Les Dyschromies Dentaires, odontologie conservatrice et endodontie

Les Dyschromies Dentaires, odontologie conservatrice et endodontie

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Introduction

La couleur d’une dent naturelle dépend de sa composition, de sa structure et de l’épaisseur des tissus dont elle est constituée. Tout changement, transformation ou altération d’un de ces tissus, d’origine mécanique, chimique ou biologique, entraîne un changement de couleur de la dent. La dent est soumise, dès sa formation et jusqu’à la fin de sa vie, à l’influence des milieux extérieur et intérieur. Ainsi, sa couleur est amenée à se modifier avec le temps.

La Couleur Naturelle des Dents

Caractéristiques des Couleurs

Les couleurs sont définies par trois facteurs : la teinte, la saturation et la luminosité, ce que l’on appelle « la trivariance de la couleur ».

Teinte

La teinte représente la tonalité chromatique, la forme pure d’une couleur, sans adjonction de noir ou de blanc. Chaque teinte dépend d’une longueur d’onde chromatique comprise entre 400 et 700 nanomètres dans le spectre visible. La teinte des dents se situe généralement dans le jaune et le jaune orangé.

Saturation

La saturation correspond à la densité de teinte pure contenue dans une couleur. Elle permet de différencier une couleur vive d’une couleur pâle. Dans le cas d’une dent, la saturation est due à la dentine et à sa visibilité, qui dépend de la translucidité et de l’épaisseur de l’émail.

Luminosité

La luminosité est la quantité de lumière réfléchie par la dent. Plus la lumière transmise augmente, plus la couleur se rapproche du blanc ; plus elle décroît, plus elle tend vers le noir. La luminosité est le facteur le plus important dans la détermination de la couleur d’une dent.

Translucidité

La translucidité est la propriété d’un matériau à laisser traverser une partie des rayons lumineux sans être totalement transparent.

Opalescence

L’opalescence est la qualité physique de l’émail qui présente un reflet irisé, similaire à celui de l’opale. Elle résulte de la capacité de l’émail à différencier les longueurs d’onde : les ondes courtes (couleurs froides, bleuâtres) sont réfléchies, tandis que les ondes longues (couleurs chaudes) traversent l’émail.

Fluorescence

La fluorescence est le processus par lequel un atome absorbe de la lumière à une longueur d’onde et la réémet immédiatement à une autre longueur d’onde.

Structure de la Dent

La couronne dentaire est composée de trois couches en épaisseur : l’émail en surface, la dentine, et la pulpe dans sa partie la plus interne. Leur nature, composition et épaisseur influencent la couleur de la dent et évoluent au cours de la vie, entraînant des changements de couleur.

L’Émail

L’émail est le tissu le plus minéralisé du corps humain, ce qui lui confère une translucidité d’environ 70 %. Plus l’émail est minéralisé, plus il est transparent, laissant apparaître la couleur de la dentine sous-jacente. Chez les personnes âgées, l’émail devient plus transparent. Chez les enfants, notamment sur les dents déciduales, l’émail est plus épais et moins minéralisé, rendant la dent plus claire.

La Dentine

Moins minéralisée que l’émail, la dentine a une teinte plutôt jaune. C’est elle qui caractérise principalement la teinte de la dent.

La Pulpe

La pulpe, partie vivante et la plus interne de la dent, a une couleur rouge foncé. Chez les dents jeunes avec une chambre pulpaire volumineuse, elle peut donner une teinte rosée à la dent.

Couleur Physiologique de la Dent

Les dents ne sont ni naturellement ni uniformément « blanches » ; elles présentent une palette de couleurs autour d’une base « blanc jaunâtre ». La couleur varie selon les individus, les groupes de dents et même sur la surface d’une même dent. Une couronne se caractérise par trois zones distinctes :

  • Bord incisif ou occlusal : Généralement translucide, constitué principalement d’émail, il peut apparaître bleuté par effet d’opalescence.
  • Corps de la dent : Caractérisé par une teinte plus soutenue (jaune à gris), moins translucide.
  • Bord cervical : Au niveau du collet anatomique, plus opaque, souvent plus jaune ou coloré.

