Les accidents d’éruption et d’évolution des dents

Les accidents d’éruption et d’évolution des dents

Les accidents d’éruption et  d’évolution des dents.

Introduction

L’éruption dentaire est un phénomène physiologique qui permet à une dent de faire irruption dans la cavité buccale jusqu’à une position fonctionnelle. Elle fait intervenir notamment des phénomènes de résorption osseuse.

L’éruption des dents permanentes est précédée par la résorption des dents temporaires jusqu’aux prémolaires.

Les anomalies de l’éruption surviennent aussi bien au niveau des dents temporaires que des dents permanentes, bien que leur nature soit généralement différente.

Les accidents d’évolution des dentitions sont les manifestations pathologiques d’ordre local, régional ou général qui précèdent, accompagnent ou suivent l’éruption des dents temporaires ou permanentes.

Définitions

Dentition : ou évolution dentaire est un phénomène biologique actif qui s’inscrit dans la croissance générale de l’individu. C’est la mise en place des dents sur l’arcade. C’est un phénomène dynamique.

Denture : c’est l’ensemble des organes dentaires présents sur l’arcade. C’est un phénomène statique.

Les mécanismes de l’éruption dentaire

L’éruption proprement dite de la dent débute en principe lorsque le premier quart de la racine est édifié (Van Der Linden, 1983). Il s’agit d’un mécanisme complexe, comprenant plusieurs étapes, non encore complètement élucidé à ce jour. Ce mécanisme assure à la fois la formation de la racine et de son environnement parodontal, le déplacement intra-osseux du germe, l’émergence de la couronne dans la cavité buccale ainsi que son cheminement jusqu’au plan d’occlusion.

Phase pré-éruptive

Elle correspond à la période des mouvements pré-éruptifs au sein de l’os alvéolaire. Au cours des mouvements pré-éruptifs, les cryptes osseuses se transforment et se déplacent avec les germes. Le plafond de chacune d’elles – ou paroi de la cavité orientée vers le plan d’occlusion – est percé d’un orifice qui correspond à l’entrée du canal gubernaculaire.

Ce tunnel osseux relie la crypte à la corticale, et parfois à la paroi alvéolaire de la dent lactéale. C’est le trajet qu’emprunte la dent au cours de son éruption.

Phase éruptive pré-fonctionnelle

Une fois la couronne formée, l’éruption commence. Ce mouvement coïncide avec le début de l’édification radiculaire. La dent en formation commence à cheminer à travers l’os alvéolaire grâce au phénomène polarisé d’apposition/résorption osseuse.

L’effraction de la muqueuse se fait en principe lorsque la croissance radiculaire atteint la moitié ou les deux tiers de la longueur radiculaire définitive.

Phase fonctionnelle post-éruptive

Après son émergence dans la cavité buccale, la dent poursuit son éruption jusqu’à arriver en contact avec les dents antagonistes et gagner une position fonctionnelle.

L’éruption va continuer tout au long de la vie. Il s’agit de la phase post-éruptive.

Dentition temporaire

Chronologie de l’éruption des dents temporaires

L’éruption des dents temporaires chez un nourrisson sain se fait par groupe de dents par semestre :

DentsPériode d’éruption
Incisives6ème au 12ème mois
1ères Molaires12ème au 18ème mois
Canines18ème au 24ème mois
2èmes Molaires24ème au 30ème mois

Ordre d’éruption des incisives centrales et latérales :

  • Incisive centrale inférieure
  • Incisive centrale supérieure
  • Incisive latérale supérieure
  • Incisive latérale inférieure

Accidents d’éruption

Les éruptions précoces

Fréquentes au niveau des incisives inférieures.

Causes incriminées :

  • Caractère familial héréditaire
  • Infection pendant la grossesse
  • Facteur endocrinien

Caractéristiques : Les dents vestigiales ne persistent sur l’arcade que quelques jours après la naissance.

Les éruptions retardées

  • Dent isolée : Cause locale (traumatisme ou malformation).
  • Plusieurs dents : Cause générale (endocrinopathie, carence vitaminique, hérédité).

