Le traitement orthodontico-chirurgical
- Introduction
La chirurgie orthognatique vise à corriger les dysmorphies des maxillaires dont l’origine peut venir des troubles de croissance du maxillaire et de la mandibule. Le calendrier thérapeutique d’un protocole chirurgical fait appel à l’intervention de différents acteurs et c’est de la bonne coordination de ces praticiens que dépendra la qualité du résultat final.
Avec l’amélioration des techniques chirurgicales vers des ostéotomies totales, la préparation orthodontique est devenue une nécessité ; elle est apparue comme un facteur déterminant de la stabilité chirurgicale.
- Les indications :
L’appréciation de la sévérité des anomalies est souvent délicate, elle repose sur :
- La sévérité de la dysmorphose et le préjudice esthétique associé ;
- Le caractère héréditaire de l’anomalie observée ;
- Les caractéristiques évolutives habituelles de ce type de dysmorphose. Ainsi, les classes III squelettiques, les asymétries faciales, les grands excès verticaux tendent le plus souvent à s’aggraver lors de la croissance ;
- Le type de croissance du patient dont l’estimation est quelque peu aléatoire.
*Les indications des protocoles chirurgico-orthodontiques :
*Les grands syndromes : ces grandes anomalies cranio-faciales, souvent accompagnées d’un fort préjudice esthétique, relèvent de protocoles chirurgicaux complexes, souvent plus précoces dans lesquels les distractions osseuses peuvent parfois présenter un intérêt majeur.
*Les décalages squelettiques sévères qui dépassent les possibilités de compensations alvéolaires ; ou dont les répercussions esthétiques nécessitent de rétablir l’équilibre et l’harmonie faciale chirurgicalement ;
- Les traitements orthodontiques à risque esthétique : dans certains cas, la malocclusion, en particulier le surplomb incisif augmenté, assure un soutien aux lèvres minimisant les répercussions de la dysmorphose sur l’esthétique faciale.
- Les récidives ou les échecs thérapeutiques liés à une croissance défavorable ou à un manque de coopération pendant la phase orthopédique.
- La stratégie thérapeutique :
Repose sur l’examen clinique qui permet d’évaluer au niveau facial les déséquilibres du visage dans les trois dimensions de l’espace et le préjudice esthétique qui en découle, et aux examens complémentaires qui permettent de confirmer le siège des différentes anomalies, d’en quantifier
l’importance. Le dialogue entre le chirurgien et l’orthodontiste au cours de cette phase initiale permet de confronter leur approche esthétique et surtout de préciser les impératifs et les limites thérapeutiques de chaque spécialité,
Ce dialogue s’organise le plus souvent autour de simulations occlusales et surtout céphalométriques (les set-up pré chirurgicaux). Grâce à ces simulations, les deux praticiens peuvent affiner la stratégie thérapeutique et quantifier les déplacements dentaires et chirurgicaux à effectuer.
- Le calendrier thérapeutique :
Cette prise en charge nécessite une association entre l’orthodontiste et le chirurgien maxillo-facial. Classiquement la chirurgie s’inscrit dans une prise en charge globale organisée en quatre étapes :
-Diagnostic initial.
-Orthodontie de préparation (12 à 18 mois).
-Chirurgie ortho-gnathique.
-Orthodontie de finitions (3 à 6 mois).
- Le diagnostic initial : est réalisé conjointement par l’orthodontiste et le chirurgien maxillo-
facial selon l’examen clinique les dents, de la position des mâchoires, et des fonctions, mais aussi des examens radiologiques de face et de profil. Des moulages en plâtre seront réalisés afin d’analyser la position des dents dans chaque arcade et la position de chaque arcade l’une par rapport à l’autre.
Un bilan initial avec un kinésithérapeute est réalisé afin de diagnostiquer des anomalies de fonction à prendre en charge.
4.2-Phase préparation orthodontique :
Permet de préparer les arcades dentaires en alignant les dents et coordonnant les arcades l’une par rapport à l’autre (emboitement des dents en bonne position).
Ce traitement dure en moyenne 12 à 18 mois et nécessite souvent d’augmenter le décalage entre les dents afin de préparer l’intervention. Rarement, certaines dents doivent être extraites pour permettre la préparation (dents de sagesse)
La préparation orthodontique est, le plus souvent, réalisée juste avant la chirurgie, vers 15 ou 16 ans.
