La thérapeutique non chirurgicale

La thérapeutique non chirurgicale

La thérapeutique non chirurgicale

La Thérapeutique Non Chirurgicale

Introduction

La prise en charge des maladies parodontales (MP) a traditionnellement visé l’élimination des lésions spécifiques, notamment les poches parodontales. Ces lésions, caractéristiques de la parodontite, sont des espaces pathologiques entre la gencive et la dent, favorisant l’accumulation de bactéries et la progression de la maladie. Cependant, les avancées récentes en parodontologie ont mis en lumière le rôle central des germes anaérobies spécifiques dans l’étiologie des parodontites. Cette découverte a conduit à une réorientation des stratégies thérapeutiques vers une approche étiologique, visant à éliminer ou à contrôler ces bactéries pathogènes.

Les traitements non chirurgicaux, qui incluent des approches mécaniques et médicamenteuses, se sont révélés, selon de nombreuses études longitudinales, aussi efficaces à long terme que les traitements chirurgicaux (Drisko, 2001; Quirynen et al., 2002). Ces méthodes offrent l’avantage d’être moins invasives, de réduire les risques post-opératoires et d’être mieux acceptées par les patients. Elles s’appuient sur une combinaison de techniques visant à réduire la charge bactérienne, à rétablir un équilibre microbien compatible avec la santé parodontale et à stabiliser les tissus parodontaux.

Dans ce document, nous explorerons en détail les principes, objectifs et modalités des traitements non chirurgicaux, en mettant l’accent sur l’approche médicamenteuse et ses applications pratiques, tout en enrichissant le contenu pour atteindre une analyse complète et approfondie.

Définition

La thérapeutique non chirurgicale regroupe l’ensemble des moyens physiques et chimiques utilisés pour stopper la progression de la maladie parodontale sans recours à des interventions chirurgicales. Ces approches incluent le détartrage, le surfaçage radiculaire, l’administration d’agents anti-infectieux (antibiotiques et antiseptiques) et d’autres techniques visant à contrôler l’inflammation et à réduire la charge bactérienne. L’objectif principal est de restaurer un environnement parodontal sain, tout en évitant les complications associées aux procédures invasives.

Objectifs du Traitement Non Chirurgical

Les objectifs des traitements non chirurgicaux sont alignés sur ceux des approches chirurgicales, avec une focalisation sur la gestion des facteurs microbiens et inflammatoires à l’origine de la maladie parodontale. Ces objectifs incluent :

  • Réduction du nombre total de bactéries : Diminuer la charge bactérienne globale dans les poches parodontales pour limiter l’inflammation et la destruction tissulaire.
  • Réduction des pathogènes spécifiques : Cibler les bactéries anaérobies responsables des parodontites, telles que Aggregatibacter actinomycetemcomitans (Aa), Porphyromonas gingivalis (Pg), Prevotella intermedia (Pi) et Fusobacterium nucleatum (Fn).
  • Réduction des endotoxines : Minimiser la présence de toxines bactériennes qui exacerbent l’inflammation et la résorption osseuse.
  • Rétablissement d’une flore compatible avec la santé parodontale : Favoriser un équilibre microbien propice à la guérison des tissus parodontaux.
  • Gain d’attache clinique : Améliorer l’adhérence des tissus gingivaux à la surface dentaire, réduisant ainsi la profondeur des poches.
  • Maintien des résultats à long terme : Assurer la stabilité des résultats cliniques grâce à un suivi régulier et à une hygiène bucco-dentaire rigoureuse.

Ces objectifs sont atteints grâce à une combinaison d’approches mécaniques et médicamenteuses, adaptées à la gravité de la maladie et aux besoins spécifiques du patient.

Modalités Thérapeutiques

Les modalités thérapeutiques non chirurgicales se divisent en deux grandes catégories : l’approche mécanique et l’approche médicamenteuse. Ces deux approches sont complémentaires et peuvent être utilisées de manière séquentielle ou combinée pour optimiser les résultats.

L’Approche Mécanique

L’approche mécanique, qui inclut le détartrage et le surfaçage radiculaire, constitue la pierre angulaire de la thérapeutique non chirurgicale. Ces techniques visent à éliminer le tartre, la plaque dentaire et le biofilm bactérien des surfaces dentaires et radiculaires. Bien que cette approche soit essentielle, elle peut être limitée dans certains cas, notamment lorsque les bactéries pathogènes sont localisées dans des zones difficilement accessibles, comme les furcations ou les poches profondes. Pour une discussion détaillée de l’approche mécanique, référez-vous au cours précédent.

L’Approche Médicamenteuse

L’approche médicamenteuse, ou chimiothérapie, complète l’approche mécanique en ciblant directement les bactéries pathogènes grâce à l’utilisation d’antibiotiques (ATB) et d’antiseptiques (ATS). Cette stratégie est particulièrement indiquée lorsque les pathogènes sont résistants ou situés dans des zones peu accessibles aux instruments mécaniques. Les études montrent que l’ajout de traitements médicamenteux améliore significativement les résultats cliniques, notamment en termes de réduction de la profondeur des poches et de gain d’attache (Drisko, 2001; Quirynen et al., 2002).

Chimiothérapie : Approche Médicamenteuse de la Thérapeutique Non Chirurgicale

La chimiothérapie parodontale repose sur l’utilisation d’agents anti-infectieux administrés par voie générale, locale ou mixte. Cette approche vise à éliminer les bactéries pathogènes, à réduire l’inflammation et à stabiliser les lésions parodontales. Cependant, l’efficacité du traitement médicamenteux dépend de plusieurs facteurs, notamment :

  • Type de lésion parodontale : Les parodontites juvéniles localisées (PJL), les parodontites progressives rapides (PPR) ou les parodontites réfractaires nécessitent des stratégies spécifiques.
  • Espèce bactérienne ciblée : Certains pathogènes, comme Aa, ont la capacité d’envahir les tissus parodontaux, tandis que d’autres, comme Pg, se localisent dans des zones difficiles d’accès (ex. : furcations).
  • Facteurs systémiques : Le stress ou les troubles immunitaires peuvent augmenter la résistance des bactéries, rendant le traitement mécanique seul insuffisant.
  • Pharmacologie des agents : Le choix de l’antibiotique dépend de son spectre d’action, de sa diffusion tissulaire et de sa biodisponibilité.

Voie Générale

La voie générale implique l’administration systémique d’antibiotiques pour traiter les infections parodontales. Cette approche est particulièrement efficace pour les cas de parodontites généralisées ou réfractaires.

Choix de l’Antibiotique

Le choix de l’antibiotique repose sur :

  • Type de lésion : Parodontite juvénile, parodontite chronique, gingivite ulcéro-nécrosante (GUN), etc.
  • Espèce bactérienne : Identification des pathogènes dominants via un diagnostic microbiologique.
  • Caractéristiques pharmacologiques : Spectre d’action, diffusion dans les tissus parodontaux, et biodisponibilité.

Monothérapie

  1. Cyclines :
    • Caractéristiques : Antibiotiques bactériostatiques à large spectre, efficaces contre Aa, Pg, Pi et autres pathogènes parodontaux. Les cyclines offrent une excellente diffusion tissulaire et osseuse, ainsi qu’une action anticollagénique qui inhibe les enzymes protéolytiques.
    • Exemples :
      • Chlorhydrate de tétracycline : 1 g/jour pendant 2 à 3 semaines, à prendre 30 minutes avant les repas.
      • Doxycycline : 200 mg les 2 premiers jours, suivis de 100 mg/jour pendant 12 jours.
    • Indications : Parodontites juvéniles localisées (PJL).
  2. Métronidazole :
    • Caractéristiques : Antibiotique bactéricide, très efficace contre les anaérobies (Bacteroides, Pg, spirochètes).
    • Posologie : 250 mg, 3 fois par jour pendant 7 à 10 jours.
    • Indications : Gingivite ulcéro-nécrosante (GUN), parodontite ulcéro-nécrosante (PUN).
  3. Macrolides :
    • Caractéristiques : Antibiotiques bactériostatiques (ex. : érythromycine, spiramycine, clindamycine), peu utilisés en monothérapie en raison de leur efficacité limitée.
    • Indications : Cas spécifiques où d’autres antibiotiques ne sont pas adaptés.
  4. Bêta-lactamines :
    • Caractéristiques : Antibiotiques bactéricides à large spectre, mais leur usage est limité par la résistance des bactéries Gram-négatives productrices de bêta-lactamases.
    • Indications : Utilisation restreinte en monothérapie.