Les accidents locaux

Plusieurs théories ont été émises pour expliquer ces phénomènes :

  • Théorie infectieuse : Infection ou irritation du sac péricoronaire.
  • Théorie réflexe : L’irritation locale au niveau du nerf trijumeau provoquerait des manifestations à distance par voie réflexe.
  • Théorie de la prédisposition organique : Certains sujets sont plus susceptibles de faire des accidents que d’autres.
  • Autres causes : Hérédité, maladies endocriniennes, hygiène, maladies maternelles, maladies de la première enfance.
Le prurit gingivo-dentaire
  • Le nourrisson mordille ses lèvres et bave par hypersalivation (sialorrhée).
  • La gencive est enflammée au site de la future éruption.
La péricoronarite

C’est l’inflammation et l’infection du sac péricoronaire :

  • Salivation abondante ;
  • Gencive rouge, tuméfiée, douloureuse, parfois purulente ;
  • Hyperthermie ;
  • Agitation.
La stomatite

L’inflammation peut se propager à la muqueuse voisine et déterminer tous les aspects de stomatite :

  • Stomatite aphtoïde
  • Stomatite de la primo-infection herpétique
Kyste d’éruption péricoronaire ou kyste folliculaire
  • Se situe en général au niveau de la 2ème molaire temporaire ou sur une crête gingivale édentée.
  • Apparaît comme une tuméfaction arrondie, bleuâtre, translucide, fluctuante et indolore.
  • Son contenu est un liquide filant, citrin.
  • La radiographie montre une image radiotransparente autour de la couronne de la dent.
  • Traitement : Kystotomie (marsupialisation). Il faut respecter le germe voisin.
La folliculite expulsive
  • À la suite d’un phénomène inflammatoire ou d’une infection locale, le follicule dentaire s’élimine spontanément.
  • Il persiste alors un bourgeon charnu qui va disparaître de même que les signes locaux.
  • Peut parfois se compliquer d’ostéomyélite.
  • Traitement : Antibiothérapie + soins locaux.
  • Il faut éliminer une histiocytose langerhansienne devant toute folliculite expulsive.

Les accidents régionaux

  • Érythrose jugale (feu de dents)
  • Hypersalivation
  • Larmoiement
  • Écoulement séreux nasal

Les accidents généraux

Bénins et rythmés par les éruptions, on peut distinguer :

  • Troubles thermiques : Hyperthermie de 48h.
  • Troubles nerveux : Agitation, insomnie, convulsions.
  • Troubles digestifs : Vomissements, perte d’appétit, diarrhées, ralentissement de la croissance et troubles staturo-pondéraux.
  • Troubles respiratoires : Toux sèche ou coqueluchoïde accompagnant l’éruption ; parfois bronchite et broncho-alvéolite.

La rétention des dents temporaires

  • Peut intéresser une ou plusieurs dents (surtout les molaires).
  • Radiologiquement, on peut constater :
    • Une rhizalyse de la dent retenue.
    • Une absence de la dent permanente correspondante.
    • Une dent retenue coincée entre deux dents permanentes rapprochées.
  • Évolution : Chute spontanée, inclusion, accident infectieux.
  • Le maintien de cette dent retenue provoque des malpositions de dents permanentes sur l’arcade.
  • Traitement : Extraction de la dent incriminée suivie d’un traitement ODF.
  • Précaution : Il est obligatoire de s’assurer de l’existence de la dent permanente (par radiographie) avant d’extraire la dent temporaire analogue retenue.

En cas de retard généralisé, cela pourrait être dû à une carence vitaminique, une endocrinopathie ou une maladie héréditaire.

Thérapeutique

  1. Traitement symptomatique local dans les accidents banaux d’éruption des dents temporaires à base d’antalgiques (paracétamol), anti-inflammatoires (acide niflumique : Nifluril®, ibuprofène).
  2. Bonne hygiène, désinfection, massage et friction à l’aide de baumes anesthésiants.
  3. Éviter les incisions sauf en cas de péricoronarite.
  4. Surveillance de l’alimentation.

Dentition permanente

Chronologie de l’éruption des dents permanentes

Après la chute de la couronne temporaire, la couronne de la dent permanente se substitue à elle et effectue une migration axiale jusqu’à rencontrer son antagoniste.

