LESIONS ELEMENTAIRES CELLULES ,TISSUS ,ET ORGANES
I. Introduction
Les cellules sont des structures complexes dotées de mécanismes régulateurs qui maintiennent un équilibre entre l’anabolisme (construction) et le catabolisme (destruction). La rupture de cet équilibre, sous l’action de nombreux facteurs pathogènes, entraîne une altération de la fonction cellulaire et, à un degré supérieur, une altération de la structure.
La lésion correspond à une modification morphologique visible des structures normales au cours d’un processus pathologique. Elle peut affecter un ou plusieurs organites, la cellule, un tissu ou un organe entier. La lésion élémentaire est l’unité lésionnelle isolée par l’analyse d’un ensemble lésionnel.
Pour identifier ces lésions chez un patient, plusieurs moyens sont utilisés, notamment :
- L’interrogatoire
- L’examen clinique
- Les examens paracliniques
- L’examen histopathologique (si nécessaire)
De nos jours, des techniques comme l’immunohistochimie et la biologie moléculaire renforcent le bilan préthérapeutique pour optimiser le choix du traitement.
II. Rappels
2.1 La cellule normale
La cellule est la plus petite unité de matière vivante capable d’exister et de se reproduire de manière indépendante. Une cellule eucaryote est constituée de :
- Un cytoplasme, entouré d’une membrane cytoplasmique, contenant les organites nécessaires au fonctionnement cellulaire.
- Un noyau, entouré d’une membrane nucléaire.
Les cellules différenciées acquièrent une forme et une organisation interne spécifiques à leur type (ex. : cellules nerveuses, cellules épithéliales).
2.2 Les tissus
Les tissus sont des ensembles de cellules différenciées, baignant dans une matrice extracellulaire, avec des caractéristiques fonctionnelles et biologiques propres. Il existe trois grands groupes de tissus :
Type de tissu | Description |
---|---|
Épithéliums | Couvrent les surfaces et tapissent les cavités. |
Tissu conjonctif (commun et spécialisé) | Fournit un support structurel et fonctionnel (ex. : os, cartilage). |
Tissu nerveux | Responsable de la transmission des signaux nerveux. |
2.3 La matrice extracellulaire
La matrice extracellulaire comprend :
- La membrane basale, support des cellules polarisées, constituée principalement de collagène de type IV.
- Le tissu interstitiel, constitué de collagène de type I et II, de glycoprotéines (laminine, fibronectine) et de protéoglycanes.
2.4 Les molécules d’adhérence
2.4.1 Définitions
Les molécules d’adhérence sont des protéines exprimées à la surface de la membrane cellulaire, permettant une adhésion sélective ou spécifique entre deux cellules ou entre une cellule et la matrice extracellulaire. Leur sélectivité repose sur leur capacité à interagir avec des ligands spécifiques.
Rôles :
- Structurel : Assurer la cohésion des tissus.
- Fonctionnel : Permettre des rôles biologiques transitoires.
2.4.2 Principales molécules d’adhérence
Famille | Exemples | Rôle |
---|---|---|
Cadhérines | E-cadhérine (épithéliums), N-cadhérine (tissu nerveux/musculaire), P-cadhérine (mésothéliums/épidermes) | Adhérence intercellulaire, glycoprotéines membranaires monomériques. |
Immunoglobulines | N-CAM, ACE, ICAM1, ICAM2, VCAM, CD2 | Interviennent dans l’immunité (ex. : HLA, complément). |
Intégrines | B1, B3 (adhésion cellule-matrice), B2 (interaction leucocytes-endothélium) | Adhérence cellule-matrice et interactions fonctionnelles. |
Sélectines | E-sélectine, P-sélectine (endothélium), L-sélectine (lymphocytes) | Adhérence des leucocytes circulants aux cellules endothéliales. |
CD44 | Glycoprotéines de surface | Adhérence cellule-cellule et cellule-matrice, impliquées dans métastases et inflammation. |
2.4.3 Mise en évidence des molécules d’adhérence
Exemple : Lors d’une inflammation aiguë, l’extravasation des leucocytes circulants met en jeu plusieurs familles de molécules d’adhérence.
