Les lésions blanches de la muqueuse buccale
Introduction :
Les lésions blanches peuvent être le motif direct de la consultation, ou mise en évidence d’une façon fortuite à l’occasion d’un examen de la cavité buccale réalisé pour d’autres raisons.
Ces lésions expriment un défaut de kératinisation de l’épithélium de la muqueuse buccale et traduisent dans la plupart des cas des entités cliniques à respecter, dans d’autres cas des atteintes systémiques, des infections ou des lésions précancéreuses.
Le diagnostic de ces lésions est parfois difficile vue la multiplicité des aspects et des causes ; une démarche rigoureuse doit être la résultante des données de l’anamnèse, de l’examen clinique et des examens complémentaires prescrits à la demande et d’une façon rationnelle.
Définition :
Les lésions blanches de la muqueuse buccale sont des lésions à prédominance blanchâtre, de dimensions variables qui contrastent avec le reste de la muqueuse buccale.
L’aspect blanc est le résultat d’une modification de l’épaisseur de l’épithélium, ou d’une anomalie quantitative de production de kératine au niveau cellulaire.
Quelques notions :
Kératinisation :
C’est l’apparition d’une protéine spéciale « la kératine » sécrétée par les kératinocytes et s’élimine au niveau des cellules épithéliales superficielles. Elle a pour rôle principal d’assurer la protection des tissus sous-jacents.
Dans l’épithélium de la muqueuse buccale, la kératinisation est moins intense et plus simple que dans l’épiderme.
A noter, concernant l’épiderme cutané, que la kératinisation se fait selon le mode d’orthokératose. Lorsque celle-ci se produit au niveau de la muqueuse buccale, il s’agit d’une kératinisation pathologique traduisant un trouble de la maturation cellulaire.
Kératose (kératinisation pathologique):
Les lésions blanches sont appelées par certains auteurs « kératoses ». Cette dénomination ne convient pas à toutes les lésions blanches puisqu’il existe celles qui ne sont pas kératosiques.
Ce terme est utilisé pour désigner une kératinisation anormale en raison de son épaisseur, de son irrégularité (en étendue, épaisseur, forme, ou texture : lisse ou rugueuse, points, stries, lignes, cercles…) de son type, voire de sa simple présence à un endroit inhabituel.
Le caractère pathologique est souvent souligné par la présence de signes associés, érythème, érosions, ulcérations, pigmentation.
La « kératose » peut être:
- une orthokératose (avec couches granuleuse et cornée dépourvues de noyaux cellulaires, et desquamation par groupes de cellules), ou
- une parakératose (kératinisation imparfaite, sans couche granuleuse, avec des cellules qui gardent leur noyau dans toutes les couches, et une desquamation cellule par cellule le plus souvent).
- La dyskératose (Terme exclusivement histopathologique) est une kératinisation incomplète, précoce et anarchique, où les noyaux cellulaires dégénèrent dans toutes les couches épithéliales et où les cytoplasmes se chargent de kératine.
L’orthokératose semble avoir un potentiel prénéoplasique plus marqué que la parakératose.
Dysplasie :
On parle de dysplasie devant une altération acquise de l’architecture et de la fonction d’un tissu cellulaire à renouvellement rapide (épithélium de revêtement, muqueuse…).
L’OMS a classé les lésions dysplasiques en 3 grades selon:
- le rapport entre l’épaisseur de la zone profonde riche en atypies et l’épaisseur totale de l’épithélium, et
- sur l’appréciation de l’importance des atypies et de l’aspect des mitoses
DL: dysplasie légère : les altérations dysplasiques sont présentes sur moins de ⅓ de l’épaisseur épithéliale totale ; les atypies cellulaires sont le plus souvent discrètes.
DM: dysplasie moyenne : les altérations dysplasiques sont présentes sur ⅓ à ⅔ de l’épaisseur épithéliale ; les atypies cellulaires sont souvent modérées.
DS : dysplasie sévère : les altérations dysplasiques sont présentes sur plus de ⅔ de l’épaisseur épithéliale totale ; les atypies cellulaires sont souvent marquées.
La néoplasie intraépithéliale (OIN) : Selon ce nouveau concept:
- OIN 1 correspond à la dysplasie légère (DL);
- OIN 2 correspond à la dysplasie moyenne (DM) ;
- OIN 3 correspond à la fois à la dysplasie sévère (DS) et au CIS.
Le système binaire :
- « OIN de haut grade » pour OIN 2 ou OIN 3, et
- « OIN de bas grade » pour OIN 1.
Carcinome in situ :
Désigne un carcinome épidermoïde cantonné à l’intérieur de l’épithélium où il a pris naissance, et donc n’ayant pas encore franchi la membrane basale.
Sa présence provoque dans le chorion sous-jacent une réaction inflammatoire chronique plus ou moins importante.
Démarche diagnostique :
- Anamnèse médicale : il faut rechercher :
- État civil, âge (souvent adulte), profession
- Antécédents médico-chirurgicaux personnels : hépatite, affection auto-immune, immunodépression
- Antécédents médico-chirurgicaux familiaux : affection héréditaire
- Traitement médicamenteux en cours ou récent, à la recherche d’une notion de toxicité médicamenteuse
- Motif de consultation :
- Soit découverte fortuite
- soit symptomatologie : le malade consulte pour douleurs (caractères), sensation de picotement, gêne, brulure, changement de coloration de la muqueuse…
- HDLM
- Date d’apparition (récent en ancien)
- Mode d’évolution (aigue chronique)
- Circonstances d’apparition (facteurs déclenchants)
- Traitements entrepris et résultats après traitement
- Présence de lésions cutanées
- Signes accompagnateurs :
- Signes fonctionnels locaux : douleur, gêne à l’élocution, dysphagie, saignement…
- Signes généraux: asthénie, amaigrissement, fièvre….
- Habitudes alcoolo-tabagiques (durée et quantité, mode d’usage).
- L’interrogatoire pourra être ensuite repris, complété et réorienté en fonction de l’examen clinique.
- Examen clinique :
Examen exobuccal :
- Asymétrie en rapport avec une tuméfaction
- Présence d’autres lésions associées : à localisation cutanée, péri-orale, ou oculaire
- Hypoesthésie labio-mentonnière (Lésion maligne)
- Examen des aires ganglionnaires : ADP (Siege, nombre, volume, consistance, mobilité)
- Evaluation de l’amplitude de l’ouverture buccale
Examen endobuccal :
- Evaluer notamment l’hygiène bucco-dentaire (halitose)
- Examen minutieux de la denture : mobilités dentaires; une épine irritative, une restauration débordante traumatisante…
- Etat des prothèses conjointes et adjointes (stabilité, adaptation des crochés, occlusion…)
- Examen des muqueuses orales
- Examen de la lésion intra-orale :
- Inspection:
- sa localisation;
- sa taille et son extension;
- sa couleur (les lésions fines sont plutôt opalines, les lésions épaisses sont neigeuses, les lésions macérées sont plutôt grisâtres alors que les lésions anciennes peuvent être jaunâtres ou brunâtres);
- son aspect (homogène ou inhomogène);
- sa forme (régulière ou non), revêtant un aspect bourgeonnant, linéaire, punctiforme ou en nappe;
- ses bords (limitée ou diffuse);
- lésions associées: l’érythème, l’érosion, l’ulcération, la bulle, la végétation, voire la pigmentation;
- nombre (unique ou multiples).
- Palpation:
- douleur, la consistance, la notion d’induration et de saignement provoqué;
- détachable ou non (par raclage à l’abaisse langue).
Examen général :
Aussi, l’examen clinique bucco-maxillo-facial doit être impérativement suivi d’un examen dermatologique (peau, ongles, replis cutanés) à la recherche d’autres lésions.
- Examens complémentaires : L’anamnèse et l’examen clinique permettent de limiter les examens complémentaires. Ils seront demandés au cas par cas selon le diagnostic envisagé.
Biopsie :
- Petites lésions : biopsie excisionnelle ou biopsie-exérèse intéressant la totalité de la lésion.
- Lésions plus importantes : Biopsie incisionnelle « faite à cheval sur la zone saine et sur la zone suspecte ».