L’éruption des dents permanentes est annuelle : un groupe de dents par an.

ÂgeDents
6 ans1ère molaire
7 ansIncisive centrale
8 ansIncisive latérale
9 ans1ère prémolaire
10 ansCanine
11 ans2ème prémolaire
12 ans2ème molaire

Accidents de la dentition permanente

Dentition précoce

Elle est exceptionnelle. Elle doit être précédée de la chute des dents temporaires.

Dentition retardée

Elle peut l’être à la suite de :

Causes locales
  • Persistance des dents temporaires par rhizalyse irrégulière ou tardive.
  • Fermeture des diastèmes après extraction précoce des dents temporaires.
  • Kyste radiculo-dentaire refoulant le germe de la dent permanente.
  • Kyste péricoronaire de la dent permanente.
  • Présence d’une tumeur locale gênant la migration de la dent temporaire ou permanente (odontome).

Dentition difficile

Ce sont les éruptions compliquées d’accidents d’évolution. Toutes les dents sont concernées, mais surtout la dent de sagesse inférieure. Elle peut survenir sur des dents en position normale ou anormale.

Une dentition est rendue difficile quand surviennent :

Des accidents infectieux

Chez l’enfant, ces accidents infectieux accompagnent surtout les canines incluses :

  • Rhinite, sinusite, ostéite.
  • Névralgie irradiant vers le sinus et l’œil.
  • Infection de voisinage.
Pathogénie

Ces accidents sont expliqués par :

  • Anomalie morphologique radiculaire, coronaire, obliquité de la dent.
  • Surinfection de la péricoronarite physiologique d’éruption.
  • Pénétration microbienne dans le sac péricoronaire lors de son ouverture dans la cavité buccale.
Symptomatologie

Les accidents surviennent entre 18 et 25 ans pendant la période d’éruption de la dent de sagesse (DDS).

L’accident initial : La péricoronarite aiguë

C’est l’infection du sac péricoronaire et de la muqueuse attenante.

Diagnostic basé sur :

  • Douleur : Spontanée, ou provoquée par la mastication par meurtrissure de la muqueuse, à la palpation du capuchon muqueux.
  • Dysphagie.
  • Trismus : Plus ou moins sévère, serré.
  • Examen clinique :
    • Muqueuse congestive, œdématiée, marquée par l’empreinte de la dent antagoniste.
    • Goutte de pus à la pression locale.
    • Une partie de la couronne est visible, parfois entourée d’une muqueuse ulcérée.
  • Radiographie : Précise la morphologie de la dent, ses rapports avec le nerf dentaire inférieur, avec la dent voisine, son inclinaison, son enclavement éventuel, l’existence préalable d’un kyste éventuel.

Évolution :

  • Soit vers la rémission temporaire (traitement médical).
  • Soit vers les formes compliquées (accidents cellulaires ou accidents généraux, septicémiques).

Traitement :

  • Extraction en cas d’accidents répétés, de kyste, de caries ou de dents en malposition.
Accidents muqueux

C’est la stomatite odontiasique unilatérale en rapport avec l’évolution de la dent de sagesse, qui peut être érythémateuse ou ulcéreuse.

Accidents ganglionnaires

Peuvent se compliquer en périadénite et adénophlegmon.

Accidents cellulaires

Extension de l’infection à partir du sac péricoronaire.

Accidents osseux

Ostéite exceptionnelle.

Infection à distance

La propagation de l’infection péricoronaire par voie lymphatique ou vasculaire peut se greffer au niveau des reins (glomérulonéphrites), du cœur (endocardite bactérienne), de l’œil (uvéite), des articulations…

Des accidents mécaniques
  • Fractures, dysharmonies dento-maxillaires, troubles d’articulé avec retentissement sur l’ATM.
Des accidents nerveux et réflexes
  • Sensitifs : Hypoesthésie cutanée, algie faciale, paresthésie, bourdonnements d’oreille.
  • Synalgies : La douleur est ressentie au niveau d’autres dents mandibulaires ou maxillaires.
  • Moteurs : Paralysie, spasmes faciaux, trismus.
  • Sensoriels : Troubles oculaires ou auditifs.
Les troubles tumoraux
  • Kyste péricoronaire (folliculaire).
  • Kyste éruptif (perle d’Epstein).