Peut durer d’un an jusqu’à 2 ans.
*Objectifs de la préparation orthodontique :
- Supprimer toutes les compensations alvéolaires et donner au chirurgien l’amplitude de déplacement nécessaire à la correction squelettique. La suppression des compensations alvéolaires concerne les trois dimensions de l’espace, l’aggrave ainsi des relations inter-arcades se fait par :
- L’utilisation de tractions maxillaires inversées : TIM de classe II dans les classes III et TIM de classe III dans les classes II;
- Des choix d’extractions inversés : 15, 25, 34 et 44 dans les classes II et 14, 24, 35 et 45 dans les classes III.
-La résolution de l’encombrement et la correction des dystopies dentaires.
- La mise en place des dents incluses.
-Le rétablissement si possible, de la symétrie d’arcade.
-Une intercuspidation la plus parfaite possible en fin d’intervention est le garant d’une bonne stabilité post chirurgicale.
-Offrir un ancrage au dispositif de contention post-chirurgicale(, arcs rectangulaires de fortes dimensions avec pitons soudés ou clipés, constituent un ancrage fiable et respectueux du parodonte pour le blocage inter-maxillaire peropératoire lors de l’ostéosynthèse) ;
-La position des points inter incisifs doit permettre leur alignement dans le plan sagittal médian après la chirurgie (Au maxillaire, le point inter-incisif est le plus souvent aligné pendant la préparation orthodontique avec le plan sagittal médian et a la mandibule, le point inter incisif doit être aligné, en cas d’asymétrie, avec le point menton) ;
-Concordance transversale des arcades (endo-alvéolie maxillaire doit être corrigée pendant la préparation orthodontique à l’aide d’un quad’hélix, d’arcs en expansion, endognathie maxillaire qui relève d’une disjonction maxillaire) ;
Au-delà de 14 ans chez les filles et 17 ans chez les garçons, la suture peut être partiellement synostosée limitant les possibilités d’expansion.
4.3-La phase chirurgicale :
même lorsque l’indication chirurgicale est posée précocement, la chirurgie orthognatique n’intervient qu’en fin de croissance, vers 16 ou 17 ans chez les filles, 18 ans chez les garçons afin d’éviter les risques de récidive liés à une croissance mandibulaire tardive défavorable, surtout dans les classes III et les asymétries ;
A la fin de la préparation orthodontique, un nouveau bilan pré-chirurgical est réalisé à partir des modèles et de nouvelles radiographies ou d’un examen tomodensitométrique du patient. Si les objectifs de la préparation orthodontique ont été atteints, la date de l’intervention est fixée conjointement par l’orthodontiste et le chirurgien.
*Le set-up (bilan) pré-chirurgical :
Une consultation est réalisé une semaine avant l’intervention par le chirurgien (examen clinique, radiologique, moulage de plâtre). L’objectif est de simuler l’intervention pour chaque patient :
-déterminer les déplacements des mâchoires nécessaires,
-Simuler l’intervention.
4.3.1- Les ostéotomies : Ce sont dans la quasi-totalité des cas des ostéotomies totales des maxillaires et de la mandibule associée le plus souvent,
A- Les ostéotomies des maxillaires :
Le maxillaire est un os fortement pneumatisé, richement vascularisé et relié à la base du crâne par la suture ptérygomaxillaire et les branches montantes.
Ces interventions sont de deux types, les ostéotomies totales et segmentaires. Les ostéotomies totales (intéressent l’os basilaire) :il en existe trois types,
- L’ostéotomie Le fort I ;
- L’ostéotomie Le fort II ;
- L’ostéotomie Le fort III.
Elles reproduisent les traits de fractures du type Le Fort I, II et III.
Cette ostéotomie autorise, en fonction du résultat souhaité
*Un avancement maxillaire, elle corrige un déficit maxillaire dans le sens sagittal. Elle induit un avancement de la lèvre
supérieure et une fermeture de l’angle naso-labial associée à une légère rotation anti-horaire de cet angle, elle s’accompagne d’un redressement de la pointe du
nez.
*Une impaction maxillaire : elle réduit la dimension verticale et provoque une anté-rotation mandibulaire (autorotation mandibulaire) qui projette la symphyse mentonnière.
*Une expansion maxillaire : Cette intervention permet de rétablir une occlusion correcte sur les secteurs latéraux.
*Ostéotomie Le fort I : Les traits détachent l’arcade dentaire en passant au dessus des apex, par-dessous du plancher sinusal, ils coupent la partie inférieure des apophyses ptérygoïdes.
*Ostéotomie Le Fort II : Elle est indiquée lorsque l’aplasie de l’étage moyen intéresse la pyramide nasale et la région nasogénienne(hypoplasie congénitale tel que le syndrome de Binder, séquelles des fentes faciales …)
*Ostéotomie Le Fort III : Elle a pour objectif de corriger les aplasies totales de l’étage moyen qui intéressent, non seulement la pyramide nasale et les maxillaires (cas de Le Fort II), mais aussi les régions malaires.
Ostéotomies segmentaires (intéressent l’os alvéolaire) :
Ces interventions chirurgicales sont limitées au secteur alvéolaire antérieur ou au secteur alvéolaire dans son ensemble.
Il faut les envisager;
- pour corriger une proalvéolie supérieure ;
-pour corriger une rétroalvéolie supérieure ;
- soit pour fermer une béance dentaire associée à une hyperdivergence des bases maxillo-mandibulaires ;
-Correction d’une malocclusion de CLII sévère ;
- Excès de hauteur verticale avec sourire gingival.
B- Les ostéotomies mandibulaires :
*Les ostéotomies totale :
- Permettent d’avancer, de reculer, d’élever, d’abaisser ou de déroter l’arcade et la symphyse mandibulaires. Les tissus mous suivent le déplacement mandibulaire ;
- L’avancée mandibulaire tend à élargir le visage au niveau des angles mandibulaires et à exposer davantage le sourire.
-Des ostéotomies des branches horizontales, des branches horizontales ou de l’angle mandibulaire.
*Les ostéotomies segmentaires : Sont indiquées pour :
-Proalvéolie inférieure: ostéotomie de recul, intéressant le secteur incisivo-canin ;
-Rétroalvéolie inférieure: Dans ce cas, on réalise un mouvement d’avancement qui provoque un déficit alvéolaire (sans extraction de prémolaires) ;
-Infra-alvéolie incisivo-canine: Il s’agit de réaliser une ostéotomie alvéolaire d’élévation, associée à une greffe osseuse ;
-Supra-alvéolie antérieure: résection osseuse sous les racines des dents du secteur antérieur et rotation vers le bas .
C- L’ostéotomie bi maxillaire : est souvent le protocole chirurgical le plus adapté particulièrement dans les asymétries faciales, les décalages sagittaux sévères et les grands excès verticaux ;
Elle permet de :
-Rétablir l’harmonie esthétique faciale en corrigeant l’ensemble de la dysmorphose.
-Limiter l’amplitude des déplacements au niveau de chaque pièce osseuse.
-Meilleurs stabilité des résultats ;
Classiquement l’ostéotomie est d’abord maxillaire puis mandibulaire.
4.3.2- La chirurgies de contours : Ces gestes chirurgicaux complémentaires achèvent l’harmonisation du visage en équilibrant les saillies et les dépressions du profil ou en corrigeant une asymétrie résiduelle du nez ou du menton. Ils peuvent concerner le nez (septo-rhino-plastie) et ou le menton (génioplastie).
*La génioplastie : Elles sont indiquées dans les cas de :
- Macrogénie ;
- Microgénie ;
- Asymétrie du menton.
Autorisent toutes les adaptations symphysaires : avancée, augmentation, diminution, translation, bascule, recentrage.
4.3.3-Chirurgies de l’environnement musculaire (chéiloplastie, glosso-plastie, désinsertion musculaire) :
* Les glosso-plasties : Elles complètent parfois les ostéotomies pour assurer la stabilité du résultat obtenu. Les indications des glosso-plasties restent limitées aux macroglossies sévères.