Variations entre Groupes de Dents

Les canines maxillaires sont les plus saturées, suivies des incisives latérales, puis des incisives centrales. Les dents antérieures maxillaires sont plus jaunes que les antérieures mandibulaires.

Évolution avec l’Âge

Avec l’âge, l’émail subit une usure et une minéralisation progressive. Ces phénomènes augmentent la transparence de l’émail, laissant davantage apparaître la dentine jaune, ce qui accroît la saturation de la couleur perçue.

La Couleur Pathologique des Dents ou Dyschromies Dentaires

Mécanismes de Coloration

La couleur des dents dépend de la nature et de l’épaisseur de ses composants internes, mais elle est aussi influencée par des échanges avec le milieu extérieur. La dent est en échange permanent avec des fluides, internes (sang dans la pulpe) ou externes (salive dans la cavité buccale).

Voie Endogène

Certains médicaments, comme les tétracyclines, possèdent des groupes pigmentés qui se fixent sur la dentine en formant un complexe avec les ions calcium ou le collagène. Après oxydation par la lumière, ces pigments (hydroquinones) entraînent des colorations brunes.

Voie Exogène

L’émail peut être coloré par contact avec la salive et les aliments. Son état de surface, sa perméabilité (fêlures, fissures) et les constituants organiques des zones interprismatiques facilitent le passage des fluides buccaux. Certains aliments et boissons contiennent des pigments qui créent des liaisons chimiques avec les groupes amines et hydroxyles de la matière organique des zones interprismatiques. D’autres pigments, comme les ions métalliques, peuvent se lier aux tissus dentaires par voie endogène ou exogène.

Étiologie et Types de Dyschromies

Le terme dyschromie désigne une couleur dentaire qui s’éloigne pathologiquement de sa couleur d’origine. Elle est caractérisée par :

  • Étiologie : Cause de la dyschromie.
  • Aspect : Apparence visuelle.
  • Composition : Nature des pigments.
  • Localisation : Zone affectée.
  • Intensité : Degré de coloration.
  • Adhérence : Fixation à la surface dentaire.

Les dyschromies peuvent être partielles (une ou plusieurs dents) ou totales (toutes les dents).

Dyschromies Extrinsèques

Les dyschromies extrinsèques sont superficielles et s’ancrent préférentiellement dans les sillons, dépressions et rayures de l’émail.

Dyschromies dues à la Plaque et ses Dérivées
  • Plaque dentaire : Par accumulation, la plaque forme une masse globulaire visible, de couleur gris à jaune.
  • Tartre :
    • Tartre sous-gingival : Brunâtre à noir, dû au fer contenu dans le sang.
    • Tartre sus-gingival : Blanc ou jaunâtre, pouvant être coloré par des aliments ou le tabac.
Dyschromies dues aux Habitudes de Vie
  • Colorations tabagiques : De couleur brun foncé à noir, elles se situent surtout au tiers cervical des couronnes, sur le bord des restaurations, dans les sillons, fissures ou sur la dentine exposée. Le goudron pénètre en profondeur à travers l’émail jusqu’à la jonction amélo-dentinaire et les tubulis dentinaires.
  • Colorations alimentaires : Brunâtres, dues aux tanins (thé, café) en cas de brossage insuffisant. Elles forment une fine pellicule pigmentée, sans bactéries, principalement sur la face vestibulaire des molaires supérieures, la face linguale des incisives inférieures et, plus rarement, les faces palatines des dents antérieures maxillaires.
Dyschromies dues aux Bactéries Chromogènes
  • Coloration noire : Bandes noires fines sur les surfaces vestibulaires et linguales, près des orifices salivaires et des bords marginaux, s’étendant aux faces proximales. Observée chez les sujets à bonne hygiène bucco-dentaire, elle est due à la bactérie Actinomyces, qui réagit avec le fer de la salive et l’exsudat gingival. Fermement attachée, elle est difficile à éliminer par le brossage et tend à récidiver.
  • Colorations vertes : Dépôts épais et adhérents sur les faces vestibulaires des collets des dents antérieures, dus à une bactérie fluorescente ou à des champignons (Penicillium, Aspergillus) qui se développent en présence de lumière.
  • Colorations oranges : Situées au tiers cervical des dents antérieures, surtout sur les faces vestibulaires, elles sont dues à la bactérie chromogène Flavobacterium lutescens.
Dyschromies Médicamenteuses
  • Coloration antiseptique : Brune, due à l’utilisation prolongée de produits contenant de la chlorhexidine (bains de bouche, gels, vernis, dentifrices, irrigateurs buccaux).
Dyschromies Métalliques