Le traitement

Il dépend de l’environnement de la dent :

La dent sera conservée si :

  • L’espace pour la loger est suffisant.
  • Aucun obstacle ne s’oppose à son évolution.
  • Sa position lui permet de faire correctement son éruption.

La dent sera extraite si :

  • La radiographie montre qu’elle ne peut pas faire son éruption complètement (espace insuffisant, dent enclavée, kyste, tumeur…).
  • La dent est la cause d’accidents infectieux ou mécaniques. Il est recommandé de faire cette extraction à distance de l’épisode infectieux (antibiothérapie).

Inclusions dentaires

Définition

Il y a inclusion dentaire quand :

  • La dent ne fait pas son éruption à la date prévue.
  • Le sac péricoronaire n’est pas en communication avec la cavité buccale.
  • La dent se situe au voisinage de son siège habituel.

Les inclusions peuvent intéresser une dent ou un groupe de dents (inclusions multiples).

Diagnostic différentiel

  • Dent en désinclusion : Le sac péricoronaire est ouvert dans la cavité buccale. Les apex sont fermés.
  • Dent retenue : Retard localisé d’éruption.
  • Dent enclavée : Un obstacle gêne l’éruption normale de la dent.

Fréquence

L’inclusion par ordre décroissant :

  • Dent de sagesse (DDS)
  • Canine
  • Prémolaires
  • Incisive
  • 1ère molaire

Étiopathogénie

On évoque essentiellement :

  • Une anomalie du sac péricoronaire.
  • Une malformation coronaire ou radiculaire.
  • Un obstacle : kyste, persistance de la dent temporaire.
  • Une tumeur.

Canine incluse

La cause de cette inclusion est souvent en rapport avec un obstacle, une malformation, une malposition du germe.

On la soupçonne sur :

  • Une voussure palatine ou vestibulaire.
  • Un diastème inter-incisif.
  • Un déplacement de l’incisive latérale.

Elle se révèle le plus souvent par des accidents infectieux et/ou mécaniques.

Confirmation :

  • Contrôle radiologique (panoramique, occlusal et rétro-alvéolaire).

Incisive centrale supérieure

Son inclusion est due à un traumatisme du germe.

Attitude thérapeutique

Généralement, une dent incluse, cliniquement silencieuse, n’est pas à extraire. Toutefois, dans le cadre d’un traitement ODF, ou d’une restauration prothétique, il peut y avoir exception pour ne pas dire obligation.
L’extraction est de règle quand la dent devient symptomatique ou que les accidents se renouvellent.

Conclusion

L’éruption dentaire se fait souvent d’une façon progressive et sans problème particulier. Mais il est possible que dans certains cas, la dentition temporaire ou permanente s’accompagne de signes locaux, locorégionaux ou généraux que le praticien odonto-stomatologiste se doit de maîtriser pour la prise en charge thérapeutique la plus adéquate du malade.

Références bibliographiques

  • Vaysse F, Noirrit E, Bailleul-Forestier I, Bah A, Bandon D. Les anomalies de l’éruption dentaire. Archives de pédiatrie 2010 ; 17 : 255-257.
  • Moulis E, Favre de Thierens C, Goldsmith MC, Torres JH. Anomalies de l’éruption. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-032-A10. 2002.
  • Peron M. Les accidents d’évolution des dents de sagesse. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie/Odontologie, 22-032-E10. 2003.
  • Haroun, A., Recommandations de l’HAS sur l’avulsion des troisièmes molaires. Bulletin de l’Union Nationale pour l’Intérêt de l’Orthopédie Dento-Faciale, 2008(37); p. 22-37.
  • Talibart, F., Pertinence des indications d’avulsion des troisièmes molaires en Aquitaine, in Collège des Sciences de la Santé 2016, Université de Bordeaux UFR des Sciences Odontologiques.
  • Piette E, Goldberg M. La dent normale et pathologique. Bruxelles : De Boeck université ; 2001.

Voici une sélection de livres:

Les accidents d’éruption et d’évolution des dents

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *