Les pulpopathies : étiopathogénie et classification – Odontologie Conservatrice
Introduction
La pulpe répond aux différentes agressions par une pathologie dont les caractéristiques dépendent de la haute spécificité de ce conjonctif très différencié et de son environnement particulier. Les classifications des pulpopathies ont mis en évidence plusieurs formes cliniques qui peuvent être décrites selon les degrés de l’inflammation et qui sont adaptées ordinairement pour rendre compte de l’atteinte pulpaire à partir de l’anamnèse et des tests pour orienter notre thérapeutique.
Rappels anatomo-histo-physiologique sur la pulpe dentaire
La pulpe dentaire est essentiellement une masse conjonctivo-vasculo-nerveuse, située dans une loge inextensible en liaison avec le parodonte, principalement par un étroit foramen apical.
Rappel anatomique
Pulpe camérale
Occupe la cavité centrale de la dent, elle a grossièrement la forme de la surface externe de la couronne dentaire. La pulpe diminue de volume avec l’âge en raison du dépôt continu de dentine à sa périphérie.
Pulpe radiculaire
Elle s’étend de la région cervicale de la dent jusqu’à l’apex, elle est reliée aux tissus péri-apicaux par un foramen de configuration variable.
Rappel histologique
Zone centrale
Constituée par un noyau de tissu conjonctif lâche contenant les nerfs les plus gros et les vaisseaux qui commencent à s’arboriser en se dirigeant vers les zones pulpaires périphériques.
Zone périphérique
Comprend les éléments situés au voisinage de la dentine, elle est divisée en 3 zones :
- Couche odontoblastique
- Couche acellulaire de Weil
- Couche cellulaire de Hohl
Les éléments constitutifs de la pulpe dentaire
Les éléments qui constituent la pulpe dentaire sont les mêmes que ceux de tout tissu conjonctif lâche de l’organisme :
- Cellules : odontoblastes, fibroblastes
- Fibres
- Substance fondamentale
Rappel physiologique
La pulpe contribue à :
- La formation de la dentine
- La nutrition
- L’innervation
- La protection
La vascularisation
La vascularisation est terminale, le réseau vasculaire comprend des vaisseaux lymphatiques qui jouent un rôle important dans les réactions anti-inflammatoires et anti-infectieuses.
L’innervation
Se présente sous forme de fibres amyéliniques (vaso-motrices) et myéliniques.
Le mécanisme de l’inflammation pulpaire
L’inflammation pulpaire résulte des agressions : mécaniques, chimiques, thermiques et bactériennes.
Facteurs défavorables
Le fait que la pulpe soit enfermée dans une cavité à parois inextensibles et que la circulation collatérale soit réduite constitue un facteur défavorable qui peut expliquer l’extension fréquente du processus inflammatoire à l’ensemble du tissu pulpaire lorsque l’agression est violente et continue.
Facteurs favorables
La capacité de la pulpe à élaborer une barrière calcifiée peut être appréciée ; la formation de la sclérodentine et de la dentine réactionnelle en réponse à la progression de la carie en est un aspect. Il en est de même pour le plexus artério-veineux localisé en périphérie de la pulpe sous la couche odontoblastique qui permet une régulation du processus inflammatoire. Tant que l’irritation est discrète, l’augmentation de la pression intratissulaire reste localisée à la seule zone enflammée. Si l’irritation cesse, il y a guérison de l’inflammation locale (surtout si la pulpe est jeune : résistance aux facteurs irritants et sa capacité de réparation sont considérables). Si l’envahissement bactérien se poursuit, la réaction inflammatoire produit des lésions irréversibles de la pulpe coronaire puis radiculaire.
Étiopathogénie
Étiologies
Les étiologies sont classées en trois grandes catégories : infectieuses, physiques et chimiques. Dans chaque catégorie, on peut distinguer des causes générales et des causes locales.
Infectieuses
Causes générales
On ne doit parler de pulpite hématogène que dans des cas bien déterminés de dents intactes chez un sujet souffrant d’une infection générale pyogène. L’inoculation septique de la pulpe par voie sanguine se manifeste par des pulpites ou plus fréquemment des gangrènes. Selon GARRINGTON et CRUMP, des pulpites hématogènes ont été signalées dans la grippe, la fièvre typhoïde, la tuberculose.
Causes locales
- Le facteur le plus important est la carie dentaire, la pénétration microbienne se fait par les tubuli dentinaires ou par effraction de la paroi camérale.
- Les érosions, les lacunes cunéiformes, les abrasions mécaniques agissent comme les caries ; de même les mises à nu dentinaires provoquées par la préparation des dents vivantes (des fibres de Tomes sectionnées, des tubuli ouverts).
- Dans les cas de fractures ou de fêlures, l’inoculation septique se fait par les tubuli (lésions non pénétrantes) ou directement et massivement (lésions dites pénétrantes).
- Les parodontolyses sont la cause de pulpites et gangrènes pulpaires fermées dites à rétro (ROY) ou ascendantes (RUPPE) par voie desmodontale.