1ère étape : Précoce et transitoire
- Les cellules endothéliales expriment des P-sélectines et E-sélectines.
- Induction en moins de 2 heures, persistant 10 à 20 heures, déclenchée par des cytokines.
- Ralentissement des leucocytes circulants (rolling).
- Les leucocytes expriment les ligands correspondants.
2ème étape : Tardive et durable
- Expression d’ICAM1 et VCAM sur les cellules endothéliales, induite par l’interféron γ, le TNF, l’interleukine 1 ou les lipopolysaccharides.
- Adhérence des leucocytes aux cellules endothéliales via les intégrines B2 et α4β1.
- Migration spécifique des leucocytes vers le site inflammatoire, grâce à l’expression sélective des molécules sur les vaisseaux activés.
III. Lésions élémentaires des cellules, tissus et organes
3.1 Les agents pathogènes
Un agent pathogène est tout facteur capable de provoquer une lésion ou un processus morbide. Il peut être :
- Exogène : Physique (traumatisme), chimique (caustiques), biologique (virus, bactéries).
- Endogène : Métabolique (calcium, cholestérol), immunologique (dépôt de C3 dans le LED, maladies auto-immunes), trophique (infarctus).
Modes d’action :
- Direct (ex. : HPV induisant des koilocytes).
- Indirect (ex. : Helicobacter pylori et gastrite chronique ou lymphome MALT).
- Un même agent peut provoquer différentes lésions selon le mécanisme (ex. : virus de l’hépatite B causant une hépatite bénigne ou grave).
- Une même lésion peut résulter de plusieurs agents (ex. : hépatite chronique due à l’alcool, médicaments ou virus).
3.2 Lésions des organites cellulaires
3.2.1 Altérations des noyaux
Le noyau, siège de l’information génétique et de la division cellulaire, peut présenter :
Anomalies de taille :
- Augmentation régulière (pathologie non tumorale).
- Augmentation irrégulière (pathologie tumorale).
Anomalies de nombre :
- Binucléation (ex. : souffrance des hépatocytes dans l’hépatite virale).
- Multinucléation (réactions macrophagiques, cellules tumorales).
Lésions irréversibles post-mortem :
- Pycnose : Condensation de la chromatine en un bloc dense et homogène.
- Caryolyse : Effacement du noyau, chromatine non colorée.
- Caryorrhéxis : Fragmentation du noyau en petits blocs dispersés.
Inclusions nucléaires :
- Vacuoles nucléaires (invagination du cytoplasme).
- Inclusions virales (les plus fréquentes) ou métaboliques (intoxication au plomb, bismuth).
Anomalies de la division cellulaire :
- Arrêt de la mitose.
- Anomalies de duplication de l’ADN.
3.2.2 Lésions du nucléole
- Anomalies de nombre : Augmentation dans les cellules tumorales.
- Ségrégation nucléolaire : Séparation des constituants, réduction de la synthèse protéique (toxiques, irradiations).
3.2.3 Lésions des ribosomes
Les ribosomes, agents de la synthèse protéique, peuvent présenter :
- Raréfaction : Normale lors de la maturation cellulaire.
- Désagrégation : Entraîne la mort cellulaire, perte de basophilie (ex. : chromatolyse des neurones, anoxie, nécroses).
- Agglomération : Grains ou filaments (ex. : saturnisme).
3.2.4 Lésions du réticulum endoplasmique (RE)
Le RE, support d’activités enzymatiques (détoxication, synthèse des triglycérides), peut subir :
- Distension des lacunes :
- Accumulation de substances non excrétées (ex. : stéatose hépatocytaire).
- Cellules de Mott (plasmocytes avec citernes dilatées, visibles en microscopie optique, dans l’inflammation chronique ou myélome).
- Déficit en α-1 antitrypsine.
- Hypertrophie du RE lisse : Intoxication alcoolique ou barbituriques, cytoplasmique éosinophile et granuleux.
3.2.5 Pathologies des lysosomes
- Surcharge lysosomiale : Par déficit enzymatique congénital, entraînant des inclusions visibles en microscopie optique (ex. : dyslipidose, mucopolysaccharidose, glycogénose).
3.2.6 Lésions des mitochondries
Les mitochondries, impliquées dans le métabolisme cellulaire, peuvent présenter :
- Anomalies de taille :
- Gonflement réversible (faible amplitude, espace inter-membranaire).
- Gonflement irréversible (forte amplitude, compartiment interne).
- Anomalies de nombre : Aspect oncocytaire (foie, thyroïde, réaction adaptative).
- Anomalies de membrane : Excès de calcium, sodium.
- Augmentation de taille : Intoxication alcoolique, excès de fer, insuffisance d’oxydation des acides gras.
3.2.7 Lésions du cytosquelette
Le cytosquelette (microtubules, microfilaments) peut subir :
- Anomalies des cils : Infections bronchopulmonaires récidivantes, stérilité (immobilité des spermatozoïdes).
- Anomalies des microtubules : Blocage des mitoses à l’anaphase, syndrome de Chédiak-Higashi.
- Anomalies des microfilaments : Syndrome du leucocyte paresseux.
3.2.8 Lésions de la membrane plasmique
- Anomalies de forme : Drépanocytes (anémie falciforme).
- Anomalies des récepteurs : Diabète insulino-dépendant.
- Lyse membranaire : Action d’anesthésiques, complément, toxines bactériennes.
IV. La mort des cellules et des tissus
4.1 Apoptose
L’apoptose est une mort cellulaire physiologique programmée, survenant à un stade précis de la maturation cellulaire. Les cellules portent l’information de leur destruction dès l’embryogenèse, via un mécanisme actif nécessitant énergie et transcription.
Rôles :
- Régulation des populations cellulaires.
- Homéostasie tissulaire (croissance/involution).
- Élimination des cellules lésées ou précancéreuses.
Circonstances :
- Physiologiques : Embryogenèse, régulation hormonale, érythropoïèse, immunité, renouvellement cellulaire, sénescence.
- Pathologiques : Suppression des facteurs de croissance, effecteurs de nécrose à faible concentration.
Morphologie :
- Condensation du cytoplasme, préservation des organites.
- Perte des contacts intercellulaires, isolation de la cellule.
- Désintégration du nucléole, condensation et marginalisation de la chromatine.
- Invagination des membranes nucléaire et cytoplasmique.
- Formation de corps apoptotiques (fragments ronds entourés d’une membrane).
- Phagocytose des corps apoptotiques.
Contrôle génétique :
- Inhibiteurs : bcl-2, bcl-x, bax, bad, bak.
- Promoteurs : Fas/APO-1, famille ICE.
Caractères biochimiques :
- Pré-engagement (réversible) : Augmentation de Ca²⁺, IP3, AMPc.
- Engagement (irréversible) : Dégradation et hydrolyse de l’ADN.
Types d’apoptose :
- Type I : Corticoïdes, irradiations.
- Type II : TNF.
- Type III : Lymphocytes T cytotoxiques.
Méthodes d’identification :
- Électrophorèse de l’ADN.
- Cytométrie en flux.
- Immunohistochimie.
Initiateurs :
- Externes : Physiques, chimiques, viraux.
- Internes : Hormones, cytokines, cellules tueuses.
4.2 Altérations du noyau
4.2.1 Réversibles
- Condensation de la chromatine en blocs denses.
4.2.2 Irréversibles
- Pycnose.
- Caryolyse.
- Caryorrhéxis.
4.3 Altérations du cytoplasme
- Hyperhydratation : Entrée d’eau et de Na⁺.
- Dégénérescence ballonisante : Cellule gonflée, cytoplasme clair, organites intacts.
- Dégénérescence vacuolaire : Vacuoles claires (dilatation des mitochondries/RE).
- Hyperéosinophilie : Condensation éosinophile (nécrose acidophile).
- Autres : Tuméfactions irréversibles, dégradation des protéines, cytostéatonecrose (Ca²⁺).
4.4 Nécroses tissulaires
La nécrose est une mort cellulaire brutale en réponse à une agression sévère, caractérisée par une perte de contrôle du flux ionique, entraînant un gonflement cellulaire jusqu’à l’éclatement.