Cytologie exfoliative :
C’est une méthode non agressive est facile à exécuter et donne des résultats rapides.
- Le prélèvement est effectué avec un écouvillon ou une spatule par grattage suffisamment profond, sans faire saigner toutefois.
- Le produit recueilli est étalé sur lames soigneusement dégraissées, en évitant d’écraser les cellules.
Coloration au bleu de Toluidine :
C’est un moyen de coloration des lésions suspectes, à la fois comme une aide au dépistage, mais également comme un moyen de marquer les limites nettes des lésions avec exérèse chirurgicale.
Cytobrosse :
Cette technique serait plus efficace que la cytologie classique puisqu’elle permet de prélever des couches plus profondes de l’épithélium.
Visualisation par fluorescence :
- les tissus buccaux sains : absorbent l’énergie lumineuse pour l’émettre sous forme
d’autofluorescence : lumière vert pâle.
- les tissus altérés atténuent le passage de la lumière et prennent un aspect brun foncé à noir (perte de fluorescence).
Etude clinique :
Les données de l’interrogatoire et des différents examens (clinique et examens complémentaires), nous permettent d’évoquer et discuter différents diagnostics étiologiques.
On distingue:
- Les lésions blanches non pathologiques souvent liées à des variations anatomiques ;
- Les lésions blanches pathologiques non kératosiques: lésions généralement transitoires, de courte durée, détachables au grattage.
- Les lésions blanches pathologiques kératosiques: lésions souvent chroniques, non détachables au grattage, qui peuvent évoluer sur une période de plusieurs mois ou de plusieurs années.
- Lésions blanches non kératosiques (Fausses lésions blanches) :
Variations anatomiques normales :
- Linea alba (ligne blanche):
Il s’agit d’un reliquat embryonnaire se manifestant par une ligne en relief horizontale au niveau du plan de morsure et s’étend de la commissure labiale à la 3e molaire.
- Grains de Fordyce :
C’est des petites granulations jaunâtres ou blanchâtres légèrement saillantes, bien circonscrites et siégeant à la face interne des joues ou sur la semi-muqueuse des lèvres.
Elles correspondent à une hétérotopie des glandes sébacées.
Tics de mordillement (morsicatio buccarum) :
Il s’observe chez des personnes anxieuses, qui se mordillent la muqueuse jugale ou labiale.
Ceci entraine un arrachage des couches épithéliales donnant un aspect blanchâtre et irrégulier avec desquamation épithéliale.
Il ne s’agit pas de kératose, mais d’une simple dilacération de la couche cornée dépourvue de risque.
Candidose aiguë « muguet » :
- C’est une lésion blanche, facilement détachable au grattage, laissant en place une muqueuse érythémateuse.
- Des efflorescences et de dépôts blanchâtres ou blanc jaunâtres plus ou moins épaisses, d’aspect crémeux, confluent en nappes réalisant un aspect de lait coagulé.
- Elle est atteint surtout les nourrissons et les jeunes enfants.
- Elle est favorisée par une antibiothérapie ou une corticothérapie prolongée, ainsi que par certains états pathologiques (diabète, leucémies, HIV, …).
Autres :
- Traumatisme:
Des lésions érythémato-érosives recouvertes de pseudomembranes peuvent être dues à des traumatismes:
- en particulier physiques (brûlures);
- chimiques dues à des caustiques (produits professionnels, produits chimiques agricoles).
- des médicaments sont parfois responsables : aspirine, antiseptiques (surtout l’iode).
- Toutes les causes des lésions vésiculeuses ou bulleuses aiguës sont responsables de lésions pseudomembraneuses, en particulier, l’érythème polymorphe et le syndrome de Stevens- Johnson.
- Lésions blanches kératosiques (lésions blanches vraies):
Kératoses de type réactionnel :
- Kératoses d’origine traumatique :
Les traumatismes mécaniques chroniques, fréquents au sein de la cavité buccale, peuvent engendrer la formation de kératoses, lésions blanches, dont l’aspect est plus ou moins régulier, accompagnées ou non d’un érythème ou d’une ulcération.
