LES ADHÉSIFS ET LEURS MÉCANISMES D’ADHÉSION – Biomatériaux Dentaire

LES ADHÉSIFS ET LEURS MÉCANISMES D’ADHÉSION – Biomatériaux Dentaire

LES ADHÉSIFS ET LEURS MÉCANISMES D’ADHÉSION – Biomatériaux Dentaire

LES ADHÉSIFS ET LEURS MÉCANISMES D’ADHÉSION

Introduction

Les systèmes adhésifs dentaires ont évolué dans leur chimie, mécanisme, nombre d’étapes, techniques d’application et performance clinique. En outre, la recherche s’est focalisée sur la simplification de la procédure et la réduction du nombre d’étapes d’application afin de minimiser le temps de manipulation et la sensibilité de la technique, améliorant ainsi l’efficacité de la liaison.

Les adhésifs amélo-dentinaires sont des biomatériaux d’interfaces. Ils contribuent à former un lien idéalement adhérent et étanche entre les tissus dentaires calcifiés et des biomatériaux de restauration ou d’assemblage. Hormis les ciments verre-ionomères, leurs dérivés et quelques rares colles auto-adhésives, tous les biomatériaux employés en dentisterie restauratrice et en prothèse fixée requièrent leur emploi. Leur champ d’indication est donc bien établi et leur apport à l’essor de thérapeutiques plus conservatrices, plus esthétiques et plus biocompatibles est tellement évident qu’il ne se discute plus aujourd’hui (Roulet & Degrange 2000). Les problèmes que posent ces produits relèvent de leur efficacité immédiate et dans la durée. Cette efficacité dépend principalement de leur mise en œuvre, car la technique adhésive s’avère très sensible à la manipulation. Bien les employer, bien les exploiter requiert au préalable de bien connaître leurs mécanismes d’action.

Terminologie

Adhésion

  • Selon le dictionnaire : « Force qui s’oppose à la séparation de deux corps mis en contact par leurs surfaces. »
  • Définition technique : C’est l’interaction qui lie deux matériaux de natures différentes mis en contact intime.

Adhérence

  • Selon le dictionnaire : « Le fait pour une chose d’adhérer à une autre. »
  • Figure 1 : Force nécessaire de séparation.
  • Définition technique : C’est la force ou l’énergie de séparation d’un assemblage collé.

Adhésif

C’est un polymère destiné au collage des matériaux de restauration sur la dent.

La cohésion

  • Selon le dictionnaire : « Ensemble des forces qui unissent les molécules d’un même corps. »
  • Définition technique : C’est l’attraction entre atomes ou molécules d’une même substance.

Le collage

Terme englobant les mécanismes d’adhésion comme l’adhésion mécanique et chimique.

Les modes d’adhésion

Ancrage mécanique

C’est la rétention que procure un matériau de scellement ou de collage après durcissement dans les rugosités du substrat.

Liaisons chimiques et intermoléculaires

On distinguera 2 types de liaisons :

  • Les liaisons fortes : Ce sont les liaisons covalentes ou ioniques intervenant sur de très courtes distances très difficiles à séparer (liaisons silaniques avec les verres).
  • Les liaisons intermoléculaires : Regroupent les forces de Van Der Waals et les liaisons hydrogènes. Elles sont faibles et interagissent sur de plus grandes distances.

Composition d’un adhésif amélo-dentinaire

Les systèmes adhésifs amélo-dentinaires reposent sur trois constituants :

Acide de mordançage

Il conditionne simultanément la dentine et l’émail avec un gel coloré d’acide orthophosphorique à 37 %, pendant 30 secondes pour l’émail et 15 secondes pour la dentine.

Primaire ou primer

Les primaires jouent un rôle majeur dans le processus d’adhésion à la dentine, ils permettent soit de maintenir suffisamment poreux le réseau de collagène, soit de permettre sa ré-expansion s’il a été collapsé lors du séchage.

Résine adhésive

Il s’agit d’une résine à base de BisGMA ou de diméthacrylate-uréthane. La résine doit être polymérisée avant l’insertion du composite afin de ne pas être déplacée. Le rôle de la résine adhésive est d’amortir les contraintes mécaniques en absorbant les tensions inhérentes à la contraction de polymérisation.

Les indications

  • Collage des restaurations au composite.
  • Collage des facettes céramiques.
  • Scellement des sillons et des puits.
  • Scellement des tenons en endodontie.
  • Ils sont contre-indiqués au contact direct de la pulpe.

