LES LESIONS INTER-RADICULAIRES Thérapeutiques

LES LESIONS INTER-RADICULAIRES Thérapeutiques

LES LESIONS INTER-RADICULAIRES Thérapeutiques

Introduction

La zone de furcation des dents multi-radiculées est une région tout à fait unique dans les structures parodontales, qui présente des caractéristiques spécifiques et des défis cliniques et thérapeutiques particuliers. Lorsque la parodontite s’installe, les dents affectées se caractérisent par la formation de poches profondes et par un processus de destruction parodontale qui s’accompagne d’une perte d’attache et d’os à la fois verticale et inter-radiculaire. Des poches profondes au niveau des molaires sont fréquemment associées à une combinaison d’atteintes inter-radiculaires horizontales, de cratères, et de défauts intra-osseux sur une ou plusieurs racines.

Le diagnostic de la lésion inter-radiculaire est assez difficile. L’utilisation d’outils cliniques et radiographiques pour évaluer les atteintes horizontales est essentielle au diagnostic, au pronostic et au plan de traitement de la molaire compromise.

Définitions

La Zone de Furcation (Le Tronc Cervical)

Selon Easley Drennam, c’est la zone délimitée à sa partie supérieure par la jonction émail-cément, dans sa partie inférieure par le point de divergence et de séparation des racines. La surface de cette zone est variable selon la morphologie coronaire et radiculaire. On peut parler de bifurcation (deux racines, comme les molaires mandibulaires et les premières prémolaires supérieures) ou de trifurcation (trois racines, comme les molaires supérieures).

La Zone ou Région Inter-Radiculaire

Elle est délimitée à sa partie supérieure par la zone de furcation la plus déclive et latéralement par les parois radiculaires.

La Lésion Inter-Radiculaire

C’est une perte de substance située entre les racines des dents multi-radiculées, avec lyse osseuse dans le sens corono-apical, et dans le sens vestibulo-lingual du septum inter-radiculaire.

Facteurs Étiologiques

Le Facteur Principal Déclenchant

Le biofilm bactérien est le principal facteur des lésions parodontales conduisant, dans certains cas, à la formation d’une poche parodontale et une lyse osseuse.

Les Facteurs Prédisposants

Facteurs Anatomiques et Histologiques

  • Distance de la furcation à la ligne de jonction émail-cément : Plus la furcation est haute en direction coronaire, plus les chances d’invasion de cette furcation augmentent dans le cadre d’une parodontite généralisée.
  • Forme et situation des racines : L’implantation de la dent entre les tables osseuses peut créer des zones à risque où une inflammation bactérienne ou traumatique favorisera une perte d’attache. Les furcations des premières molaires mandibulaires sont très proches des tables osseuses externes (proximités radiculaires).
  • Le desmodonte de cette zone : Il est lâche.
  • La projection d’émail : Les fibres conjonctives ne peuvent pas s’ancrer dans la surface amélaire, ce qui entraîne une adhésion épithéliale avec un épithélium de jonction plus ou moins long.
  • Les perles d’émail.

Les Restaurations Défectueuses

Les restaurations mal adaptées peuvent favoriser l’accumulation de plaque et aggraver les lésions.

Autres Facteurs

  • Pathologie endodontique : Toute pathologie endodontique pouvant se déboucher à travers les canaux latéraux ou accessoires, car le diamètre de ces canaux est supérieur au diamètre des germes bactériens.
  • Perforation du plancher pulpaire.
  • Présence de caries étendues.
  • Extraction mal conduite de dents de sagesse maxillaires, mettant à nu la furcation disto-palatine des deuxièmes molaires.
  • Présence d’un trauma occlusal.

Les Moyens de Diagnostic

Examen Clinique

En plus d’un examen clinique détaillé, l’exploration des furcations s’effectue à l’aide d’une sonde courbe à extrémité mousse (type Nabers).

  • Pour les molaires inférieures, l’approche est vestibulaire et linguale.
  • Concernant les molaires supérieures, l’examen est vestibulaire, mésial et distal. L’examen des divisions mésiales et distales se fait de préférence par un accès palatin.

Examen Radiologique

Un examen radiologique fournit un complément d’information indispensable.

  • La perte de substance osseuse forme une zone radioclaire de dimension variable.
  • Les lésions osseuses débutantes peuvent ne pas être visibles, mais dans la plupart des cas, l’image radiographique fournit une preuve. C’est l’unique outil pour déterminer de façon fiable la hauteur de la crête osseuse alvéolaire.
  • Elle permet de connaître également le nombre et la forme des racines, leur degré de séparation et de divergence.
  • L’examen par cône beam ou tomographie volumique à faisceau conique (CBCT) permet de visualiser les atteintes osseuses sous différentes coupes et avec une reconstitution en 3D.