L’examen clinique permet de poser facilement le diagnostic, sans recourir aux examens complémentaires, et d’identifier l’étiologie qui peut être:
- une prothèse dentaire mal adaptée et traumatisante;
- une dent fracturée ou cariée;
- un tic de morsure et d’aspiration (joues: le morsicatio buccarum, lèvres: le morsicatio labiorum).
Le traitement est causal, par suppression de l’agent causal.
- Leucoplasies :
« Une lésion d’aspect prédominant blanc de la muqueuse orale, et ne correspondant à aucune autre entité nosologique connue ; il s’agit d’une réelle lésion précancéreuse» avec l’absence ou l’exclusion de tout facteur étiologique (la leucoplasie est dite idiopathique dans ce cas), hormis la consommation de tabac (la leucoplasie est dite tabagique dans ce cas).
Elles ne disparaissent pas au grattage et peuvent revêtir des aspects variés, être homogènes ou inhomogène.
- leucoplasies homogènes : tache d’aspect prédominant blanc uniforme, peu ou pas surélevée, avec une surface hyperkératosique, sans inflammation périlésionnelle.
- leucoplasies inhomogènes : nodule blanchâtre, ou plage verruqueuse toujours blanche, nacrée, avec parfois des fissures, ou lésion combinant un aspect érythémateux à un aspect blanchâtre, au relief et aux bords très irréguliers.
Toutes les leucoplasies sont toujours asymptomatiques ; il n’y a jamais d’adénopathies satellites.
L’apparition d’une douleur, d’une adénopathie satellite, d’une modification de la texture, de l’aspect, du relief ou de l’étendue de la lésion doit faire évoquer une dégénérescence maligne. Le risque de transformation maligne est proportionnel à la sévérité de la dysplasie.
Leucoplasies ou Kératoses tabagiques :
Ces kératoses qui représentent les « lésions à risque » les plus fréquentes sont dues aux goudrons et substances cancérigènes dont les nitrosamines et le benzopyrène présents dans la fumée.
La topographie des lésions varie en fonction du mode de la consommation du tabac.
- Kératoses du fumeur de cigarettes :
- la kératose en pastille correspond au bout de la cigarette tenue entre les lèvres. C’est une macule opaline centrée sur la zone de contact.
- la kératose tabagique rétrocommissurale, parfois prolongée sur la joue.
- une kératose pelvilinguale sur le bord et la face < de la langue.
- le « palais de fumeur », aspect opalin sur lequel tranchent des points rouges correspondant aux orifices excréteurs des glandes salivaires palatines.
- l’ « ouranite glandulaire » est une forme majeure du palais de fumeur, marquée par une kératose plus épaisse, blanche et parquetée du palais dur, avec des petits nodules saillants centres par un orifice glandulaire rouge et élargi.
- Kératose de la chique de tabac:
Placée durant des heures dans le vestibule, la chique de tabac entraine l’apparition d’une kératose focale mal limitée intéressant le versant vestibulaire de la gencive, d’abord fine mais qui peut s’épaissir et devenir verruqueuse, évoluant plutôt vers un carcinome verruqueux.
Conduite à Tenir :
- La prise en charge d’une leucoplasie impose d’avoir évalué l’existence d’une dysplasie et sa sévérité. Une biopsie est donc indispensable devant toute leucoplasie. Le traitement curatif de la leucoplasie n’est pas indispensable s’il n’existe pas de dysplasie histologique.
- Comme l’évolution clinique peut se manifester par une régression, par une modification lésionnelle mais aussi par une dégénérescence, un suivi clinique et, dès que nécessaire, histologique, est indispensable.
- La leucoplasie homogène ne dégénère quasi jamais .Les lésions inhomogènes dégénèrent en fonction de leur aspect, de leur localisation.
- En cas de dysplasie sévère (OIN III) et un carcinome in situ, le traitement doit être l’exérèse chirurgicale avec vérification histologique de cette exérèse.
- En cas de dysplasie légère (OIN I ) ou modérée (OIN II), une destruction par une méthode aveugle (laser, cryochirurgie) est possible ; un traitement médicamenteux (ex: rétinoïdes) a été proposé.
Pour les kératoses tabagiques :
- Le traitement consiste à tenter d’obtenir la suppression du tabac, en expliquant au patient les risques qu’il court.
