L’EMAIL

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L’EMAIL

1° Définition

L’EMAIL est le tissu calcifié d’origine épithéliale recouvrant les couronnes dentaires. Il résulte de la minéralisation du substrat organique synthétisé et sécrété par les améloblastes.

2° Propriétés Physiques de l’émail

  • C’est le plus dur des tissus dentaires.
  • Cassant, notamment lorsqu’il n’est pas soutenu par la dentine sous-jacente.
  • Vulnérable à l’attaque acide.
  • Sa couleur varie généralement du jaune au gris.
  • Il est semi-translucide, la couleur de la dentine ou de tout autre matériau de restauration sous l’émail affecte fortement l’apparence de la dent.
  • L’émail sain est lisse et brillant.
  • L’émail est moins fluorescent que la dentine.
  • Sa densité varie selon les régions, plus élevée dans la zone externe de l’émail que dans la zone interne.
  • Son épaisseur est maximale dans la zone occlusale (plus de 2,5 mm) et diminue progressivement au fur et à mesure que l’on se rapproche du collet dentaire.
  • Plus radio-opaque que les autres tissus dentaires.

3° Formation de l’émail ou amélogenèse

L’amélogenèse est le fruit de la sécrétion des améloblastes sécréteurs, dont l’origine est la cellule de l’épithélium adamantin interne (améloblaste pré-sécréteur), qui évolue avec le temps en améloblaste. Voici les étapes importantes :

Histo-différenciation de l’améloblaste pré-sécréteur

Le pré-améloblaste s’allonge et son noyau migre vers le pôle proximal de la cellule (proche du stratum intermedium). La majorité des organites cytoplasmiques s’accumulent au pôle distal en contact avec la membrane basale.

Les cellules sont unies entre elles par des desmosomes au niveau des deux pôles et par des fibres intermédiaires fixées sur les premières, s’irradiant dans le cytoplasme pour former les toiles terminales (terminal web). Ainsi, l’améloblaste pré-sécréteur acquiert progressivement les caractéristiques d’une cellule sécrétrice.

Disparition de la membrane basale et formation du manteau dentinaire

La membrane basale est dégradée par les métalloprotéases odontoblastiques, et les fragments résiduels sont phagocytés par les améloblastes pré-sécréteurs. Il s’ensuit la formation du manteau dentinaire, qui peut induire l’amélogenèse.

L’améloblaste sécréteur sans prolongement de Tomes et formation de l’émail aprismatique interne

La cellule accentue sa polarisation et dépose les protéines de l’émail directement sur le manteau dentinaire, formant ainsi l’émail aprismatique interne. Cette couche d’émail mesure généralement 10 µm d’épaisseur.

Formation de la couche papillaire

Les cellules du réticulum étoilé (RE) disparaissent par apoptose, entraînant un accolement appelé « collapsus » entre l’épithélium adamantin externe (EAE) et le stratum intermedium (SI) pour former la couche papillaire. Cela permet le rapprochement des vaisseaux du follicule dentaire vers les améloblastes sécréteurs pour assurer leur nutrition.

L’améloblaste avec prolongement de Tomes et sécrétion de l’émail prismatique immature

Les améloblastes forment à leur pôle distal un court prolongement de forme conique appelé prolongement de Tomes. Les granules de sécrétion de l’émail sont acheminés vers deux sites de ce prolongement : un site distal et un site proximal.

1 – Site de sécrétion proximal (sécrétion de la substance inter-prismatique)

Cette substance inter-prismatique est sécrétée par plusieurs améloblastes voisins. Elle sert de moule contenant le prolongement de Tomes, donnant à la jonction émail-améloblaste une image en dents de scie.

2 – Site de sécrétion distal (prismes)
  • Au site de sécrétion distal, au fond de ce moule, chaque améloblaste sécrète un prisme.
  • Chaque prisme est sécrété par un améloblaste unique, à partir de l’émail aprismatique interne (à la jonction émail-dentine) jusqu’à la surface de l’émail. Ainsi, chaque prisme traverse toute l’épaisseur de l’émail.

Cet émail possède une fraction protéinique importante (amélogénines).

Améloblaste de maturation et sécrétion de l’émail mature

Les améloblastes réduisent leur taille et le nombre de leurs organites de synthèse, tout en s’élargissant. Ils créent de façon cyclique une bordure plissée, puis une bordure lisse à leur pôle distal (80 % à l’état plissé et 20 % à l’état lisse). Cette modulation ou alternance permet :

  • La balance entre l’acidification et la neutralisation du pH de l’émail.
  • L’élimination des fragments protéiques.
  • Le transport du calcium pour permettre la croissance des cristaux.