Classifications des Lésions Inter-Radiculaires

Classification de Glickman

  • Classe I : Lésion initiale
    Poche supra-osseuse, atteignant le tissu mou ; il y a une légère perte osseuse au niveau de la zone de furcation. Une modification visible à la radiographie est rare, car la perte osseuse est minime.
  • Classe II : Lésion partielle
    L’os est détruit au niveau d’une ou de plusieurs faces de la furcation, mais une partie des tissus parodontaux reste intacte, permettant seulement une pénétration partielle de la sonde.
  • Classe III : Lésion totale
    La furcation peut être obstruée par la gencive, mais l’os a été détruit à un degré important pour permettre le passage total d’une sonde en direction vestibulo-linguale. La radiographie révèle une lyse osseuse prononcée.
  • Classe IV : Lésion totale prononcée
    Comme le 3ème stade, l’os inter-radiculaire est complètement détruit, mais avec une dénudation rendant l’ouverture de la furcation visible.

Classification de Hamp, Nyman & Lindhe (1975)

  • Lésion initiale : Destruction horizontale des tissus parodontaux ne dépassant pas le 1/3 de la largeur de la dent.
  • Lésion partielle : Destruction horizontale des tissus parodontaux dépassant 1/3 de la largeur de la dent, mais sans atteindre la totalité de la largeur de l’espace inter-radiculaire.
  • Lésion totale : Destruction horizontale de part en part des tissus parodontaux au niveau de l’espace inter-radiculaire.

Classification de Tarnow et Fletcher (1984)

Complète la classification horizontale de Hamp en ajoutant la mesure verticale de perte d’attache avec les sous-classes suivantes :

  • Sous-classe A : Défaut osseux vertical de 1 à 3 mm.
  • Sous-classe B : Défaut osseux vertical de 4 à 6 mm.
  • Sous-classe C : Défaut osseux vertical supérieur à 7 mm.

Classification de Meyer

Cette classification envisage la lésion inter-radiculaire par rapport au contexte osseux adjacent, en combinant une pénétration millimétrée de la sonde et une appréciation radiologique de l’os adjacent, assimilant une lésion inter-radiculaire à une lésion interdentaire osseuse.

  • Lésion inter-radiculaire supra-osseuse : Le niveau osseux inter-radiculaire est situé coronairement à l’os proximal.
  • Lésion inter-radiculaire juxta-osseuse : Le niveau osseux inter-radiculaire est situé au même niveau que l’os proximal.
  • Lésion inter-radiculaire infra-osseuse : Le niveau osseux inter-radiculaire est situé apicalement à l’os proximal.

Classification Universelle

L’ampleur de l’atteinte de furcation s’exprime en trois degrés en fonction de l’extension de la destruction horizontale des tissus à l’intérieur de l’espace inter-radiculaire :

  • Classe I : Perte d’attache horizontale allant jusqu’à 3 mm.
  • Classe II : Perte d’attache horizontale supérieure à 3 mm.
  • Classe III : Perte d’attache horizontale totale permettant le passage de la sonde de part en part.

La Démarche Thérapeutique des Lésions Inter-Radiculaires

Objectifs du Traitement

  • Réaliser un débridement correct par accès aux surfaces radiculaires suite à une intervention sous contrôle visuel.
  • Éliminer les poches.
  • Établir, au niveau de la région dento-gingivale, une morphologie qui facilite la réalisation correcte des soins d’hygiène par le patient.

Les Critères de Choix du Plan de Traitement

  • Selon la classe (classification universelle).
  • Sondage des poches du secteur concerné.
  • Caractère de la lyse au niveau proximal et au niveau inter-radiculaire.
  • Anatomie radiculaire : hauteur du tronc radiculaire, largeur de l’espace inter-radiculaire.

Les Différentes Thérapeutiques Selon la Classification Universelle

Classe I

  • Détartrage avec surfaçage radiculaire.
  • Curetage parodontal : Pour éliminer les poches supra-osseuses.
  • Gingivectomie/gingivoplastie : Peut permettre l’élimination de la poche parodontale et faciliter le contrôle de la plaque par le patient.
  • Odontoplastie :
    Consiste à un remodelage par instrument rotatif de la racine dans le but d’élargir l’entrée d’une furcation ou d’éliminer une couronne débordante, permettant une meilleure hygiène et un bon contrôle de la plaque.

