Les Kystes des Maxillaires

Les Kystes des Maxillaires

Les Kystes des Maxillaires

Introduction

Très dissemblables sur les plans étiopathogénique, diagnostique et évolutif, les kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires sont des lésions relativement fréquentes, elles sont d’une grande diversité.


1. Définitions

De nombreuses définitions des kystes ont été proposées ; nous retenons celle de Schear (1983) :
“Un kyste est une cavité pathologique qui présente un contenu liquide, semi-liquide, ou aérique et qui n’est pas créé par l’accumulation de pus. Il est bordé par un épithélium qui peut être soit continu soit discontinu.”


2. Classification

Les kystes des maxillaires sont des lésions intraosseuses, odontogéniques et non odontogéniques, possédant une structure histologique particulière caractérisée par la présence d’une enveloppe épithéliale, kératinisée ou non, et un contenu liquide ou semi-liquide.

2.1. Kystes Épithéliaux Odontogéniques

  • Dérivent de l’épithélium odontogénique.
  • Trois réservoirs d’épithélium odontogénique sont identifiés :
    • Les restes épithéliaux de Malassez,
    • L’épithélium adamantin réduit,
    • Les résidus de la lame dentaire.

2.1.1. Kyste Gingival du Nouveau-Né : “Perle d’Epstein”

  • Origine : Issu de la dégénérescence kystique des restes de la lame dentaire.
  • Clinique : Asymptomatique, sous forme de nodules gingivaux blanchâtres ou jaunâtres, de quelques millimètres, souvent multiples, situés habituellement sur la crête gingivale, de la naissance jusqu’à l’âge de 3 mois.
  • Radiologie : Aucune traduction radiologique.
  • Traitement : Pas de traitement, disparition spontanée par exfoliation en quelques mois.

2.1.2. Kyste Gingival de l’Adulte

  • Origine : Dérive de l’épithélium adamantin réduit après l’éruption de la dent en regard.
  • Fréquence : Peu fréquent, moyenne d’âge de 51 ans.
  • Clinique : Nodule blanchâtre de 1 cm de diamètre, situé sur la crête gingivale, localisation préférentielle en région antérieure.
  • Radiologie : Aucune traduction radiologique.
  • Histologie : Similaire au kyste parodontal latéral, revêtement épithélial malpighien non kératinisé de 2 à 5 assises cellulaires, alternant avec des épaississements en plaques de cellules claires fusiformes.
  • Traitement : Simple incision locale pour vider le contenu kystique, rarement récidivant.

2.1.3. Kyste d’Éruption

  • Origine : Accumulation de liquide dans l’espace sous-gingival entourant une dent en éruption ; peut être un hématome d’éruption si mélangé avec du sang.
  • Clinique : Voussure bleuâtre, consistance ferme ou rénitente, en regard d’une dent prête à faire son éruption.
  • Radiologie : Aucune traduction radiologique.
  • Traitement : Abstention ou simple incision muqueuse pour dégager la dent.
  • Histologie : Épithélium kystique pavimenteux stratifié, non kératinisé, avec infiltrats inflammatoires dus aux microtraumatismes occlusaux.

2.1.4. Kératokyste Odontogénique (Kyste Épidermoïde)

  • Origine : Développe aux dépens des restes de l’épithélium odontogène inclus dans les maxillaires.
  • Fréquence : Représente 14 % des kystes des maxillaires, plus fréquent entre la 3ème et 4ème décennies.
  • Localisation : Préférentiellement la mandibule (angle et ramus) et le maxillaire antérieur.
  • Clinique : Souvent asymptomatique, découverte fortuite lors d’un examen radiographique ; expansion du kyste peut entraîner des déplacements dentaires.
  • Radiologie :
    • Géode mono ou polyfocale, homogène, ronde ou ovale, contour régulier, net, parfois épaissi.
    • Images polygéodiques en “bulles de savon”.
    • Vaste géode unique possible, déformant les corticales amincies, respectant le condyle.
    • Dent incluse parfois présente, à différencier du kyste folliculaire.
  • Diagnostic Différentiel :
    • Kystes inflammatoires (radiculaires, résiduels).
    • Kystes folliculaires (dentigères).
    • Améloblastome (image en “bulles de savon”).
  • Examen Anatomopathologique :
    • Macroscopique : Poche kystique mince, contenu caséeux blanchâtre riche en kératine, parfois nauséabond.
    • Microscopique : Paroi tapissée d’un épithélium pavimenteux kératinisé, couche basale sans digitations acanthosiques.
    • Formes :
      • Parakératosique : Plus fréquente, agressive, taux de récidive élevé.
      • Orthokératosique : Moins fréquente, peu agressive, faible récidive.
  • Traitement :
    • Réputation récidivante nécessite un traitement agressif.
    • Énucléation complète pour les petits kystes, en préservant la paroi fragile.
    • Résection de la muqueuse et du sous-sol osseux en cas d’adhérence.
    • Examen anatomopathologique rigoureux pour exclure une transformation carcinomateuse.
  • Association : Peut être un signe du syndrome de Gorlin-Goltz (névomatose basocellulaire).