À la fin, on obtient un émail composé à 96 % de cristaux, 3,2 % d’eau et 0,8 % de matières organiques.

Exemple : Une épaisseur initiale du cristal de 3,1 nm devient 29 nm après maturation, et une largeur initiale du cristal de 25 nm devient 65 nm après maturation.

L’améloblaste de protection

L’améloblaste devient cubique, avec une diminution importante de ses organites cellulaires.

  • Il sécrète une lame basale à la surface de l’émail, à laquelle il adhère par des hémi-desmosomes.
  • Les améloblastes de protection se confondent alors avec la couche papillaire (EAE + SI) pour former l’épithélium adamantin réduit (EAR).

Rôle de l’EAR : Isoler l’émail du follicule dentaire tant que la dent n’est pas arrivée en bouche.

4° Composition Chimique

L’émail se compose de 92 à 96 % de matière minérale, 3 % de plasma (d’eau) et 1 % de matières organiques.

A – La phase ou la matrice organique (1 %)

Son pourcentage diminue relativement avec la maturation de l’émail. Elle est constituée de protéines, de lipides et de complexes protéines-polysaccharides.

A-a – Les protéines
a-1 – Les amélogénines

Elles constituent 90 % des protéines de l’émail en formation. Elles sont riches en proline (25 à 30 %), glutamine, leucine et histidine.

Rôle : Elles ont une forte affinité pour l’hydroxyapatite, contrôlent l’orientation des cristaux, maintiennent les cristaux à une distance uniforme les uns des autres et leur confèrent une disposition régulière dans l’émail en formation. Elles sont très importantes dans l’émail immature, qui est moins résistant aux forces de mastication par rapport à l’émail mature.

a-2 – Les protéases

Au stade de maturation de l’émail, ces protéases dégradent les nanosphères d’amélogénines, permettant ainsi la croissance en épaisseur et en longueur des cristaux. Cela explique la résistance importante de l’émail mature aux forces de mastication, car il est très minéralisé.

a-3 – Les protéines non amélogéniques (améloblastine, énaméline et tuftéline)

Elles représentent 10 % des protéines de l’émail lors de l’amélogenèse. Ce sont des promoteurs et des guides de la formation des cristaux. Elles initient la nucléation des cristaux et servent de guide pour leur conférer une forme hexagonale.

A-b – Les lipides

Ils sont principalement des phospholipides et des phospholipoprotéines.

A-c – Les complexes protéines-polysaccharides

Ils sont présents en très faible quantité (0,4 à 0,5 %).

B – L’eau

  • L’eau libre : Présente dans l’émail chauffé jusqu’à 200 °C, localisée surtout dans les espaces inter-cristallins.
  • L’eau liée : Disparaît après un chauffage entre 200 et 400 °C. Elle contribue à la formation d’une coque protéinique autour des cristallites.

C – La phase minérale

Elle représente 92 à 96 % de la composition de l’émail. L’élément majeur est formé d’hydroxyapatite, dont la formule est proche de Ca₁₀(PO₄)₆(OH)₂.

Selon Goldberg (2008), elle est formée des éléments suivants :

L’élémentLe Pourcentage (%)
Calcium33,6 – 37,4
Phosphate16 – 17,4
Carbonates1,95 – 3,66
Sodium0,25 – 0,90
Magnésium0,25 – 0,56
Chlore0,19 – 0,30
Potassium0,05 – 0,30

D’autres éléments sont présents sous forme de traces : fluor, fer, zinc, brome, cuivre, manganèse, chrome et cobalt.

5° Structure de l’émail

A) L’unité de base = le cristallite

  • La plus petite entité de l’émail est le monocristal d’hydroxyapatite, évalué en nanomètres, dont la composition chimique se rapproche de Ca₁₀(PO₄)₆(OH)₂.
  • Le cristallite : Une coupe perpendiculaire à son axe fait apparaître une section hexagonale ou rhomboédrique selon les auteurs (Nanci, 1983), composée d’environ 2100 cristaux.
  • Sa hauteur dépasse 2000 à 10 000 Å, et sa longueur peut atteindre 1 à 2 mm, voire plus, pouvant ainsi traverser totalement l’émail.

B) L’émail aprismatique (non prismatique)

  • Présent en interne, en contact avec la dentine, ou en externe, dans la couche la plus externe de l’émail.
  • Constitué de cristallites parallèles entre eux et perpendiculaires à la jonction amélo-dentinaire, orientés comme ceux de l’émail inter-prismatique.
  • Plus souvent présent dans les régions cervicales qu’au niveau des cuspides (Nanci, 1989).

C) L’émail prismatique

Il est constitué de deux structures différentes : les prismes et la substance inter-prismatique. Il forme la majeure partie de l’émail.

C1 : Les prismes
  • L’émail est formé par la juxtaposition de structures élémentaires appelées cordons ou prismes d’émail, de 4 à 8 µm, unis entre eux par une substance inter-prismatique.
  • Chaque prisme minéralisé traverse l’émail de la jonction émail-dentine jusqu’à la surface de la dent.
  • Les prismes sont des cristaux d’hydroxyapatite entourés par une gaine de nature organique, imbriqués les uns aux autres.
  • La matrice des prismes est sécrétée par le pôle distal du prolongement de Tomes.
C2 : La substance inter-prismatique
  • C’est un moule contenant le prolongement de Tomes, dont la composition est la même que celle des prismes, mais qui diffère par l’orientation des cristallites qu’elle contient.
  • Elle est sécrétée par le pôle proximal du prolongement de Tomes.
  • Note : Au sein des prismes, plusieurs milliers de cristallites sont déposés en éventail, tandis que dans la substance inter-prismatique, une centaine de cristallites est organisée en réseau.
C3 : La gaine de l’émail
  • C’est une fine bordure non minéralisée, enrichK enrichie de matrice organique, située à l’interface entre prisme et inter-prisme.

D) Les bandes de Hunter-Schreger

Elles ont été décrites pour la première fois par John Hunter en 1771, puis ultérieurement par Christian Heinrich Theodore Schreger.

  • Quel que soit le plan de coupe, après coloration par des colorants cationiques tels que le bleu Alcian, on observe dans la zone interne de l’émail des bandes colorées sombres, dites « diazonies », alternant avec des bandes claires, dites « parazonies », qui prennent moins de colorant.
  • Les diazonies sont formées de prismes sectionnés transversalement, tandis que dans les parazonies, les prismes sont orientés longitudinalement, sans différence dans la composition des prismes.

E) Les stries de Retzius

  • Sur des coupes par usure d’émail non déminéralisé, on observe des lignes comme des bandes brunâtres, appelées stries de Retzius.
  • En coupe longitudinale, elles forment les périkymaties, séries de sillons parallèles au collet de la dent, espacés de 35 à 50 µm ; par endroits, cet intervalle festonné peut atteindre 100 µm.
  • En coupe transversale, ces stries apparaissent comme des cercles concentriques, comparables aux lignes de croissance des arbres.
  • Ces stries de Retzius représentent une région moins calcifiée, résultant probablement d’un ralentissement de la formation de l’émail.

F) L’émail noueux

  • Les prismes redeviennent rectilignes au voisinage de la dentine, mais dans la région superficielle, leur orientation est régulière, donnant un aspect tortueux dans la profondeur, rappelant les nœuds de bois, d’où le nom d’émail noueux.

G) Buissons de l’émail

  • Par endroits, il existe des zones mal minéralisées qui se superposent pour donner des images de buissons d’émail.
  • Ces buissons ont leur base au niveau de la jonction émail-dentine et s’épanouissent en direction superficielle.
  • On a constaté que ces buissons d’émail étaient remplis de substances organiques colorables par des réactifs histochimiques.

H) Les lamelles de l’émail

  • Ce sont des structures ayant l’aspect de tissus qui s’étendent profondément depuis la surface superficielle de l’émail en direction de la dentine.
  • Elles ne sont pas minéralisées mais renferment des constituants organiques, correspondant à l’accumulation de protéines de type cytokératines (tuft proteins).
  • Pendant un certain temps, elles ont été considérées comme des portes d’entrée à l’invasion microbienne, mais il s’avère que ce n’est pas le cas.

I) Les fuseaux

  • Ce sont des images fréquemment rencontrées au voisinage de la dentine, représentant les portions terminales des fibres de Tomes des odontoblastes.

J) Les cuticules de Nasmyth

  • Peu après l’éruption dentaire, l’émail est recouvert d’une mince couche ou pellicule amorphe translucide, dite pellicule de Nasmyth. Elle représente le reliquat d’améloblastes qui, après la formation de l’émail, dégénèrent, laissant une couche kératinisée dure à la surface de la couronne.
  • Lors de l’éruption dentaire, les restes de l’épithélium gingival recouvrant la dent constituent une cuticule secondaire kératinisée.
  • Normalement, après l’éruption, les cuticules disparaissent. Cependant, une troisième cuticule, dite pellicule acquise, apparaît sur toute la dent au contact de la salive ; elle constitue le premier stade de la formation de la plaque bactérienne.

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