Les bases souples permanentes en prothèse complète
I. Introduction
Face à certaines situations délicates chez l’édenté total, l’intrados de la prothèse complète peut être doublé au moyen d’un matériau souple. Cela semble améliorer le confort des patients et préserver le support ostéo-muqueux en jouant le rôle d’amortisseur pour les surfaces d’appui.
II. Définition
La base molle permanente est un matériau souple qui tapisse l’intrados et les bords de la prothèse d’une épaisseur uniforme (de 2 mm en moyenne) et qui possède une certaine élasticité permettant d’absorber une partie de la pression exercée sur la gencive en lui offrant un meilleur confort lors de la mastication.
III. Indications
Sur le plan général :
Les patients dont les poly-pathologies interdisent toute chirurgie face à une anatomie défavorable des crêtes, à savoir :
- Patients traités par radiothérapie (risque d’ostéo-radionécrose).
- États pathologiques spécifiques en évolution (diabète).
- Refus psychologique suite à une phobie ou, le plus souvent, à des traumatismes liés à de nombreuses interventions.
Sur le plan local :
- Les crêtes fines, fragiles et atrophiées supportant mal les pressions transmises à travers la résine dure.
- Une forte résorption à la mandibule avec émergence du nerf mentonnier, l’édenté ne peut pas supporter les pressions dans ces régions.
- Crêtes irrégulières et exostoses quand la chirurgie est contre-indiquée.
- Un support osseux réduit face à une denture naturelle.
- Après fracture, pour diminuer les phénomènes douloureux ainsi que les sollicitations transmises à l’os.
- Après la pose d’un implant, pour soulager le site chirurgical.
IV. Contre-indications
- L’asialie : qui suit souvent un traitement anticancéreux et qui peut être compensée partiellement par l’emploi de substituts salivaires si la base souple est tout de même nécessaire.
- La mauvaise hygiène : du fait d’un handicap moteur ou cérébral mais aussi d’une négligence de l’hygiène, une prise en charge par une tierce personne pourrait lever la contre-indication.
- Les candidoses : qui devront être traitées avant la réalisation de la prothèse.
- Les crêtes flottantes : les bases souples s’accommodent mal sur des tissus mobiles et désinsérés.
V. Les différents matériaux souples permanents
1. Les résines acryliques
- Ce sont des polyméthacrylate de méthyle « classiques » rendus souples par adjonction de plastifiants.
- Ils ont une bonne liaison à la base prothétique qui est de même nature chimique.
- La mise en œuvre au laboratoire est aisée.
- Exemples :
- Vertex® thermo-polymérisable.
- PerformSoft photo-polymérisable.
2. Les silicones
- Ils sont souples de par leur nature chimique.
- Ils ont des propriétés anti-adhérentes vis-à-vis des micro-organismes.
- Ils exigent un adhésif et une interface métallique coulée (liaison métallique) pour les relier à la résine de base.
- Exemples : Lutemoll et Permaflex.
3. Éthylène acétate de vinyle (EVA)
- Ce sont des matériaux thermoplastiques contenant des substances antibactériennes.
- Ils sont souples de par leur nature chimique.
- Leur liaison à la résine rigide est renforcée par l’utilisation d’un adhésif.
- Exemple : FlexitalPlastulene (le plus connu), sa mise en œuvre nécessite un équipement et une technique spécifiques (il est injecté à chaud sous presse). Il se présente sous forme de cartouches prêtes à l’emploi.
4. Le fluoroélastomère
- Matériau semi-organique et radio-opaque.
- Il contient des substances fongicides et bactériostatiques.
- Sa liaison est correcte avec la résine de base mais nécessite l’adjonction d’un adhésif pour plus de sûreté.
- Il est thermo-polymérisable.
- Exemple : Novus.
Remarque : Le matériau souple idéal n’existe pas. Connaître leurs avantages et leurs inconvénients permettra d’en tirer le meilleur parti ou le moins mauvais.
VI. Avantages
Tous les matériaux décrits présentent des caractéristiques mécaniques similaires : ils sont souples et ils présentent tous un module d’élasticité important permettant un effet amortisseur réduisant ainsi l’énergie fournie par les chocs des forces masticatoires, ce sont des « solutions anti-trauma ». De ce fait, les bases molles permettent :
- Un meilleur confort pour le patient.
- Une efficacité masticatoire améliorée.
- D’améliorer l’adhérence de la base à la surface d’appui.
- Une insertion plus facile d’une prothèse en cas de grosses contre-dépouilles.
- La création d’un tampon amortisseur antifriction pour pallier au manque de salive visqueuse.
- De protéger la muqueuse buccale lorsque le film salivaire n’est plus en mesure d’assurer cette fonction (hyposialie, diabète, prise de certains médicaments).
- De soulager les douleurs sous-prothétiques déclenchées par les forces fonctionnelles.
- D’éviter le phénomène d’ostéo-radionécrose chez les patients irradiés devant être appareillés.
VII. Inconvénients
- Difficulté d’adhérence avec la base rigide (séparation à moyen terme).
- Porosités de surface induisant un risque de prolifération microbienne.
- Difficultés des retouches par fraisage.
- Fracture de la prothèse mandibulaire due à la faible épaisseur de la résine dans certaines zones.
- Changements de teinte.
- Déchirure et échec de liaison entre le matériau souple et la résine de base.
- Dégradation de l’état de surface.
- Opérations de polissage limitées.
VIII. Principes de réalisation
La mise en place se fera toujours par des techniques indirectes réalisées au laboratoire, jamais par des techniques directes qui, bien que souvent proposées, n’offrent aucune précision.
1ère technique : Lors de la mise en moufle
Premier temps :
- Avant de procéder au bourrage de la résine acrylique, un dispositif d’espacement est placé au contact de la crête sur toute son étendue. Le but de ce dispositif est de prévoir l’espace nécessaire au matériau souple.
- La résine acrylique est préparée puis bourrée dans la contrepartie du moufle.
- Ensuite, une feuille de polyéthylène est placée sur cette résine pour l’isoler du dispositif d’espacement.
- Puis le moufle est fermé et mis sous presse.
Deuxième temps :
- Le moufle est ouvert, la feuille de polyéthylène et le dispositif d’espacement sont éliminés.
Troisième temps :
- Le matériau souple est préparé puis bourré dans le moufle et les deux produits sont polymérisés simultanément.
2ème technique :
Consiste à réaliser dans un premier temps la prothèse totale avec la résine dure selon la technique conventionnelle, puis dans un deuxième temps réduire environ 2 mm d’épaisseur de la base (intrados + les bords) de la prothèse pour pouvoir la remplacer par un matériau souple, selon les étapes suivantes :
- Après coffrage de la prothèse, du plâtre est coulé dans l’intrados.
- La base souple est réalisée par la technique de mise en moufle :
- L’intrados est creusé, les bords raccourcis d’environ 2 mm.
- Pour assurer une parfaite jonction entre les deux matériaux, la surface de la résine de base est traitée selon les procédures propres au matériau souple.
- Puis celui-ci est déposé sur l’intrados traité.
- Le moufle est fermé sous presse pour éviter toute erreur d’occlusion.
- Après polymérisation, à chaud ou à froid selon le matériau employé, le moufle est ouvert et la prothèse retirée.
- Les bavures sont éliminées puis la prothèse est polie.
IX. Hygiène bucco-prothétique
L’hygiène et le contrôle prothétique sont indispensables au maintien de la biocompatibilité des prothèses. En effet, les résines molles étant plus poreuses, la prolifération microbienne a tendance à être plus importante d’où la nécessité d’une hygiène accrue. La procédure d’hygiène doit être adaptée à la nature des bases souples et le praticien doit s’assurer que cette dernière est bien maîtrisée par le patient.
1. Hygiène buccale
- Brossage quotidien des surfaces d’appui avec une brosse souple.
- Un rinçage (2 min) une fois par semaine avec une solution de gluconate de chlorhexidine à 0,2 %.
- Les bains de bouche antiseptiques doivent être utilisés avec prudence, car ils risquent de modifier l’équilibre fragile du milieu buccal.
2. Hygiène prothétique
- Le nettoyage quotidien de la prothèse s’effectue à l’aide d’une brosse à dents souple ou chirurgicale (afin de rayer le moins possible l’intrados) et d’eau savonneuse ou additionnée de dentifrice.
- Les solutions détergentes sont généralement trop agressives pour le matériau prothétique et ne sont en aucun cas une alternative satisfaisante au nettoyage mécanique.
- La désinfection quotidienne des prothèses avec la chlorhexidine n’est envisageable que dans les cas d’infections aiguës.
- Le port nocturne est déconseillé si le patient n’a pas une hygiène bucco-prothétique stricte.
X. Maintenance prothétique
- Lors des séances de contrôle, le praticien doit procéder au nettoyage minutieux de la prothèse à l’aide d’une brosse adaptée et de curettes, le tout suivi d’une immersion de quelques minutes dans une cuve ultrasonique.
- La désinfection de la prothèse est assurée par une solution antiseptique à base de chlorure de benzalkonium (1/700).
- La prolifération des micro-organismes (en particulier des levures) à la surface du matériau souple est supérieure à celle observée sur des bases dures. Les patients à risque (exposés à une infection candidosique) seront donc soumis à une surveillance clinique permanente.
- La mesure régulière du pH salivaire, à l’aide d’indicateurs colorés en papier, est un élément de diagnostic et un indice de l’état de la salive. Une diminution sensible du pH signera un terrain favorable à la croissance des levures.
XI. Conclusion
Bien qu’elles ne remplacent en aucun cas la prothèse conventionnelle rigide et ses nombreuses qualités, les bases souples permanentes représentent souvent l’unique solution prothétique confortable et non traumatisante pour les patients atteints de déficiences anatomiques et/ou fonctionnelles ou aucune chirurgie n’est envisageable.
Elles permettent de réduire l’impact des forces transmises aux surfaces d’appui en jouant le rôle d’amortisseur supplémentaire soulageant ainsi la muqueuse et l’os sous-jacent.
Cependant, plusieurs paramètres influencent leurs propriétés et limitent leur utilisation ; la difficulté de la maintenance, l’infiltration bactérienne, la perte de l’adhérence à la base rigide sont les principales causes d’échec de ce type de prothèses.
C’est pourquoi il est important que les patients soient prévenus des avantages et des inconvénients de ce type de traitement, ainsi que des contraintes liées à la mise en place d’une hygiène adaptée.
Les bases souples permanentes en prothèse complète
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Les bases souples permanentes en prothèse complète

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.