- Le décollement gingival prononcé permet l’arrivée des germes dans le foramen ou au niveau du canal aberrant, puis leur infiltration centripète vers la pulpe coronaire.
Bactériologie pulpaire
Quand il y a effraction de l’émail (carie, fracture), la flore est celle de la salive, la pénétration se fait par les tubuli ou par effraction de la chambre pulpaire. Lorsqu’il s’agit de pulpite à rétro, la flore est celle des poches parodontales. D’une façon générale, la flore des pulpites est polymorphe et varie selon l’étiologie de l’inoculation septique, ainsi les anaérobies sont d’autant plus fréquents que la pulpite est fermée (sans communication directe avec le milieu buccal).
Physiques
Causes générales
Les variations atmosphériques engendrées par la montée en altitude (1500-8000 m) ou la plongée sous-marine peuvent être à l’origine de douleurs violentes appelées aérodontalgie par apparition d’aéroembolie (formation de bulles gazeuses dans le sang). Celles-ci envahissent les vaisseaux et entraînent des troubles circulatoires au niveau de la pulpe occasionnant des douleurs.
Causes locales
Les causes iatrogènes physiques sont toujours d’ordre local, les agents traumatogènes peuvent être d’origine mécanique, thermique, électrique et radiothérapique.
Mécaniques
- Traumatismes brusques
- Les mouvements orthodontiques trop rapides peuvent produire des dommages pulpaires secondaires suite à une compression vasculaire au niveau du péri-apex.
- Polymicrotraumatismes
- Préparation sur dents pulpées
Thermiques
La chaleur dégagée par le fraisage, le meulage ou le polissage peut provoquer des lésions pulpaires à l’origine d’une douleur. Quelle que soit la source thermogène (physique, chimique), une température supérieure à 46°C provoque des dommages irréversibles au niveau de l’ensemble pulpo-dentinaire.
Électriques
La présence de deux métaux dans la salive est à l’origine d’un choc galvanique qui produit une certaine tension électrique. Des chocs électriques peuvent être causés aussi par l’emploi inadéquat d’instruments électriques tel que le pulp-tester.
Radiothérapiques
Selon CERNEA et BATAILLE, au cours des traitements par les rayons X effectués non seulement sur les maxillaires mais même à distance dans la région cervicale, des troubles de calcification avec dégénérescence pulpaire (atrophie et production de pulpolithes) sont engendrés.
Chimiques
Causes générales
Il s’agit de l’intoxication de la pulpe par deux voies :
- Endogène : diabète, néphrites…
- Exogène : plomb, mercure, arsenic
Causes locales
- Les médicaments dentaires : phénol, alcool, formocresol, eugénol… provoquent des irritations tolérables ou graves sur le complexe pulpo-dentinaire selon leur composition chimique et leur toxicité.
- Les produits dentaires : ciments dentaires, résines composites ont un potentiel d’irritation fort.
- Les amalgames : leur agressivité dépend de leur composition et de leur proximité à la pulpe (tolérable au-delà de 3 mm mais importante à partir de 0,6 mm).
Pathogénie
Tous les facteurs étiologiques des pulpites déclenchent des phénomènes inflammatoires au sein du tissu pulpaire. Ces facteurs étiologiques ont des actions sur la pulpe de durée et d’intensité tout à fait variables. En effet, l’action du stimulus peut être de courte durée, brève, voire instantanée (chutes, coups, manœuvres opératoires intempestives). Ces chocs sont généralement uniques et d’intensité variable bien que souvent forte, ou au contraire, d’action prolongée ou répétée pendant des jours et des mois. Les traumas peuvent être aussi répétés, ils se rapprochent alors des causes d’action continue (ex : polymicrotraumatismes occlusaux). Il existe, enfin, des processus continus, comme la carie ou la toxicité de certains produits de restauration, l’intensité de ces stimuli prolongés ou répétés est habituellement faible.
On peut prévoir que les réponses pulpaires à ces diverses sortes d’agression seront variées et que l’inflammation provoquée par une irritation de courte durée sera bien différente de celle due à une action prolongée. Dans une fracture, il se produira d’emblée une inflammation aiguë (action brève), dans la carie ou le trauma occlusal, l’inflammation évoluera vers la chronicité (action continue). Il existe des stimuli dont l’action est suffisamment fugace pour ne pas déclencher des phénomènes inflammatoires, mais la répétition d’actions très légères peut à longue durée engendrer des phénomènes inflammatoires.
L’expérience montre qu’il peut exister un passage de l’aigu vers le chronique et vice-versa. Ceci peut résulter :
- D’une modification du caractère étiologique
- De l’apparition d’un facteur supplémentaire
- De la défaillance ou du renforcement des éléments de défense de l’organisme
Les praticiens parlent alors de refroidissement ou de réchauffement. Il arrive même que l’on assiste à une guérison apparemment spontanée de la pulpite. Si à l’action d’un stimulus sur la pulpe, on voit apparaître une réponse inflammatoire, on sait aussi maintenant que celle-ci peut se doubler d’une réponse immunitaire. Il a été démontré la présence d’anticorps dans la pulpe enflammée, signifiant la présence sur place d’éléments de défense de l’organisme (immunité de protection dans le système de défense pulpaire).
