Les infections spécifiques de la muqueuse buccale
Tuberculose
Diagnostic de la tuberculose
Interprétation de l’IDR à la tuberculine
- L’IDR à la tuberculine est souvent difficile à interpréter chez les personnes vaccinées par le BCG, car elle est fréquemment positive.
- Elle n’a de valeur que dans les cas suivants :
- Personne non vaccinée.
- Réaction phlycténulaire.
- Augmentation du diamètre de la zone d’induration de plus de 5 mm par rapport à une IDR antérieure.
- Une IDR négative chez une personne immunodéprimée n’a pas de valeur diagnostique.
- Les lésions pulmonaires sont recherchées par :
- Radiologie.
- Tomodensitométrie pulmonaire.
Tuberculose latente
- Les Interferon-Gamma Release Assays (IGRAs) sont des tests diagnostiques pour l’infection tuberculeuse latente.
- Le test QuantiFERON® évalue la réponse immunitaire contre la tuberculose en mesurant la production d’interféron gamma par les leucocytes exposés aux antigènes de la tuberculose dans le sang.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel de la tuberculose se fait avec :
- Carcinome épidermoïde.
- Syphilis.
- Lymphomes.
- Granulome malin centro-facial (lymphome T/NK).
- Ulcération traumatique.
- Grandes ulcérations aphteuses.
- Mycoses systémiques.
- Actinomycose.
- Granulome de Wegener.
- Ulcération éosinophile.
Traitement de la tuberculose
Traitement préventif
- Vaccination : Bacille de Calmette-Guérin (BCG).
- Ébullition du lait cru.
- Lutte contre la tuberculose bovine.
- Isolement des sujets infectés.
Traitement curatif
- Repose sur la polychimiothérapie antituberculeuse.
- Antituberculeux de première ligne :
- Rifampicine (10 mg/kg).
- Isoniazide (4 à 5 mg/kg).
- Pyrazinamide (25 mg/kg).
- Éthambutol (15 mg/kg, peut être adjoint).
- Schéma thérapeutique :
- Trithérapie (rifampicine + isoniazide + pyrazinamide) pendant 2 à 3 mois.
- Bithérapie (isoniazide + rifampicine) prolongée pendant 4 à 6 mois.
- En cas d’évolution anormale, suspecter :
- Résistance aux antituberculeux.
- Survenue d’une affection néoplasique (nécessite une biopsie).
- Antituberculeux de seconde ligne en cas de résistance :
- Formes orales : éthionamide, cyclosérine, acide para-aminosalicylique.
- Formes injectables : kanamycine, amikacine, capréomycine, viomycine.
- Quinolones : ciprofloxacine, ofloxacine, sparfloxacine, lévofloxacine.
- Chez les patients VIH+ :
- Dérivés de la rifamycine : rifabutine, rifapentine (longue durée d’action, 1 prise par semaine).
Syphilis
Généralités
Définition
- La syphilis est une tréponématose causée par Treponema pallidum (tréponème pâle), découvert en 1905 par Fritz Schaudinn et Erich Hoffman.
- Tréponème pâle :
- Bactérie Gram négatif de la famille des spirochètes.
- Forme spiralée permettant une propulsion par rotation autour de son axe central.
- Infection sexuellement transmissible à déclaration obligatoire.
- Types de syphilis :
- Congénitale : transmission verticale (mère à enfant).
- Acquise : transmission horizontale.
Contamination et contagiosité
- Le tréponème pâle pénètre par les muqueuses indemnes ou la peau abrasée.
- Contagion :
- Presque toujours vénérienne et directe (génitale, buccale ou anale).
- Le germe passe dans les voies lymphatiques et le sang, se multipliant toutes les 30-33 heures.
- Le patient devient contagieux dès l’incubation.
- Évolution en deux phases :
- Précoce : syphilis primaire, secondaire, latence.
- Tardive : syphilis tertiaire et viscérale (au-delà de 2 ans).
- Période d’incubation : cliniquement et biologiquement muette pendant environ 20 jours.
Étude clinique
Syphilis acquise
Syphilis primaire
- Lésion primitive : chancre d’inoculation, apparaît après 14 à 28 jours d’incubation.
- Au niveau labial et muqueuse buccale :
- Débute par une macule rose, évolue en papule, puis s’ulcère.
- Ulcération lisse, indolore, bien limitée, évocatrice après 8 jours.
- Persiste 3 à 5 semaines, induration persistant après cicatrisation.
- Au niveau lingual : érosions plus profondes ou fissures, moins typiques.
- Au niveau des amygdales : fausse membrane évoquant la diphtérie.
- Adénopathie satellite :
- Polyadénopathie (4 à 5 ganglions, dont un plus volumineux).
- Ganglions durs, mobiles, indolores, non adhérents, non suppuratifs.
- Valeur diagnostique importante.
- Diagnostic différentiel :
- Herpès.
- Ulcération traumatique.
- Maladies bulleuses (Stevens-Johnson, Behçet).
- Syphilis secondaire.
- Évolution :
- Sans traitement : cicatrisation en 5 à 6 semaines, laissant une cicatrice indélébile.
- Avec traitement : guérison en 8 à 20 jours, adénopathie disparaît en 2 à 4 mois.
- Induration et adénopathie persistent plusieursregister après disparition du chancre.
Syphilis secondaire
- Apparaît 2 à 4 ans après le début de la maladie.
- Lésions buccales :
- Maculo-papuleuses, 5 à 10 mm de diamètre, avec ulcération centrale à fond grisâtre.
- Limites nettes, érythémateuses, rondes ou ovalaires, indolores, contagieuses.
- Peuvent confluer.
- Diagnostic différentiel :
- Herpès.
- Aphtes.
- Stomatite ulcéreuse.
- Agranulocytose.
- Signes fonctionnels :
- Faibles, sièges principaux :
- Langue (aspect fissuré).
- Commissures labiales (perlèches).
- Adénopathies dans les territoires de drainage.
- Manifestations générales et viscérales :
- Fatigue, fièvre, pâleur, céphalées (syndrome grippal).
- Manifestations ganglionnaires :
- Microadénopathies.
- Manifestations muqueuses :
- Plaques muqueuses non infiltrées (précoces).
- Lésions papuleuses et papulo-ulcéreuses (tardives, infiltrantes).
- Régressent, puis récidivent après une phase de latence non contagieuse.
- Manifestations cutanées :
- Chute de cheveux en plaques.
- Roséole : taches érythémateuses rose pâle (membres, paumes, plantes).
- Syphilides papuleuses :
- Papules rondes, rouges, infiltrées, simulant le psoriasis.
- Macérées ou suintantes dans les plis, très contagieuses.
- Prédominent au visage, paumes, plantes, pourtour des orifices.
- Évoluent par poussées avec fièvre, céphalées, fatigue, atteinte hépatique, ictère, douleurs osseuses.
- Parfois : glomérulonéphrite, baisse de l’acuité visuelle.
- Phase de latence :
- Peut durer plusieurs décennies.
- Parfois, la syphilis est latente d’emblée.
Syphilis tertiaire
- Stade granulomateux, lésions appelées gomme syphilitique.
- Manifestations patentes chez environ 10 % des patients non ou mal traités.
- Dominées par :
- Syphilis nerveuse : paralysie générale, tabès, faciès inexpressif, troubles sensitifs.
- Accidents oculaires et vasculaires.
- Au niveau du palais osseux :
- Lésions destructrices, ostéolyse, nécrose osseuse, extension au plancher des fosses nasales (mal perforant).
- Manifestations muqueuses :
- Gommes syphilitiques : nodule de 1 à 2 cm, unique, indolore.
- Évolution en 4 phases : crudité, ramollissement, ulcération, réparation (durée : 1 à 6 mois).
Syphilis congénitale
- Concerne les enfants nés de mères syphilitiques, transmission pendant la grossesse ou l’accouchement.
- Le tréponème passe la barrière placentaire à partir du 4e-5e mois de grossesse.
- Syphilis précoce :
- Se manifeste dans la 2e année de vie.
- Atteintes : peau, muqueuses, os, foie, rate, reins, poumons, yeux.
- Syphilis tardive :
- Apparaît entre 5 et 8 ans.
- Atteintes : articulations, système nerveux, oreilles, dents.
Diagnostic positif
- Repose sur la clinique et les examens biologiques.
- Examen direct :
- Peu utile en localisation buccale (présence habituelle de spirochètes).
- Réalisé au microscope à fond noir.
- Sérodiagnostics :
- Diagnostic essentiellement sérologique.
- Tests utilisés :
- Tréponémiques (spécifiques) : TPHA, FTA-abs.
- Non tréponémique : VDRL.
- TPHA (Treponema Pallidum Hæmagglutination Assay) : examen de première intention, associé au VDRL.
- FTA-abs : immunofluorescence indirecte (Fluorescent Treponema Antibody absorption test).
- Histologie :
- Non spécifique, mais évocatrice en syphilis secondaire (infiltrat inflammatoire dermique avec lymphocytes, plasmocytes, atteinte vasculaire).
- Coloration argentique (Wharthin-Starry) peut révéler des spirochètes.
Traitement
- Base : pénicilline retard.
- Protocole :
- Injection intramusculaire unique de 2,4 millions d’unités de benzathine pénicilline G (Extencilline).
- En cas d’allergie aux β-lactamines :
- Cyclines : tétracycline (500 mg per os 4 fois/jour) ou doxycycline (100 mg per os matin et soir) pendant 15 jours.
- Cyclines contre-indiquées en cas de grossesse, macrolides utilisés à la place.
- Suivi :
- Négativation de la sérologie VDRL : ~1 an (syphilis primaire), ~2 ans (syphilis secondaire).
- Partenaires sexuels : doivent être traités.
- Terrains particuliers :
- Femmes enceintes :
- Risque de syphilis congénitale.
- Traitement identique à celui des non-enceintes, suivi clinique et biologique mensuel.
- En cas d’allergie à la pénicilline : avis spécialisé pour macrolides ou désensibilisation.
- Sujets VIH+ :
- Séméiologie cutanée atypique, complications viscérales (oculaires, neurologiques) fréquentes et précoces.
- Traitement standard par pénicilline possible pour syphilis primaire et probablement secondaire.
- Certains proposent une ponction lombaire avant traitement.
Conclusion
- Les manifestations cervico-faciales de la tuberculose et de la syphilis ne sont pas pathognomoniques, mais peuvent orienter le diagnostic.
- Devant une lésion buccale non étiquetée et résistante au traitement, réaliser :
- Sérodiagnostics : IDR à la tuberculine, TPHA, VDRL, FTA-abs.
- Cliché thoracique.
- Examen histologique.
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Les infections spécifiques de la muqueuse buccale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.