- Le sevrage tabagique provoque généralement la résolution, mais les kératoses anciennes et épaisses mettront des années à régresser, et le risque de cancer ne diminuera que très progressivement.
- En absence d’une régression lésionnelle après élimination du tabac, une biopsie s’imposera.
- Que l’arrêt du tabac soit obtenu, ou que le patient continue de fumer, il est nécessaire d’exercer une surveillance clinique à vie au moins 1 ou 2 fois/an, et de la compléter par des biopsies dès que se produisent des modifications pouvant faire suspecter une transformation néoplasique.
- Kératoses d’origine actinique :
La chéilite actinique est caractérisée par des lésions hyperkératosiques. Elle est due à l’exposition prolongée au soleil, du bord rouge de la lèvre <, où la pigmentation mélanique est faible.
Initialement apparaît une macule érythémateuse de surface irrégulière, non indurée. Des croûtes se forment par hyperkératinisation et leur arrachement est responsable d’hémorragies punctiformes.
La dégénérescence maligne peut survenir.
La prévention est nécessaire : abstention d’exposition solaire intense ou répétée et application de crèmes « écran solaire ».
Prise en charge :
- L’éducation des patients concernant l’arrêt de comportements potentiellement causatifs, comme le léchage des lèvres.
- Utilisation de vaseline topique entraîne habituellement une résolution.
- Le traitement peut être médicamenteux (ex: d’onguent (crème) à l’acide salicylique…).
- Leucœdème :
Il s’agit d’un voile opalescent ou blanc-grisâtre de la muqueuse jugale qui a un aspect finement plissé. Plus fréquent au sein de la race noire et chez les jeunes, le leucœdème est lié à la consommation tabagique.
Il correspond à une légère augmentation d’épaisseur de l’épithélium et à un œdème intercellulaire.
On distingue des formes sévères, modérées et frustes ; si les 2 premières formes peuvent être considérées comme étant des leucoplasies, les formes frustes représentent plutôt une variante de la muqueuse buccale normale.
Kératoses d’origine toxique :
- Réactions lichénoïdes :
Ce sont en principe des kératoses induites par l’effet local ou général d’une substance chimique (ex: alcool, médicament).
Les réactions lichénoïdes sont ainsi nommées en raison de la similitude, à la fois cliniquement et histologiquement, au lichen plan.
Les produits incriminés sont les suivants :
- La consommation alcoolique.
- Les médicaments les plus fréquemment en cause sont:
Les antipaludéens de synthèse, les antidépresseurs, les médicaments prescrits pour la polyarthrite rhumatoïde (sels d’or, D-pénicillamine), certains antituberculeux, des antihypertenseurs (ex: diurétiques), des médicaments hypoglycémiants, des AINS, l’allopurinol (pour soigner la maladie goutteuse), etc.
- Des matériaux de restaurations dentaires : le mercure, l’or, le chrome et le sulfate de cuivre (lésions lichénoïdes localisées). Plus récemment, des réactions lichénoïdes aux matériaux composites ont été signalées.
CAT:
- Les lésions ont tendance à disparaître quand la médication est supprimée.
- Dans le cas d’une réaction à l’amalgame, le test de patch détecte souvent une hypersensibilité au mercure. Le remplacement des restaurations à l’amalgame par un matériau alternatif entraînera la résolution des lésions de la muqueuse en quelques semaines.
- Radiomucite chronique :
Outre la fibrose, les télangiectasies et l’atrophie épithéliale, la radiomucite chronique s’accompagne souvent d’une kératose d’épaisseur inégale.
Un cancer radio-induit peut apparaitre tardivement, un sarcome plus souvent qu’un carcinome.
Kératoses liées à des affections dermatologiques et immunologiques :
- Lichen plan :
Le lichen plan (LP) est une maladie inflammatoire d’évolution chronique et récidivante, généralement bénigne, atteignant la peau, les phanères et les muqueuses malpighiennes.
Le lichen plan buccal (LPB) est la forme muqueuse la plus fréquente. Il survient plus chez la ♀ (30 à 70 ans).