Classification des adhésifs amélo-dentinaires

Classification historique

Comporte 7 générations :

  • À partir de la 2ème génération, la notion du mordançage a été introduite et intéressait seulement l’émail.
  • 4ème génération : Dans cette génération, la notion du total etching a été introduite (émail + dentine). Cette génération met en jeu 3 étapes.

Classification moderne

Elle est basée sur des principes d’action des différents systèmes adhésifs et sur le nombre de séquences d’applications. On distinguera 2 grandes classes d’adhésifs :

  • Celle des produits qui requièrent un mordançage suivi d’un rinçage, en préalable à leur emploi (M&R).
  • Celle des produits que l’on applique directement sur les surfaces dentaires sans aucun traitement préalable. Cette classe regroupe tous les systèmes auto-mordançants (SAM).

On peut distinguer dans chacune de ces classes, deux subdivisions selon le nombre de séquences de mise en œuvre : M&R III, M&R II, SAM II et SAM I.

Critères requis d’une adhésion durable

Respect du protocole opératoire

  • L’utilisation de la digue s’avère nécessaire pour éliminer tout risque de contamination salivaire afin de travailler dans un milieu aseptique et sec.
  • Respecter l’enchaînement et le protocole de mise en œuvre de chaque système adhésif.
  • Respecter le taux de concentration de l’acide orthophosphorique et le temps de mordançage au niveau de l’émail et de la dentine.
  • Rincer abondamment après chaque application de l’acide mordançant, durant un temps au moins égal à celui de son application.
  • Sécher délicatement car un séchage intensif empêche la formation de la couche hybride et augmente le risque de douleurs post-opératoires.
  • Assurer une bonne polymérisation après application de l’adhésif.

Biocompatibilité

La première qualité est incontournable : c’est une biocompatibilité. Un adhésif ne devrait pas induire de réaction néfaste ni pour son utilisateur, ni pour son destinataire. Idéalement, il ne doit pas être allergisant ni toxique. Il ne doit pas avoir de potentiel mutagène. Tous les adhésifs actuels possèdent des terminaisons méthacryliques qui sont le siège de leur polymérisation. Les doubles liaisons C=C possèdent un potentiel allergisant non négligeable. L’effet est plus conséquent pour les praticiens que les patients. Une enquête conduite au Danemark a montré que 1,7 % des dentistes présentaient une allergie aux acryliques (Munskgaard et coll., 1996). À ce titre, les gants en latex, qui sont eux-mêmes sensibilisants, n’offrent qu’une protection très temporaire compte tenu de leur perméabilité à certains monomères (Munskgaard, 1992).

Sur un plan plus local, un adhésif ne doit pas être cytotoxique pour la pulpe. Idéalement, il devrait promouvoir la cicatrisation dentino-pulpaire. Si un certain nombre d’études in vitro ont mis en évidence un potentiel cytotoxique des adhésifs (Camps et coll., 1997, Bouillaguet et coll., 1998), leur comportement in vivo apparaît au contraire favorable à la cicatrisation pulpaire, à la double condition qu’ils ne soient pas employés comme matériaux de coiffage direct et qu’ils assurent une interface étanche à la pénétration des fluides buccaux et des bactéries qu’ils contiennent (Demarco et coll., 2001, Mjor 2002).

Adhésion et étanchéité

Un adhésif doit avant tout coller. Il doit assurer de manière immédiate un joint adhérent suffisamment fort pour s’opposer aux contraintes de polymérisation du composite qu’on applique à sa surface. Par ailleurs, comme la mise en fonction d’une restauration suit directement le traitement, ce joint doit présenter une résistance précoce suffisante particulièrement lorsque la rétention est faible et que l’essentiel de la tenue est assuré par le collage. Il est habituellement admis qu’il doit être étanche à l’échelle du micromètre qui est celle de la bactérie. En fait, c’est à une dimension bien plus faible (celle du nanomètre) que l’interface adhésif – tissus dentaires doit s’établir pour éviter la pénétration de fluides générateurs de sensibilités postopératoires.

Durabilité

Les qualités d’adhérence et d’étanchéité doivent non seulement être immédiates mais durables pour éviter les colorations marginales, les caries récurrentes, les sensibilités, voire la perte de la restauration qui sont autant de phénomènes de dégradation limitant la longévité des traitements. Au niveau des marges amélaires, ce critère apparaît bien établi depuis longtemps non pas en raison des qualités intrinsèques des adhésifs, mais par le biais du mordançage avec des solutions d’acide phosphorique. Au niveau de la dentine, plusieurs études récentes mettent en évidence in vitro et in vivo, une détérioration de la zone profonde de la couche hybride dont les mécanismes seront évoqués plus loin (Sano et coll., 1995, Hashimoto et coll., 2000).

Simplicité et fiabilité de mise en œuvre

Dans l’emploi d’un adhésif, tout praticien devrait idéalement pouvoir espérer des résultats thérapeutiques fiables et reproductibles. Ce n’est pas le cas actuellement car la technique adhésive est très sensible à la manipulation. De petits écarts dans la procédure de mise en œuvre sont susceptibles de compromettre la durabilité du collage. Ce problème sera abordé en détail.

Classification

L’approche historique

1952-1982 : 1ère génération ou période des pionniers

La recherche d’une adhésion à la dentine efficace est une quête constamment poursuivie depuis un demi-siècle. L’histoire de l’adhésion aux tissus dentaires commence au début des années 50. À cette époque, les résines acryliques sont proposées comme alternative aux ciments d’obturation à base de silicates pour les restaurations à caractère esthétique. Si ces résines apportent un plus en termes de mise en œuvre, de résistance et de qualité optiques, elles forment un joint de qualité médiocre avec les parois cavitaires. Il y a plusieurs raisons à cela. La résine acrylique n’a aucun potentiel spécifique d’adhésion aux tissus dentaires. Elle a un retrait de prise conséquent (> à 6 % en volume) et présente par ailleurs un grand écart dilatometrique avec la dent (90 ppm/°C contre 10 ppm/°C). Tous ces éléments concourent à la percolation des fluides buccaux aux interfaces cavitaires avec pour conséquences l’agression pulpaire et la coloration des bords de l’obturation. Il s’agissait donc de rechercher tout moyen susceptibleSyndrome de l’interface adhésif-tissus dentaires. La couche hybride, observée pour la première fois à l’interface dentine-Sevriton, a été décrite 30 ans plus tard comme un concept clé pour l’adhésion à la dentine (Kramer & Mac Lean, 1952). Buonocore, en 1956, expérimente l’adhésion dentinaire avec un mélange contenant du GPDM après mordançage à l’acide chlorhydrique, mais les résultats sont décevants (3 MPa) (Buonocore et coll., 1956). Masuhara et Bowen proposent également des améliorations via des systèmes d’amorçage de polymérisation ou de nouveaux monomères fonctionnels (Masuhara et coll., 1963, Bowen 1965). Ces formulations restent confidentielles ou peu diffusées. Certaines idées de cette période se retrouvent dans les systèmes adhésifs modernes. C’était la période d’incubation.

1980-1985 : 2ème génération – Les esters méthacryliques de l’acide phosphorique

À la fin des années 1970, l’utilisation croissante des composites rend nécessaire l’optimisation de l’adhésion et de l’étanchéité à la dentine pour une meilleure longévité. L’école japonaise, qui accepte déjà le concept du mordançage total, est particulièrement innovante. Takeyama introduit le monomère 4-META en 1978 et Fusayama propose en 1979 le Phenyl P (Fusayama et coll., 1979, Atsuta et coll., 1982). Au début des années 80, 3M brevette un nouvel agent de couplage avec des groupements chloro-phosphores greffés sur un monomère dérivé du Bis-GMA, base du premier Scotchbond. Aux États-Unis et en Europe, apparaissent des adhésifs avec une fonction terminale phosphate acide, caractéristiques de la 2ème génération. La dentine ne subit aucun traitement préalable à leur application. Leur potentiel d’adhérence dentinaire reste faible (5 MPa), bien inférieur à la rétention procurée par l’émail mordancé (15-20 MPa). Cette valeur correspondait en réalité à l’adhérence de la boue dentinaire sur la dentine (Tao & Pashley, 1988).

1985-1991 : 3ème génération – Introduction de la notion de système adhésif

La 3ème génération correspond au développement du concept de système adhésif, une association de plusieurs produits. La résine adhésive est couplée à une ou plusieurs solutions appliquées préalablement pour stabiliser les boues dentinaires et faciliter leur mouillage et infiltration sur les parois cavitaires. Cette génération est représentée par trois produits majeurs : Tenure (Den Mat), dérivé d’une proposition de Bowen en 1982, Gluma Bond (Bayer), issu des travaux de Munskgaard et Asmussen, et Scotchbond 2 (3M) (Bowen 1982, Munsgaard & Asmussen 1984). Ces systèmes permettent d’élever la valeur moyenne de l’adhérence à la dentine, dans une fourchette de 8 à 12 MPa.

1990 : 4ème génération – Reconnaissance du concept du mordançage total

La 4ème génération repose sur le concept du mordançage simultané de l’émail et de la dentine. Au niveau de la dentine, l’attaque acide élimine l’essentiel de la boue et génère une déminéralisation du substrat sur une profondeur de quelques microns. Ce traitement permet la pénétration d’une résine adhésive dans les tubules et à l’intérieur du réseau de fibrilles protéiques dégagé par le mordançage dans les espaces inter et péritubulaires. C’est le principe d’adhésion micromécanique de la couche hybride et des brides décrit par Nakabayashi en 1982 (Nakabayashi et coll., 1982). Il a fallu un profond changement d’esprit en Occident pour accepter ce qui est aujourd’hui une évidence. La boue dentinaire était alors considérée comme une barrière s’opposant à la diffusion des micro-organismes et des produits agressifs vers la pulpe. Kanca et Bertolotti ont été les moteurs de cette révolution d’idée (Kanca 1990, Kanca 1991, Bertolotti 1992).

Les systèmes de la 4ème génération mettent en jeu trois étapes :

  1. Un mordançage acide de la surface dentinaire.
  2. Le mouillage et la pénétration de la surface traitée à l’aide d’un primaire.
  3. L’infiltration d’une résine adhésive qui doit co-polymériser avec le composite.

L’adhésif, après prise, assure l’ancrage et l’étanchéité de la restauration. All Bond, développé par B. Suh, est le premier système caractéristique de cette génération largement commercialisé (Suh 1991). D’autres produits suivent : Optibond, Optibond FL (Kerr), Scotchbond Multi-Purpose (3M), Clearfil Liner Bond (Kuraray), Syntac (Vivadent), etc. L’apport clinique des adhésifs de 4ème génération a été considérable, marquant l’avènement d’une dentisterie adhésive plus fiable, moins mutilante et plus esthétique. La quasi-totalité de ces systèmes est encore sur le marché aujourd’hui.

Cependant, la mise en œuvre des trois étapes du collage a été ressentie par l’omnipraticien comme trop longue et contraignante. Bien que l’ensemble des stades du collage ne dure pas plus de deux minutes, il est nécessaire de contrôler la qualité du champ opératoire et l’absence de contamination. La digue, qui pallierait ce problème, est peu utilisée en pratique quotidienne. L’industrie a donc développé des produits adhésifs plus simples et rapides.

1995 : 5ème génération

Au milieu des années 90, des systèmes adhésifs plus simples sont introduits. Ils regroupent en un seul flacon le primaire et la résine adhésive, mais nécessitent toujours un mordançage préalable à l’acide phosphorique. Le concept fondamental du collage à la dentine reste inchangé. Plus rapides et apparemment plus simples, leur pénétration exige une certaine humidité résiduelle de la dentine déminéralisée pour être suffisamment permeable. Ils contiennent des monomères hydrophiles, des solvants organiques et parfois un peu d’eau, qui améliorent l’infiltration de l’adhésif.

1995-6ème génération : L’auto-mordançage par des monomères

Une autre évolution concerne les adhésifs auto-mordançants, développés principalement par l’industrie japonaise. Le premier système est Clearfil Liner Bond 2 (Kuraray) (Sano et coll., 1994). Dans cette classe, le mordançage et le primaire sont réunis en une seule étape. L’agent de mordançage n’est plus un acide minéral ou organique classique, mais exploite l’acidité de certains monomères capables de déminéraliser et infiltrer simultanément les tissus dentaires calcifiés. Leur application, sans rinçage, est suivie de celle d’une résine adhésive classique, plus hydrophobe, assurant un bon degré de co-polymérisation avec le composite.

2000 : 7ème génération – Les adhésifs « tout en un »

Ces produits regroupent en un seul conditionnement ou mélange les trois étapes du collage. Ils sont théoriquement capables de mordancer et d’infiltrer émail et dentine tout en formant une couche de résine apte à s’unir au composite par photopolymérisation. C’est l’ultime simplification de la procédure en attendant le biomatériau auto-adhésif. Ce sont des mélanges complexes contenant des monomères hydrophiles à caractère acide avec suffisamment d’eau pour permettre leur ionisation, des monomères hydrophobes pour une bonne réaction de polymérisation avec les matrices des composites, et des solvants organiques.

Cette classification historique a pris un caractère « marketing » depuis une décennie. Les quatre dernières générations répondent au même principe fondamental. La notion de génération ne prend pas en compte les principes d’action ni les performances des adhésifs, et il n’est pas évident que chaque génération représente un apport thérapeutique par rapport à la précédente. Cela explique la présence des quatre dernières sur le marché aujourd’hui. Une classification plus rationnelle est donc nécessaire.

