LES MYCOSES DE LA CAVITÉ BUCCALE

LES MYCOSES DE LA CAVITÉ BUCCALE

LES MYCOSES DE LA CAVITÉ BUCCALE

Les Mycoses de la Cavité Buccale

Introduction

Les mycoses buccales sont des infections fongiques affectant la muqueuse de la cavité buccale, présentant une grande variété de lésions aux aspects cliniques diversifiés, pouvant apparaître blanches, noires, marron ou parfois orange. Ces affections, bien que généralement bénignes, peuvent devenir problématiques, notamment chez les patients immunodéprimés ou ceux présentant des facteurs de risque spécifiques. Elles sont principalement causées par des champignons opportunistes, parmi lesquels Candida albicans domine en raison de sa présence naturelle dans la flore buccale. Ce germe saprophyte devient pathogène lorsque les conditions locales ou systémiques favorisent sa prolifération.

Ces infections peuvent se manifester sous différentes formes cliniques, allant de lésions superficielles comme le muguet à des atteintes plus graves, notamment dans le cadre de mycoses systémiques. Leur prévalence est significative dans certaines populations, comme les nourrissons, les personnes âgées, ou les patients sous traitements immunosuppresseurs. Une compréhension approfondie de leurs causes, manifestations cliniques et options thérapeutiques est essentielle pour une prise en charge efficace.

Définition

Les mycoses buccales sont des affections de la cavité buccale causées par des champignons, principalement d’origine endogène, avec Candida albicans comme principal agent étiologique. Ces infections regroupent diverses formes cliniques, telles que le muguet, la langue noire villeuse, la perlèche ou encore la glossite losangique médiane. Elles ne se limitent souvent pas à la cavité buccale et peuvent s’accompagner de localisations multiples, notamment vulvo-vaginales, cutanées (plis, aines, seins), digestives ou respiratoires, reflétant une atteinte systémique dans certains cas.

Importance Clinique

Les mycoses buccales, bien que fréquentes, peuvent être un indicateur de déséquilibres locaux ou systémiques. Leur diagnostic repose sur une évaluation clinique, parfois complétée par des examens mycologiques ou histologiques. Une prise en charge adaptée est cruciale pour éviter les complications, notamment chez les patients immunodéprimés où les infections peuvent devenir chroniques ou se disséminer.

Étiopathogénie

Les mycoses buccales surviennent lorsque des facteurs favorisent la prolifération de champignons opportunistes. Ces facteurs peuvent être classés en deux grandes catégories : intrinsèques et extrinsèques.

Facteurs Intrinsèques

Les facteurs intrinsèques sont liés à l’état physiologique ou pathologique du patient :

  • Physiologiques : L’âge joue un rôle déterminant, les nourrissons (avant 1 an) et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables en raison d’une immaturité ou d’un affaiblissement du système immunitaire. La grossesse, par ses modifications hormonales, peut également favoriser la prolifération fongique.
  • Locaux : Une hyposialie (diminution de la sécrétion salivaire) ou une xérostomie (sécheresse buccale) altère les mécanismes de défense locaux, favorisant la colonisation par Candida. Une mauvaise hygiène buccale aggrave ce risque.
  • Terrain endocrinien : Les déséquilibres endocriniens, comme le diabète non contrôlé, l’hypoparathyroïdie ou l’insuffisance thyroïdienne, créent un environnement favorable aux infections fongiques.
  • Carences nutritionnelles : Un déficit en fer (anémie ferriprive) ou en certaines vitamines (notamment B12) peut prédisposer aux mycoses.
  • Immunodépression : Les patients atteints de SIDA, de cancers, d’hémopathies malignes ou d’aplasies médullaires présentent un risque accru en raison de l’affaiblissement de leurs défenses immunitaires.
  • Affections intercurrentes : Toute infection ou maladie maligne concomitante peut exacerber la susceptibilité aux mycoses.

Facteurs Extrinsèques

Les facteurs extrinsèques sont souvent iatrogènes ou liés à des comportements :

  • Médicaments : Les antibiotiques à large spectre, utilisés de manière répétée ou inadéquate, perturbent la flore buccale, favorisant la prolifération de Candida. Les corticoïdes, immunosuppresseurs, contraceptifs oraux, ainsi que la radiothérapie cervico-faciale et la chimiothérapie, sont également des facteurs favorisants.
  • Chirurgie : Les interventions chirurgicales, notamment digestives, cardiaques ou les greffes d’organes, augmentent le risque d’infections opportunistes. Les prothèses dentaires, si mal adaptées, créent des micro-environnements propices à la colonisation fongique.
  • Comportements : Une mauvaise hygiène buccale et le tabagisme contribuent à l’apparition des mycoses en altérant la muqueuse et la flore locale.

Mycoses Buccales : Classification

Les mycoses buccales peuvent être classées selon les espèces fongiques responsables, distinguant les levures, les champignons filamenteux et les mycoses exotiques.

Levures

Candida

Candida albicans est l’agent pathogène le plus fréquent, vivant à l’état saprophyte dans le tube digestif. Sa prolifération pathologique peut se propager par :

  • Contiguïté : Vers les muqueuses génitales, respiratoires ou cutanées.
  • Voie hématogène : Atteignant des organes comme les reins ou l’œil.
  • Voie sexuelle : Transmission possible dans certains cas.

D’autres espèces de Candida peuvent être impliquées, bien que moins fréquemment : C. tropicalis, C. pseudotropicalis, C. glabrata, C. krusei et C. parapsilosis. Ces espèces sont souvent associées à des formes plus résistantes ou atypiques.

Champignons Filamenteux

Aspergillus

Les espèces d’Aspergillus (notamment A. fumigatus) sont des champignons environnementaux présents dans le sol, les végétaux ou les graines en décomposition. La contamination humaine se fait principalement par inhalation de spores, pouvant entraîner des infections buccales ou sinusiennes dans des contextes d’immunodépression.

Mycoses Exotiques

Histoplasmoses

Les histoplasmoses, causées par Histoplasma capsulatum ou H. duboisii, sont des infections systémiques rares, principalement rencontrées dans les régions tropicales ou endémiques (est et centre des États-Unis). Elles se manifestent par des ulcérations buccales non spécifiques, souvent accompagnées d’adénopathies.

Formes Cliniques des Candidoses Buccales

Les candidoses buccales se déclinent en formes aiguës et chroniques, chacune présentant des caractéristiques cliniques distinctes.

Formes Aiguës

Forme Pseudomembraneuse (Muguet)

Le muguet est une forme aiguë fréquente, touchant particulièrement les nourrissons, les jeunes enfants et les adultes immunodéprimés ou cachectiques. Il se caractérise par :

  • Localisation : Muqueuse buccale libre (joues, palais, langue), épargnant généralement la gencive.
  • Aspect : Macules rouges initiales évoluant vers une stomatite érythémateuse diffuse, sur laquelle se développent des plaques blanches nacrées en « grains de semoule ». Ces plaques se détachent facilement à l’abaissement de langue, sans saignement.
  • Signes fonctionnels : Sensation de brûlure légère, absence d’adénopathies.
  • Évolution : Répond bien au traitement antifongique, mais risque de chronicisation ou d’extension chez les immunodéprimés. Dans de rares cas, elle peut être mortelle.

Forme Aiguë Atrophique (Érythémateuse)

Cette forme, souvent liée à une antibiothérapie à large spectre, se manifeste par une glossite dépapillante diffuse :

  • Localisation : Débute au sillon médian de la langue, puis s’étend à toute la surface linguale.
  • Aspect : Érythème intense, érosions multiples, parfois douloureuses.
  • Signes cliniques : Symptômes plus marqués que dans le muguet, avec douleur et inconfort fonctionnel.

Formes Chroniques

Hyperplasique (Granulome Moniliasique)

Cette forme présente des lésions pseudo-tumorales :

  • Aspect : Plaques blanches surélevées, adhérentes, homogènes ou nodulaires, avec ou sans érythème.
  • Localisation : Face interne des joues (zone rétro-commissurale), plus rarement langue ou palais.
  • Caractéristiques : Résistance au traitement, risque de transformation maligne dans des cas rares.

Perlèche (Chéilite Angulaire)

La perlèche affecte les commissures labiales :

  • Aspect : Érythème, fissures ou ulcérations, pouvant s’étendre à la muqueuse rétro-commissurale.
  • Caractéristiques : Bilatérale ou unilatérale, souvent récidivante, associée à une hyposialie, une hypovitaminose ou une diminution de la dimension verticale d’occlusion (DVO).

Glossite Losangique Médiane

  • Aspect : Zone médiane dépapillée, plane ou indurée, située en avant du V lingual.
  • Signes associés : Ouranite palatine érythémateuse en « miroir », généralement asymptomatique.
  • Prévalence : Plus fréquente chez les patients immunodéprimés ou porteurs de prothèses.

Forme Prothétique

Liée aux prothèses dentaires mal adaptées :

  • Aspect : Muqueuse rouge vif, veloutée ou cartonnée, parfois avec vésicules ou érosions.
  • Diagnostic différentiel : À distinguer d’un érythème sous-prothétique d’origine mécanique.

Langue Noire Villeuse

Souvent confondue avec une candidose, cette affection résulte d’une hyperkératinisation et d’une oxydation des papilles filiformes linguales :

  • Aspect : Coloration noire ou brunâtre, aspect velu.
  • Étiologie : Non systématiquement liée à Candida, mais parfois associée à des facteurs comme le tabagisme ou une mauvaise hygiène.
  • Diagnostics différentiels : Kératoses tabagiques, lichen plan, anémie.

Mycoses Profondes de la Cavité Buccale

Aspergillose Nasosinusienne

Principalement localisée dans le sinus maxillaire, cette infection est souvent d’origine dentaire (granulome apical, extraction dentaire, communication buccosinusienne). L’oxyde de zinc utilisé dans les pâtes d’obturation endodontique favorise la croissance d’Aspergillus fumigatus.

Histoplasmose

Cette mycose systémique, due à Histoplasma capsulatum, est caractérisée par :

  • Aspect : Ulcérations buccales non spécifiques, souvent accompagnées d’adénopathies.
  • Prévalence : Plus fréquente dans les zones endémiques (États-Unis, régions tropicales).

Candidoses Systémiques

Les candidoses systémiques, principalement dues à Candida albicans, surviennent dans des contextes d’immunodépression sévère (SIDA, grands brûlés, aplasie médullaire). La dissémination hématogène, souvent à partir d’un cathéter intravasculaire, entraîne un syndrome septique grave avec un taux de mortalité élevé.

Examens Diagnostiques

Examen Mycologique

L’examen mycologique est essentiel pour confirmer le diagnostic :

  • Prélèvement : Réalisé par écouvillonnage de la lésion.
  • Examen direct : Observation au microscope (coloration Gram ou MGG) révélant des levures ovales (2-4 µm) ou des filaments mycéliens.
  • Culture : Réalisée sur milieu spécifique (Sabouraud), un comptage supérieur à 30 colonies confirme l’infection.
  • Antifongigramme : Réservé aux formes atypiques, récidivantes ou résistantes.

Examen Histologique

Non systématique, il est indiqué pour les formes chroniques ou atypiques. La coloration PAS met en évidence les filaments mycéliens dans les tissus.

Traitement

Le traitement des mycoses buccales repose sur deux axes : la correction des facteurs de risque et l’administration d’antifongiques.

Correction des Facteurs de Risque

  • Général : Contrôle du diabète, ajustement des traitements antibiotiques ou corticostéroïdes, correction des carences nutritionnelles.
  • Local : Amélioration de l’hygiène buccale, traitement de l’hyposialie, ajustement des prothèses dentaires.

Traitement Antifongique

Prescription Locale

Les antifongiques locaux, sous forme de gels, suspensions ou pastilles, sont privilégiés pour les formes superficielles :

  • Polyènes : Agissent sur la membrane plasmique des champignons, réduisant leur perméabilité. Exemple : Amphotéricine B (Fungizone), administrée en suspension buvable (100 mg/ml, 3-4 cuillères à café en bain de bouche pendant 15-20 jours). Non toxique, elle n’est pas absorbée par la muqueuse.
  • Azolés : Inhibent la synthèse de la membrane fongique. Exemple : Miconazole (Daktarin®), disponible en gel buccal (2 %) ou gélules (125 mg, 1-2 g/jour). Précautions : interactions médicamenteuses (anticoagulants, hypoglycémiants) et contre-indication chez la femme enceinte ou allaitante.

Prescription Systémique

Indiquée pour les lésions étendues, récidivantes ou chez les patients immunodéprimés. Les molécules comme le fluconazole ou l’itraconazole sont utilisées, avec une surveillance des effets secondaires (hépatotoxicité, interactions médicamenteuses).

Conclusion

Les mycoses buccales, dominées par les candidoses, sont des infections fréquentes mais potentiellement graves chez les patients à risque. Leur diagnostic repose sur une approche clinique, souvent complétée par des examens mycologiques ou histologiques pour les formes complexes. Le traitement, principalement local, peut nécessiter une approche systémique dans les cas d’immunodépression ou de dissémination. Une prise en charge précoce, combinée à la correction des facteurs favorisants, est essentielle pour prévenir les complications et améliorer le pronostic.

Voici une sélection de livres:

LES MYCOSES DE LA CAVITÉ BUCCALE

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *