Les infections spécifiques de la muqueuse buccale, Pathologie Bucco Dentaire

Les infections spécifiques de la muqueuse buccale, Pathologie Bucco Dentaire

Les infections spécifiques de la muqueuse buccale, Pathologie Bucco Dentaire

Introduction

Les maladies infectieuses contagieuses, dites spécifiques, qui ont fait des ravages au siècle dernier, ont été presque éradiquées grâce à l’avènement des moyens de prévention et des moyens curatifs. Cependant, une nouvelle épidémie est apparue : l’infection par le VIH, dont la seule arme disponible à ce jour est la prévention.

Définitions

Infection

Une infection est l’invasion d’un organisme vivant par des micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, champignons, parasites).

  • Réservoir : Source des agents pathogènes.
  • Agent pathogène : Micro-organisme responsable de l’infection.
  • Hôte : Organisme infecté.

Infection spécifique

Une infection spécifique est une pathologie causée par un germe spécifique, produisant toujours la même maladie.

La Tuberculose

Définition

La tuberculose est une maladie infectieuse contagieuse causée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis.

Transmission

  • Voie aérienne : Par gouttelettes de Flügge.
  • Voie digestive : Moins fréquente.

Clinique

Primo-infection

  • Premier contact de l’organisme avec le bacille.
  • Localisation fréquente dans les poumons.
  • Diagnostic confirmé par l’intradermoréaction (IDR).
  • Signes généraux : fatigue, amaigrissement, anorexie.

Manifestations buccales

Les manifestations buccales de la tuberculose sont rares.

Chancre d’inoculation

  • Lésion sans caractère particulier.
  • Apparaît au niveau d’une irritation préexistante.
  • Évolue vers une ulcération à fond rouge framboisé, indolore, souple.
  • Siège : gencive postérieure, joue, langue, amygdales.

Adénopathie satellite

  • Parfois le seul signe clinique.
  • Adénopathie volumineuse dans la région sous-maxillaire ou sous-angulo-maxillaire.
  • Évolution en trois stades :
    • Induration.
    • Ramollissement.
    • Fistulisation.

Tuberculose secondaire

Ulcération tuberculeuse
  • Ulcération de 2-3 cm.
  • Contour irrégulier, non induré.
  • Recouverte d’un enduit fibrineux.
  • Très douloureuse.
  • Localisation : langue, lèvre, palais.
Lupus vulgaire
  • Rare.
  • Extension d’une lésion labio-narinaire.
  • Siège : voile du palais, langue.
  • Évolution : muqueuse rougeâtre → petits nodules jaunâtres → ramollissement et ulcération.
Gomme tuberculeuse
  • Très rare en bouche.
  • Localisation exclusive à la langue.
  • Petit nodule mal limité, peu douloureux, qui se ramollit et finit par s’ouvrir.

Ostéite tuberculeuse

  • Fréquente à la mandibule.
  • Tuméfaction dure, douloureuse et fébrile.
  • Adénopathie satellite.
  • Radiographie : image de décalcification.

Tuberculose ganglionnaire

  • Ganglion unique, volumineux, indolore.
  • Localisation : sous-maxillaire ou sous-angulo-maxillaire.
  • Évolution en trois stades : induration, ramollissement, fistulisation.

Tuberculose des glandes salivaires

  • Fréquente à la parotide.
  • Contamination par voie lymphatique ou canalaire.

Tuberculose articulaire

  • Exceptionnelle.

Diagnostic

Diagnostic différentiel

  • Aphte.
  • Ulcération traumatique.
  • Chancre syphilitique.
  • Ulcération secondaire tuberculeuse.

Diagnostic positif

  • Symptomatologie clinique et radiologique.
  • Mise en évidence du bacille de Koch (BK).
  • Intradermoréaction (IDR).

Traitement

Traitement préventif

  • Vaccination BCG.
  • Dépistage.
  • Protection de l’entourage.

Traitement curatif

  • Antibiotiques antituberculeux.
  • Durée : 6 mois.

Précautions en pratique quotidienne

Patient bacillaire

  • Limiter aux soins urgents.
  • Réaliser les soins en milieu hospitalier, en fin de journée.
  • Utiliser la triade de protection : masque, gants, lunettes.
  • Réduire la production d’aérosols.
  • Ventiler l’espace intérieur du cabinet.
  • Stériliser rigoureusement le matériel.

Interactions médicamenteuses à éviter

  • Paracétamol, benzodiazépines + isoniazide : hépatotoxicité.
  • Acide acétylsalicylique, céphalosporines + streptomycine : ototoxic B

Patient non bacillaire

  • S’assurer que le patient n’est pas contagieux.
  • Aucune précaution particulière.

Patient avec antécédent de tuberculose

  • Traiter comme un patient normal.

La Syphilis

Définition

La syphilis est une maladie contagieuse chronique, sexuellement transmissible, causée par Treponema pallidum.

Contamination

  • Voie sexuelle (prédominante).
  • Voie buccale.
  • Voie sanguine.
  • Voie materno-fœtale.

Contagiosité

Maximale pendant les périodes primaire et secondaire.

Étude clinique

Syphilis acquise

Syphilis primaire
Chancre syphilitique typique
  • Érosion plane, indolore, ronde et régulière, de 0,5 à 2 cm de diamètre.
  • Bords plats, fond rouge.
  • Sécrète une sérosité, ne suppure jamais.
  • Induration cartonnée (signe pathognomonique).
  • Cicatrise spontanément en 4-6 semaines.
Adénopathie satellite
  • Apparaît 6-7 jours après le chancre.
  • 4-5 ganglions durs, mobiles, indolores, rarement bilatéraux.
  • Un ganglion est plus volumineux.
  • Exemple : adénopathie sous-mandibulaire pour un chancre de la lèvre inférieure.
ADP sous mandibulaire d’un chancre de la lèvre inférieure
Syphilis secondaire
Manifestations buccales
  • Atteinte fréquente de la muqueuse buccale.
  • Érosions superficielles, arrondies ou ovalaires, de 1 cm de diamètre.
  • Indolores, recouvertes d’un enduit membraneux blanc-jaunâtre.
  • Siège : palais, amygdales, lèvres, commissures, gencive, larynx.
Syphilis tertiaire
Manifestations cutanées
  • Gommes syphilitiques : Tuméfactions multiples, fermes et élastiques, ou uniques, indolores.
  • Syphilum diffus : Forme éléphantiasique des formes précédentes.
Manifestations muqueuses
  • Gommes : Palais mou, langue, lèvres.
  • Glossites atrophiques : Atrophie des papilles, langue lisse.
  • Glossite scléreuse : Langue déformée, lobulée, avec sillons profonds.
  • Syphilides : Papules dures sur une base indurée (lèvres).
  • Leucoplasie syphilitique : Région rétro-commissurale.
Manifestations osseuses
  • Gommes osseuses : Principalement à l’angle mandibulaire.
  • Ostéites : Conduisant à un séquestre.

Syphilis congénitale

  • Résulte de la transmission bactérienne in utero.
  • Caractérisée par :
    • Hypomaxillie.
    • Triade de Hutchinson.

Diagnostic

Diagnostic différentiel

Lèvres
  • Carcinome.
  • Herpès, aphte, brûlure.
  • Perlèche.
  • Ulcération tuberculeuse.
Langue
  • Chancre tuberculeux.
  • Ulcération tuberculeuse.
  • Carcinome épidermoïde.
  • Herpès, érosion traumatique.
Amygdale
  • Angine banale.
  • Carcinome.
Gencive
  • Carcinome.
  • Lupus tuberculeux.
Autres
  • Épithélioma.
  • Maxillaire : tuberculose, ostéite diffusée.

Diagnostic positif

  • Mise en évidence de la bactérie.
  • Tests sérologiques : FTA, TPHA, VDRL.
  • Examen anatomo-pathologique.

Traitement

Traitement préventif

  • Dépistage.

Traitement curatif

  • Pénicilline G.
  • En cas d’allergie : érythromycine, tétracycline.

Précautions en pratique quotidienne

  • Limiter aux soins indispensables.
  • Respecter les mesures de prévention et d’asepsie.
  • Antécédent de syphilis : Rechercher une éventuelle réinfection, examiner attentivement.
  • Suspicion de syphilis : Effectuer les examens nécessaires.
  • Contamination : Traitement abortif immédiat.

Actinomycose Cervico-Faciale

Définition

Maladie infectieuse chronique causée par Actinomyces israelii.

Étiopathogénie

  • Germes saprophytes de la cavité buccale.
  • Pénétration dans l’organisme via :
    • Carie.
    • Extraction dentaire.
    • Amygdalectomie.
    • Plaie muqueuse.
    • Fracture.
Actinomycose, nodules et replis de la muqueuse jugale
Actinomycose, aspect mamelonné et fistule cutanée

Clinique

  • Apparition d’un œdème douloureux, induré.
  • Tuméfaction constituée de plusieurs indurations, évoluant vers la fistulisation à la peau du visage ou de la partie supérieure du cou.
  • Écoulement d’un liquide séro-purulent contenant des grains jaunes.

Selon l’intensité

  • Formes aiguës.
  • Formes subaiguës et chroniques.

Selon le siège

  • Temporo-masséterine.
  • Actinomycose des glandes salivaires.
  • Actinomycose des maxillaires.

Diagnostic

Diagnostic différentiel

  • Affections inflammatoires non mycosiques.
  • Tumeurs malignes.
  • Affections mycosiques apparentées.

Diagnostic positif

  • Examen direct à la recherche des grains jaunes.
  • Biopsie.

Traitement

Prophylactique

  • Hygiène bucco-dentaire.
  • Traitement des caries et de toute porte d’entrée de l’infection.

Curatif

  • Médical : Iodure de potassium, antibiotiques associés ou non.
  • Chirurgical : Traitement de la porte d’entrée, incision et drainage des abcès, curetage du tissu nécrosé.

Infection VIH et SIDA

Définition

Pathologie provoquée par un rétrovirus, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) est l’expression terminale de la destruction progressive du système immunitaire. Il est important de distinguer l’infection par le VIH du SIDA, ce dernier étant la forme majeure et terminale.

Transmission

  • Voie sexuelle.
  • Voie sanguine :
    • Transfusion.
    • Piqûre accidentelle.
    • Toxicomanie.
  • Transmission materno-fœtale.

Manifestations buccales

  • 25 % des patients infectés par le VIH présentent au moins une lésion buccale.
  • Classification basée sur la prévalence des lésions :
    • Lésions fortement associées.
    • Lésions souvent associées.
    • Lésions pouvant être associées.

Lésions fortement associées

Candidoses
  • Candidoses érythémateuses :
    • Lésions rouges, brûlures.
    • Siège : palais, face dorsale de la langue.
  • Candidoses pseudo-membraneuses :
    • Plaques blanches détachables, hémorragiques.
    • Siège : langue, palais, lèvres.
  • Prévalence : 50 % des patients VIH.
  • Diagnostic basé sur :
    • Aspect clinique.
    • Antécédents médicaux.
    • Statut virologique.
  • Chez les sujets jeunes, ces candidoses doivent faire suspecter une immunodéficience sévère (VIH).
  • Traitement :
    • Réduire l’inconfort.
    • Limiter la diffusion vers l’œsophage.
    • Médicaments : bitriazolés, chlorhexidine, polyènes.