4.4.1 Nécrose de coagulation
- Exemple : Infarctus blanc viscéral (cœur, rein, surrénale).
- Macroscopie : Zone blanc-grisâtre, consistance ferme.
- Microscopie : Cellules opaques éosinophiles, perte des noyaux, silhouette cellulaire préservée. Dénaturation des protéines, résorption par phagocytose.
4.4.2 Nécrose de liquéfaction
- Exemple : Ramollissement cérébral.
- Macroscopie : Zone grise, molle, liquide (récente), puis friable, crémeuse, et enfin rétractée, gris-jaunâtre.
- Microscopie : Désintégration tissulaire, cytolyse, œdème, tuméfaction cytoplasmique, pycnose, disparition des corps de Nissl, fragmentation des axones, lésions gliales, turgescence endothéliale, extravasation de globules rouges.
- Mécanisme : Accumulation d’enzymes lysosomiales.
4.4.3 Nécrose gazeuse (homogénéisation)
- Exemple : Tuberculose.
- Macroscopie : Caseum blanc-grisâtre, mou, pâteux, ou friable et calcifié.
- Microscopie : Plages éosinophiles, granulaires, avec restes cellulaires ou homogènes. Peut se liquéfier, se fibroser ou se calcifier.
4.4.4 Cytostéatonecrose
- Exemple : Pancréatite aiguë, autolyse du tissu adipeux.
- Macroscopie : Foyers blanchâtres, crayeux, en tâches de bougie.
- Microscopie : Nodules blanchâtres, réaction inflammatoire (polynucléaires), matériel nécrotique granuleux, cristaux d’acides gras, granulome lipophagique, évolution vers une sclérose.
4.4.5 Gangrène humide (gazeuse)
- Exemple : Ischémie des membres inférieurs.
- Définition : Nécrose massive avec putréfaction par microorganismes (ex. : Clostridium). Combine nécrose de coagulation et liquéfaction.
- Gangrène sèche : Nécrose de coagulation non infectée, desséchée, sans odeur ni gaz, aux extrémités (pied, main, nez, oreille). Plaque bleutée, puis brune/noire.
4.4.6 Nécrose suppurée
- Exemple : Abcès, phlegmon.
- Macroscopie : Pus onctueux ou granuleux, jaune-verdâtre.
- Microscopie : Lyse tissulaire, accumulation de polynucléaires altérés (pyocytes).
V. Modifications adaptatives cellulaires et tissulaires
5.1 Atrophie cellulaire ou tissulaire
Définition : Diminution acquise de la taille d’une cellule, d’un tissu ou d’un organe, par réduction de la taille ou du nombre de cellules.
- Physiologique : Involution du thymus (adolescence), atrophie gonadique (vieillesse).
- Pathologique :
- Carence alimentaire (vitamine A, protéines).
- Hormonale (castration testiculaire).
- Troubles circulatoires (atrophie myocardique).
- Troubles nerveux (section d’un nerf moteur).
- Compression (tumeur, distension des cavités rénales).
Remarque : L’atrophie peut être masquée par une fibrose remplaçant les cellules atrophiées.
5.2 Hypertrophie
Définition : Augmentation du volume cellulaire par accroissement des organites ou du nombre de cellules, entraînant une hypertrophie tissulaire ou organique.
- Physiologique : Muscle des sportifs, utérus gravidique.
- Pathologique : Hépatite alcoolique (nodules de régénération), hypertrophie myocardique (insuffisance aortique), obésité, hypertrophie thyroïdienne (carence en iode), fibrose, amylose.
5.3 Hyperplasie
Définition : Augmentation du nombre de cellules sans modification de leur volume.
5.4 Dystrophie
Exemple : Dystrophie fibrokystique du sein.
Définition : Altération cellulaire ou tissulaire acquise due à un trouble nutritionnel (vasculaire, nerveux, hormonal, métabolique). Phénomène d’adaptation cellulaire.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
LESIONS ELEMENTAIRES CELLULES ,TISSUS ,ET ORGANES

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.