Elles peuvent résulter de poussières métalliques, de traitements médicamenteux oraux ou locaux. Les métaux s’associent à la pellicule exogène acquise pour donner une coloration de surface ou pénètrent dans la dent pour une coloration permanente. Selon le métal :

  • Argent ou fer : Coloration noire.
  • Mercure : Coloration grise.
  • Cuivre : Coloration verte.
  • Médicaments antianémiques (fer) : Colorations noires.
  • Bains de bouche au permanganate de potassium : Colorations violacées.

Dyschromies Intrinsèques

Pré-Éruptives
Origine Génétique
  • Amélogenèse imparfaite : Coloration diffuse de toutes les dents, du blanc crayeux au brunâtre, associée à une surface d’émail irrégulière et rugueuse.
    Image : Patient atteint d’amélogenèse imparfaite.
  • Dentinogenèse imparfaite : Dentine opalescente et ramollie, avec une coloration gris-bleu à ambrée.
Troubles Systémiques
  • Érythroblastose fœtale : Incompatibilité sanguine fœto-maternelle (facteur Rhésus), entraînant la destruction d’érythrocytes et une pigmentation rouge de la dentine des dents en formation.
  • Thalassémie : Maladie génétique de l’hémoglobine provoquant une anémie. Les dents prennent une coloration jaunâtre due à la présence de pigments sanguins dans les tubulis dentinaires.
  • Porphyrie congénitale érythropoïétique : Quantités massives de porphyrine provoquant des colorations rouges ou roses des dents temporaires et définitives.
  • Rachitisme héréditaire vitamine D-dépendant : Carence en vitamine D2 entraînant des hypocalcémies (hypoplasies de l’émail) et des hypophosphatémies (défauts de maturation de la dentine interglobulaire).
  • Cardiopathies congénitales cyanogènes : Incisives supérieures pâles, blanc crayeux ou blanc bleuté, dues à un appauvrissement en oxygène du sang pulpaire.
  • Mélanodontie : Dysplasie de l’émail des dents temporaires, entraînant l’effritement de l’émail et l’exposition de la dentine, qui noircit par phénomène réactionnel.
Souffrances Fœtales
  • Infections maternelles : La syphilis (dents de Hutchinson) ou la rubéole entraînent des hypoplasies de l’émail des dents lactéales et permanentes.
  • Radiations ionisantes : Réduction de la translucidité de l’émail et coloration bleu-vert des dents.
  • Carences nutritionnelles : Carences en calcium, magnésium, phosphore, vitamines A, C, D ou diabète maternel provoquent des hypoplasies de l’émail.
Post-Éruptives ou Acquises
Fluorose

La fluorose résulte d’un surdosage en fluor pendant la formation et la minéralisation des dents (du 4e mois in utero à la 8e année). L’excès de fluor perturbe le développement des cristaux de l’émail, causant des dysplasies. L’émail poreux incorpore des éléments exogènes colorés, entraînant des colorations allant de taches blanchâtres à des colorations brunes étendues avec détérioration de la surface.

Images :

  • Taches blanchâtres caractéristiques de fluoroses légères.
  • Taches colorées d’une fluorose sévère endémique.