L’approche rationnelle

Cette classification repose sur les principes d’action des systèmes adhésifs et le nombre de séquences d’application (Van Meerbeek et coll., 2003, Degrange 2004). On distingue deux grandes classes :

  • Produits nécessitant un mordançage suivi d’un rinçage (M&R).
  • Produits appliqués directement sans traitement préalable (systèmes auto-mordançants – SAM).

Dans chacune de ces classes, deux subdivisions selon le nombre de séquences :

  • M&R III et M&R II pour les adhésifs classiques.
  • SAM II et SAM I pour les auto-mordançants.

Ce classement intègre toutes les variétés de produits commercialisés dans quatre catégories : M&R III, M&R II, SAM II et SAM I.

Mécanismes d’action des différents systèmes

Après fraisage, les surfaces d’une préparation sont recouvertes d’une couche de boue formée des débris d’usinage (« smear layer »). Cette couche poreuse et hétérogène est un agglomérat d’hydroxyapatite, de protéines et de bactéries, d’une épaisseur variable (1 à 3 μm en moyenne). Quel que soit le système adhésif, la procédure commence par un traitement acide pour l’éliminer ou la stabiliser.

Ce traitement affecte la surface de l’émail et de la dentine pour créer des micro-rugosités et micro-porosités propices à l’infiltration de monomères, qui, après polymérisation, forment une interphase adhérente et idéalement étanche entre les tissus dentaires et le biomatériau de restauration. Schématiquement, il s’agit de substituer à l’hydroxyapatite déminéralisée ou éliminée de la résine. L’adhésion aux tissus dentaires est donc principalement micromécanique. Toutefois, des interactions chimiques additionnelles peuvent contribuer à la liaison lorsque l’adhésif contient des monomères fonctionnels capables de s’unir à l’hydroxyapatite (Yoshida et coll., 2004). Cette composante chimique, masquée à court terme par l’ancrage micromécanique, pourrait jouer un rôle dans la longévité des joints collés, notamment pour certains SAM faiblement acides.

Les systèmes avec mordançage préalable et rinçage (M&R)

Les systèmes M&R III

Ces systèmes regroupent plusieurs produits appliqués successivement en trois séquences :

Le mordançage

La première étape consiste à appliquer une solution ou un gel, généralement d’acide phosphorique, pendant 30 secondes sur l’émail et 15 secondes sur la dentine. Ces durées varient légèrement selon le pH et la concentration de l’acide. Après rinçage, l’émail présente les facies classiques propices à l’ancrage micromécanique. Il est souhaitable d’utiliser des gels d’acide phosphorique à plus de 20 % pour contrôler visuellement l’efficacité du mordançage, l’émail prenant un aspect blanc mat crayeux.

Sur la dentine, l’attaque acide élimine les boues dentinaires, ouvre les orifices tubulaires et déminéralise superficiellement les zones péritubulaires et intertubulaires sur une profondeur de un à quelques μm. Cette zone est constituée d’un réseau de fibrilles de collagène entrelacées, dispersées dans l’eau du rinçage (environ 25 % de collagène et 75 % d’eau). La surface, principalement hydrophile, pose un problème pour l’infiltration de monomères méthacryliques hydrophobes nécessaires à une bonne co-polymérisation avec le biomatériau de restauration. Un séchage par évaporation de l’eau entraîne une fusion des fibrilles protéiques, rendant la surface collapsée compacte et peu propice à la pénétration de la résine.

Le primaire

Le primaire (« primer ») joue un rôle majeur dans l’adhésion à la dentine. Ce liquide permet :

  • De maintenir suffisamment poreux le réseau de collagène.
  • De permettre sa ré-expansion s’il a été collapsé lors du séchage.

L’application du primaire est essentielle pour assurer la perméabilité de la dentine déminéralisée après évaporation de l’eau. Une fois l’eau éliminée, la surface devient hydrophobe, favorisant la pénétration de la résine. Les primaires contiennent de l’eau, des monomères hydrophiles et des solvants organiques. Le monomère le plus courant est l’HEMA (hydroxy-éthyl méthacrylate), seul composé méthacrylique totalement soluble dans l’eau. Les solvants facilitent l’évaporation de l’eau après application. Une élimination quasi complète de l’eau par séchage est nécessaire pour former une interphase adhérente de qualité. La présence d’eau résiduelle conduit à des lacunes et une réduction du taux de conversion des monomères de résine (Jacobson & Soderholm 1995).

La résine adhésive

La troisième étape est l’application de la résine adhésive, qui pénètre les tubules et s’infiltre dans les canaux du réseau protéique inter et péritubulaire. Dans des conditions optimales, après co-polymérisation avec le composite, une interphase adhérente et étanche se forme entre le composite et la dentine intacte, constituée d’une couche hybride inter et péritubulaire et de brides résineuses intratubulaires (« tags »).

La couche hybride et les brides de résine

La couche hybride est un entrelacement de fibres de collagène (polymère naturel) et de macromoléMatrix metalloproteinases (MMPs) endogènes, activées après déminéralisation, dégradent la couche hybride, contribuant à sa détérioration à court terme (Hashimoto et coll., 2000). La qualité du joint collé à l’émail périphérique protège temporairement l’interface adhésif-dentine (de Munck et coll., 2003).

Les systèmes M&R II

Ces produits, présentés en un seul flacon, contiennent les éléments du primaire et de la résine adhésive : monomères hydrophobes, hydrophiles, solvants, parfois des charges et des amorceurs de polymérisation. Leur mise en œuvre, plus simple, ne comprend que deux séquences. Cependant, l’élimination de l’excès d’eau à la surface de la dentine mordancée et rincée est cruciale. Un excès d’eau (« sur-mouillage ») empêche la formation d’un joint adhésif continu (Tay et coll., 1996), tandis qu’un séchage trop intense entraîne un collapse du collagène. Trouver le bon degré d’humidité dentinaire est difficile. Plusieurs techniques sont proposées : séchage progressif à l’air, élimination des excès par aspiration, absorption avec boulette de coton humide ou « micro-brosses », ou rehydratation après séchage (Kanca 1996, de Goes et coll., 1997). Les adhésifs M&R II à base d’acétone sont plus sensibles à l’humidité que ceux à base d’alcool.

Systèmes auto-mordançants (SAM)

Les systèmes auto-mordançants contiennent de l’eau pour activer l’ionisation de leurs monomères acides fonctionnels (Mosner et coll., 2005). Sans rinçage, les monomères acides déminéralisent et infiltrent simultanément émail et dentine. Sur la dentine, ils dissolvent la phase minérale de la boue dentinaire avant d’attaquer superficiellement la dentine sous-jacente. Les ions calcium et phosphates passent en solution dans l’adhésif liquide. Les groupements carboxyles ou phosphates de certains monomères forment des liaisons chimiques avec l’hydroxyapatite dissoute, améliorant la cohésion de la résine infiltée après polymérisation et sa résistance à l’hydrolyse (de Munk et coll., 2005). La boue dentinaire, non totalement éliminée, est infiltrée. Avec un pH de 0,8 à 2,5, la couche hybride est fine (< 2 μm) comparée à celle formée par l’acide phosphorique. L’adhérence à la dentine ne dépend pas de l’épaisseur de la couche hybride (Pioch et coll., 1998, Tay & Pashley 2001, Tani & Finger 2002). L’acidité des primaires SAM influence leur efficacité sur l’émail et la durabilité des joints. Van Meerbeek et coll. distinguent les primaires/adhésifs à caractère acide fort (pH < 1) et ceux faiblement acides (pH > 2) (Van Meerbeek et coll., 2003).

Les systèmes SAM II

Un primaire acide (« self-etching primer ») est appliqué en premier, déminéralisant et infiltrant simultanément les tissus dentaires calcifiés. Il doit agir 20 à 30 secondes pour une diffusion efficace. Après évaporation de l’eau par séchage, une résine hydrophobe, similaire à celle des M&R III, est appliquée. Elle assure une co-polymérisation efficace avec le composite, dissipe les contraintes de polymérisation et mécaniques, et limite l’incompatibilité avec les composites chimio-polymérisables ou duals (Cheong et coll., 2003).

Les systèmes SAM I

Les SAM I (« all-in-one ») combinent mordançage, primaire et adhésif en un seul produit, simplifiant la procédure et limitant les risques d’erreur. Ils contiennent eau, monomères hydrophiles, solvants et monomères hydrophobes. Leur homogénéité est critique, et une évaporation insuffisante de l’eau peut entraîner une séparation de phase (van Landuyt et coll., 2005).

Efficacité des systèmes adhésifs

Influence de l’acidité des agents de mordançage

Au niveau de l’émail

La qualité du mordançage est le principal facteur influençant l’adhésion à l’émail. La nature, la concentration, les temps d’application et de rinçage de l’acide priment sur la nature de l’adhésif. Une exception concerne le collage sur émail humide, où certains M&R III, grâce à leurs primaires, procurent une bonne adhérence (Kanca, 1992, Swift et coll., 1998, Jain & Stewart 2000). Les monomères hydrophiles et solvants organiques des M&R II permettent de s’affranchir de l’humidité de l’émail (Chuang et coll., 2005). L’acide phosphorique (20-40 %) reste la référence pour une liaison fiable et durable.

