Les défauts osseux parodontaux : Modalités thérapeutiques

Les défauts osseux parodontaux : Modalités thérapeutiques

Les défauts osseux parodontaux : Modalités thérapeutiques

Introduction

Une meilleure compréhension des mécanismes de la cicatrisation parodontale a considérablement modifié le pronostic de dents atteintes de lésions osseuses profondes. Les objectifs du traitement sont d’obtenir des poches de profondeur réduites, faciles à entretenir par reconstruction du système d’attache. Les études cliniques et histologiques ont prouvé que les greffes osseuses, les membranes et les facteurs de croissance avaient le potentiel d’induire cette régénération parodontale.

Buts du traitement des défauts osseux

  • Élimination de la poche.
  • Le rattachement du ligament parodontal à la surface radiculaire.
  • Réduction de la lésion osseuse.
  • Obtenir la meilleure réparation possible par les processus naturels de cicatrisation.

Préparation initiale

Le traitement des défauts osseux parodontaux ne peut être réalisé qu’après la phase étiologique. Aussi, le praticien interviendra-t-il sur un parodonte superficiel exempt d’inflammation en présence de poches réduites.

Modalités thérapeutiques des défauts osseux

Définition de la chirurgie osseuse parodontale

Le terme de chirurgie osseuse se rapporte à des procédés chirurgicaux pratiqués sur l’os dans le but de le remodeler ou le restaurer. Elle vise à la correction des lésions osseuses provoquées par des parodontolyses ou par une déformation anatomique, ou bien par les deux.

Classification

Les procédés de chirurgie osseuse se rangent dans deux catégories :

  • Résection osseuse et remodelage : visant à corriger les lésions osseuses et à créer des contours physiologiques de l’os. Résection et remodelage désignent résection osseuse, remodelage plastique, ostéoplastie et ostéotomie.
  • Implantation : visant à stimuler la croissance et à restaurer les tissus détruits par la maladie.

Chirurgie régénératrice

Lambeaux d’assainissement

On fait un détartrage et un surfaçage radiculaire avec curetage chirurgical de l’épithélium creviculaire, de l’épithélium de jonction, et de tout le tissu de granulation au niveau de la lésion. La réclinaison du lambeau se fera après avoir réalisé des incisions verticales de chaque côté de la zone atteinte (côté vestibulaire ou lingual ou des deux). Les incisions devraient aller de la gencive marginale jusque dans la muqueuse alvéolaire et être suffisamment espacées pour mettre à nu la totalité de la lésion infra-osseuse sans étirer les tissus et suffisamment profonde pour permettre la réclinaison d’un lambeau mucopériosté. La paroi de tissu mou de la poche est éliminée par une incision faite le long de la gencive marginale. On traite la racine et on curette l’os. On ferme soigneusement la plaie par des sutures et on la recouvre d’un pansement parodontal.

Chirurgie de comblement : Les greffes

Définition

La greffe osseuse est définie comme un procédé consistant à prélever un « petit morceau » d’os d’une partie du corps pour réduire une lésion osseuse située dans une autre partie du corps. Les deux actes chirurgicaux, le prélèvement et la pose du greffon, sont réalisés en un temps unique, lors de la même séance chirurgicale. Le site osseux lésé qui va bénéficier d’une chirurgie réparatrice est nommé « site receveur » par opposition au site de prélèvement ou « site donneur ». Le prélèvement ou greffon est dit « autogène » quand il provient du même individu. De nombreux autres matériaux peuvent, selon l’indication, se substituer ou être associés à l’os autogène pour réparer un défaut osseux.

Matériaux de comblement

Les matériaux de substitution osseuse (MSO) sont d’origine humaine (allogreffe), animale (xénogreffe) ou synthétique (matériaux alloplastiques). Afin de pouvoir être compactés dans le défaut, ils se présentent sous forme de granules de différents diamètres et porosité.

  • L’autogreffe : est la référence dans le comblement de lésions parodontales intra-osseuses. Le site traité, les exostoses, les crêtes édentées ou la corticale externe (Ramus) sont les sites donneurs privilégiés. De par ses caractéristiques, l’os autogène constitue un greffon idéal pour la réparation de défauts osseux existants et ce, malgré sa quantité limitée, notamment dans les prélèvements intra-oraux.
  • Les allogreffes : sont obtenues à partir d’os humain prélevé sur des cadavres ou des têtes fémorales en cours de chirurgie orthopédique. C’est la greffe dont le greffon est emprunté à un sujet de même espèce mais de formule génétique différente.
  • Les xénogreffes : ce sont des greffes hétérogènes dans lesquelles le greffon provient d’une espèce différente de celle du receveur. Utilisées en chirurgie parodontale, elles sont issues d’os bovin ou du corail. Ces matériaux subissent une préparation physique et chimique de façon à éliminer toutes les cellules et tout potentiel antigénique.
  • Matériaux alloplastiques : afin d’éviter un risque de transmission interhumaine ou inter-espèces d’agents infectieux, des matériaux synthétiques ont été proposés comme adjuvants thérapeutiques lors des chirurgies parodontales. Il s’agit principalement :
    • Des sulfates de calcium : plâtre de Paris.
    • Des phosphates de calcium : hydroxyapatite, phosphate tricalcique bêta (β-TCP), phosphate biphasique (HA/β-TCP).
    • Des silicates (bioverres).
    • Os anorganique, coagulum osseux, moelle osseuse, particules de cartilage, cément et dentine.
Protocole opératoire
  • Préparation initiale : la zone est détartrée et curetée, l’occlusion est ajustée.
  • Préparation de la zone receveuse : récliner un lambeau mucopériosté dit d’accès (lambeau du type Widman modifié), enlever le tissu de granulation de la lésion, cureter les parois osseuses afin d’enlever le revêtement de fibres parodontales. Pratiquer une série de perforations à l’aide d’une petite fraise ronde afin de faciliter la vascularisation du greffon. Détartrer et polir les surfaces radiculaires.
  • Prélèvement du greffon.
  • Insertion de l’os : entasser les particules osseuses, sans les serrer, dans la lésion jusqu’à ce qu’elle soit remplie et présente un contour superficiel arrondi.
  • Replacer et suturer le lambeau, et mettre un pansement parodontal.
  • Enlever les sutures et le pansement après une semaine, et un nouveau pansense est replacé sur la zone pendant les deux à trois semaines suivantes.
  • Prescrire des antibiotiques la veille de l’intervention et les deux jours suivants.

Techniques de régénération tissulaire guidée

Généralités
  • La régénération osseuse guidée est un processus biologique par lequel l’architecture et la fonction d’un tissu osseux lésé sont entièrement restaurées. Une membrane joue le rôle de barrière en évitant une recolonisation de l’os autogène ou du substitut osseux par les cellules conjonctives, laissant ainsi les cellules mésenchymateuses se différencier en cellules osseuses.
  • Depuis quelques années, la notion de régénération tissulaire guidée se base sur la possibilité de formation d’une nouvelle attache conjonctive dans une néoformation osseuse et cémentaire. Diverses membranes parodontales, non résorbables, jouant le rôle de barrières, furent utilisées dans le but de séparer le parodonte superficiel du parodonte profond et, plus récemment, des membranes résorbables furent développées afin d’éviter une deuxième intervention chirurgicale.
  • Les études chez l’animal ou l’homme sur les membranes résorbables montrent histologiquement la formation d’une nouvelle attache conjonctive, la présence d’un néo-cément avec des fibres de collagène insérées perpendiculairement, et la néoformation d’os alvéolaire.
  • Ces membranes requièrent trois conditions essentielles pour être utilisées convenablement :
    • Le maintien d’un matériau espaceur entre la membrane et le site à traiter (os autogène, substitut osseux).
    • Le recouvrement intégral de la membrane par le lambeau.
    • L’immobilisation de la membrane (par suture au lambeau ou par vis de fixation).
Membranes parodontales
  • Les membranes non résorbables (PTFE-e polytétrafluoroéthylène expansé) présentent l’inconvénient de recourir à une seconde intervention de dépose 6 à 8 semaines après leur mise en place.
  • Les membranes résorbables naturelles en collagène ou en polymères synthétiques (polylactides, polylactides-polyglycolides) ont été développées. Le collagène de type I ou III est souvent d’origine bovine ou porcine.
Protocole opératoire
  • L’accès au site à traiter se fait par un lambeau mucopériosté suffisamment large pour permettre un bon accès aux surfaces radiculaires et osseuses.
  • Débrider la lésion et éliminer tous tissus conjonctifs résiduels. Les surfaces radiculaires doivent être méticuleusement surfacées avant la mise en place de la membrane.
  • La membrane est mise en place sur le site de telle sorte qu’elle repose largement sur l’os environnant et vienne se plaquer hermétiquement sur la paroi dentaire. Ce placage s’opère à l’aide de l’adhésion naturelle du matériau imbibé de sang ou de sutures.
  • La membrane doit ménager le plus d’espace possible pour l’établissement du caillot.
  • Le lambeau est repositionné soit à sa position initiale, soit coronairement et suturé le plus hermétiquement possible.
  • La membrane sera recouverte entièrement afin de ne pas favoriser la pénétration bactérienne.

Facteurs de croissance

Des études ont démontré le rôle de certains facteurs de croissance dans les mécanismes de cicatrisation. Les plus étudiés sont le TGF (transforming growth factor), le PDGF (platelet derived growth factor) et l’IGF (insuline like growth factor). Le coût élevé du traitement par facteurs de croissance est un frein à leur utilisation clinique.

Dérivés de la matrice amélaire

  • La régénération tissulaire induite est une technique de gain d’attache utilisant les dérivés de la matrice de l’émail. Elle permet la formation d’une nouvelle attache fonctionnelle entre un cément néoformé et l’os régénéré (mais la reproductibilité n’est pas systématique en présence d’une parodontite).
  • Les dérivés de la matrice amélaire appartiennent à la catégorie des facteurs de croissance, ils sont traités indépendamment de ceux-ci en raison de leur importante utilisation clinique.
  • Les DMA sont d’utilisation facile et permettent d’obtenir des résultats satisfaisants.
  • Indications : les dérivés de la matrice amélaire (DMA) sont indiqués dans le traitement chirurgical des défauts intra-osseux parodontaux et dans le cas d’accessibilité difficile des instruments (ex : lésion inter-radiculaires étroites).
  • Principes :
    • Parmi les cinq principales protéines de la matrice amélaire, les amélogénines sont aujourd’hui les seules utilisées en parodontologie.
    • L objectif, en première intention, des DMA est de régénérer le cément afin d’induire secondairement une nouvelle attache parodontale. C’est sur ce principe que repose la régénération tissulaire induite (RTI).

Combinaison de plusieurs méthodes régénératives

Chirurgie résectrice

Définition

C’est une modification du support alvéolaire par soustraction. Elle est ainsi aussi parfois appelée chirurgie soustractive.

  • Ostéoplastie : le remodelage osseux qui consiste à donner à l’os alvéolaire une forme plus physiologique sans réséquer l’os de soutien des dents.
  • Ostéoectomie : une résection osseuse qui consiste à éliminer et/ou réduire les défauts intra-osseux en réséquant une partie de l’os de soutien des dents.

Objectifs

  • Remodelage de la topographie osseuse anormale engendrée par les parodontites.
  • Réduction ou élimination des défauts osseux.
  • Réduction ou élimination des poches parodontales.
  • Retour à une morphologie osseuse physiologique.
  • Retour à une anatomie gingivale physiologique.

Indications

Les indications de l’ostéotomie et de l’ostéoplastie sont différentes bien que la régularisation du volume des contours osseux procède souvent de la combinaison de ces deux techniques.

Ostéoplastie
  • Technique de choix en cas d’alvéolyse horizontale.
  • Traitement des lésions intra-osseuses vestibulaires ou linguales peu profondes (1-2 mm) consécutives à une maladie parodontale.
  • Régularisation des cratères inter-dentaires, des défauts intra-osseux profonds (supérieur à 4 mm) en préparation à un protocole de régénération.
  • Amélioration de la coaptation des berges d’un lambeau d’accès ou apicalisé en cas de rebord osseux épais empêchant le bon repositionnement et l’adaptation des tissus mous.
  • Réduction des anomalies anatomiques osseuses telles que les tori ou les exostoses.
Ostéoectomie
  • Traitement des lésions intra-osseuses vestibulaires ou linguales de profondeur moyenne (3-4 mm) consécutives à une parodontite.
  • Élimination des poches parodontales en combinaison avec un lambeau apicalisé et/ou désépaissi en palatin.
  • Élimination des anomalies anatomiques osseuses telles que les tori ou les exostoses.

Contre-indications

Ostéoplastie
  • Os inter-proximal fin.
  • Secteur esthétique.
  • Risque phonétique majeur.
Ostéoectomie
  • Identiques à celles de l’ostéoplastie.
  • Alvéolyse horizontale.
  • Rapport couronne-racine défavorable.
  • Défauts osseux très importants dont l’élimination conduit à une importante perte osseuse.

Techniques chirurgicales

Le lambeau de pleine épaisseur est levé largement de façon à se donner une bonne accessibilité à la morphologie osseuse. Pratiquer une dégranulation et un surfaçage. La phase osseuse consiste à harmoniser le support alvéolaire par plastie en pente douce des balcons osseux et suppression des irrégularités de surface consécutives à la résorption. Ensuite, modeler les espaces inter-dentaires dans leur épaisseur de façon à reproduire l’anatomie physiologique initiale. L’intervention s’achève par la mise en place de sutures.

Tous les détails concernant la préparation initiale, l’instrumentation chirurgicale et les soins postopératoires décrits pour la technique de lambeau parodontal s’appliquent également à ces interventions.

Conclusion

Les défauts infra-osseux ont longtemps été considérés comme un défi clinique. En effet, de nombreux praticiens considèrent, trop souvent à tort, que ces lésions sont de mauvais pronostic ou de pronostic réservé. Avec l’apparition de l’implantologie, la thérapeutique parodontale, et plus particulièrement, la régénération des défauts infra-osseux ont un meilleur pronostic. Ce n’est qu’en l’absence d’amélioration des paramètres cliniques que l’indication d’extraction pourra être retenue.

Bibliographie

  • Alfred Seban, Greffes osseuses et implants, MASSON.
  • Irving Glickman, Parodontologie clinique : prévention, diagnostic et traitement des parodontopathies dans le cadre de la dentisterie générale, Edition CDP, 57, rue Dulong-75017 Paris.
  • Jean-François Keller, Damien Feuillet, Philippe Rodier, Journal de parodontologie et d’implantologie orale, Vol 32 N°3, 5 Mars 2013.
  • Philippe Bouchard, Parodontologie dentisterie implantaire Volume 2 : thérapeutiques chirurgicales.
  • E.A. Pawlak et Ph.M. Hoag, Manuel de parodontologie, Masson.
  • Tenenbaum, Parodontologie du diagnostic à la pratique.

Voici une sélection de livres:

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