Les Adénopathies Cervico-Faciales / Pathologie et chirurgie buccale

Les Adénopathies Cervico-Faciales / Pathologie et chirurgie buccale

Les Adénopathies Cervico-Faciales / Pathologie et chirurgie buccale

Introduction

L’adénopathie désigne l’état pathologique d’un ganglion lymphatique. En pratique odontologique, la constatation d’adénopathies isolées ou multiples doit alerter le praticien et conduire à une démarche diagnostique rigoureuse. Les adénopathies sont d’étiologies diverses. Si l’étiologie dentaire est l’une des causes principales, il ne faut pas méconnaître les autres causes bénignes ou malignes.

Généralités et Rappels

Définitions

  • Ganglion lymphatique : Un nodule disposé le long d’un vaisseau lymphatique, ayant la taille d’un haricot. Constitué d’un amas de lymphocytes groupés en structures encapsulées situés le long des vaisseaux lymphatiques. On distingue :
    • Les réseaux profonds : abdomen, thorax, cou.
    • Les réseaux superficiels : inguinal, axillaire, occipital et cervical.
  • Adénopathie : État pathologique d’un ganglion lymphatique, caractérisé par une hypertrophie consécutive à la multiplication de cellules ganglionnaires. Tout ganglion d’un diamètre supérieur à 1 cm est considéré comme pathologique. En dehors d’une infection, le ganglion n’est pas palpable (« ganglion au repos »).

Histologie

Les ganglions sont le lieu de prolifération et de différenciation des cellules immunitaires. Un ganglion est constitué d’une capsule et d’un tissu lymphoïde dans lequel les globules blancs (lymphocytes) se multiplient. Il présente trois régions :

  • Zone corticale : Production des lymphocytes B.
  • Zone paracorticale : Production des lymphocytes T et cellules représentatives de l’antigène.
  • Zone médullaire : Macrophages et plasmocytes.

Anatomie du Drainage Lymphatique

Les ganglions lymphatiques de la tête et du cou se répartissent en deux grands systèmes :

  • Triangle lymphatique cervical de Rouvière : Constitué par la chaîne spinale, la chaîne transverse sus-claviculaire et la chaîne jugulo-carotidienne.
  • Cercle ganglionnaire péri-cervical de Poirier et Cunéo : Constitué par les ganglions occipitaux superficiels et profonds, les ganglions mastoïdiens, les ganglions parotidiens, les ganglions sous-mandibulaires, les ganglions géniens et les ganglions sous-mentaux.

Le drainage lymphatique des régions cervico-faciales se fait par :

  • Ganglions mastoïdiens : Oreille, pavillon de l’oreille.
  • Ganglions parotidiens : Parotide, oreille externe et moyenne, tempe, trois quarts externes des paupières.
  • Ganglions profonds (latéropharyngiens et jugulodigastriques) : Fosses nasales et voile du palais.
  • Ganglions sous-mandibulaires : Face, nez, menton, muqueuse jugale, gencive vestibulaire, dents et base de la langue.
  • Ganglions sous-mentaux : Menton, partie antérieure du plancher buccal, pointe de la langue, partie sus-hyoïdienne du cou.

Physiopathologie

Les ganglions sont le lieu de prolifération et de différenciation des cellules immunitaires (lymphocytes T et B). Ils mettent précocement en contact les antigènes et les lymphocytes, assurant une veille immunitaire permanente. Les fonctions du ganglion incluent :

  • Filtration de la lymphe.
  • Production des cellules immunitaires (lymphocytes T et B) : production d’anticorps, de cellules effectrices (phagocytes) et de cellules mémoires.

La lymphe transporte des cellules du corps et joue un rôle particulier dans l’apparition de métastases lors d’un cancer. Une augmentation de volume peut traduire de nombreux types d’affections : infectieuse, cancéreuse (à craindre après 40 ans) ou auto-immune (le malade fabrique des anticorps contre ses propres tissus).

Diagnostic Positif

Les Objectifs

  • Discuter les principales hypothèses diagnostiques devant une adénopathie superficielle.
  • Savoir reconnaître et analyser une tuméfaction cervicale du cou.
  • Savoir orienter le diagnostic et justifier les examens complémentaires.

Interrogatoire

L’interrogatoire est essentiel et doit préciser :

  • Les antécédents, les conditions de vie, les chirurgies de la face.
  • La date d’apparition et les conditions de survenue.
  • Les signes fonctionnels en faveur d’une lésion primitive dans les voies aérodigestives supérieures : dysphagie, dysphonie, perte de poids, une hémopathie.

Examen Clinique

Local

  • Examen des chaînes lymphatiques cervicales.
  • Déterminer les caractères de la tuméfaction : nombre, taille, consistance, mobilité, caractère inflammatoire ou non, siège par rapport aux chaînes lymphatiques cervicales.
  • Spécifier la présence d’une adénopathie isolée ou multiple, uni- ou bilatérale.

