Les urgences en parodontologie
I-Introduction :
Le traitement d’urgence des problèmes parodontaux est un aspect important de toute pratique. En effet, nombreux sont les patients qui consultent pour un abcès parodontal, une gingivorragie, une mobilité dentaire… Soulager un patient passe avant tout par la mise en place d’un diagnostic correcte et par un plan de traitement rigoureux.
Le chirurgien dentiste est souvent confronté lors de sa pratique quotidienne à de multiples cas d’urgence. En parodontologie, les circonstances les plus fréquentes d’urgence sont :
L’abcès parodontal aigüe, les gingivorragies, la mobilité dentaire, la GUNA… Quel serait le rôle du praticien face à ces situations ?
C’est d’abord soulager la douleur du patient et maîtriser l’infection. Pour cela, un examen clinique rigoureux avec une bonne connaissance des différentes symptomatologies va lui permettre de bien poser son diagnostic et de bien cibler sa thérapeutique.
II-Définition :
Le terme « urgence » décrit la survenue d’un phénomène aigüe douloureux nécessitant l’établissement d’un diagnostic précis pour la mise en place d’un traitement rapide et adéquat.
Ces cas d’urgence sont :
- Abcès parodontal aigue,
- Syndrome de septum,
- Gingivorragies,
- Mobilité dentaire,
- Gingivite ulcéro-nécrotique,
- Péricoronarite.
A-Abcès parodontal aigüe :
Appelé également abcès latéral ou pariétal, il s’agit d’une inflammation purulente, localisée, située dans les tissus parodontaux.
- les étiologies :
Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de la formation d’un abcès parodontal. (Beer-gabel, 1973) (2). En effet, il s’agit souvent d’une agression mécanique qui a pour effet d’entraîner une impossibilité de drainage de la lésion. Cette agression pourrait être :
- Une obturation de l’extrémité d’une poche,
- Une blessure gingivale par une brossette, un cure dent ou une arête de poisson,
- Une détersion insuffisante lors d’un traitement d’une poche parodontale,
- Une perforation radiculaire après traitement endodontique ou un traumatisme auquel s’ajoute un facteur microbien local.
- Signes cliniques :
La gencive est rouge, œdémateuse, lisse et brillante ; douloureuse avec une sensibilité à la palpation et à la percussion.
- Les signes généraux sont instables.
- La radiographie peut montrer la forme et l’importance de l’alvéolyse, les rapports avec les dents voisines ou les structures avoisinantes et la présence d’une lésion endodontique associée.
Le diagnostic différentiel devrait se faire avec l’abcès périapical .
A. périapical | A. parodontal | |
Vitalité | – | + |
Caries | + | – |
Poches | – | + |
Radioclarté | apicale | latérale |
Mobilité | +/- | + |
Percussion | + | + (aigu) |
Fistule | apicale | latérale |
En fonction de leur localisation, les abcès parodontaux peuvent être classifiés en :
a-abcès gingival ou abcès parodontal. L’abcès gingival est caractérisé par un oedème douloureux localisé uniquement au niveau de la gencive marginale et/ou papillaire, souvent associé à l’inclusion d’un corps étranger sur un parodonte initialement sain.
b- En revanche, l’abcès parodontal est caractérisé par un oedème douloureux souvent localisé en dessous de la ligne mucogingivale affectant l’ensemble des tissus de soutien de la den
- Diagnostic :
Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’évaluation des symptômes décrits par le patient, suivis de l’examen clinique et radiologique.
Les symptômes vont de la gêne légère à la douleur sévère, le gonflement, la mobilité dentaire et la sensibilité à la palpation.
Le signe clinique le plus fréquemment retrouvé est celui d’une élévation ovoïde de la gencive le long de la partie latérale de la racine. On observe également la présence d’une suppuration, le plus souvent, à travers l’ouverture de la poche, qui peut être spontanée ou provoquée lors d’un sondage ou d’une palpation, associée à la destruction des tissus de soutien de la dent et à la formation d’une poche profonde .
L’examen radiologique peut révéler un niveau osseux normal ou un certain degré de perte osseuse (en particulier, dans des cas de poche parodontale préexistante) sans lésion apicale. Étant donné la similitude clinique avec les abcès d’origine endodontique (abcès periapical, kyste latéro-radiculaire, fractures radiculaire…) un diagnostic différentiel doit être réalisé. L’analyse de l’ensemble des différentes données, tels que la vitalité pulpaire, la présence de poches parodontales, la localisation de l’abcès et l’examen radiologique doit être réalisée en détail pour parvenir à un diagnostic précis.
- Traitement :
- Traitement d’urgence Contrôle de la phase aigüe
La première phase de traitement a pour objectif de stopper la destruction des tissus de soutien de la dent et diminuer les symptômes cliniques. Différentes options sont à considérer :
- Extraction dentaire,
- Drainage et débridement sous-gingival,
- Administration d’antibiotiques systémiques ou locaux ou chirurgie.
- Suite du traitement
Étant donné que la plupart des abcès se développent dans une poche parodontale préexistante, la prise en charge de celle-ci constitue la suite du traitement. En cas de patients atteints d’une parodontite non-traitée, le traitement parodontal sera alors envisagé.
B-MALADIES PARODONTALES NÉCROTIQUES :
Les maladies parodontales nécrotiques sont considérées comme les plus sévères affections inflammatoires induites par de la plaque dentaire. Même si ces pathologies résultent d’une infection polybactérienne à prédominance anaérobie, elles sont considérées par certains auteurs comme des marqueurs cliniques de l’immunodépression. En effet, elles font partie des sept lésions orales associées à l’infection au VIH, mais d’autres facteurs peuvent être également impliqués tels que le stress, le tabac, l’alcool et la malnutrition. Le diagnostic repose sur l’examen clinique et radiologique qui va permettre de distinguer la gingivite ulcéronécrotique de la parodontite ulcéronécrotique, deux formes cliniques correspondant à la même pathologie mais à des stades d’évolution différents.
- Diagnostic
Les maladies parodontales nécrotiques sont caractérisées par la présence de trois signes cliniques principaux
: nécrose papillaire, gingivorragie et algie gingivale.
Les lésions nécrotiques s’initient généralement par les papilles inter dentaires laissant place à une muqueuse ulcérée en forme de cratère. La gencive marginale est secondairement atteinte et caractérisée par un érythème linéaire séparant la gencive saine de la gencive malade. La localisation la plus fréquente concerne les dents antérieures, en particulier, celles du secteur mandibulaire, alors que les secteurs postérieurs semblent moins atteints. Le saignement gingival est constamment retrouvé. Il se produit très souvent de forme spontanée ou après un contact minime. La douleur survient rapidement en début de la phase aigüe. Son intensité est en fonction de l’étendue des lésions et elle augmente avec l’alimentation et les manoeuvres d’hygiène orale qui deviennent de plus en plus difficiles à réaliser.
D’autres signes cliniques secondaires peuvent être également observés :
- pseudomembranes sur les zones nécrosées (enduits blanchâtres composés de tissu gingival nécrosé, fibrine, érythrocytes, leucocytes et cellules bactériennes) ;
-bien que ce ne soit pas un signe exclusif des maladies parodontales nécrotiques, l’halitose est souvent prononcée ;
- adénopathies, essentiellement sous-mandibulaire, qu’on retrouve généralement dans les cas plus sévères de la maladie ;
- Fièvre et dysgueusie.
Le tableau clinique décrit ci-dessus est caractéristique de la gingivite et de la parodontite ulcéronécrotiques. Néanmoins, en cas de parodontite ulcéronécrotique, deux autres critères doivent être présents : la perte d’attache et la perte osseuse visible à l’examen radiologique.
- Traitement d’urgence : le traitement doit être instauré le plus précocement possible
- Contrôle de la phase aigüe
Cette phase a pour objectifs de soulager le patient et d’enrayer le processus infectieux ainsi que la destruction des tissus
- Suite du traitement
Une fois la phase aigüe contrôlée, le traitement parodontal sera indispensable pour traiter la gingivite ou la parodontite préexistante, pour minimiser les séquelles parodontales tels que les cratères gingivaux inter proximaux et/ou les récessions, favoriser leur cicatrisation et finalement, réduire le risque de récidive ou d’apparition de nouvelles lésions.
NB : En cas de PUN, il est recommandé de réaliser systématiquement une prescription NFS et sérologie HIV pour le dépistage d’une déficience immunitaire.
C- SYNDROME DE SEPTUM
- Définition du syndrome du septum :
Le syndrome du septum est provoqué par un tassement alimentaire du à l’insertion forcée d’aliments dans le parodonte sous l’action des forces occlusales
Le patient va ressentir une douleur plus ou moins intense au cours et après les repas. En effet, il existe dans un premier temps une compression mécanique associée à un développement bactérien, entraînant par la suite l’inflammation de la zone.
- Etiologie du syndrome du septum :
Les causes du syndrome du septum sont diverses, mais toujours liées à un défaut de l’environnement dentaire et, ou, à une modification de la morphologie des couronnes des dents adjacentes, entraînant une modification des surfaces de contact
- Diagnostic du syndrome du septum
Le diagnostic du syndrome du septum est basé sur les symptômes évoqués par le patient et les signes clinique retrouvés lors de l’examen clinique.
Signes et symptômes
- Des signes locaux :
-Une douleur vague, sourde, continue, irradiant les maxillaires
- Une sensation de pression pendant et après les repas
- Un bourrage alimentaire
- Un saignement gingival
- Un mauvais goût à la succion
- Une halitose
. b-Examen clinique
- Une papille dentaire concernée qui apparaît le plus souvent inflammatoire : rouge, et tuméfiée
- Un bourrage alimentaire
- Un saignement et une pseudo-poche parodontale liée à l’hyperplasie gingivale présents lors du sondage parodontal
- Une sensibilité de la dent à la pression et à la percussion
- Des tests de vitalité pulpaire normaux
- Un écartement et une mobilité dentaire possibles
Le diagnostic positif se fait à l’aide d’une spatule à bouche avec laquelle on réalise une simple pression au niveau de la zone, ce qui va déclencher une douleur très vive et un saignement éventuel.
- Examen radiologique :
En regard des zones inflammatoires différents éléments peuvent radiographiquement être constatés par le praticien ce qui permettra ainsi de guider le diagnostic
- Un élargissement desmodontal
- Un aspect irrégulier des corticales et émoussé de la crête osseuse
- Une diminution et une désorganisation de la trabéculation avec une radio-transparence
- Une destruction osseuse possible (lésion angulaire)
- La présence ou non de caries proximales, d’obturations débordantes
- Prise en charge du syndrome du septum :
- Thérapeutique symptomatique: Le but est de nettoyer l’espace interdentaire afin de diminuer l’inflammation gingivale.
- Détersion et irrigation de la lésion
- Débridement
- Prescription et conseils d’hygiène
- Thérapeutique étiologique
D- LA PERICORONARITE
- Définition
La péricoronarite est l’inflammation localisée de la gencive et du sac péricoronaire qui recouvrent en partie une dent en cours d’éruption ou de désinclusion
- Etiologie de la péricoronarite :
Les accidents d’évolution sont donc en relation avec l’angulation de la 3ème molaire et l’environnement squelettique et dentaire associé.
Les facteurs étiologiques responsables de la péricoronarite sont :
- La plaque bactérienne
- Les débris alimentaires
- L’irritation mécanique
- Bactériologie :
Il a été mis en évidence l’hétérogénéité, la nature complexe et mixte aéro-anaérobie de la flore microbienne des péricoronarites. Les bactéries les plus souvent isolées dans les études cliniques sont des anaérobies strictes (Prevotella intermedia, Veilonella) et également des micro-organismes aéro- anaérobie (Streptococcus anginosus, Actinomyce). Le caractère anaérobie est cependant prédominant et retrouvé dans 80 % des échantillons
- Facteurs Prédisposant
- Infection des voies respiratoires supérieures
- Stress
- Fatigue
- Maladie concomitante
- Grossesse
- Menstruation
- Diagnostic de la péricoronarite :
Diagnostic | Péricoronarite aiguë congestive | Péricoronarite suppurée |
Signes et symptômes | Douleur spontanée, continue, rétro molaire, otalgie possibleSignes fonctionnels : présence variable d’un trismusSignes généraux :absents | Douleur spontanée, vive, insomniante, irradiante, otalgie violenteMauvaise haleineSignes fonctionnels:trismus, dysphagie, gêneàla masticationSignes généraux : +/- violent – fébricule, asthénie |
Examen clinique | Couronne de la dent partiellement visibleMuqueuse inflammatoire,rougeEmpreinte des cuspides des dents antagonistes sur le capuchon muqueux possiblePression douloureuse avecécoulement d’un exsudat purulent possible Figure 7 : Aspect clinique d’une péricoronarite aiguë congestive de la 38. | Palpation : – adénopathie submandibulaire douloureuseMuqueuse inflammatoire, rouge, oedématiée jusqu’au pilier antérieur et au sillon gingivojugalPossibilité d’ulcérationPression douloureuse avec écoulement d’un exsudat purulent Figure 8 : Aspect clinique d’une péricoronarite suppurée de la 38. |
Examen radiologique (rétro alvéolaire+ panoramique) | Si précoce, seuls les tissus mous sont atteints : pas de signeradiologiqueImage en croissant radio clair distal à la dent possible → Evaluation des possibilités d’évolution de la dent causale et des autres dents de sagesse + des obstacles anatomiques | – Radio transparence en croissant distal à la dent desagesse Figure 9 : Radiographie panoramique suggérant une image de kyste marginal en distale de la 38 [31]. |
Evolution/ Pronostic | → Evolution spontanément favorable si : mise en place de la dent sur l’arcade.→ Récidive de cet épisode jusqu’à mise en place de la dent sur l’arcade→ Transformation en forme suppurée | → Evolution non favorable en l’absence de traitement . passage en forme chronique. accident muqueux, cellulaire |
- Prise en charge de la péricoronarite :
- Thérapeutique immédiate : Traitement local
- Détersion et irrigation de la lésion
- Une anesthésie de contact de la zone atteinte peut être nécessaire. La détersion se fait avec un antiseptique local à base de chlorhexidine
- Débridement
- Drainage en cas de suppuration
- Réglages occlusaux : en cas contact excessif à la mastication au niveau du capuchon muqueux inflammatoire par les cuspides des dents antagonistes
E-LES MOBILITES DENTAIRES
- Définition
C’est une augmentation de l’amplitude de déplacement de la dent sur l’arcade dans un plan horizontal et/ou vertical suite à l’application d’une force
- Les différentes types de mobilités dentaires :
Transitoire | Mobilité physiologique : due aux hormones sexuelles durant la grossesse, à une désocclusion prolongée pendant le sommeilMobilité iatrogène : due aux actes odontologiques (traitements chirurgicaux, endondontique) |
Réversible | Etiologie inflammatoire (inflammation des tissus parodontaux, inflammation pulpaire, nécrose)Etiologie prothétique : effet scholiodontique des crochets ou des attachements en prothèse adjointe partielle, éléments fixés en extension mal répartisEtiologie occlusale : traumatisme occlusal, bruxisme |
Irréversible | – Mobilité consécutive à la perte du support osseux |
- Diagnostic des mobilités dentaires :
- Le praticien doit systématiquement rechercher la cause de la mobilité.
- L’anamnèse générale, l’examen clinique dentaire, occlusal, parodontal ou encore radiographique apportent des éléments qui peuvent aider à l’établissement de l’étiologie de la mobilité.
- Signes et symptômes :
Le patient pourra décrire :
- Une inquiétude ; celle de perdre ses dents
- Une gêne fonctionnelle à la mastication, à la phonation ou encore à la déglutition Une gêne psychologique
Examen clinique :
- Examen dentaire et occlusal :
- Evaluation de la mobilité dentaire :
- Examen du parodonte
- Examen radiologique
- Prise en charge des mobilités dentaires
Différentes prises en charge de la mobilité dentaire sont retrouvées en fonction de l’étiologie de la mobilité, et peut comprendre une thérapeutique étiologique et/ou symptomatique :
- L’ajustement occlusal sélectif
- La contention immédiate
- Le traitement de l’inflammation
- L’extraction
F- GINGIVORRAGIES
Se manifestent par un saignement abondant des gencives. Le patient rapporte souvent un écoulement sanguin sur sa taie d’oreiller.
- Etiologies :
Locales :
- Hygiène bucco-dentaire défectueuse,
- Blessure gingivale.
Générales :
- Anomalie vasculaire (anémie…),
- Déficience de facteurs de coagulation (hémophiles).
- Signes cliniques :
La gencive est rouge œdémateuse saignant au moindre contact.
- Traitement :
- Détartrage et surfaçage de la zone atteinte,
- Prescription de bain de bouche à base de chlorhexidine avec une bonne motivation à l’HBD,
- Puis lors des visites ultérieures, un traitement conventionnel est effectué.
III-CONCLUSION
Le rôle du médecin dentiste ne consiste pas seulement dans le traitement de l’urgence mais dans la prévention de celle-ci grâce au dépistage et à la motivation des patients pour pouvoir les traiter à temps.
Les urgences en parodontologie
Une bonne hygiène bucco-dentaire repose sur un brossage efficace et l’usage régulier du fil dentaire.
Le diagnostic précoce des caries permet des soins moins invasifs et une meilleure conservation dentaire.
Maîtriser les techniques d’anesthésie locale améliore le confort du patient pendant les soins.
Les maladies parodontales demandent une approche pluridisciplinaire pour prévenir la perte dentaire.
L’occlusion influence la mastication et l’équilibre de l’articulation temporo-mandibulaire.
Les progrès en implantologie offrent des solutions durables et esthétiques pour les dents absentes.
Bien communiquer avec le patient favorise sa compréhension et son adhésion au traitement proposé.
Les urgences en parodontologie

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.