Les amalgames dentaires

Les amalgames dentaires

Les amalgames dentaires

Introduction

Les amalgames dentaires, matériau d’obturation des dents permanentes le plus ancien, ont bénéficié de nombreuses évolutions qui ont permis des améliorations significatives de leurs propriétés physiques et électrochimiques. Leur popularisation repose principalement sur :

  • Son large domaine d’indication.
  • Sa longévité buccale.
  • Sa facilité de mise en œuvre.
  • Son faible coût.

Cependant, un débat persiste entre les professionnels dentaires, qui estiment que l’amalgame est inoffensif, et les associations de patients ou écologistes, préoccupés par la toxicité du mercure contenu dans les amalgames et son impact environnemental.

Définition et composition

Définition

  • Selon Skinner (1971) : L’amalgame est un type particulier d’alliage dans lequel l’un des constituants est le mercure.
  • Selon l’ADA : Ce sont des alliages métalliques, binaires, ternaires ou quaternaires.
  • Note : Un alliage est un produit métallique résultant de l’incorporation d’un ou plusieurs éléments à un métal.

Composition

L’amalgame dentaire est un biomatériau métallique présentant un système métallurgique complexe, obtenu à partir de :

  • Poudre : Composée principalement d’argent (Ag), de cuivre (Cu) et d’étain (Sn), avec des proportions mineures de zinc (Zn), palladium ou indium.
  • Mercure (Hg) purifié : Représente 42 % à 50 % du poids du composé final.

Mercure

Le mercure, de symbole chimique Hg, est un métal liquide à température ambiante, de couleur argent brillant, connu depuis l’antiquité. Ses caractéristiques incluent :

  • Permet l’obtention d’une masse plastique insérable dans une cavité dentaire.
  • Toxicité variable selon son degré d’oxydation en milieu humide.
  • Toxique en raison de sa volatilité et de sa solubilité relative dans l’eau et les graisses.
  • Se combine facilement avec d’autres molécules.

Toxicité et pathogénicité du mercure

Les composés mercuriels ingérés se transforment en chlorure mercurique, puis en albuminate soluble pathogène. Les organes cibles principaux sont :

  • Le système nerveux central.
  • Les reins.

Son action protéolytique entraîne des lésions irréversibles.

Temps de prise

Définition

Le temps de prise est la durée entre le début de la trituration et la cristallisation complète, marquée par le durcissement de l’amalgame. Un temps idéal permet la sculpture de l’amalgame environ 15 minutes après la trituration.

Facteurs dépendant du fabricant

  1. Composition de la poudre :
    • L’argent accélère le temps de prise.
    • L’étain le prolonge.
  2. Morphologie, dimension et état de surface des particules :
    • Des particules plus petites accélèrent la réaction avec le mercure, donc le durcissement.
    • Une surface lisse facilite l’imprégnation, accélérant l’amalgamation.
  3. Recuisson (traitement thermique) :
    • Supprime les tensions internes.
    • Confère un équilibre thermodynamique à l’alliage.

Facteurs dépendant du praticien

  • Pression de condensation : Fournit une énergie mécanique, influençant la cinétique de prise. Elle comprime les particules des phases résiduelles et rejette les phases riches en mercure en périphérie, affectant la structure finale du matériau.

Propriétés chimiques

Corrosion chimique (ternissure)

La corrosion chimique des amalgames correspond principalement à la sulfuration de l’argent, entraînant un ternissement de surface. Ce phénomène se traduit par :

  • Un changement de couleur ou une légère altération de la surface.
  • Formation de dépôts durs (tartre) ou mous (plaque bactérienne), ainsi que d’oxydes, sulfures et chlorures.
  • Ce film protecteur ne doit pas être éliminé, car il prévient des attaques ultérieures.

Corrosion électrochimique

L’amalgame, un alliage hétérogène placé dans le milieu humide de la bouche, subit une dégradation par corrosion électrochimique due à :

  • L’action de l’eau, de l’humidité, des solutions acides ou alcalines, et de produits chimiques comme l’hydrogène sulfuré ou le sulfure d’ammonium.
  • La salive, un milieu électrolytique oxygéné et chloruré, facilite le transfert d’électrons, entraînant l’oxydation de l’alliage et la réduction des substances oxydantes (notamment l’oxygène).

Cela se manifeste cliniquement par une détérioration marginale lente et progressive.

Conséquences de la corrosion

  • Détérioration marginale.
  • Coloration de la dentine par les produits de corrosion.
  • Comblement de l’interface dent-matériau, réduisant l’infiltration de fluides buccaux et de micro-organismes.
  • Pouvoir bactéricide des produits de corrosion, limitant les récidives carieuses (confirmé par Morrier et al., 1998, sur Streptococcus mutans et Actinomyces viscosus).

Corrosion galvanique

En présence de plusieurs alliages (bi- ou poly-métallisme), une corrosion galvanique se produit. L’alliage le moins noble (plus électronégatif) subit une corrosion accélérée. Exemples :

  • Or et amalgame.
  • Amalgames de compositions ou d’âges différents (par exemple, alliage conventionnel vs alliage à haute teneur en cuivre).

Les couplages galvaniques génèrent des courants buccaux, pouvant causer :

  • Goût métallique.
  • Brûlures.
  • Picotements.

Propriétés physiques et mécaniques

Conductivité thermique

L’amalgame est un excellent conducteur thermique, 20 fois supérieur aux résines composites et 37 fois à la dentine. Cela peut provoquer des douleurs désagréables, nécessitant une protection pulpaire pour éviter les chocs thermiques.

Expansion thermique

L’amalgame a un coefficient de dilatation thermique de 22 à 28 × 10⁻⁶ °C⁻¹. Ces variations affectent l’étanchéité de l’obturation, avec un hiatus interfacial estimé entre 10 et 100 µm.

Résistance à la compression et à la traction

  • Résistance à la compression : 3200 kg/cm².
  • Résistance à la traction : 500 kg/cm².

Facteurs influençant la résistance :

  • Température : À 37 °C (température corporelle), l’amalgame perd environ 15 % de sa résistance. Une température élevée prolonge le temps de récupération de la résistance initiale.
  • Condensation : Une forte pression de condensation augmente la résistance en augmentant la proportion d’alliage et en réduisant la matrice formée.
  • Vitesse de cristallisation : Après 20 minutes, la résistance atteint 6 % de sa valeur finale ; après 8 heures, 70 à 90 %. Les patients doivent éviter les efforts de mastication intenses pendant cette période.

Effet de la trituration

La trituration n’affecte pas directement la résistance à la compression, mais une sous-trituration affaiblit l’obturation.

Stabilité dimensionnelle

  • Les amalgames à phase gamma (Ag₃Sn) présentent une stabilité dimensionnelle acceptable.
  • La présence d’étain libre entraîne une contraction.
  • Une légère expansion est préférable pour minimiser les écarts dimensionnels.

Fluage

Le fluage est une déformation plastique lente et irréversible sous pression constante, divisée en :

  • Fluage statique initial (« Flow »).
  • Fluage dynamique (« Creep »).

Les amalgames non gamma 2, avec un faible fluage, montrent une meilleure résistance à la dégradation marginale.

Dureté

La dureté est la résistance à la pénétration d’un corps plus dur. Les amalgames sphériques sont plus durs à 1 heure qu’un amalgame conventionnel à 7 jours. Valeurs de dureté Vickers (sous 300 g) :

  • 90–100 HVN.
  • 120–130 HVN.
  • 130–160 HVN.

Tableau comparatif des propriétés physico-chimiques

PropriétéÉmailDentineAmalgameCompositeCVI
Coefficient de dilatation (×10⁻⁶/°C)11,48,322,1–28,026,5–43,310,2–11,4
Conductivité thermique (W·m⁻¹·K⁻¹)0,920,6323,031,09
Module d’élasticité (GPa)13014,752–58,910,6–25,310,8
Dureté (kg/cm²)3506811025–6018–30
Résistance à la traction (7e jour, MPa)10,3105,551–5839–54,48,7–12,9
Résistance à la compression (7e jour, MPa)384297310–516260–480136–198
Contraction de prise<0,2 %2–5 %

Propriétés biologiques

Adaptation marginale

Les amalgames n’adhèrent pas aux tissus dentaires. Leur faible mouillabilité lors de l’insertion crée un hiatus de 10 à 100 µm, progressivement comblé par les produits de corrosion, qui causent une coloration grisâtre disgracieuse de la dentine.

Toxicité des produits de dégradation

Les produits de corrosion peuvent migrer vers la pulpe, provoquant une inflammation. Cependant, leur effet bactéricide limite les récidives carieuses aux interfaces dent-obturation.

Libération du mercure

Le mercure, volatile et liquide à température ambiante, est libéré des amalgames sous forme de :

  • Vapeurs de mercure à la surface.
  • Ions mercuriques issus de la corrosion.
  • Débris d’usure ou de fracture.

La libération est accentuée par :

  • Mastication.
  • Brossage.
  • Polissage.
  • Bruxisme.

Elle est ralentie par :

  • Une couche d’oxyde en surface.
  • Un film salivaire limitant les vapeurs.

Effets du mercure

  • Réactions allergiques : Rares, se manifestant par des lésions inflammatoires localisées (gencive) ou lichénoïdes près des obturations. La dépose de l’amalgame entraîne leur disparition.
  • Toxicité : Neurotoxicité et néphrotoxicité possibles, mais les données actuelles ne confirment pas de risques rénaux ou cérébraux liés au mercure des amalgames.
  • Grossesse : De faibles quantités de mercure traversent la barrière placentaire sans danger pour le fœtus.

Avantages et inconvénients

Avantages

  • Large domaine d’indication.
  • Longévité buccale.
  • Facilité de mise en œuvre.
  • Faible coût.

Inconvénients

  • Toxicité potentielle.
  • Fragilité sous faible épaisseur.
  • Susceptible à la corrosion et au ternissement.
  • Conductivité thermique élevée.
  • Coefficient de dilatation thermique élevé.
  • Inesthétique.
  • Difficulté de dépose.
  • Non-adhésif aux parois dentinaires.

Indications et contre-indications

Indications

  • Cavités de classe I, II et V des prémolaires et molaires.
  • Cavités complexes des dents postérieures.
  • Obturations rétrogrades.

Contre-indications

  • Cavités de classe III, IV et V antérieures.
  • Reconstitutions complexes des dents antérieures.
  • Cavités à parois minces et fragiles.
  • Bimétallisme.

Étapes cliniques de manipulation

  1. Préparation initiale :
    • Curetage dentinaire, thérapeutiques pulpo-dentinaires et mise en forme cavitaire.
    • Isolement du champ opératoire.
  2. Protection pulpaire :
    • Fond protecteur à base d’oxyde de zinc-eugénol pour les dents pulpées.
    • Fond plat stabilisateur pour les dents dépulpées.
  3. Mise en place de matrices :
    • Matrice et cône de bois pour les cavités de classe II.
    • Bague de cuivre pour les reconstitutions complexes.
    • Objectifs : Restaurer l’anatomie dentaire, rétablir le point de contact et assurer une adaptation précise au bord gingival.
  4. Trituration mécanique :
    • Réalisée avec un amalgamateur (vibreur automatique) et des capsules prédosées.
    • Permet un mélange homogène, brillant, optimisant le temps de travail, les propriétés mécaniques et réduisant le fluage et les variations dimensionnelles.
  5. Transport et condensation :
    • Transport via un porte-amalgame (sorte de seringue à embout emporte-pièce).
    • Condensation avec des fouloirs plats et striés pour :
      • Améliorer l’adaptation marginale.
      • Homogénéiser les apports.
      • Réduire les défauts internes.
      • Éliminer l’excès de mercure, qui compromet la résistance et favorise le fluage et la corrosion.
  6. Présculpture :
    • Réalisée avec des spatules tranchantes pour éliminer l’excès d’amalgame et donner la forme appropriée.
  7. Brunissage :
    • Effectué avec un brunissoir (instrument à bout lisse et arrondi) pour améliorer l’état de surface et l’adaptation marginale.
  8. Dépose de la matrice :
    • 3 à 4 minutes après la présculpture.
  9. Vérification de l’occlusion.
  10. Après 24 à 48 heures :
    • Dépose de la bague en cuivre.
    • Sculpture finale.
    • Polissage avec meulettes en caoutchouc, brossettes, ponce, pâte à l’alumine et disques abrasifs pour réduire la rugosité, améliorer la résistance à la corrosion et faire briller la surface.
    • Lustrage avec brossettes.
    • Vérification finale de l’occlusion.

Recommandations d’utilisation

  • Respecter les indications du matériau.
  • Utiliser exclusivement des amalgames non gamma 2 en capsules prédosées.
  • Déposer l’amalgame en cas de lésions lichénoïdes, pouvant indiquer une intolérance au mercure.
  • Éviter de placer des amalgames près d’autres restaurations métalliques pour prévenir la corrosion galvanique.
  • Effectuer le fraisage et le polissage sous refroidissement, aspiration et champ opératoire pour limiter la volatilisation du mercure.
  • Déconseiller la consommation fréquente de gommes à mâcher, qui augmente temporairement la libération de mercure.
  • Équiper les cabinets dentaires de séparateurs d’amalgame pour gérer les déchets.

Conclusion

Les amalgames dentaires ont considérablement évolué, notamment avec les formules non gamma 2, qui améliorent les propriétés mécaniques et la résistance à la dégradation buccale. Bien que faciles à manipuler, ils exigent une application rigoureuse de toutes les étapes cliniques pour garantir leur efficacité et leur sécurité.

Les amalgames dentaires

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2 thoughts on “Les amalgames dentaires”

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