Les données de la littérature orientent vers l’origine autoimmune du LP, mais le processus inflammatoire et les interactions cellulaires conduisant au développement des lésions de LPB restent obscurs.
Plusieurs aspects cliniques:
- non kératosique (érosif et bulleux), le moins fréquent,
- des formes kératosiques (réticulée, papuleuse, en plaques leucoplasiforme, atrophique). Chez un même patient plusieurs aspects cliniques coexistent fréquemment.
Les lésions de lichen plan kératosique sont habituellement asymptomatiques ; il existe parfois une sensation de brûlure ou un goût métallique en bouche mais les douleurs (habituelles dans les formes érosives) sont exceptionnelles.
Dans les formes typiques et classiques, le diagnostic est clinique. Le diagnostic histologique sur biopsie est cependant souvent impérieux, pour exclure une dégénérescence ou tout autre diagnostic de kératose ou leucoplasie.
En 1997, l’OMS a classé le LPB dans les états précancéreux. Une surveillance rigoureuse est donc nécessaire (suivi clinique bisannuel).
Les options thérapeutiques et la PEC sont essentiellement symptomatiques, voire palliatives.
Les décisions thérapeutiques sont discutées en fonction de la forme clinique et de la sévérité de la maladie :
- Le lichen buccal asymptomatique (réticulé) ne nécessite qu’une simple surveillance.
- Pour le LPB isolé, récent et peu actif: corticothérapie topique en BB et/ou en tamponnements avec des gels corticoïdes plus concentrés.
- Devant des lésions anciennes, actives et diffuses (lichen érosif, érythémateux) ou ne répondant pas aux thérapeutiques locales, une corticothérapie générale (Cortancyl, 1 mg/kg/j) est utilisée.
- Psoriasis :
C’est une dermatose chronique, inflammatoire, rangée parmi les affections érythématosquameuses.
Le psoriasis est une affection génétique aux aspects cutanés variés, notamment au niveau du visage, et susceptible de s’accompagner de manifestations articulaires (polyarthrite psoriasique).
La lésion blanche du psoriasis est évoquée devant :
- des kératoses en plaques, grises ou jaunâtres;
- une « langue géographique ».
L’association à un psoriasis cutané est habituel : lésion cutanée élémentaire: une macule rouge, nettement limitée, surchargée d’une épaisseur importante de squames..
Le diagnostic est confirmé par l’histologie qui est celle d’un psoriasis typique.
Il n’y a pas de traitement spécifique du psoriasis buccal. La corticothérapie locale permet la disparition des lésions buccales.
- Lupus érythémateux disséminé LED:
LED est un syndrome clinique multisystémique caractérisé par des lésions inflammatoires de nombreux tissus et organes avec une prédominance féminine.
On suspecte une lésion blanche du lupus devant une lésion qui présente une zone centrale atrophique érythémateuse, et une bordure périphérique kératosique formée de stries blanchâtres radiaires, avec des localisations principalement labio-jugales.
Souvent les lésions sont asymptomatiques et une abstention thérapeutique est tout à fait licite.
On peut, si les lésions buccales sont gênantes (érosions), prescrire une petite corticothérapie locale (Buccobet®).
- Maladie homologue (réaction du greffon contre l’hôte) RGCH :
C’est une complication qui survient à la suite de l’allogreffe de moelle osseuse après de fortes doses de chimiothérapie (et éventuellement une irradiation corporelle totale).
La RGCH chronique peut survenir des mois ou des années après une allogreffe de moelle ou peut suivre une forme aiguë de RGCH. Elle donne des lésions cutanées et muqueuses (conjonctivales, buccales, digestives), une insuffisance pulmonaire, une hépatite chronique, une altération de l’état général, et éventuellement des infections bactériennes à rechute parfois fatales.
- Les lésions Cutanées : lichénoïdes, légèrement prurigineuses ou semblables à celles des
sclérodermies systémiques,
- Lésions Buccales ; semblables à celles du lichen plan, mais à limites moins nettes. Les lésions buccales sont semblables à celles du lichen plan, mais à limites moins nettes.
Kératoses congénitales et héréditaires :
- Nævus blanc spongieux : White sponge navus :
Le WSN (hamartome spongieux muqueux), transmis sur le mode dominant autosomique n’est pas vraiment rare.