L’adhésion des SAM à l’émail est débattue. Les facies d’attaque des SAM sont moins rétifs que ceux de l’acide phosphorique (Goran et coll., 1998, Hannig et coll., 1999, Perdigao & Geraldeli 2003). Sur émail non préparé, les SAM présentent de faibles valeurs d’adhérence (Perdigao et coll., 1997, Kanemura et coll., 1999, Pashley & Tay, 2001). L’adhérence dépend du pH et de l’amplitude de l’attaque. Bien que certaines études montrent des valeurs équivalentes entre M&R et SAM (Barkmeier et coll., 1995, Shono et coll., 1997), la majorité indique une adhérence réduite des SAM sur émail fraisé (Yoshiyama et coll., 1998, Miyazaki et coll., 2000, Inoue et coll., 2003, De Munck et coll., 2003, Senawongse et coll., 2004, Goracci et coll., 2004, Ernst et coll., 2005, Kerby et coll., 2005). Une étude in vivo confirme une meilleure intégrité des marges d’émail avec les M&R (Opdam et coll., 1998, Peumans 2005a). La moindre rétention mécanique des SAM pourrait révéler leur composante chimique, notamment avec des monomères MDP (Yoshida et coll., 2004). L’étanchéité marginale à long terme des SAM reste incertaine, mais un mordançage préalable des marges d’émail à l’acide phosphorique est possible (Pashley & Tay, 2001, Chuang et coll., 2005).

Au niveau de la dentine

Un mordançage prolongé rend l’infiltration complète de la dentine déminéralisée aléatoire. Pour un gel d’acide phosphorique à 35-40 %, le temps de contact ne doit pas excéder 15 secondes. Un mordançage préalable est contre-indiqué pour les SAM, leurs monomères ayant peu de chances de pénétrer totalement la dentine déminéralisée (Walker et coll., 2000). Bien que l’hybridation des SAM semble complète, une déminéralisation prolongée au-delà de la polymérisation est possible avec des SAM I acides forts (Wang & Spenser 2005).

L’épaisseur de la boue dentinaire, variable selon le type de fraise (1 mm avec fraises ultra-fines, jusqu’à 2,8 μm avec gros grains), influence l’adhérence des SAM. Certains notent une diminution de l’adhérence avec une boue plus épaisse (Watanabe et coll., 1994, Inoue et coll., 2001, Ogata et coll., 2001), tandis que d’autres montrent une hybridation indépendante de l’épaisseur (Tay et coll., 2000, Tani & Finger 2002). En raison de ces divergences, une finition avec des instruments à grains fins est prudente pour les SAM.

Compatibilité

Certains adhésifs sont incompatibles avec les composites ou colles chimio-polymérisables ou duals, en raison de l’absence d’activation photonique, entraînant une zone non polymérisée à l’interface (Hagge & Lindemuth 2001). Cette incompatibilité est due à l’acidité de certains adhésifs (Sanares et coll., 2001, Tay et coll., 2003 a et b). La chimio-polymérisation nécessite des radicaux libres formés par la réaction d’un peroxyde organique (catalyseur) avec une amine tertiaire (base). Les monomères acides libres de l’adhésif, diffusant dans le composite, réagissent avec les amines tertiaires, inhibant la formation de radicaux libres et la polymérisation. Les M&R II et SAM I, riches en monomères acides et semi-perméables, sont particulièrement concernés (Tay et coll., 2003 b, 2003 a). Les M&R III et SAM II, avec une résine intermédiaire hydrophobe, sont plus compatibles (Cheong et coll., 2003).

Pour pallier cette incompatibilité, certains fabricants fournissent un activateur (souvent un sulfinate de sodium) réduisant la couche inhibée par l’oxygène et favorisant la formation de radicaux libres (Suh et coll., 2003). En pratique, il est conseillé de sélectionner :

  • Un adhésif photopolymérisable à pH neutre ou proche.
  • Un système avec activateur additionnel, souvent dual.

Considérations pratiques et sensibilités post-opératoires

La suppression du rinçage par les SAM réduit les risques de brûlure chimique des tissus buccaux et de saignement parodontal, notamment sans digue (lésions cervicales, proximales, facettes). Cela limite la contamination par le sang ou le fluide gingival. Le principal avantage clinique des SAM est la réduction des sensibilités post-opératoires, attribuées aux variations de pression intratubulaire (Brannstrom & Astrom 1972). Contrairement aux M&R, les SAM n’éliminent pas les bouchons de boue dentinaire, mais les imprègnent, réduisant la perméabilité dentinaire (Pashley 1984). L’infiltration de la boue améliore l’obturation tubulaire (Hashimoto et coll., 2004), diminuant les mouvements hydrodynamiques et les sensibilités post-opératoires (Opdam et coll., 1998, Peumans et coll., 2005a).

Qualité et durabilité de l’interphase dentine-adhésif

L’hybridation des tissus dentaires calcifiés a révolutionné la dentisterie réparatrice, mais un joint étanche à la dentine reste problématique. Les surfaces cavitaires sont rarement homogènes, composées de dentines secondaires, tertiaires, sclérotique, carieuse, déminéralisée, reminéralisée ou hyperminéralisée, influençant l’adhésion et l’étanchéité (Marshall et coll., 1997). L’interphase dentine-adhésif est souvent imparfaite, avec une infiltration partielle de la zone déminéralisée, générant des nano-fuites (Sano et coll., 1994, 1995, Armstrong et coll., 2001). Limiter le mordançage de la dentine à 15 secondes pour les M&R est conseillé.

Même avec une pénétration complète, la qualité de l’hybridation peut être médiocre. Le réseau de collagène agit comme un filtre sélectif, limitant la pénétration des monomères hydrophobes à faible poids moléculaire (Spencer & Wang, 2002, Wang & Spencer, 2003). Les monomères hydrophiles (ex. HEMA) dominent la zone profonde, formant une résine peu polymérisée, susceptible de s’hydrolyser. Le collagène, non protégé, peut être dégradé par des enzymes bactériennes, salivaires ou endogènes (Tjaderhan et coll., 1998, van Strijp et coll., 2003, Pashley et coll., 2004). Les métalloprotéases matricielles endogènes contribuent à cette dégradation (Pashley et coll., 2004), observée in vivo sur des dents temporaires (Hashimoto et coll., 2000). La qualité du joint à l’émail périphérique protège temporairement l’interface adhésif-dentine (de Munck et coll., 2003).

La sensibilité à la manipulation complique la formation d’un joint de qualité. Une erreur dans le protocole peut compromettre l’adhésion (Ciucci et coll., 1997, Sano et coll., 1998, Degrange et coll., 2001). Les systèmes simplifiés (M&R II, SAM I et II) ne sont pas plus tolérants que les M&R III (Finger & Balkenhol 1999). La pénétration des M&R II dépend de l’humidité dentinaire (Gwinnett, 1992, Kanca, 1992, Tay et coll., 1996). Un séchage insuffisant ou trop brutal des SAM affecte dramatiquement la qualité du joint (Frankenberger et coll., 2000, Van Landuyt et coll., 2005). La formation des praticiens est essentielle pour optimiser les joints collés (Peutzfeldt & Asmussen 2002).

Conclusion

Malgré les progrès thérapeutiques des techniques adhésives, la fiabilité et la longévité des interfaces adhésif-tissus dentaires, notamment à la dentine, restent à améliorer. Une revue des études cliniques des cinq dernières années montre que les M&R III sont les plus performants et les moins sensibles à la manipulation (Peumans et coll., 2005).

Les SAM présentent deux avantages majeurs :

  1. Simplification de la procédure en éliminant le rinçage, réduisant les risques de contamination par le sang ou la salive, et supprimant la question de l’humidité dentinaire.
  2. Réduction des sensibilités post-opératoires grâce à une meilleure obturation tubulaire par l’infiltration de la boue dentinaire.

Cependant, les SAM sont moins efficaces sur l’émail que les systèmes avec mordançage à l’acide phosphorique. L’évaporation de l’eau qu’ils contiennent est une étape critique affectant la qualité du collage. Aucune classe d’adhésifs ne domine totalement. Le choix dépend de la situation clinique, notamment de la proportion d’émail et de dentine exposés. Dans les secteurs antérieurs, où l’émail domine, un M&R est préférable. Dans les secteurs postérieurs, avec plus de dentine, un SAM est indiqué, mais un mordançage préalable des marges d’émail à l’acide phosphorique est recommandé pour assurer l’adhérence et l’étanchéité, impliquant au moins deux, idéalement trois étapes.

La procédure adhésive ne peut actuellement se simplifier sans compromettre la qualité à moyen ou long terme du joint dent-restauration. Elle reste une procédure longue et rigoureuse, où la manipulation est aussi déterminante que les performances intrinsèques de l’adhésif.

LES ADHÉSIFS ET LEURS MÉCANISMES D’ADHÉSION – Biomatériaux Dentaire

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