Pour SELTZER, la pathogénie des pulpites peut se résumer dans le schéma suivant :
Stimulus : Pas ou peu de réaction
Classification
Plusieurs classifications ont été émises, les unes basées sur l’anatomie pathologique, les autres sont symptomatiques à but thérapeutique. On a des conceptions classiques, d’autres modernes.
Conceptions classiques
Classification de REDIER (1900)
Simple mais incomplète :
- Classe I : pulpe mise à nu ayant conservé son intégrité anatomique et physiologique.
- Classe II : pulpe dégénérée, infectée, enflammée.
- Classe III : pulpe gangrénée.
Classification de PALAZZI (1926)
C’est une classification anatomopathologique. On a trois catégories :
I : États de prépulpite
- A : Altération de la couche odontoblastique par suite d’excitations pathologiques
- B : Pulpe découverte, mais non enflammée
- C : Hyperhémie pulpaire
II : États de pulpites
- A : Pulpite aiguës : Simple (superficielles, partielle, totale), Purulente.
- B : Pulpites chroniques : Gangréneuse, Ulcéreuse, Hyperplasique, Granulomateuse.
III : États de pulposes
- Atrophie
- Dégénérescence
- Hémorragie
- Nécrose et métaplasie de la pulpe
Classification de KRIVINE (1939)
Il s’agit d’une classification anatomopathologique :
1. Pulpe saine non enflammée
- a. Altération odontoblastique simple
- b. Exposition de la pulpe
- c. Hyperhémie pulpaire
2. Pulpites
- a. Avec altération purement vasculaire et la pulpe est vivante, pulpite aiguë simple ou séreuse (superficielle, partielle ou totale)
- b. Avec altération vasculaire et parenchymateuse, la pulpe est partiellement mortifiée
- Pulpite aiguë purulente ou nécrosante
- Pulpite chronique nécrosante hypertrophique ou dystrophique
- Nécrose pulpaire totale
- a. Aseptique (nécrobiose)
- b. Septique (gangrène)
Conceptions modernes
Classification de J.C. HESS (1968)
- Pulpe saine :
- Pulpe jeune
- Pulpe vieille
- Pulpe enflammée :
- Pulpite aiguë : Primaire, Secondaire (compliquée)
- Pulpite chronique : Fermée (simple), Ouverte (Ulcéreuse, Hyperplasique)
Classification de BAUME (1972)
BAUME a considéré 4 catégories, Marmasse y adjoindra quelques modifications qu’il a jugées nécessaires. Baume, en fonction des critères cliniques, proposa une classification symptomatologique à but thérapeutique :
- Catégorie I : pulpes vivantes sans symptomatologie, lésées accidentellement ou proches d’une carie ou d’une cavité profonde, susceptibles d’être protégées par coiffages.
- Catégorie II : pulpes vivantes avec symptomatologie, dont on tentera surtout chez les jeunes de conserver la vitalité par coiffage ou biopulpotomie.
- Catégorie III : pulpes vivantes dont la biopulpectomie suivie de l’obturation radiculaire immédiate est indiquée pour des raisons symptomatologiques, prothétiques, iatrogènes ou de pronostic.
- Catégorie IV : pulpes nécrosées avec infection de la dentine radiculaire, accompagnée ou non de complications périapicales, exigeant un traitement canalaire antiseptique et une obturation apicale hermétique.
Classification de BENDER et SELTZER (1975)
BENDER et SELTZER offrent aux dents qui ont un état pathologique pulpaire ou pulpo-radiculaire deux catégories de traitements :
- Catégorie A : s’adresse aux dents dont on tentera de conserver toute ou une partie de la pulpe.
- Catégorie B : s’adresse aux dents dans lesquelles on enlèvera toute la pulpe ou celles dont on désinfectera la racine avant l’obturation.
Cette classification ne s’applique pas à la maladie de la pulpe mais au traitement choisi, c’est une classification thérapeutique.
Classification MARSHALL reprise par F.S. WEINE (1976)
Il s’agit d’une classification clinique des maladies inflammatoires de la pulpe dentaire :
- A : Hyperhémie (pulpite réversible)
- B : Pulpe symptomatique
- C : Pulpe asymptomatique
- D : Autres altérations pulpaires (asymptomatiques)
- a. Nécrose pulpaire
- b. Modifications involutives
- Atrophie et fibrose
- Calcification
- Résorption interne
Classification clinique d’après LAURICHESSE et MACHTOU (1983)
- Pulpe normale, pulpe hyperémiée : Pas de traitement.
Traitement endodontique:
- Pulpite
- Nécrose et gangrène
- Lésion d’origine endodontique
- Abcès périapical aiguë
Les pulpopathies : étiopathogénie et classification – Odontologie Conservatrice
La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.
Les pulpopathies : étiopathogénie et classification – Odontologie Conservatrice

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.