Les empreintes secondaires en prothèse totale
Les empreintes secondaires en prothèse totale
Introduction
Définition
L’empreinte secondaire est une empreinte définitive à partir de laquelle la prothèse complète sera élaborée. Elle est obtenue à l’aide d’un porte-empreinte individuel (PEI) issu de l’empreinte préliminaire mucostatique ou dynamique. Cette empreinte préfigure la base prothétique de la future prothèse, devant respecter l’anatomie et la physiologie des surfaces d’appui tout en satisfaisant les exigences fonctionnelles, esthétiques et phonétiques.
Objectifs, rôle, buts, impératifs
Impératifs mécaniques
L’empreinte secondaire vise à assurer l’équilibre de la prothèse au repos et pendant les fonctions et mimiques. Cet équilibre repose sur :
- Facteurs physiques : adhésion, cohésion, pression atmosphérique.
- Facteurs anatomofonctionnels :
- Surface d’appui : une surface plus étendue améliore l’adhésion et la rétention.
- Relief osseux : un relief marqué augmente la rétention et la stabilité.
- Stabilité masticatoire : dépend de l’adhérence, de la dépressibilité et de la résilience des tissus de revêtement.
- Zones de réflexion de la muqueuse : leur profondeur et dépressibilité conditionnent le joint périphérique. L’extension des versants prothétiques doit permettre un contact optimal avec la muqueuse pour un joint parfait.
- Organes périphériques : déterminent la hauteur et l’épaisseur des bords de la prothèse pour maximiser la stabilité lors des déplacements physiologiques, occupant l’espace passif utile.
Impératifs biologiques
L’empreinte doit préserver l’intégrité des surfaces d’appui pour éviter une résorption osseuse par ostéolyse. Toute compression excessive de la muqueuse, de la fibromuqueuse ou des trajets vasculaires doit être proscrite.
Impératifs esthétiques, fonctionnels et phonétiques
L’empreinte doit rétablir l’esthétique, guide essentiel pour replacer les tissus dans leur position physiologique d’origine. La prothèse résultante doit être stable pendant toutes les fonctions, avec des bords et surfaces polies en harmonie avec les muscles impliqués.
Choix du matériau à empreinte
Le choix du matériau dépend de l’anatomie des surfaces d’appui :
- Palais plat avec muqueuse uniforme et adhérente : matériau de viscosité moyenne (évacuation aisée).
- Palais creux : matériau très fluide pour un écoulement optimal.
- Zones dépressibles (Schroeder) : espacement du PEI et évents pour éviter la compression.
Les différentes techniques d’empreintes secondaires
Empreintes analytiques sous pression digitale
Indications
- Exclusion de toute compression.
- Patient inapte à collaborer efficacement.
- Préparation neuromusculaire ou neuro-articulaire réussie.
- Contraintes financières ou temporelles.
- Nervosité du patient incompatible avec des séances longues.
Classification
Empreinte anatomofonctionnelle simple
Cette technique convient à la plupart des cas, sauf lorsque les tissus de revêtement sont hyperhémiés, flottants ou désinsérés de l’os sous-jacent.
Empreinte analytique de l’arcade édentée supérieure
Essai du PEI en bouche :
- Vérification de l’accord entre le PEI et le tracé sur le modèle.
- Recherche des limites fonctionnelles en bouche.
Tests statiques :
- Mobilisation du PEI sans mouvement indique une surextension vestibulaire.
- La ligne de réflexion muqueuse doit être visible à distance du PEI, sauf dans les régions paratubérositaires.
- Vérification des échancrures au niveau des freins et insertions musculaires.
Tests dynamiques :
- Ouverture extrême, bâillement, latéralités : interférences dans les poches paratubérositaires et secondes molaires.
- Mouvements latéraux (menton à droite/gauche, bouche demi-fermée) : élimination des interférences du côté concerné.
- Rire forcé, creusement des joues : test de l’activité du buccinateur, assurant la liberté des freins latéraux.
- Mimer le baiser : vérification de la zone antérieure (échancrure du frein médian ou surépaisseur des bords).
- Région du voile : le PEI recouvre 1 à 2 mm de la zone palais dur/palais mou jusqu’à la ligne de vibration postérieure sans entraver les mouvements du voile. Tests : souffle par le nez (narines bouchées), ouverture maximale pour libérer les ligaments ptérygo-maxillaires.
Enregistrement du joint périphérique :
- Utilisation de pâte de Kerr verte réchauffée (torche de Hanau).
- Secteurs 1 et 2 (poches paratubérositaires d’Einsering) : grande quantité de pâte, mouvements d’ouverture forcée et latéralité, contrôle de stabilité par pression digitale opposée.
- Secteurs 3 et 4 (buccinateurs, freins latéraux) : mouvements de succion (creusement des joues), bord arrondi pour un enregistrement correct.
- Secteur 5 (canine à canine) : enregistrement du vestibule labial et frein médian, lèvre tendue vers le bas, simulation du baiser, respect de la gouttière philtrale.
- Secteur 6 (joint postérieur) : 1 cm de pâte (3-4 mm de hauteur), prononciation prolongée de « AH » grave pour élever le voile, légère compression pour un blocage hydraulique. Contrôle : pression antérieure sans décrochage.
Tests de stabilité et rétention :
- Pression molaire pour vérifier l’épaisseur des bords paratubérositaires.
- Ouverture maximale pour détecter les surextensions.
- Émission de « A », « ON », « U », « OU » pour vérifier la ligne de flexion du voile et les interférences vestibulaires.
- Causes de perte de rétention : compression muqueuse élastique, décentrage du PEI.
Empreinte de la surface d’appui :
- Objectif : enregistrer les détails de la surface d’appui pour un contact étroit et évaluer la sustentation (zones d’appui/zones à décharger).
- Technique : matériau spatulé, chargé sans excès, PEI inséré en partie distale, basculé en avant, pression digitale contrôlée sur les centres d’équilibre (5 et 6). Patient bascule la tête en avant, répète les mimiques du joint périphérique. Maintien sans pression pendant la polymérisation.
- Matériaux :
- Pâtes à oxyde de zinc-eugénol : idéales pour les maxillaires, évacuation rapide.
- Élastomères polysulfures (Permlastic light) : éviter l’excès sur la pâte de Kerr.
- Élastomères silicones : trop fluides, viscosités medium/heavy peu adaptées.
Empreinte analytique de l’arcade édentée mandibulaire
Essai du PEI en bouche :
- Zone latérale : bourrelet soutenant les joues, respectant l’espace lingual et la tonicité musculaire.
- Zone antérieure : bourrelet avec profil interne concave pour la langue, modelant le joint sublingual.
Tests de réglage des bords :
- Région labiale : traction horizontale de la lèvre inférieure, bord à 1 mm de la ligne de réflexion, liberté des freins.
- Région buccinateur : ouverture moyenne.
- Région masséter : ouverture grande.
- Région rétromolaire : ouverture maximale.
- Région linguale : déplacement modéré de la langue vers la lèvre supérieure, simulation d’humectation, élévation maximale pour le frein lingual.
Enregistrement du joint périphérique :
- Région sublinguale : pâte de Kerr de prémolaire à prémolaire, PEI maintenu, mouvements : langue au palais, léchage des lèvres, toucher des joues, prononciation de « ME, MA, MI », déglutition, langue tirée en avant. Succès : bruit de succion au retrait.
- Région vestibulaire postérieure : remarginage à la pâte de Kerr lors d’ouvertures de grande amplitude, PEI maintenu par les index.
- Région mylo-hyoïdienne : extension limitée (2-3 mm sous la ligne).
Empreinte de la surface d’appui :
- Mince couche de matériau sur l’intrados et les bords, insertion des volets linguaux, basculement vers l’avant, pression bilatérale sur les centres d’équilibre (5 et 6). Répétition des mimiques sublinguales, maintien sans pression.
- Matériaux :
- Pâtes à oxyde de zinc-eugénol : stabilité dimensionnelle.
- Élastomères polysulfures : adaptés à la compression marginale.
- Polyéthers : compatibles avec les mandibulaires.
- Élastomères silicones : peu adaptés.
Empreintes anatomofonctionnelles obtenues sans pression
Indications :
- Tissus hyperhémiés, fragiles ou désinsérés.
- Différences par rapport à la technique précédente :
- Empreinte préliminaire au plâtre obligatoire.
- Décharge statique (1-1,5 mm) sur le modèle, cire d’espacement conservée.
- PEI perforé (fraise n°12, 2 cm) aux zones fragiles.
- Matériau fluide (oxyde de zinc ou autre).
Empreintes anatomofonctionnelles avec matériau thermoplastique
Indications :
- Maxillaire : résorption avancée, surface plane, fibromuqueuse saine et adhérente.
- Mandibule : crêtes étroites, élevées, aiguës.
- Principe : compression axiale sur la surface d’appui, rétention par compression du joint périphérique.
Empreintes analytiques sous pression occlusale
Définition
Empreinte anatomofonctionnelle enregistrant les tissus dans la position occupée sous les pressions masticatrices.
Avantages
- Pression comparable à celle de la future prothèse.
- Absence de contraction anormale des organes parap prothétiques.
- Jeu physiologique de l’extéroception optimal.
Indications
- Arcade édentée opposée à une denture naturelle, prothèse partielle ou existante.
- Préparation neuromusculaire/articulaire éliminant les réflexes acquis.
- Patient coopérant.
- Enregistrement physiologique des organes parap prothétiques.
Contre-indications
- Surfaces d’appui mobiles, peu adhérentes, fibromuqueuse hyperhémiée.
- Processus pathologique évolutif risquant une résorption osseuse.
- Patients nerveux ou non contrôlant la pression.
Principe
- Empreintes uni-maxillaires sous pression occlusale.
- Empreintes bi-maxillaires avec PEI ou duplicata de prothèses transitoires/anciennes.
Empreinte uni-maxillaire
- Similaire aux empreintes analytiques simples sous pression digitale.
- Particularités :
- Détermination de la dimension verticale (DV).
- Enregistrement de la relation centrée sur le bourrelet.
- Réalisation en occlusion avec tests de déglutition, protraction des lèvres, rétraction des commissures.
Empreinte bi-maxillaire sous pression occlusale
- Réalisée avec PEI, similaire aux empreintes analytiques simples, mais avec moyens de préhension adaptés au système de pression occlusale ou via des prothèses.
Empreintes analytiques de mise en condition
- Réalisées avec un matériau plastique à prise retardée, sur des maquettes proches des futures prothèses ou duplicata de prothèses existantes.
- Ambulatoires, elles moulent les tissus dans leur position fonctionnelle.
- Permettent la réadaptation de prothèses transitoires ou récentes instables.
- Assurent un moulage optimal des trois parties principales (tissulaire, neuro-articulaire).
Traitement des empreintes secondaires au laboratoire
Matériaux utilisés pour la coulée des modèles
- Plâtre spécifique pour prothèse complète, préparé selon les indications du fabricant.
Coffrage des empreintes
- Entablement de 3 mm sur la périphérie de l’empreinte, au niveau de la ligne de plus grand contour.
- Procédure :
- Cire collante déposée au-delà de la ligne de bombé pour fixer une bandelette horizontale de cire, débutant en postérieur et couvrant le périmètre vestibulaire.
- Maxillaire : entablement postérieur incliné à 30° pour matérialiser le bord.
- Mandibule : bande de cire plus large (1 cm) aux trigones rétromolaires, inclinée horizontalement.
- Partie linguale : triangle de cire pour fermer l’espace lingual, raccordé à la bandelette périphérique.
- Feuille de cire verticale collée sur l’entablement, suffisamment haute pour un modèle d’au moins 1 cm d’épaisseur.
Coulée des empreintes
- Plâtre coulé dans le coffrage, durci, cire retirée, empreinte extraite avec précaution.
- Régularisation de l’épaisseur du coffrage si nécessaire.
Bases d’occlusion
- Préparation : traçage des axes longitudinaux des crêtes édentées, reportés sur l’entablement des modèles.
- Matériaux :
- Résine acrylique (risque de détérioration des modèles).
- Gomme base (true base) avec fils de renfort.
- Caractéristiques :
- Bords reproduisant fidèlement ceux de l’empreinte secondaire.
- Gomme ou silicone retaillé pour fouler le matériau dans le vestibule.
- Bourrelet occlusal en composition (Stent’s) ou cire dure (Moyco extra hard), reproduisant l’arcade édentée.
- Dimensions standard (si non précisées en clinique) : 10-11 mm de hauteur, 4-5 mm de largeur (légèrement plus large que le PEI).
- Stabilisation : sur modèles vaselinés avec pâte d’oxyde de zinc-eugénol (Impression Paste de SS White) pour garantir le repositionnement.
Conclusion
L’empreinte préliminaire et l’empreinte secondaire sont indissociables, tant dans le choix des matériaux que des techniques. Leur complémentarité est essentielle. Chaque praticien doit maîtriser les étapes pour optimiser les résultats pour le patient.
Bibliographie
- Alfred H. Geering et M. Kundert, Atlas de médecine dentaire : Prothèse adjointe totale et composite, Médecine-Science Flammarion.
- J. Lejoyeux, Prothèse complète : Tome 01 : Examen clinique, traitement préprothétique, matériaux et technique d’empreintes, 3e édition, Maloine, S.A. Éditeur, 1979.
- M. Pompignoli, J.Y. Doukhan, D. Raux, Guide clinique : Prothèse complète clinique et laboratoire, Tome 01, Édition Cdp, novembre 2004.
- Site internet : 805 Les étapes de laboratoire en prothèse complète.
Voici une sélection de livres en français sur les prothèses dentaires:
- Prothèse Amovible Partielle : Clinique et Laboratoire
Collège National des Enseignants en Prothèses Odontologiques (CNEPO), Michel Ruquet, Bruno Tavernier - Traitements Prothétiques et Implantaires de l’Édenté Total 2.0
- Conception et Réalisation des Châssis en Prothèse Amovible Partielle
- Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles
- Prothèse complète: Clinique et laboratoire Broché – Illustré, 12 octobre 2017
- Prothèse fixée, 2e Ed.: Approche clinique Relié – Illustré, 4 janvier 2024
Les empreintes secondaires en prothèse totale

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.