LES LIMITATIONS DE L’OUVERTURE BUCCALE
Introduction
La limitation de l’ouverture buccale (LOB) se traduit par une diminution de l’amplitude de l’ouverture buccale. Elle peut être réversible, appelée trismus, ou fixée, constituant une constriction permanente des mâchoires. Face à une LOB aiguë, le praticien doit envisager de nombreux diagnostics étiologiques. En effet, une LOB aiguë peut résulter de processus pathologiques au niveau de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), des tissus extra-articulaires environnants ou encore de pathologies générales.
Diagnostic positif
Le diagnostic positif se fait à partir de plusieurs éléments :
Examen du malade
Interrogatoire
- Informations générales : âge, adresse, profession.
- Précisions à recueillir :
- Date et mode d’apparition.
- Antécédents médico-chirurgicaux.
- Mode d’évolution.
- Signes associés : douleurs, dysphagie, contracture musculaire, etc.
Examen clinique
- Évaluation de l’ouverture buccale : mesurée à l’aide d’un pied à coulisse entre le point inter-incisif supérieur et inférieur.
- Ouverture buccale normale : ≥ 47 ± 7 mm.
- Limitation de l’ouverture buccale : < 30 mm.
- Autres explorations :
- Examen de la face, de l’ATM, des muscles, des glandes salivaires et des chaînes ganglionnaires.
- Exploration neurologique des nerfs crâniens V (trigéminal) et VII (facial).
- Examen minutieux de la cavité buccale.
- Examen ORL pour explorer les structures profondes.
Examens complémentaires
- Radiographie panoramique, TDM, IRM, incidence de Schuller.
- Nasofibroscopie : examen du cavum et de l’oropharynx.
- Biopsie, si nécessaire.
Le trismus
Définition
Le trismus est une constriction passagère des mâchoires, se manifestant par une difficulté plus ou moins importante et temporaire d’ouvrir la bouche. Cette constriction, souvent douloureuse, est un symptôme pouvant accompagner une affection locale, loco-régionale ou générale.
Classification selon l’amplitude d’ouverture :
Type de trismus | Amplitude d’ouverture |
---|---|
Léger | 35 à 20 mm |
Modéré | 20 à 10 mm |
Serré | < 10 mm |
Physiopathologie
La constriction des muscles élévateurs résulte d’un réflexe lors d’affections de voisinage. Selon la loi de Shopart-Stokes : « lorsqu’il y a inflammation au voisinage d’un muscle, celui-ci se contracte de manière réflexe ».
Étiologie
Causes générales
Le tétanos
- Cause : toxi-infection due à Clostridium tetani (bacille de Nicolaïer), une bactérie gram-positive.
- Mécanisme : à la suite d’une lésion cutanéo-muqueuse, les toxines se fixent sur le tissu nerveux, provoquant des contractures musculaires toniques, paroxystiques et douloureuses, apparaissant 6 à 12 jours après la blessure.
- Signes cliniques :
- Trismus, souvent le premier signe.
- Contractures faciales : faciès du « rire sardonique ».
- Extension aux muscles de la nuque et de la colonne vertébrale, avec signes infectieux graves pouvant mener à une issue fatale sans traitement.
- Diagnostic :
- Recherche de la vaccination anti-tétanique (rappel tous les 10 ans).
- Notion de plaie, chirurgie ou soin dentaire.
- Traitement :
- Hospitalisation en réanimation.
- Sérum anti-tétanique (gamma-globulines spécifiques).
- Myorelaxants.
Autres causes générales
- Intoxications : neuroleptiques, barbituriques, strychnine (taupicide, toxicomanie).
- Maladies neurologiques : sclérose en plaques, épilepsie, lésions nerveuses centrales.
- Autres :
- Éthylisme.
- Crise de tétanie par hypocalcémie.
- Rage : virus à ARN transmis par morsure d’animaux contaminés (chiens, canidés).
- Méningite : trismus associé à un syndrome méningé, fièvre, signes cutanés, atteinte des nerfs crâniens ou syndrome déficitaire.
Causes locales
Infectieuses
Les plus fréquentes, liées à une infection de voisinage :
- Cellulite, ostéite, stomatite, péricoronarite.
- Infection cutanée (furoncle), musculaire (myosite), arthrite.
Traumatiques
- Fractures mandibulaire, maxillaire ou du massif facial.
- Gestes chirurgicaux iatrogènes.
Tumorales
- Tumeurs bénignes.
- Tumeurs malignes : articulaires, musculaires, structures profondes (cavum).
Dysfonction de l’ATM (DAM)
Caractéristiques du trismus de causes locales
- Phase aiguë : accompagne principalement les affections aiguës.
- Évolution :
- Peut persister et devenir chronique avec l’affection.
- Peut disparaître spontanément.
- En cas de chronicité, devient une maladie musculaire (myosite) plutôt qu’un trismus.
- Sévérité : le trismus est d’autant plus serré que l’affection est postérieure.
Évolution
Le trismus disparaît généralement avec la cause. Dans certains cas chroniques, malgré la disparition de la cause, une lésion organique des muscles élévateurs (myosite) peut s’installer.
Diagnostic
- Diagnostic étiologique :
- Causes locales : 95 % des cas.
- Causes générales :
- Rire sardonique → tétanos.
- Morsure → rage.
- Médicaments → intoxication.
- Diagnostic différentiel :
- Éliminer les affections passagères, ankyloses, constrictions permanentes, luxations de l’ATM.
Traitement
- Traitement étiologique : éliminer ou traiter la cause.
- Chronicité : traiter la myosite.
Constrictions permanentes des mâchoires
Définition
Les constrictions permanentes sont une abolition complète ou incomplète de l’abaissement de la mandibule, entraînant une impossibilité partielle ou totale d’ouvrir la cavité buccale. Contrairement au trismus, elles sont irréversibles. Elles peuvent résulter :
- D’une altération osseuse.
- D’une altération des parties molles.
- D’une combinaison des deux.
Constriction par altération osseuse : Ankylose temporo-mandibulaire
Caractérisée par la soudure des condyles mandibulaire et temporal.
Étiologie
Traumatismes articulaires
- Fractures capitales du condyle mandibulaire, souvent compliquées d’ankylose.
- Traumatismes de l’ATM, avec ou sans corps étrangers.
Traumatismes extra-articulaires
- Fractures basses condyliennes, surtout bilatérales, traitées par blocage bimaxillaire prolongé.
- Fractures du zygoma avec lésion des muscles insérés.
- Fractures corono-malaires.
Infections
- Arthrites de causes générales : rhumatismales ou spécifiques.
- Infections de voisinage : otite suppurée, ostéite de l’os tympanal, ostéite de la branche montante ou du maxillaire supérieur, ostéomyélite du maxillaire supérieur.
Anatomie pathologique
- Destruction des surfaces articulaires, entraînant un contact direct entre le condyle et l’os temporal.
- Formation d’un synostose cranio-mandibulaire (pont osseux reliant la base du crâne à la mandibule).
Clinique
Chez l’adulte
- Impossibilité partielle ou complète d’ouvrir la bouche.
- Examen endo-buccal difficile, révélant :
- Caries, tartre, infections gingivales et parodontales.
- Haleine fétide.
- Stomatites fréquentes (virulence accrue des germes due à la fermeture constante).
- Palpation : présence de synostose cranio-mandibulaire, léger mouvement en cas d’ankylose partielle.
Chez l’enfant
- Ankylose unilatérale :
- Asymétrie faciale.
- Menton dévié du côté malade.
- Cal osseux au niveau de l’ATM atteinte, léger mouvement condylien du côté sain.
- Ankylose bilatérale :
- Face en pointe inférieure.
- Profil d’oiseau (micrognathie inférieure, proalvéolie supérieure).
- Cal osseux bilatéral.
Diagnostic
- Clinique : symptomatologie évidente.
- Examens radiologiques :
- Incidence face basse : montre la largeur du cal.
- Incidence de profil, maxillaire défilé, panoramique, scanner, tomographie, IRM, électromyographie.
- Notes :
- Cone Beam : utile en pré-opératoire, moins irradiant (surtout chez l’enfant).
- IRM : précise pour l’ankylose fibreuse, mais inutile pour l’ankylose osseuse.
Traitement
Traitement prophylactique
- Prévention :
- Traitement des infections par antibiotiques et drainage des collections purulentes près de l’ATM.
- Attention aux traumatismes de l’ATM chez l’enfant.
- Lors de fractures condyliennes, équilibrer blocage et mobilisation (libérer le patient quelques minutes par semaine, contention < 1 mois).
Traitement curatif : Chirurgie
- Objectif : recréer une nouvelle articulation ou pseudo-articulation par pseudarthrose après ostéotomie (basse ou haute).
- Spécificités :
- Adulte :
- Libérer les mouvements mandibulaires.
- Restaurer la mastication en respectant l’occlusion et la cinétique mandibulaire.
- Enfant :
- Traiter les déformations.
- Associer rééducation fonctionnelle.
Constriction par altération des parties molles
Caractérisée par des cicatrices rétractiles ou brides empêchant l’abaissement mandibulaire. Ces brides peuvent être limitées à la mandibule ou former un pont cranio-mandibulaire.
Lésions muqueuses
- Localisation : face interne de la joue, région rétromolaire.
- Causes :
- Traumatismes.
- Ingestion de liquides caustiques.
- Fibrose orale sous-muqueuse (feuilles de bétel chiquées).
- Absence de réparation après exérèse de tumeurs malignes.
Lésions cutanées
- Origines :
- Pertes de substance : gomme syphilitique, tuberculose, tumeurs malignes, noma.
- Traumatismes graves cicatrisant lentement (sclérose rétractile).
- Brûlures graves.
- Affections dermatologiques rares : épidermolyse bulleuse congénitale, xeroderma pigmentosum.
Lésions musculaires
- Muscle concerné : principalement le masséter.
- Causes :
- Myoscléroses : post-infectieuses (tuberculose), post-traumatiques, iatrogènes (radiothérapie).
- Myosite ossifiante post-traumatique : rare, localisée, après traumatisme ou inflammation.
Traitement
- Excision des brides et cicatrices rétractiles.
- Greffes cutanéo-muqueuses.
Voici une sélection de livres:
- Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
- Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
- MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
- Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
- Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
- Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
- Endodontie, prothese et parodontologie
- La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
- Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
LES LIMITATIONS DE L’OUVERTURE BUCCALE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.