Syndrome de Gorlin et Goltz

  • Définition : Maladie héréditaire autosomique dominante, pénétrance complète, expressivité variable, prédisposition aux cancers.
  • Manifestations :
    • Cutanéo-muqueuses : Nævi basocellulaires, dyskératose palmaire, kystes épidermoïdes intradermiques, lipomes, fibromes, neurofibromes, taches pigmentées (muqueuses rares).
    • Maxillo-dentaires :
      • Kératokystes maxillaires.
      • Persistance des dents de lait, retard d’éruption, inclusions/rétentions dentaires, déplacements dentaires.
      • Prognathisme mandibulaire, voûte palatine ogivale, fente labiale/palatine, endognathie.
    • Osseuses :
      • Crânio-faciales : Crâne volumineux, front large/haut, bosses frontales/pariétales.
      • Costales : Côtes bifides, synostosiques, agénésie.
    • Autres : Oculaires, nerveuses, psychiques, génitales, endocriniennes.

2.1.5. Kyste Dentigère (Kyste Folliculaire)

  • Origine : Formé dans l’organe de l’émail d’une dent incluse, par accumulation de liquide entre la couronne et les épithéliums adamantins interne/externe.
  • Types : Central, péricoronaire, latéral, périradiculaire, circulaire (insertion à la limite émail-cément).
  • Âge : Tout âge.
  • Localisation : 3ème molaire mandibulaire, canine maxillaire, 2ème prémolaire mandibulaire ; rare en denture temporaire.
  • Clinique : Asymptomatique sauf en cas d’infection secondaire ; persistance de dents temporaires, absence d’une dent, malpositions dentaires comme indices.
  • Radiologie : Image radioclaire bien circonscrite, monogéodique, entourant la couronne d’une dent incluse ; possible résorption radiculaire ou déplacement important de la dent.
  • Association : Peut être bilatéral/multiple dans des syndromes (dysostose cléidocrânienne, Klippel-Feil, Maroteaux-Lamy).
  • Histologie : Lumière kystique tapissée d’un épithélium à 2 couches, paroi mince de tissu conjonctif lâche, pauvre en collagène.
  • Traitement :
    • Énucléation complète pour éviter la récidive et permettre l’examen histologique.
    • Marsupialisation pour petits kystes autour d’une dent immature, favorisant son éruption spontanée.

2.1.6. Kyste Parodontal Latéral

  • Origine : Développe aux dépens des résidus de la lame dentaire, sans étiologie inflammatoire.
  • Localisation : Latéralement à côté ou entre les racines de dents vitales.
  • Clinique : Asymptomatique, découvert radiologiquement.
  • Radiologie : Radioclarté ronde/ovoïde < 10 mm, uni-/multiloculaire, bien circonscrite par une fine coque osseuse, souvent au tiers supérieur de la racine.
  • Histologie : Revêtement épithélial malpighien non kératinisé, 2 à 5 assises, alternant avec épaississements de cellules claires fusiformes.
  • Traitement : Énucléation.

2.1.7. Kyste Glandulaire Odontogénique (Sialo-Odontogénique)

  • Origine : Nature incertaine, possible variante du kyste parodontal latéral.
  • Fréquence : Légère prédominance masculine, pic vers la 5ème décennie.
  • Localisation : Régions dentées des maxillaires, préférence mandibulaire antérieure.
  • Clinique/Radiologie : Pas de signes spécifiques.
  • Histologie : Épithélium pavimenteux pluristratifié, cellules superficielles cuboïdes (parfois ciliées), cytoplasme éosinophile ; cavités muqueuses dans les couches profondes.
  • Traitement : Énucléation, risque majeur de récidive.

2.2. Kystes Épithéliaux Non Odontogéniques

Anciennement “kystes fissuraires”, dérivent de cellules épithéliales liées au développement maxillo-facial.

2.2.1. Kyste Naso-Palatin

  • Origine : Vestiges de l’épithélium du canal incisif/nasopalatin.
  • Diagnostic :
    • Tuméfaction rétro-incisive, fluctuante, sensible.
    • Dents voisines vivantes.
    • Radiographie : Image ronde/ovoïde entre incisives centrales, parfois en “cœur de carte à jouer”.
  • Diagnostic Différentiel :
    • Kyste inflammatoire odontogénique (dent nécrosée).
    • Kyste nasolabial (pas d’image radiologique).
  • Traitement : Énucléation chirurgicale.

2.2.2. Kyste Nasolabial

  • Origine : Cellules épithéliales de la jonction nasal/maxillaire ou trouble du canal lacrymonasal.
  • Clinique : Tuméfaction de la base du nez et du vestibule nasal.
  • Radiologie : Aucun signe, sauf érosion corticale sur film occlusal.
  • Histologie : Revêtement malpighien avec cellules sécrétantes/ciliées, contenu similaire au kyste apical inflammatoire.
  • Traitement : Énucléation chirurgicale.

2.2.3. Kyste Médian Palatin et Mandibulaire ; Kyste Médian Alvéolaire

  • Localisation : Ligne médiane alvéolaire palatine/mandibulaire.
  • Étiologie : Non établie, possible origine odontogénique.
  • Clinique : Tuméfaction indolore.
  • Radiologie : Image radioclaire bien limitée, bordée d’un liseré de condensation.
  • Traitement : Énucléation chirurgicale, suivi histologique.

2.2.4. Kyste Globulomaxillaire

  • Origine : Restes épithéliaux de la suture incisivo-canine.
  • Clinique : Tuméfaction palatine/vestibulaire indolore, déplace l’incisive latérale et la canine (vitalité conservée), refoule sinus/fosse nasale.
  • Radiologie : Image en “poire renversée” entre incisive latérale et canine maxillaire.
  • Traitement : Énucléation par voie transmuqueuse, ménageant l’apex des dents adjacentes.

2.3. Kystes Inflammatoires

Liés aux complications infectieuses des pulpopathies non traitées. Évolution lente en 3 phases :

  1. Latence : Asymptomatique.
  2. Déformation : Tuméfaction.
  3. Extériorisation/Fistulisation.
  • Radiologie : Image radioclaire homogène, bien limitée, liseré de condensation périphérique.
  • Histologie : Épithélium pavimenteux malpighien non kératinisé, épaisseur variable liée à l’inflammation ; liquide citrin avec cristaux de cholestérol.

2.3.1. Kyste Radiculaire

  • Origine : Germes/toxines de l’endodonte via :
    • Voie apicale → kyste apical.
    • Voie latérale → kyste latéroradiculaire.
  • A. Kyste Radiculaire Apical :
    • Géode unique, arrondie/ovale, homogène, appendue à l’apex d’une dent mortifiée.
    • Taille > 10 mm, liseré de condensation différencie du granulome.
    • Évolution lente, sans guérison spontanée.
  • B. Kyste Radiculaire Latéral : Siège latéral par rapport à la racine.
  • C. Kyste Résiduel :
    • “Kyste oublié”, isolé dans un secteur édenté.
    • Image d’un apex oublié avec kyste en poche, parfois en “carafe”.
  • Traitement : Énucléation chirurgicale + traitement étiologique des dents causales.

2.3.2. Kyste Paradentaire (Collatéral Inflammatoire)

  • Sur dents vivantes, contrairement aux kystes radiculaires.
  • A. Kyste Marginal Postérieur :
    • Collet de la racine distale de la 3ème molaire mandibulaire, sous-muqueux, lié au sac péricoronaire.
    • Radiologie : Image radioclaire en croissant de lune, bien circonscrite, distale/vestibulaire.
    • Histologie : Identique au kyste radiculaire inflammatoire.
  • B. Kyste Mandibulaire de la Furcation Buccale :
    • Chez l’enfant, 1ères/2èmes molaires mandibulaires avant éruption, localisation vestibulaire à la furcation.
    • Histologie : Similaire aux kystes radiculaires, dents vivantes.
  • Traitement : Énucléation chirurgicale.

2.4. Kystes Non Épithéliaux (Pseudokystes)

Non tapissés de membrane épithéliale.

2.4.1. Kyste Osseux Solitaire (Essentiel)

  • Autres noms : Kyste osseux hémorragique, traumatique.
  • Clinique : Tuméfaction buccale/labiale indolore, dents souvent vivantes.
  • Radiologie : Image ostéolytique, bords nets mais irréguliers, corticales minces.
  • Étiologie : Inconnue, possible traumatisme hémorragique ou défaut de différenciation ostéolytique.
  • Traitement : Curetage facultatif des parois (tissu fibreux/granulation pour diagnostic), trépanation induit restauration osseuse en 9-12 mois. Récidives rares.

2.4.2. Kyste Anévrismal

  • Définition : Cavités endo-osseuses uni-/pluriloculaires, sans endothélium, contenu hématique.
  • Localisation : Mandibule (angle et corps).
  • Clinique : Généralement asymptomatique.
  • Radiologie : Image radioclaire, expansions ovoïdes/fusiformes soufflant les corticales.
  • Évolution : Variable (lente/rapide), poussées inflammatoires, risque de fractures/tassements osseux.
  • Traitement : Curetage pour localisations maxillaires, faible récidive.

2.4.3. Lacune de Stafne

  • Origine : Pression des glandes salivaires (sous-maxillaire/sublinguale) ou structures fibreuses/vasculaires sur la corticale linguale mandibulaire.
  • Clinique : Asymptomatique.
  • Radiologie : Image radiotransparente arrondie/ovale (1-3 cm), avant l’angle mandibulaire, sous le canal alvéolaire inférieur, bordée d’ostéocondensation.
  • Traitement : Abstention et surveillance.

Conclusion

Le diagnostic repose sur la clinique, confrontée à l’examen histologique. La chirurgie conservatrice (énucléation/curetage) est souvent indiquée. Le pronostic est généralement favorable, mais le kératokyste, récidivant, impose un traitement agressif et une surveillance attentive.


Bibliographie

  1. Slootweg, Dental Pathology: A Practical Introduction, Pieter J., 2007.
  2. White, Stuart Sc, Oral Radiology, 2000.
  3. Kebir, Ali, Contribution à l’étude des kystes épidermoïdes des maxillaires, Thèse, CHU Alger Centre, 2008.
  4. Thunthy, Kavas H., Dental Radiographic Diagnosis, Louisiana State University, USA.
  5. Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires, EMC-Stomatologie 1, 2005, 42-59.
  6. La chirurgie buccale : nouveaux concepts, 2005.
  7. Clinico-Pathologic Study of Odontogenic Cysts in a Mexican Sample Population, Archives of Medical Research 31, 2000, 373-376.
  8. Misino, J. et al., Kystes solitaires du maxillaire : traitement chirurgical et suivi de six cas, Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2004, 105(6), 317-321.
  9. Carter, Laurie C., Lateral periodontal cyst: Multifactorial analysis, Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod, 1996, 81, 210-6.
  10. Smith, I.M., Odontogenic keratocyst in a 5-year-old child, J. Plastic, Reconstructive & Aesthetic Surgery, 2008, 61, 189-191.
  11. Kato, Hiroki, Nasoalveolar cyst: imaging findings in three cases, Clinical Imaging, 2007, 31, 206-209.
  12. Pogrel, M. Anthony & Jordan, R.C.K., Marsupialization as a Definitive Treatment for the Odontogenic Keratocyst, J. Oral Maxillofac. Surg., 2004, 62, 655-656.
  13. Favre Dauvergne, E. et al., Kystes des maxillaires, EMC 22-062-G-10, 1994.
  14. Sauveur, G. et al., Kyste des maxillaires, EMC 22-062-G-10, 2006.
  15. Favre Dauvergne, E. & Gilbert, F., Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs bénignes des maxillaires, EMC 22-062-K-10, 1996.

Les Kystes des Maxillaires

Voici une sélection de livres:

La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique

Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché

Concepts cliniques en odontologie conservatrice

L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement

Guide clinique d’odontologie

Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve

Les Kystes des Maxillaires

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *