Les anomalies dentaires.
Introduction
Les anomalies dentaires, comme celles de tous les organes, obéissent aux lois de la pathologie générale. Elles sont classées en trois catégories :
- Anomalies congénitales : contractées in utero.
- Anomalies héréditaires : transmises génétiquement.
- Anomalies acquises : apparaissent après la naissance.
Étiologies
Plusieurs théories expliquent les différentes anomalies dentaires :
- Théorie génétique : altérations chromosomiques.
- Facteurs environnementaux : au cours de l’embryogenèse.
- Traumatisme direct du germe.
- Troubles du métabolisme phosphocalcique.
- Avitaminose : notamment vitamine D.
- Intoxications : fluor, médicaments, etc.
Anomalies congénitales
Ces anomalies sont contractées in utero. Elles peuvent être héréditaires ou survenir suite à une mutation génétique.
Anomalies d’éruption
Précocité
Pour les dents temporaires, une éruption est précoce lorsqu’elle survient de 1 mois (incisives) à 6 mois (2es molaires) avant la date normale d’éruption. Pour les dents permanentes, le délai est de 1 an. La majorité des éruptions précoces n’a aucune signification clinique notable. Les dents présentes à la naissance, appelées dents vestigiales, natales ou néo-natales, sont destinées à disparaître. L’extraction est indiquée lorsque la dent blesse :
- La gencive antagoniste.
- La langue (maladie de Riga-Fede).
- En cas de mobilité risquant une inhalation.
L’éruption prématurée peut accompagner certains syndromes, par exemple :
- Syndrome de Sotos : gigantisme cérébral, croissance rapide.
- Syndrome d’Ellis Van Creveld : dysplasie chondroectodermique, polydactylie, fentes labiopalatines, nanisme.
- Syndrome de Sturge-Weber : angiomatose encéphalotrigéminée.
Retard d’éruption
Les causes possibles incluent :
- Obstacle local : tumeur, odontome, etc.
- Désordres endocriniens : hypogonadisme, hypothyroïdie, hypopituitarisme.
- Origine génétique : par exemple, pycnodysostose.
Exfoliation
C’est l’expulsion prématurée des dents temporaires et/ou permanentes, souvent associée à une lyse parodontale ou osseuse. Elle accompagne des maladies telles que :
- Hypophosphatasie : déficit congénital en phosphatases alcalines.
- Histiocytose langerhansienne.
- Maladie de Chediak-Higashi.
- Syndrome de Papillon-Lefèvre.
Anomalies de nombre
Réduction
Agénésie
C’est l’absence d’une dent et de son germe.
- Anodontie : absence de toutes les dents primaires ou permanentes.
- Oligodontie : anodontie partielle étendue à un ou deux maxillaires.
Formes syndromiques
L’oligodontie syndromique est impliquée dans de nombreux syndromes polymalformatifs, par exemple :
- Dysplasie ectodermique anhydrotique (ou hypohydrotique) ou Syndrome de Christ-Siemens-Touraine : caractérisé par une hypodontie ou anodontie totale, anhydrose (absence de sudation) et hypotrichose (imberbe) chez un sujet d’aspect infantile ou sénile. Les formes intermédiaires sont nombreuses.
Augmentation
Dents surnuméraires (polyodontie)
- Intéressent la dentition temporaire et définitive.
- Prédominent dans la région incisive et prémolaire supérieure.
- Peuvent être conoïdes ou normales.
- Sont isolées ou associées à d’autres malformations.
Hyperodontie incisive (mésiodens)
Une dent surnuméraire de forme conoïde, en position normale ou anastrophique (rotation de 180° autour de l’axe horizontal) entre les incisives centrales supérieures (11 et 21).
Odontome/odontoïde
C’est une ébauche dentaire plus ou moins bien calcifiée.
Anomalies de forme
Anomalies de taille
Microdontie (nanisme dentaire)
C’est la diminution de la taille des dents. L’atteinte de toute la denture est rare et s’accompagne de diastèmes interdentaires. Ces dents sont de qualité médiocre et souvent de forme anormale. La microdontie isolée est rare, parfois associée à un désordre d’origine hypophysaire. Les formes syndromiques sont plus fréquentes, par exemple :
- Syndrome de Down.
- Syndrome de Turner.
Macrodontie (gigantisme dentaire)
C’est l’augmentation de la taille des dents. L’insuffisance de place sur l’arcade entraîne des chevauchements dentaires. La macrodontie généralisée relative peut résulter des proportions relatives des dents et des maxillaires. L’hérédité joue un rôle important, déterminant séparément la taille des dents et des maxillaires.
Anomalies morphologiques
Tubercule de Carabelli et tubercule de Bolk
- Tubercule de Carabelli : cuspide surnuméraire à la face palatine des molaires supérieures (16/26).
- Tubercule de Bolk : cuspide surnuméraire située à la face vestibulaire des molaires supérieures.
Gémination
La gémination dentaire représente une division incomplète d’un germe, généralement une incisive. Cliniquement, la dent géminée est plus volumineuse, présente une encoche nette au bord libre, avec une racine simple et un seul espace pulpaire.
Fusion
Apparaît lorsque deux germes s’unissent par la dentine au cours de leur formation. Cette fusion peut se faire entre :
- Une dent normale et une dent surnuméraire.
- Une dent normale et sa voisine normale.
Les racines sont séparées ou partiellement fusionnées, et les cavités pulpaires sont distinctes.
Concrescence
C’est l’union de deux germes par le cément, secondaire à une hypercémentose. Elle survient le plus souvent entre les 2e et 3e molaires définitives supérieures, parfois entre une molaire et une dent surnuméraire. La concrescence est distincte de la coalescence, qui est l’union de deux dents par un tissu osseux très dense.
Taurodontisme
Anomalie détectée radiologiquement par la présence d’une vaste chambre pulpaire.
Dens in dente
C’est l’invagination de l’émail dans la pulpe. L’incisive latérale supérieure permanente est la plus impliquée.
Dents d’Hutchinson
Anomalie stigmate de la syphilis congénitale, constituant un élément du diagnostic. Les incisives centrales présentent une échancrure en forme de demi-lune au bord libre, avec un diamètre cervical plus important que celui du bord incisif.
Anomalies de structure
Structure de l’émail
Dysplasie/dystrophie/hypoplasie
Altération de la structure des tissus dentaires. Deux grandes familles sont à considérer :
- Dysplasies d’origine génétique : affections héréditaires touchant l’émail, la dentine ou les deux (amélogénèse, dentinogénèse, odontogenèse imparfaites). Ces maladies peuvent être isolées ou accompagner des syndromes systémiques. L’atteinte de la fratrie ou des générations précédentes est à rechercher pour confirmer le diagnostic.
- Hypoplasies d’origine périnatale ou postnatale : touchent l’émail et la dentine, limitées aux premières années de vie (naissance à 7 ans pour les dents permanentes). Elles peuvent accompagner des maladies générales, telles que :
- Troubles gastro-intestinaux : maladie cœliaque.
- Carences.
- Néphropathies.
- Cardiopathies cyanogènes.
- Endocrinopathies : hypothyroïdie.
Amélogénèse imparfaite
Amélogénèse imparfaite héréditaire
Altération structurale de l’émail d’origine embryogène, non associée à un syndrome. Plusieurs formes existent :
- Forme hypoplasique : épaisseur réduite de l’émail, rugueux, creusé de puits disposés en lignes, cupules ou nappes.
- Forme hypomature : émail opaque ou pigmenté (orangé), vite abrasé.
- Forme hypocalcifiée : émail d’épaisseur normale mais mou et friable.
Amélogénèse imparfaite syndromique
Elle accompagne de nombreuses affections génétiques. La forme hypocalcifiée est observée dans des maladies métaboliques (rachitisme, maladie d’Albright) et des atteintes ectodermiques (syndrome oculo-dento-osseux, épidermolyse bulleuse). Les formes hypomature et hypoplasique peuvent également être rencontrées.
Dentinogénèse imparfaite (DI)
Caractérisée par un défaut qualitatif de la dentine, hypominéralisée et fragile. Les dents sont translucides (ambrées ou bleutées). L’émail, fragile, se détache facilement, entraînant une usure intense. La DI touche les dentures temporaire et définitive.
- DI de type I : associée à une ostéogénèse imparfaite. Aspect ambré et translucide, coloration variant du gris au jaune-brun ou brun-violet.
- DI de type II : la plus courante, appelée « maladie de Capdepont ». L’émail s’élimine progressivement, exposant la dentine à la salive, ce qui entraîne une usure rapide. L’atteinte est souvent moins sévère en denture permanente. Radiologiquement, l’oblitération de la chambre pulpaire et des canaux est pathognomonique.
- DI de type III : appelée DI isolée du sud du Maryland, caractérisée par des pertuis à la surface de l’émail, de nombreuses expositions pulpaires et une très large chambre pulpaire à l’examen radiographique.
Dysplasie dentinaire (DD)
Deux formes sont décrites :
- DD type I (radiculaire, rootless teeth) : racines particulièrement courtes (voire absentes) et coniques. La chambre pulpaire est oblitérée par la dentine dysplasique.
- DD type II (coronaire) : minéralisation anormale de la dentine des dents temporaires, opalescentes avec chambres pulpaires oblitérées. Les dents permanentes ont une couleur normale mais présentent des calcifications intrapulpaires.
Anomalies de position
Inclusion dentaire
La dent, visible radiologiquement, ne fait pas son éruption à la date prévue.
Ectopie
La dent est située à distance de son siège habituel d’éruption.
Hétérotopie
La dent est située en position extramaxillaire.
Transposition
La dent a échangé sa place avec une dent adjacente, souvent entre une canine et une prémolaire.
Rotation
La face vestibulaire de la dent est orientée du côté lingual.
Anomalies acquises
Dyschromies
Par mortification pulpaire
La dent devient grisâtre en raison de la mortification de la pulpe, secondaire à :
- Une carie.
- Un traumatisme direct ou microtraumatismes répétés (bruxisme).
- Des thérapeutiques (dévitalisation, curetage sinusien avec lésion du paquet vasculo-nerveux des molaires et prémolaires).
Post-médicamenteuse
L’intoxication à certaines substances (mercure, cadmium) ou médicaments (cyclines : tétracycline, doxycycline) pris pendant la grossesse ou l’organogenèse donne des colorations jaunâtres ou grisâtres inesthétiques.
Fluorose ou Darmous humain
Intoxication au fluor, se traduisant par des taches jaunes puis brunâtres au niveau lingual et vestibulaire des dents. Les incisives et les premières molaires sont les premières atteintes.
Ictère néonatal
Pigmentation verte secondaire à l’ictère néonatal.
Leucomes
Taches blanchâtres coronaires.
Myolyses ou résorptions cunéiformes
En coup de hache, à surface lisse et brillante, situées aux collets dentaires sur la face vestibulaire. Souvent sensibles aux microtraumatismes (brossage, sucre). Elles peuvent nécessiter une dévitalisation (mortification pulpaire lente) ou s’arrêter spontanément. Pour certains, elles sont liées au bruxisme.
Rhizalyse
Rhizalyse physiologique sur dents temporaires
Ne laisse que la couronne, aboutissant à sa chute.
Rhizalyse sur dents permanentes
Traduit une mortification pulpaire, observée :
- Lors de la réimplantation d’une dent.
- Au contact d’une dent incluse.
- À proximité d’une tumeur intra-osseuse.
Abrasions
Usure anormale, horizontale, de la dent, particulièrement friable, d’origine mécanique (bruxisme). Une calcification pulpaire réactionnelle se forme progressivement.
Dilacération
Anomalie de forme particulière des incisives supérieures définitives, due à un traumatisme mécanique aigu affectant l’incisive temporaire, avec des effets péjoratifs sur la croissance du germe définitif. Le traumatisme survient vers 4 à 5 ans, lorsque la couronne est formée et la racine en croissance, entraînant une courbure coronoradiculaire en forme de corne.
Possibilités thérapeutiques
Le traitement repose souvent sur l’extraction dentaire. L’implantologie offre de plus en plus de solutions thérapeutiques. Lorsque la hauteur coronaire et l’état de la racine le permettent, des restaurations prothétiques (couronnes, bridges) ou des restaurations esthétiques (composites, facettes en céramique) peuvent être envisagées. Les thérapeutiques d’éclaircissement des dents dyschromiques sont généralement décevantes.
Voici une sélection de livres:
- Odontologie conservatrice et endodontie odontologie prothètique de Kazutoyo Yasukawa (2014) Broché
- Concepts cliniques en odontologie conservatrice
- L’endodontie de A à Z: Traitement et retraitement
- Guide clinique d’odontologie
- Guide d’odontologie pédiatrique, 3e édition: La clinique par la preuve
- La photographie en odontologie: Des bases fondamentales à la clinique : objectifs, matériel et conseils pratique
Les anomalies dentaires.

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