Loco-régional

  • Examen ORL et cervico-facial à la recherche d’une porte d’entrée dans les voies aérodigestives supérieures (larynx, pharynx, fosses nasales, cavum), le cou, le cuir chevelu.
  • Examen de la cavité buccale à la recherche d’une cause dentaire ou parodontale.

Général

  • Recherche d’autres ganglions au niveau des autres territoires.

Examens Paracliniques

  • Examens biologiques :
    • Numération formule sanguine (NFS) : Lymphocytose évoque une tuberculose, une toxoplasmose, une sarcoïdose. Monocytose évoque une mononucléose infectieuse (MNI). Leucopénie, thrombopénie orientent vers une sérologie VIH.
    • Vitesse de sédimentation (VS), CRP pour révéler un état inflammatoire.
    • Intradermoréaction (IDR) à la tuberculine pour rechercher une tuberculose.
    • Sérologies : Epstein-Barr Virus (EBV), toxoplasmose, maladie des griffes du chat.
  • Échographie cervicale et thyroïdienne, radiographie pulmonaire.
  • Ponction : Oriente le diagnostic, précise le caractère de la collection liquidienne, permet l’examen bactériologique et cytologique. La ponction cytologique permet l’étude de la morphologie cellulaire.
  • Adénectomie exploratrice.
  • Examens en deuxième intention : IRM, TDM.

Diagnostic Étiologique

Le diagnostic est guidé par le caractère inflammatoire ou non, l’âge, le siège, la consistance et la taille.

Adénopathies Inflammatoires

Adénopathies Aiguës

Ce sont des adénopathies d’accompagnement (adénite ou adénophlegmon). La porte d’entrée est essentiellement bucco-dentaire.

Caractères :

  • Adénopathie souvent unique, sous-angulo-maxillaire ou sous-mentonnière.
  • Débute par une douleur, puis apparition d’une tuméfaction ferme, puis fluctuante et rouge.
  • Fistulisation possible.

Porte d’entrée : Buccale, oropharyngée (amygdale), rhinopharyngée (chez l’enfant), rarement cutanée.

Traitement : Essentiellement médical (antibiotiques, antalgiques). Éviter les AINS. Drainage en cas d’abcédation.

Adénopathies Subaiguës et Chroniques

Caractères : Ganglions peu douloureux, fermes, avec péri-adénite ; ils peuvent évoluer avec des poussées récurrentes. Une adénopathie inflammatoire est souvent la traduction d’une cause dentaire ou d’une lésion de voisinage.

Adénopathie Séquellaire d’une Inflammation de Voisinage Dentaire
  • Circonstances : À rechercher lors d’un épisode inflammatoire.
  • Porte d’entrée : Buccale, gingivale, dentaire, oropharyngée ou lésion du cuir chevelu.
  • Traitement : Médical associé au traitement étiologique.
Adénopathies Spécifiques
  • Tuberculose :
    • Due au Mycobacterium tuberculosis (BK). Fréquente chez le sujet jeune, parfois âgé.
    • Les adénopathies chroniques sont la présentation la plus fréquente ; la primo-infection peut passer inaperçue.
    • Caractères : Évolue en trois stades (crudité, ramollissement, fistulisation). Masse unique volumineuse, souvent poly-adénopathies cervicales unilatérales, sous-mandibulaires ou spinales, pouvant prendre un aspect fluctuant.
    • Diagnostic : IDR (± positif), prélèvement du pus pour antibiogramme, adénectomie avec histologie extemporanée (granulome gigantocellulaire à nécrose caséeuse centrale). Bilan d’extension nécessaire (radiographie pulmonaire).
    • Traitement : Antituberculeux pendant 6 mois.
  • Maladie des griffes du chat :
    • Lymphoréticulose bénigne. Après 2 à 3 semaines, une adénopathie subaiguë volumineuse apparaît, satellite du point d’inoculation (papule rouge indolente ou vésiculopustule).
    • Évolue vers une suppuration et fistulisation (pus jaune verdâtre).
    • Diagnostic : IDR positif à l’antigène de Reilly, biopsie (adénopathie tuberculoïde suppurative).
    • Traitement : Cyclines et drainage.
  • Mononucléose infectieuse :
    • Due au virus Epstein-Barr (EBV), transmis par la salive.
    • Forme asymptomatique fréquente dans l’enfance, avec petits ganglions et fièvre légère.
    • Diagnostic : Numération formule sanguine (monocytose), sérologie MNI positive (présence d’anticorps EBV).
  • Lymphadénopathie du VIH :
    • Symptôme essentiel au début de l’infection à VIH, à évoquer devant toute adénopathie cervicale, notamment chez un sujet à risque.
    • Diagnostic : Sérologie VIH positive.