La lésion est le plus souvent diagnostiquée chez l’adolescent ou le jeune adulte.
La muqueuse jugale, site de prédilection de l’affection, prend un aspect blanc-gris, légèrement plicaturé, semblable à un voile opalescent. La souplesse de cette muqueuse est cependant normale. Les taches blanches, légèrement surélevées, se détachent au grattage, s/forme de squames, laissant apparaître au-dessous une sous muqueuse intacte.
Le diagnostic est basé sur la clinique et l‘interrogatoire, en particulier l’implication d’autres membres de la famille.
Il n’y a pas de traitement, la lésion ne présentant à long terme aucune modification.
- Dyskératose congénitale ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole :
La dyskératose est une maladie très rare, caractérisée, au niveau buccal, par l’apparition de lésions leucoplasiques non spécifiques et survient le plus souvent entre les âges de 5 et 14 ans.
Les papilles linguales s’atrophient, ainsi que la muqueuse buccale qui, à la longue, s’épaissit, se fissure et prend un aspect opalescent. Des zones érythroplasiques peuvent être retrouvées adjacentes aux taches blanches buccales.
La dégénérescence maligne des lésions buccales est très fréquente et survient en moyenne 10 à 15 ans plus tard. Il n’y a pas de traitement connu.
Kératoses d’origine infectieuse :
- Kératoses d’origine mycosiques : Candidoses chroniques :
La candidose chronique est une kératose nodulaire. Elle se présente comme une plaque ferme surélevée blanche, très adhérente, entourée d’un érythème; elle siège habituellement sur la muqueuse jugale en rétrocommissurale, ou au dos de la langue.
L’histologie confirme le diagnostic et met en évidence une hyperparakératose avec présence de candida dans les couches profondes de l’épithélium.
- Kératoses d’origine virale: Leucoplasie orale chevelue (Oral hairy leukoplakia) :
Elle se manifeste par une plage blanche striée, sur les faces latérales de la langue qui ne se détache pas au grattage te peut s’étendre à d’autres régions orales.
Cette leucoplasie n’est spécifique à l’infection par VIH mais peut s’observer dans tout syndrome d’immunodépression.
Elle correspond à une réactivation du virus EBV : Epstein Barr virus.
- Kératoses d’origine bactérienne (rares de nos jours) : Syphilis :
Au cours de la syphilis secondaire on peut observer des « plaques muqueuses » érythémateuses parfois recouvertes d’une pellicule fine et adhérente, de teinte blanchâtre ou opaline.
La syphilis tertiaire s’accompagne fréquemment d’une glossite sclérosante superficielle où la muqueuse, érythémateuse et dépapillée, se kératinise secondairement. Ces nappes blanchâtres ont un aspect leucoplasiforme plus ou moins étendu et épais.
Tuberculose :
La tuberculose verruqueuse, avec ses aspects blanchâtres aspécifiques, est exceptionnelle et ne constitue qu’une des manifestations possibles de la rare tuberculose buccale.
Kératoses malignes : Kératoses dysplasiques, carcinome in situ et Kératoses des tumeurs :
- Kératoses dysplasiques :
Ce sont les diverses lésions blanches « à risque » qui évoluent de manière constante ou non vers la transformation maligne.
Elles ont, pour la plupart, déjà été évoquées: le lichen plan atrophique et érosif, le lupus érythémateux chronique, la cheilite kératosique et érosive, la kératose réactionnelle, la leucoplasie, la glossite syphilitique, l’hyperplasie candidosique chronique. Elles font potentiellement le lit du carcinome épidermoïde buccal.
Il est admis que la dysplasie épithéliale buccale, un marqueur histopathologique de lésion précancéreuse, évolue régulièrement vers le carcinome épidermoïde.
- Papillomatose buccale floride :
Elle est d’origine virale (papillomavirus HPV) et peut dégénérer en carcinome verruqueux, voire en carcinome infiltrant.
Les touffes de fines villosités blanchâtres, voire rosées, plus ou moins allongées, sont groupées en placards bien limités, légèrement en relief. Les lésions restent souples et non infiltrées. Elles sont entourées d’une muqueuse le plus souvent kératosique.
- Carcinome in situ :
C’est un carcinome qui a une extension strictement intra-épithéliale, sans envahissement de la membrane basale. Il doit être distingué du carcinome microinvasif où les îlots tumoraux sont déjà présents sous la membrane basale.
La notion de consommation alcoolotabagique est presque toujours présente, ♂ ++.
La localisation la plus fréquente est la lèvre rouge, la lésion a le plus souvent un aspect leucoplasique, elle n’est pas infiltrée mais souvent douloureuse.
Le diagnostic est histologique.
Traitement: exérèse complète, jusqu’à arriver en marges saines, une surveillance de type carcinologique suffit, avec éviction des facteurs favorisants.
- Carcinome épidermoïde :
IL peut se présenter cliniquement sous l’aspect d’une kératose plus ou moins étendue et régulière, mais non ulcérée.
L’induration tumorale perçue à la palpation permet généralement de faire le diagnostic, mais elle peut faire défaut si le carcinome est encore très superficiel.
- Carcinome verruqueux :
Cette forme se présente habituellement sous la forme d’une lésion papillomateuse superficielle, blanche et kératosique.
Traitement : Informer et sensibiliser le patient
Conclusion :
L’importance de diagnostiquer une lésion blanche est liée au caractère précancéreux de nombreuses kératoses, d’où l’intérêt :
- d’un examen systématique de toute la muqueuse buccale pour chaque nouveau patient consultant pour la première fois.
- de savoir analyser cette lésion.
- d’informer le patient sur la nature de sa lésion surtout pour qu’il coopère avec : arrêt du tabac, corriger son hygiène bucco-dentaire et remettre en état sa cavité buccale.
- d’une surveillance régulière et prolongée.
En ce sens, le médecin dentiste se trouve souvent en première ligne dans le dépistage et la prévention de certaines pathologies buccales : le premier maillon de la chaîne thérapeutique.
Annexe : « Lésions blanches de la muqueuse buccale » Dr Benyahia
Lésions blanches non kératosiques (Fausses lésions blanches) :
- Linea alba (ligne blanche):
- Grains de Fordyce :
- Tics de mordillement (morsicatio buccarum) :
- Candidose aiguë « muguet » :
- Traumatisme :
Lésions blanches kératosiques (lésions blanches vraies):
Kératoses de type réactionnel :
- Kératoses traumatiques :
- Les leucoplasies :
Leucoplasie homogène leucoplasie inhomogène
- Kératoses tabagiques :
– Kératoses du fumeur de cigarettes :
– Kératose de la chique de tabac :
- Kératoses d’origine actinique :
- Leucœdème :
Kératoses d’origine toxique :
- Réactions lichénoide :
Radiomucite chronique :
Kératoses liée à des affections dermatologiques et immunologiques :
- Lichen plan :
- Psoriasis :
- Lupus érythémateux discoïde :
- Maladie homologue (réaction du greffon contre l’hôte) :
Kératoses congénitales et héréditaires :
- White sponge navus
- Dyskératose congénitale ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole
Kératoses d’origine infectieuse :
- Kératoses d’origine mycosique : candidoses chroniques
- Kératoses d’origine virale: Leucoplasie orale chevelue :
- Kératoses d’origine bactérienne : Syphilis
Kératoses malignes :
- Papillomatose orale floride :
- Carcinome épidermoïde :
- Carcinome verruqueux :
Les lésions blanches de la muqueuse buccale
Voici une sélection de livres:
Parodontologie Relié – 1 novembre 2005
Guide pratique de chirurgie parodontale Broché – 19 octobre 2011
Parodontologie Broché – 19 septembre 1996
MEDECINE ORALE ET CHIRURGIE ORALE PARODONTOLOGIE
Parodontologie: Le contrôle du facteur bactérien par le practicien et par le patient
Parodontologie clinique: Dentisterie implantaire, traitements et santé
Parodontologie & Dentisterie implantaire : Volume 1
Endodontie, prothese et parodontologie
La parodontologie tout simplement Broché – Grand livre, 1 juillet 2020
Les lésions blanches de la muqueuse buccale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.