Classification des fluoroses (OMS, Fortier, Aldin et Villette, 1998) :

  • Fluorose douteuse : Quelques taches ou points blancs très discrets.
  • Fluorose très légère : Petites taches opaques sur des dents homologues, couvrant jusqu’à 25 % de la surface.
  • Fluorose légère : Zones blanches opaques couvrant jusqu’à 50 % de la surface, avec possibles petites dépressions blanches au sommet des cuspides.
  • Fluorose modérée : Toute la surface est touchée, sans altération de la forme. Petites déformations de surface et taches brunes possibles.
  • Fluorose sévère : Hypoplasies sur l’ensemble des couronnes, abrasion des bords incisifs et cuspides, colorations importantes.
Tétracyclines

Le pouvoir colorant des tétracyclines résulte de la chélation entre la molécule et les ions calcium. Les colorations varient d’un jaune uniforme à des bandes gris-brun, parfois associées à des dysplasies. Elles présentent une fluorescence jaune brillant sous lumière UV (360 nm). La photo-oxydation par la lumière du jour entraîne une coloration brune, d’abord sur le bloc antérieur.

Classification des dyschromies dues aux tétracyclines (Miara, 2006) :

  • Premier degré : Colorations légères, uniformes, sans bandes, de couleur claire (jaune ou marron).
  • Deuxième degré : Couleur plus saturée, légèrement grisée.
  • Troisième degré : Colorations fortes, irrégulières, avec bandes, très saturées (gris-marron ou bleu-violet).
  • Quatrième degré : Colorations très fortes, avec bandes et plages irrégulières, extrêmement saturées (gris foncé à marron ou violet foncé).
Facteurs Traumatiques Locaux
  • Hémorragie pulpaire post-traumatique : Les hémoglobines libèrent des ions Fe++ lors de leur destruction, colorant la dent en gris foncé. La dégradation du sang entraîne des variations de teinte.
    Image : Coloration due à une hémorragie pulpaire.
  • Nécrose pulpaire sans hémorragie : La dégradation des produits protéiques du tissu nécrotique colore la couronne en gris-brun.
    Image : Dyschromie de la dent 21 consécutive à une nécrose pulpaire.
  • Calcification de la chambre pulpaire : La couronne prend une couleur jaune, avec un pronostic plus favorable.
Colorations par Procédures Iatrogènes
  • Soins conservateurs :
    • Amalgame : Les produits de corrosion (sulfite d’argent) entraînent un reflet gris-bleu à travers l’émail.
    • Composites : Infiltration et percolation des fluides buccaux causent des colorations jaune ou grise.
  • Traitement endodontique :
    • Micro-hémorragie lors de l’extirpation de la pulpe.
    • Élimination incomplète des tissus nécrosés.
    • Obturation endodontique.

Classification des Dyschromies d’Origine Interne

GénétiqueTrouble SystémiquePériatalesPost-Éruptives
– Amélogenèse imparfaite
– Dentinogenèse imparfaite
– Dysplasie
– Érythroblastose fœtale
– Ictères sévères
– Porphyrie
– Ostéogenèse imparfaite
– Infection de la mère (rubéole, syphilis…)
– Anémie
– Médicaments pris par la mère (tétracyclines, fluor…)
– Infections (rougeole, varicelle…)
– Médicaments (tétracyclines, fluor)
– Anémie
– Carence en vitamines A, C, D, phosphate, calcium
– Traumatismes
– Procédures iatrogènes (brossage, traitement dentaire)
– Anorexie
– Boulimie
– Caries dentaires
– Âge

Références

  • Claisse-Crinquette A., Bonnet E., Claisse D. Blanchiment des dents pulpées et dépulpées. Encycl Méd Chir, Odontologie, 23150-A-10, 2000, 10 p.
  • Fortier, Aldin, Villette. Classification des fluoroses, OMS, 1998.
  • Miara. Classification des dyschromies dues aux tétracyclines, 2006.

Les Dyschromies Dentaires, odontologie conservatrice et endodontie

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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