Les défauts osseux parodontaux : Classification – diagnostic

Les défauts osseux parodontaux : Classification – diagnostic

Les défauts osseux parodontaux : Classification – diagnostic

Introduction : L’os est un tissu dynamique en perpétuel remaniement, soumis à des facteurs locaux et systémiques. La maladie parodontale qui parfois l’affecte, est responsable de lyse osseuse de forme et d’étendue différentes. Les défauts osseux représentent le résultat de l’évolution de la maladie parodontale. La morphologie de ces défauts représente un facteur important dans la prise de décision et le choix thérapeutique.

  1. Rappels :
    1. Os alvéolaire : Le procès alvéolaire est la portion du maxillaire et de la mandibule qui forme et supporte l’alvéole de la dent. Il se forme lors de l’éruption de la dent (permettant la formation du ligament parodontal), et disparait progressivement après la perte de celle-ci.

On distingue trois composants du procès alvéolaire :

Les corticales externe et interne ; L’os alvéolaire propre ;

L’os spongieux.

  1. Physiologie de l’os alvéolaire : L’os alvéolaire assure différentes fonctions :
  • homéostasie du calcium sérique ;
  • support mécanique et protection ;
  • hématopoïèse chez l’adulte.

L’os est classé selon son aspect macroscopique en os spongieux et en os cortical, et selon son aspect microscopique en os primaire (immature) et en os secondaire (mature).

Le remodelage se fait par deux processus : résorption et apposition (formation). Ces processus sont couplés dans le temps et sont caractérisés par la présence des unités osseuses multicellulaires (bone cellular units : BMU).

Un BMU comporte : (1) des ostéoclastes au niveau du front de résorption, (2) vaisseaux et cellules périphériques, (3) une couche d’ostéoblastes qui présente une matrice organique néoformée.

Séquence de remodelage.

La résorption ostéoclastique y précède l’apposition selon une séquence : activation –résorption – inversion – formation (ARIF). Fig 1

Fig 1. Le remodelage osseux (Lindhe 2022)

Fig 1 : Le cycle de remodelage osseux implique une série complexe d’étapes séquentielles hautement régulées. La phase « d’activation » du remodelage est dépendante des effets des facteurs locaux et systémiques sur les cellules mésenchymateuses de la lignée ostéoblastiques. Ces cellules interagissent avec les précurseurs hématopoïétiques pour former des ostéoclastes en phase de « résorption ». Par la suite, il y’a une phase « d’inversion » au cours de laquelle des cellules mononucléaires sont présentes à la surface de l’os. Ils peuvent compléter le processus de résorption et produire les signaux qui initient la formation osseuse. Enfin, les vagues successives de cellules mésenchymateuses se différencient on ostéoblastes fonctionnels, qui fixent la matrice en phase de « formation ».

  1. Maladie parodontale : Les maladies parodontales sont des maladies infectieuses à manifestations inflammatoires, l’agent étiologique principal est la composante bactérienne de la plaque dentaire. Il s’agit plutôt d’un processus de protection, permettant de garder une distance de 0,5-1mm entre le tissu infiltré et l’os sous-jacent. Ce qui permet l’encapsulation de ce tissu.

Ce phénomène est initié par les cytokines qui agissent sur les Ostéoclastes, cellules responsables de la destruction osseuse, qui proviennent de la différenciation des multi-nucléaires, monocytes/macrophages, lymphocytes et fibroblastes.

La destruction osseuse se fait selon un mode épisodique, elle est associée à :

. Ulcérations de l’épithélium sulculaire

. Réaction inflammatoire aigue

. Conversion de la prédominance des Lymphocytes-T en prédominance des Lymphocytes-B

. Augmentation du taux des motiles, G -, anaérobiques, non-attachés

L’inflammation du conjonctif gagne le tissu osseux par les canaux vasculaires en empruntant le conjonctif périvasculaire. Fig2

Fig 2 : Voies d’inflammation de la gencive aux tissus parodontaux de soutien dans la parodontite. L’inflammation peut pénétrer dans l’os par plus d’un canal. Cette figure montre deux représentations schématiques de la propagation interproximale (A) et vestibulaire/linguale (B) de l’infiltrat inflammatoire. (Carranza 2022)

. Voies interproximales (A) : De la gencive à l’os ; de l’os au ligament parodontal ; de la gencive directement dans le ligament parodontal.

. Voies vestibulaire et linguale (B): De la gencive le long du périoste externe ; du périoste dans l’os ; de la gencive au ligament parodontal.

  1. Les facteurs responsables de la lyse osseuse : La destruction de l’os dans la maladie parodontale est provoquée principalement par les facteurs locaux notamment l’inflammation et le traumatisme occlusal, ces derniers vont aussi modifier la morphologie de cette destruction.

Elle peut aussi être provoquée par des facteurs généraux, mais leur rôle n’a pas été précisé. Les facteurs déterminants de la morphologie de la lyse sont multiples :

. Les variations normales dans l’os alvéolaire ;

. Exostoses ;

. Trauma occlusal ;

. Tassement alimentaire ;

. Formation osseuse de soutien : le processus ostéogénique tend à renforcer une trabéculation osseuse réduite par la maladie.

. Parodontite agressive.

  1. Mécanisme de la résorption osseuse
    1. La résorption lacunaire ou ostéoclasie: La destruction de l’os provient de l’action des ostéoclastes par la manière suivante:

. Décalcification des sels minéraux de l’os provoquée par un abaissement du PH.

. Action protéolytique de la matrice organique provoquant la libération des sels de calcium.

. Destruction simultanée des composants organiques et inorganiques.

. Phagocytose de la matière inorganique après disparition des sels minéraux inorganiques.

  1. Ostéolyse: Halistérèse: Au cours de ce processus l’os se divise selon ses différents composants sans subir l’action des ostéoclastes, il s’agit d’un amollissement et d’une liquéfaction de la matrice organique suivie d’une filtration des composants inorganiques, cette perte des composants inorganiques provoquée par des troubles de l’équilibre physico-chimique est suivie d‘une dédifférenciation du composant organique en tissu conjonctif.
  2. Ostéonécrose: Caractérisée par une mort cellulaire et des lacunes ostéocytaires vides.
  3. Classification et formes de destruction osseuse dans la maladie parodontale : La maladie parodontale réduit la hauteur de l’os alvéolaire mais elle modifie aussi sa morphologie. Goldman et Cohen (1958) ont établi une classification en considérant la situation clinique de la base de la lésion parodontale par rapport à la crête alvéolaire. On distingue (Fig 3) :
    1. La lyse osseuse horizontale : C’est la forme de destruction la plus courante de la maladie parodontale, l’os alvéolaire est réduit en hauteur et devient horizontal ou légèrement angulé mais le bord marginal de l’os reste perpendiculaire à la dent. Les septa interdentaires et les tables vestibulaire et linguale sont atteints mais pas forcément du même degré autour de la même dent.
    2. Les défauts osseux (Les lésions de l’os) : La radiographie peut révéler la présence de ces défauts mais il est nécessaire de sonder la zone concernée. Ces lésions se divisent en : ¬ Les lésions inter- radiculaires ¬ Les lésions de l’os marginal ¬ Les lésions intra alvéolaires
      1. Les lésions inter-radiculaires: Elles sont caractérisées par l’extension de la perte des tissus de soutien entre les racines des dents multiradiculées. « Les atteintes de furcation » :

. Classification des atteintes de furcation :

Degré 1 : destruction horizontale des tissus de soutien ne dépassant pas le tiers de la largeur de la dent.

Degré 2 : destruction horizontale dépassant le tiers de la dent, sans atteindre la totalité de la largeur de l’espace inter radiculaire.

Degré 3 : destruction horizontale de part en part des tissus de soutien.

Fig 3 : Classification des atteintes de furcation (Cohen)

  1. Les lésions de l’os marginal: Les rebords irréguliers : Ce sont des lésions angulaires ou en forme de U. Ils sont provoqués par la résorption de la corticale alvéolaire vestibulaire ou linguale.

Les exostoses : Ce sont des excroissances l’os de forme et de volume variable. Elles surviennent le plus souvent sur la face vestibulaire que linguale.

Les contours bulbeux de l’os : Ce sont des épaississements osseux provoqués par des exostoses.

Les saillies : Ce sont des rebords osseux en plateau. Elles sont provoquées par la résorption des tables osseuses épaisses.

Les fenestrations et les déhiscences : Ce sont des défauts anatomiques en rapport avec la forme et l’implantation des racines.

. La fenestration est une zone taillée à l’emporte-pièce au milieu de la table alvéolaire recouverte par la gencive ou la muqueuse alvéolaire.

. La déhiscence se présente comme une accentuation du feston de la crête alvéolaire transformant la partie concave du feston en une véritable échancrure.

  1. Les lésions infra- alvéolaires: La lésion infra-osseuse est un défaut osseux dont la base est apicale par rapport à la crête osseuse adjacente. La classification de Papapanou et Tonetti 2000 distingue au sein des défauts infra osseux des lésions intra-osseuses et des cratères.
    1. Les cratères osseux : Ce sont des concavités situées à l’intérieur de la crête inter- dentaire. Ils sont bordés par deux parois vestibulaire et linguale. Ils sont moins fréquemment situés entre la surface dentaire et la table osseuse. La hauteur des parois vestibulaires et linguales est identique dans 85% des cas. (Fig 4)

Les cratères osseux sont classés selon leur profondeur en superficiel (1-2mm), moyen (3-4mm) et profond (>5mm)

Fig 4 Cratères osseux interdentaires

  1. Les lésions infra-osseuses (Intra-osseuses) : Elles se présentent sous forme de cavité dans l’os. Elles sont situées le long d’une ou de plusieurs racines dénudées comprises entre 1,2,3 parois osseuses ; la quatrième paroi est formée par la surface radiculaire.

Les lyses verticales ou angulaires localisées en inter-dentaires peuvent être visibles dans la radiographie, une table osseuse épaisse peut les cacher. En vestibulaire et en lingual, les lyses angulaires ne peuvent être examinées qu’après exposition chirurgicale. (Fig 5)

Fig 5 : Différents types de lyses angulaires classes selon le nombre de parois

Une lésion à trois parois intéresse une seule dent et se forme lorsqu’un seul mur osseux est détruit. Ce type de lésion présente un potentiel de cicatrisation favorable étant donné qu’il n’existe in situ qu’une seule paroi radiculaire exposée à la poche parodontale qui est envahie par les biofilms sous-gingivaux. L’espace cicatriciel propice à la migration des cellules ostéoprogénitrices est optimal car il est délimité par trois murs osseux.

Une lésion à deux parois intéresse une ou deux dents. Une seule dent est concernée si les deux murs osseux sont contigus avec la perte d’une des deux corticales ; deux dents sont touchées par la perte osseuse si le défaut osseux forme un cratère qui se constitue après la destruction de l’os interdentaire avec préservation des deux corticales, la corticale vestibulaire et la corticale linguale ou palatine.

Le potentiel de cicatrisation diffère en fonction de la disposition des parois. Ce potentiel reste satisfaisant en présence d’un cratère ; en revanche, il diminue nettement lorsque les murs sont côte à côte. La perte d’une corticale favorise en effet l’invagination du tissu conjonctif gingival dans l’espace cicatriciel.

Une lésion à une paroi intéresse fréquemment une seule dent. Dans ce type de lésion, seul un mur osseux interdentaire est préservé ; les corticales vestibulaire et linguale ou palatine sont détruites. Par conséquent, la lésion est surtout circonscrite par des parois dentaires avasculaires et conjonctives, ce qui assombrit significativement le pronostic.

Il faut également distinguer les lésions superficielles, moyennes et profondes, selon que le fond de la lésion est situé dans le 1er ,2ème, ou 3ème tiers de la longueur radiculaire

Enfin, il faut distinguer la lésion étroite (l’angle formé par le mur osseux et le grand axe de la dent ≤ 25°} de la lésion large (l’angle formé par le mur osseux et le grand axe de la dent ≥37°). En effet, l’architecture mais aussi la profondeur du défaut osseux sont d’une importance déterminante dans le choix de la thérapeutique à instaurer.

. Les hémi-septa : L’hémi septum est la portion du septum inter-dentaire qui reste après que la partie mésiale ou distale ait été détruite par la maladie parodontale.

  1. Diagnostic :
    1. Evaluation clinique :

. Evaluation des données liées au patient : Age, état de la santé générale, facteurs de risque des maladies parodontales.

. Evaluation des données cliniques : L’examen clinique est fondamental pour mettre en évidence les défauts osseux. Il permet de définir la profondeur ainsi que la complexité de la lésion grâce au sondage parodontal. En effet, l’observation visuelle ne permet pas d’objectiver la présence d’une lésion osseuse car celle-ci se présente souvent sans dénudation radiculaire et sans signe flagrant d’œdème gingival. La lésion se développe plutôt de façon chronique. Le sondage permet d’évaluer les rapports de la lésion avec le contexte environnant, la profondeur de poche, la perte d’attache.

Il faut évaluer les données liées à la dent concernée par le défaut osseux: mobilité, positon, environnement muqueux, intégrité coronaire, sensibilité, occlusion.

  1. La radiographie : La radiographie permet d’analyser la hauteur de l’os alvéolaire et le contour de la crête osseuse. Dans le cas des lésions infra-osseuses, elle permet d’analyser la zone interproximale ainsi que la morphologie radiculaire. Il faut être prudent dans l’interprétation d’un cliché car la superposition des structures dentaires et osseuses qui résulte de la transposition d’élément tridimensionnel sur une image bidimensionnelle ne permet pas d’observer la lésion sous tous ses angles. Ainsi, il est difficile d’évaluer l’atteinte osseuse des parois vestibulaires, linguales ou palatines.

Evaluer les données liées à la dent concernée par le défaut : anatomie des racines, rapports avec les dents adjacentes, état de l’endodonte.

Evaluer les données liées au défaut osseux : largeur et profondeur.

Conclusion: La perte de l’ancrage osseux est généralement considérée comme séquelle anatomique de la maladie parodontale, son extension, sa sévérité sont indépendantes du type de dent.

Références bibliographiques :

  1. Bercy P ; Tenenbaum H : Parodontologie du diagnostic à la pratique. Edition DeBoeck Université, Bruxelles, 1996.
  2. Borghetti A ; Monnet Corti V : Chirurgie plastique parodontale. Edition Cdp, Paris, 2000.
  3. Lindhe J : Manuel de parodontologie clinique. Edition Cdp, Paris ; 1985.
  4. Lindhe J. Clinical Periodontology and Implant Dentistry. 5th Edition. Blackwell Munksgaard. 2008.
  5. Lindhe.j : Lindhe’s Clinical Periodontology and implant Dentistry. Volume Seventh Edition. Wilew.B. 2022.
  6. Newman.M.G. Newman and Carranza’s Essentials of Clinical Periodontology. Elsevier. 2022
  7. Ramfjord S.P ; Ash MM : Parodontologie et parodontie. Edition Masson, Paris, 1993.

Les défauts osseux parodontaux : Classification – diagnostic

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