Chéilite angulaire
  • Rouge, constituée de croûtes fissurées, plus ou moins ulcérées.
  • Douloureuse.
Gingivite et gingivostomatite ulcéro-nécrotique
  • Persistantes, récidivantes.
  • Réagissent difficilement au traitement.
  • Lésions érythémateuses ou ulcéro-nécrosantes.
  • Peuvent apparaître même avec une numération correcte des globules blancs (HBD).
Parodontite nécrotique aiguë
  • Chez les sujets jeunes.
  • HBD correct.
  • Siège : région incisivo-canine et molaire.
  • Destruction rapide.
Leucoplasie chevelue
  • Crête blanchâtre, kératosique, avec filaments (aspect chevelu).
  • Indolore, non détachable.
  • Associée au virus Epstein-Barr.
Maladie de Kaposi
  • Localisation palatine.
  • Asymptomatique.
  • Papulaire ou nodulaire, rouge, bleue ou mauve.
  • Traitement : chirurgie et/ou chimiothérapie, selon la lésion.
Lymphome non hodgkinien
  • Aspect tumoral.
  • Boursouflure, parfois ulcération de la muqueuse buccale.
Lésion carcinomateuse
  • Siège : langue, plancher.
  • Chez les sujets jeunes.
  • Absence de facteurs étiologiques.

Lésions souvent associées

Infections bactériennes et virales
  • Lésions herpétiques :
    • Plus fréquentes chez les porteurs du VIH.
    • Importantes, récidivantes, prolongées.
    • Durée > 1 mois : critère définissant le SIDA.
  • Gingivostomatites herpétiques :
    • Lésions étendues, sévères, prolongées.
    • Siège : palais, lèvres.
    • Très profondes et douloureuses.
  • Papillome :
    • Petite lésion verruqueuse.
    • Siège : commissure labiale, bords de la langue.
  • Zona et varicelle :
    • Lésion élémentaire banale, souvent étendue.
    • Siège : région cervico-faciale (nerfs VII, V, IX).
Autres manifestations
  • Aphtes :
    • Aphtes géants, récidivants, extrêmement douloureux.
  • Érosions et ulcérations :
    • Récidivantes, résistantes au traitement.

Lésions pouvant être associées

  • Infectieuses : Actinomyces israelii, CMV.
  • Neurologiques : Névralgie du trijumeau, paralysie faciale.

Manifestations buccales d’origine thérapeutique

  • Xérostomie.
  • Mucites.
  • Dysgueusie.
  • Réactions lichenoïdes.

Traitement

  • Trithérapie :
    • Inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse.
    • Inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse.
    • Inhibiteur de la protéase.

Précautions en pratique quotidienne

  • Respecter les recommandations universelles d’hygiène et d’asepsie stricte :
    • Protéger toute plaie.
    • Se laver les mains immédiatement après contact avec des liquides potentiellement contaminants et après chaque soin.
    • Manipuler avec précaution les instruments pointus ou tranchants.
    • Ne jamais plier ou récapuchonner les aiguilles à la main.
    • Jeter les aiguilles et instruments piquants dans un conteneur imperforable.
    • Décontaminer immédiatement les instruments et surfaces souillées avec de l’eau de Javel fraîchement diluée à 10 %.
    • Préférer les instruments à usage unique.
    • Placer les matériels à éliminer dans des emballages étanches marqués.
    • Fixer les rendez-vous en fin de journée pour réduire le risque de contamination croisée.
  • Inviter les patients à risque à être évalués médicalement et à réaliser un test de dépistage.
  • En cas de doute, considérer tous les patients comme potentiellement infectés et contagieux, et appliquer les précautions ci-dessus.

En cas d’accident d’exposition au sang

  • Ne pas faire saigner la blessure.
  • Nettoyer à l’eau et au savon, puis rincer.
  • Désinfecter au Dakin ou à l’eau de Javel 2,6 % diluée à 1/15 (5 min).
  • Sécher.
  • Protéger la blessure.
  • Déclarer l’accident dans les 24 heures en médecine du travail.
  • Suivi sérologique et médical.

Conclusion

La prise en charge d’un patient atteint d’une infection spécifique nécessite une connaissance approfondie de ces pathologies, de leurs expressions buccales, de leur identification clinique et de leurs modalités thérapeutiques. Le rôle du stomatologiste consiste à détecter précocement ces infections, à les traiter rapidement et à prendre garde aux risques de transmission.

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