Adénopathies Non Inflammatoires

Adénopathies Néoplasiques (Malignes)

L’origine néoplasique est fréquente dans la région jugulo-carotidienne. L’âge et le terrain orientent le diagnostic. Chez l’adulte d’âge moyen (40-50 ans, éthylotabagique), évoquer une adénopathie métastatique d’un carcinome des voies aérodigestives supérieures (VADS). Une adénopathie peut révéler un carcinome pharyngolaryngé ou de la cavité buccale. Chez un adolescent ou jeune adulte, un carcinome du cavum peut en être l’origine.

Caractères :

  • Au début : Ganglion de consistance dure, mobile, indolent.
  • Avec l’évolution : Augmentation de volume, consistance ligneuse, adhère au plan de voisinage, sensible à la palpation, voire inflammatoire. Peut devenir fluctuant, avec nécrose centrale et fistulisation.

Diagnostic : Découverte de la tumeur primitive pour biopsie.

Adénopathies Hémopathiques

Une adénopathie chez un adulte jeune en bon état général suggère une hémopathie maligne.

Caractères : Souvent unique, parfois multiple, volumineuse, ferme, mobile, indolore, sans aspect inflammatoire.

Maladie de Hodgkin
  • Lymphome hodgkinien, touche le sujet jeune (20-30 ans) en bon état général.
  • Caractères : Début ganglionnaire cervical isolé fréquent, adénopathie unique ou multiple, cervicales, indolores, plus ou moins fermes, unilatérales, parfois bilatérales mais asymétriques.
  • Diagnostic : Histologie révèle la présence de cellules de Sternberg.
Lymphome Malin Non Hodgkinien
  • Siège d’élection : le cou. Aspect de masse ganglionnaire de croissance rapide.
  • Autres localisations possibles : amygdale, rhinopharynx.
Leucémie Lymphoïde Chronique
  • À envisager chez le sujet âgé.
  • Diagnostic : Histologie du ganglion dans sa totalité.

Circonstances de Découverte d’une Adénopathie Maligne

La découverte peut se faire selon trois modes :

  • Le patient consulte pour des troubles fonctionnels (douleurs, dysphagie, dysphonie) ; l’examen clinique révèle un carcinome avec adénopathie cervicale.
  • Le patient consulte pour une adénopathie d’emblée ; la lésion primaire est facilement découverte par l’examen clinique ou passe inaperçue malgré les examens cliniques et paracliniques.
  • Adénopathie chez un cancéreux connu et traité : réapparition d’un ganglion non stérilisé, reprise d’une lésion primaire ou nouvelle localisation tumorale.

Adénopathies de l’Enfant

Les adénopathies cervicales sont fréquentes et parfois source de soucis pour le praticien. Le développement du système lymphatique est maximum entre 4 et 8 ans.

  • Caractères : Hyperplasie ganglionnaire plus importante et rapide.
  • Origine : Inflammatoire infectieuse, hémopathique, cancéreuse (cavum).

Diagnostic différentiel :

  • Chez le nourrisson et jeune enfant : Une masse régulière médiane suggère un kyste du tractus thyréoglosse.
  • Chez le grand enfant : Si la masse est latérale et solide, il s’agit le plus souvent d’une origine infectieuse.

Diagnostic Différentiel

Il faut éliminer les tuméfactions cervicales qui ne sont pas des adénopathies, comme les tumeurs congénitales et vasculaires.

  • Adénopathie sous-mandibulaire :
    • Éliminer une sous-maxillite chronique d’origine lithiasique (anamnèse, signes mécaniques, pus à l’ostium, radiographie).
    • Éliminer une tumeur de la glande sous-mandibulaire (rares, mais souvent malignes).
  • Adénopathie sous-mentale :
    • Éliminer un kyste dermoïde du plancher buccal, une tumeur embryonnaire de l’enfant indolore, une cellulite chronique d’origine dentaire (tuméfaction dure, sensible, infiltrant la peau, mauvais état dentaire).
    • Éliminer un kyste du tractus thyréoglosse.
  • Région thyroïdienne : Exceptionnellement siège d’une adénopathie.
  • Chez l’enfant :
    • Nourrisson : Une masse régulière médiane, ferme, suggère un kyste du tractus thyréoglosse.
    • Grand enfant : Une masse latérale solide est souvent d’origine infectieuse. Une adénopathie volumineuse, hors contexte infectieux, peut suggérer une hémopathie.
    • Masse extra-ganglionnaire : Origine vasculaire ou autres causes possibles.

Conclusion

Les adénopathies cervicales représentent un motif fréquent de consultation en ORL. Toute tuméfaction cervicale évoluant depuis plus d’un mois doit être explorée. Les étiologies sont nombreuses, dominées par la crainte d’une affection maligne. Le contexte clinique ne permet qu’une orientation diagnostique des adénopathies cervico-faciales.

Bibliographie

  1. Bertrand JC., Favre E. Adénopathies cervico-faciales. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-037-P-10. 2000 SAS Editions techniques.
  2. CCMFCO Chirurgie Maxillo-Faciale et Stomatologie. 4e édition Elsevier Masson 2017.
  3. Georges Le Breton. Traité de sémiologie et clinique odonto-stomatologique. Edition CdP 1997.

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