Protocole opératoire :

  • Un lambeau muco-périosté est récliné.
  • Élimination des dépôts bactériens mous et durs ainsi que le tissu inflammatoire situé au niveau de la furcation.
  • Coronoplastie : Élimination de substance dentaire au niveau de la zone de furcation afin d’élargir l’invagination inter-radiculaire à la naissance des racines et réduire la profondeur horizontale de la lésion. Il faut prendre garde à ne pas trop éliminer de substance dentaire lors de l’odontoplastie, car un excès augmente le risque de sensibilité radiculaire.
  • Opération à lambeaux : Lambeau déplacé apicalement, lambeau de Widman modifié.

Classe II

  • Traitement de débridement : Comme pour la classe I.
  • Odontoplastie.
  • Ostéoplastie : Si le diamètre du tunnel de la furcation est étroit ou si l’accès à la furcation est restreint, une ostéoplastie peut être nécessaire. L’os alvéolaire de la région inter-radiculaire est alors remodelé pour donner une architecture gingivo-osseuse déflectrice, améliorant l’hygiène buccale par le patient.
  • Tunnélisation :
    Cette technique consiste à ouvrir et agrandir l’espace inter-radiculaire, c’est-à-dire transformer une classe II en classe III, permettant le passage d’une brossette interdentaire. Elle est principalement conseillée au niveau des molaires mandibulaires, lorsque les racines sont divergentes avec un septum osseux inter-radiculaire large.
    Protocole :
  • Après le décollement du lambeau et le détartrage-surfaçage radiculaire (DSR) ainsi que l’élimination du tissu de granulation, la région inter-radiculaire est élargie par l’élimination d’une partie de l’os inter-radiculaire pour permettre le passage d’une brossette.
  • La crête alvéolaire est remodelée, et une partie de l’os interdentaire au mésial et au distal de la dent est éliminée pour obtenir un contour plat de l’os.
  • Durant la maintenance, les surfaces exposées doivent être traitées par des applications topiques de chlorhexidine et de vernis fluorés, car il existe un risque prononcé de sensibilité radiculaire et de développement de lésions carieuses sur des racines dénudées au niveau des tunnels créés artificiellement.
  • Opération à lambeaux : Lambeau de Widman modifié, lambeau déplacé apicalement.
  • Techniques régénératives :
  • Greffes osseuses avec ou sans membrane (autogreffe).
  • Régénération tissulaire guidée.
  • Utilisation des protéines de la matrice amélaire : En cas d’atteinte de degré II sur les molaires mandibulaires, elles améliorent significativement les résultats cliniques.

Classe III

  • Détartrage avec surfaçage radiculaire.
  • Odontoplastie.
  • Ostéoplastie.
  • Tunnélisation.
  • Amputation radiculaire :
    Définition : Consiste à éliminer une racine d’une dent pluriradiculée sans atteinte de la partie coronaire de la dent.
    Indications :
  • Perte osseuse affectant une ou plusieurs racines non traitables par régénération.
  • Récession gingivale sévère (présence de déhiscence osseuse).
  • Infections endo-parodontales récidivantes.
  • Caries profondes dans la racine ou dans l’espace inter-radiculaire.
    Contre-indications :
  • D’ordre général.
  • Fusions des apex.
  • Furcation trop apicale.
  • Lésions inter-radiculaires des prémolaires maxillaires.
  • Racines fusionnées.
  • Impossibilité de restaurer les racines conservées.
  • Absence de rôle occluso-fonctionnel.
    Protocole opératoire :
  1. Traitement endodontique.
  2. Thérapeutique chirurgicale :
    • Un lambeau muco-périosté est récliné.
    • À l’aide d’un contre-angle et d’une fraise fissure, sectionner la racine à sa naissance et l’extraire.
    • Procéder au remodelage coronaire pour permettre le passage facile des instruments.
    • Pratiquer une ostéoplastie.
    • Détartrage et surfaçage des surfaces radiculaires, nettoyage de la zone, repositionnement du lambeau et mise en place d’un pansement chirurgical.
  3. Restauration fonctionnelle :
    Ces dents peuvent rester longtemps en place ou être incluses dans des reconstitutions limitées. L’occlusion doit être particulièrement bien ajustée.
  • Hémisection :
    Définition : Consiste à effectuer une section coronaire totale d’une dent pour créer des fragments corono-radiculaires.
  • Extraction :
    Lorsque la perte d’attache est si étendue qu’aucune racine ne peut être maintenue ou que le traitement ne permet pas une anatomie facilitant le contrôle de l’hygiène, l’extraction dentaire doit être envisagée.

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LES LESIONS INTER-RADICULAIRES Thérapeutiques

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