite impliquant l’incisive latérale et la première prémolaire.
- Canine controlatérale longue : Fonction canine via un bridge (préférablement maxillaire) pour un guidage correct, les récepteurs desmodontaux des dents piliers transmettant les informations nécessaires.

Prothèse fixe implanto-portée : prothèse plurale
Choix de la position mandibulaire de référence
- OIM : Conservée si stable et reproductible, la reconstruction s’intégrant dans le schéma occlusal.
- Relation Centrée (RC) : Si l’OIM est instable, absente, ou en cas de pathologie, définie par les ATM. Modification possible de la Dimension Verticale d’Occlusion (DVO).
Prothèse implanto-portée remplaçant un édentement antérieur
Face à des dents naturelles
- En occlusion :
- Certains prônent le serrage différentiel de Misch.
- D’autres stabilisent les contacts sans sous-occlusion, grâce aux récepteurs desmodontaux modulant la contraction musculaire.

- En propulsion et diduction : Désocclusion immédiate des dents postérieures. Fonction canine privilégiée, même si les canines sont implanto-portées. Si canines maxillaires courtes (raisons esthétiques), fonction de groupe envisageable, bien que la fonction canine soit préférée. Certains estiment que la fonction de groupe protège des surcharges occlusales.
Face à une prothèse amovible
- PPA :
- En propulsion : Guidage antéropostérieur équilibré (occlusion balancée) si moins de trois couples d’incisives naturelles.
- En diduction : Fonction canine si canines naturelles. Si canine implanto-portée avec PPA remplaçant une canine, fonction de groupe si dents postérieures naturelles, sinon occlusion balancée pour stabiliser la PPA.
- PAC : Occlusion bilatéralement équilibrée.

Face à des implants
- En occlusion : Contacts en occlusion serrée.
- En propulsion : Guide incisif permettant une occlusion mutuellement protégée, répartissant la trajectoire sur toutes les prothèses antérieures.
- En diduction : Dépend de la présence de canines naturelles et de leur longueur :
- Canine naturelle : Fonction canine ou de groupe.
- Canines implanto-portées : Considérer la longueur des canines maxillaires (comme vu précédemment).

Prothèse implanto-portée remplaçant un édentement terminal
- En occlusion :
- Serrage différentiel de Misch.
- Si dents antagonistes naturelles, la prothèse intervient même en serrage léger pour éviter leur égression.
- Si dents antagonistes implanto-portées, serrage différentiel adopté.
- En propulsion et diduction :
- Canine non incluse dans l’édentement : Fonction canine privilégiée, quel que soit l’antagoniste.
- Canine incluse dans l’édentement :
- Canine antagoniste naturelle : Fonction canine.
- Canine antagoniste PPA/PAC : Occlusion balancée pour stabiliser la prothèse amovible.
- Canine antagoniste implanto-portée : Choix selon la canine controlatérale (fonction de groupe réduite si courte, fonction canine si longue).

Prothèse implanto-portée remplaçant un édentement total
Face à des dents naturelles
- Pressions occlusales importantes, nécessitant un nombre suffisant d’implants pour répartir les forces, même avec modulation par les récepteurs desmodontaux.
Face à une PAC
- Occlusion bilatéralement équilibrée pour stabiliser la PAC et répartir les contraintes sur les implants.
Face à une prothèse complète fixe sur implant

- En ORC : Calage prémolo-molaire stable, contacts antérieurs légers.
- En propulsion : Guide antérieur plus ouvert qu’en denture naturelle pour éviter le stress des forces latérales, avec désocclusion immédiate des dents postérieures.
- En diduction : Pas de consensus. Mariani et coll. (2008) et M. Bert (2015) recommandent une fonction canine avec une canine maxillaire moyennement longue et une pente canine faible, réduisant le besoin de proprioception précise.
Prothèse amovible complète supra-implantaire (PACSI)
Depuis les consensus de McGill (2002) et de Yok (2009), une PACSI supportée par deux implants est le traitement minimum pour une mandibule édentée.
Choix de la position de référence et du concept occlusal

- Position de référence : Relation Centrée (RC).
- Concept occlusal : Occlusion Bilatéralement Équilibrée, quel que soit l’antagoniste.
Face à des dents naturelles

- Occlusion bilatéralement équilibrée, bien que techniquement difficile. Nécessite des contacts en au moins trois points en diduction et propulsion pour stabiliser la PACSI.
Face à une PAC conventionnelle maxillaire

- Occlusion bilatéralement équilibrée (consensus de McGill).
Face à une prothèse complète fixe sur implants

- Occlusion bilatéralement équilibrée.
Face à une PACSI

- Occlusion bilatéralement équilibrée, actuellement la plus utilisée.

Conclusion
La thérapeutique implantaire préserve les tissus dentaires, évite les prothèses amovibles pour les patients qui le souhaitent et augmente leur confort. Malgré des taux de succès élevés, des complications et échecs sont encore rapportés, notamment en raison de surcharges occlusales. La gestion de l’occlusion des restaurations prothétiques implantaires est donc essentielle pour leur pérennité.
L’occlusion en implantologie / Implantologie Dentaire
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
L’occlusion en implantologie / Implantologie Dentaire

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.