4.3.4-Distractions osseuses : Cette technique chirurgicale qui permet d’allonger l’os et de créer de l’os en exerçant une traction entre les deux parties d’un os ostéo-tomisé grâce à un distracteur est une solution complémentaire des chirurgies ortho-gnatiques conventionnelles et une alternative à certaines greffes. C’est une technique relativement lourde qui nécessite une ou des ostéotomies, une période de latence, une phase d’activation du distracteur à raison d’un allongement de 1 mm par jour le plus souvent suivi d’une phase de consolidation puis de remaniements osseux.
*Ses principales indications concernent :
-Les grands syndromes malformatifs affectant le squelette cranio-facial.
-Elle peut donc être indiquée dans la prise en charge des syndromes d’apnée du sommeil sévères.
-L’allongement mandibulaire lorsque les possibilités de la chirurgie ortho-gnatique sont dépassées.
-L’élargissement mandibulaire par distraction symphysaire dans certains cas de dysharmonie dento- maxillaire pour éviter les extractions.
4.4-Phase post-chirurgicale :
C’est la principale phase à risque de ces traitements, La transformation radicale apportée par la chirurgie peut avoir des répercussions psychologiques majeures. Le patient ne se reconnaît plus et doit reconquérir son image, l’accompagnement et l’écoute du patient pendant cette phase sont essentiels pour améliorer le vécu de ces traitements et faciliter cette transition.
*surveillance et contention du résultat chirurgical
La contention des ostéotomies est actuellement principalement assurée par le dispositif d’ostéosynthèse, en particulier les plaques miniatures.
- Le blocage par tractions inter-maxillaires((nous préconisons de l’instaurer le troisième jour après l’intervention pour permettre
un réveil sans risque et une réduction de l’œdème postopératoire et de le maintenir environ 25 jours), es tractions intermaxillaires, outre leur rôle de contention, soulagent la musculature oro-faciale et sécurisent le patient pendant cette phase d’incoordination.
A l’issue de cette phase de contention, une kinésithérapie prudente permet de mettre en place un nouvel équilibre neuro-musculo-squelettique, une rééducation des para- fonctions ou des dysfonctions apparues ou persistantes peut être nécessaire pour pérenniser la stabilité du résultat.
4.5- La phase de finitions orthodontiques :
Classiquement, cette phase d’orthodontie post-chirurgicale est limitée (3 à 8 mois selon les auteurs et les cas), car la plupart des finitions orthodontiques ont été effectuées avant l’intervention. Elle vise essentiellement à :
- Asseoir l’occlusion.
- Corriger les effets parasites des tractions intermaxillaires sur les torques antérieurs et latéraux et les dernières imperfections
-Nivellement de la courbe de Spee ;
-Finaliser les rapports inter-arcades et coordination ;
-Harmonisation su sourire et du profil cutané ;
Une fois l’ensemble des objectifs occlusaux, esthétiques et fonctionnelles sont établis on passe à la contention (voir cours de la contention) .
- Conclusion :
La préparation orthodontique appropriéea est la clé du succès des chirurgies ortho-gnatiques. La compréhension des compensations dentaires qui ont tendance à être associées à certains types de malocclusions aide à construire un plan de traitement approprié pour chaque individu qui optimise le bénéfice chirurgical et la stabilité. L’approche pluridisciplinaire qui comprend la planification appropriée, le contrôle en cours du progrès du traitement et la communication entre professionnels et patient est d’une importance capitale dans ce genre d’approche.
Le traitement orthodontico-chirurgical
Voici une sélection de livres:
- “Orthodontie de l’enfant et de l’adulte” par Marie-José Boileau
- Orthodontie interceptive Broché – Grand livre, 24 novembre 2023
- ORTHOPEDIE DENTO FACIALE ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE
- Orthopédie dento-faciale en dentures temporaire et mixte: Interception précoce des malocclusions Broché – Illustré, 25 mars 2021
- Nouvelles conceptions de l’ancrage en orthodontie
- Guide d’odontologie pédiatrique: La clinique par la preuve
- Orthodontie linguale (Techniques dentaires)
- Biomécanique orthodontique
- Syndrome posturo-ventilatoire et dysmorphies de classe II, Bases fondamentales: ORTHOPÉDIE ET ORTHODONTIE À L’USAGE DU CHIRURGIEN-DENTISTE
Le traitement orthodontico-chirurgical

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.