Les maladies gingivales : Induites par la plaque et non induites par la plaque; Parodontologie
Introduction
Les maladies parodontales sont des maladies inflammatoires d’origine multifactorielle très complexe de par leurs facteurs aggravants et modifiants. Ainsi, plusieurs classifications ont été développées dans le but de regrouper les différentes formes cliniques. En général, les maladies parodontales peuvent être divisées en deux groupes : les maladies gingivales et les parodontites. Les maladies gingivales se caractérisent par des atteintes localisées au niveau du parodonte superficiel, sans implication du parodonte profond. Une compréhension approfondie des principes biologiques et étiologiques est cruciale pour une prise en charge efficace.
Objectifs
- Reconnaître les maladies gingivales induites par la plaque.
- Reconnaître les maladies gingivales non induites par la plaque.
- Distinguer les formes cliniques selon les signes cliniques.
- Diagnostiquer les pathologies en fonction de leur étiologie.
1. Rappels
1.1. Santé parodontale
Le parodonte sain est caractérisé par une gencive saine et un parodonte profond (système d’attache) intact :
- Une gencive rose pâle, piquetée en peau d’orange, ne saignant pas au brossage ni au sondage. Elle suit le feston des collets des dents. La gencive interdentaire occupe la totalité des embrasures interdentaires sans dépasser les points de contact.
- Un système d’attache intact, s’étendant sur la totalité de la surface radiculaire. Un os alvéolaire de 2-3 mm de la jonction émail-cément.


1.2. Les maladies parodontales
Les maladies parodontales sont des pathologies infectieuses polymicrobiennes. Elles sont déclenchées par la plaque bactérienne et entretenues par un déséquilibre entre l’agression bactérienne et la défense de l’hôte. Selon la localisation parodontale, nous distinguons :
1.2.1. Les gingivites
Elles affectent seulement la composante tissulaire superficielle du parodonte.
1.2.2. Les parodontites
Ce sont des destructions irréversibles des composantes parodontales tissulaires profondes, c’est-à-dire l’attache épithélio-conjonctive, le desmodonte, l’os alvéolaire et le cément.
1.3. Étiopathogénie des maladies parodontales
- Actuellement, le modèle étiologique le plus accepté est celui de Page et Kornman (1997).
- Les maladies parodontales sont des maladies inflammatoires d’origines multifactorielles.
- Le biofilm représente le facteur déclencheur.
- Cependant, il existe d’autres facteurs de risque qui modifient ou amplifient la réaction inflammatoire de l’hôte et, par la suite, l’expression clinique de la maladie. On regroupe dans ces facteurs :
- Facteurs génétiques.
- Facteurs acquis : maladies systémiques, comportementaux (tabac), environnementaux.


2. Définition de la maladie gingivale
Toute atteinte localisée à la gencive quelle qu’en soit l’origine (selon Bouchard).
3. Classification des maladies gingivales
Selon Armitage et la nouvelle classification de 2017, on distingue :
- La gingivite induite par la plaque.
- La gingivite non induite par la plaque.
4. Formes cliniques des maladies gingivales
4.1. La gingivite induite par la plaque
La gingivite induite par la plaque est une maladie inflammatoire qui affecte la muqueuse gingivale. D’origine infectieuse (le biofilm bactérien est considéré comme le facteur déclenchant de cette entité). Observée aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.
4.1.1. Signes cliniques
- Le tableau de la gingivite est souvent discret ; son installation passe fréquemment inaperçue.
- Les premiers signes de la gingivite sont une augmentation du volume du fluide gingival, une tendance au saignement provoqué par un sondage délicat à l’entrée du sillon gingivodentaire (sulcus).
Modification de couleur :
- De rose pâle, couleur normale de la fibromuqueuse gingivale, la couleur de celle-ci passe au rouge, rouge violacé.
- L’intensité de l’érythème varie en fonction de celle de l’inflammation et donc de l’hyperhémie sous-jacente.
Modification de consistance :
- Au cours de l’installation de la gingivite, la fibromuqueuse gingivale devient molle, moins rénitente à la pression digitale.
Modification de texture :
- Le piqueté en peau d’orange, présent chez environ 40 % de la population et caractéristique d’une gencive normale, disparaît en cas de gingivite. Il laisse place à des zones vernissées, lisses et brillantes, témoignant d’une atteinte des fibres du tissu conjonctif gingival.
Modification du contour gingival :
- Le biseau franc et net du bord marginal d’une fibromuqueuse gingivale saine s’arrondit progressivement, s’épaissit et se détache de la surface dentaire adjacente, attestant une perte de tonicité tissulaire.
Modification de volume :
- Dans le cas d’une gingivite, l’augmentation du volume gingival suite à l’installation de l’œdème, c’est-à-dire l’apparition d’une hyperplasie gingivale, entraîne un accroissement de ce sillon par migration coronaire du rebord marginal gingival avec respect de l’attache épithélioconjonctive. L’augmentation de la profondeur du sillon gingivodentaire donne naissance à une poche gingivale ou fausse poche parodontale.
4.1.2. Étiologies
- Les gingivites, comme les parodontites, sont des maladies infectieuses provoquées par des bactéries qui colonisent les surfaces dentaires qui sont au contact de la fibromuqueuse gingivale, aussi bien en juxta-gingival qu’en sous-gingival, dans le sillon gingivodentaire. Ces bactéries, en colonisant les surfaces dentaires, vont constituer la plaque dentaire bactérienne, maintenant appelée biofilm dentaire.
- Les gingivites ainsi associées au biofilm dentaire peuvent être favorisées par des facteurs locaux qui agissent soit comme facteurs de rétention de plaque bactérienne, soit comme cofacteurs. Des facteurs généraux peuvent également intervenir en modifiant la réponse inflammatoire dans la fibromuqueuse gingivale suite à l’agression bactérienne.
4.1.3. Formes cliniques
Tableau 1 : Classification des maladies gingivales induites par la plaque selon Armitage 1999
Gîte-Puberté | Gîte-Grossesse | Gîte-Cycle-Menstruel | Granulome Pyogénique |
---|---|---|---|
Présence de plaque au contact de la gencive marginale | Présence de plaque au contact de la gencive marginale | Présence de plaque au contact de la gencive marginale | Présence de plaque au contact de la gencive marginale |
Une réponse inflammatoire prononcée de la gencive | Une réponse inflammatoire prononcée de la gencive | Une réponse inflammatoire modérée avant l’ovulation | Une réponse inflammatoire prononcée de la gencive |
Peut apparaître à l’entour de la puberté | Apparition chez les femmes enceintes (2ᵉ ou 3ᵉ trimestre) | Augmentation de l’exsudation gingivale de 20 % durant l’ovulation | Peut apparaître à n’importe quel moment de la grossesse |
Changement de couleur, possible modification de volume | Changement de contour | Pas de perte d’attache | Le plus souvent au niveau de l’arcade maxillaire |
Augmentation de l’exsudation gingivale | Augmentation de l’exsudation gingivale | Réversible après ovulation | Le plus souvent au niveau interproximal |
Saignement provoqué | Saignement provoqué | Une masse protubérante sessile ou pédiculée | |
Pas de perte d’attache | Pas de perte d’attache | N’est pas un néoplasme | |
Pas de perte osseuse | Pas de perte osseuse | Disparaît après accouchement | |
Réversible après puberté | Réversible en post-partum |
Tableau 2 : Caractéristiques cliniques des maladies gingivales induites par la plaque modifiées par les hormones
Type de gingivite | Caractéristiques cliniques |
---|---|
Gingivite associée à la puberté | Inflammation exagérée due aux variations hormonales. |
Gingivite associée à la grossesse | Réaction inflammatoire accrue, parfois associée à un granulome pyogénique (épulis gravidique). |
Gingivite associée au cycle mensuel | Inflammation modérée liée aux fluctuations hormonales. |
Granulome pyogénique associée à la grossesse (épulis gravidique) | Lésion hyperplasique localisée, souvent saignante. |
4.2. Maladies gingivales non induites par la plaque dentaire
Les maladies gingivales non induites par la plaque sont des lésions du parodonte superficiel en réponse à une agression spécifique qui est d’origine locale ou générale.
Tableau 3 : Classification des lésions gingivales non induites par la plaque selon Armitage 1999

Maladies gingivales d’origine bactérienne spécifique | Maladies gingivales d’origine virale | Maladies gingivales d’origine fongique | Maladies gingivales d’origine génétique | Manifestations gingivales des conditions systémiques | Allergies | Lésions traumatiques |
---|---|---|---|---|---|---|
Neisseria gonorrhoeae | Infection à herpès-virus | Fibromatose gingivale héréditaire | Lichen plan | Matériaux de dentisterie restauratrice | chimique | |
– Gingivostomatite herpétique spécifique | – Mercure | |||||
– Herpès oral récurrent | – Nickel | |||||
– Infection à Varicella-zoster | – Acryliques | |||||
Treponema pallidum | Érythème gingival linéaire | Pemphigoïde | Réactions | Physique | ||
– Pâte de dentifrice | ||||||
– Bains de bouche | ||||||
– Alimentation | ||||||
Infections à Streptococcus sp. | Histoplasmose | Pemphigus vulgaris | Érythème multiforme | Thermique | ||
lupus érythématosus |
4.2.1. Diagnostic des lésions gingivales non induites par la plaque
Chacune de ces maladies ou lésions présente des caractéristiques dont la démarche sémiologique permet d’en approcher le diagnostic. L’anamnèse permet de s’enquérir :
- Du mode de vie du patient (possibilité d’une contamination par une maladie sexuellement transmissible).
- De son alimentation (carences).
- De la présence d’atteintes systémiques connues (lichen plan, pemphigus).
- De la présence d’un traumatisme associé (brûlure, prothèse mal ajustée).
- De l’existence d’autres manifestations buccales ou extra-orales susceptibles de réaliser le diagnostic différentiel.
L’examen clinique est orienté vers la recherche de signes pathognomoniques de maladies virales ou fongiques, comme la présence de vésicules herpétiformes ou de plaques blanchâtres d’une candidose. Les examens biologiques sanguins, microbiologiques et/ou anatomopathologiques sont souvent effectués afin de poser avec précision le diagnostic. Des tests d’allergologie complètent parfois cette démarche.
5. Prise en charge des maladies gingivales
Il est maintenant bien mis en évidence qu’un patient porteur de gingivite ne développe pas systématiquement une parodontite. Une parodontite ne peut pas survenir sans une gingivite préalable, d’où la nécessité de traiter les gingivites, surtout qu’elles sont des maladies réversibles après traitement.
5.1. Traitement de la gingivite induite par la plaque
Le traitement est purement étiologique :
- Suppression du biofilm par les moyens d’hygiène.
- Détartrage.
- Élimination des facteurs de rétention de plaque.
- Un traitement symptomatique (chirurgical) dans le cas de poche gingivale.
Conclusion
Les maladies gingivales sont des pathologies réversibles. Leur évolution se fait vers la guérison en assurant une bonne hygiène bucco-dentaire et en éliminant tous les facteurs de risque présents. En l’absence de traitement, la gingivite peut évoluer vers une parodontite, comme elle peut rester stable durant des années.
Références bibliographiques
- Newman M et al. Carranza’s Clinical Periodontology. 12th Edition. 2015. Elsevier.
- Lindhe J et al. Clinical Periodontology and Implant Dentistry. 6th Edition. 2015. Wiley Blackwell.
- Harpenau L et al. Hall’s Critical Decisions in Periodontology and Dental Implantology. 5th Edition. 2013. People’s Medical Publishing House – USA.