Associations

Les associations d’antibiotiques permettent d’élargir le spectre antimicrobien, de réduire les doses individuelles et de bénéficier d’une synergie entre les molécules. Les combinaisons les plus courantes incluent :

  1. Amoxicilline + Acide clavulanique (Augmentin) :
    • Action : L’acide clavulanique inhibe les bêta-lactamases, rendant l’amoxicilline efficace contre Pg et Pi.
    • Posologie : 500 mg toutes les 8 heures pendant 10 jours.
    • Indications : Parodontites réfractaires.
  2. Métronidazole + Amoxicilline :
    • Action : Synergie à large spectre, efficace contre les anaérobies et les bactéries Gram-négatives.
    • Posologie : 250 mg de métronidazole 3 fois/jour + 500 mg d’amoxicilline 3 fois/jour pendant 7 à 10 jours.
    • Indications : Parodontites juvéniles généralisées (PJG), parodontites progressives rapides (PPR), parodontites réfractaires.
  3. Spiramycine + Métronidazole (Rodogyl) :
    • Action : Efficace contre Pg et Aa.
    • Indications : Abcès parodontaux avec suppuration.

Voie Locale

La voie locale consiste à administrer des agents anti-infectieux directement dans les poches parodontales, permettant une concentration élevée de l’agent actif au site de l’infection tout en minimisant les effets secondaires systémiques.

Procédés à Libération Rapide

Définition

Les procédés à libération rapide impliquent l’introduction d’une solution d’antibiotique ou d’antiseptique dans la poche parodontale à l’aide d’une seringue ou d’un hydropulseur. Cette technique vise à désinfecter, stériliser et oxygéner les poches pour stabiliser la maladie parodontale.

Objectifs
  • Contrôler la plaque bactérienne et perturber la flore sous-gingivale.
  • Aseptiser et oxygéner la poche parodontale.
  • Stabiliser la résorption osseuse.
  • Prévenir la réinfection.
Indications

L’irrigation locale est généralement utilisée comme traitement complémentaire après un diagnostic microbiologique. Elle est indiquée dans les cas suivants :

  • Patients motivés et coopératifs.
  • Après drainage d’un abcès parodontal.
  • Sur des sites destinés à recevoir une régénération tissulaire guidée.
  • Lésions inter-radiculaires.
Principes et Intérêts
  • Désinfection : Lavage des poches pour éliminer les bactéries et les débris.
  • Perturbation mécanique : Désorganisation de la flore sous-gingivale par l’effet mécanique du jet.
  • Oxygénation : Destruction des bactéries anaérobies par l’introduction d’oxygène.
Protocole Opératoire

L’irrigation est réalisée à l’aide d’une seringue jetable à embout plastique ou d’un hydropulseur. L’embout est inséré jusqu’au fond de la poche, et la solution est injectée jusqu’à ce que la poche soit remplie et déborde.

Produits Utilisés
  1. Antibiotiques :
    • Tétracyclines : Indiquées pour les parodontites localisées. Irrigation 3 fois par semaine pendant 3 semaines. Les tétracyclines ont un effet de mordançage sur la surface radiculaire, favorisant la réattache fibrillaire.
    • Métronidazole : Utilisé pour les parodontites progressives rapides (PPR), parodontites péri-implantaires (PPP) et parodontites généralisées. Irrigation 3 fois par semaine pendant 3 semaines.
  2. Antiseptiques :
    • Chlorhexidine (digluconate) : Bactéricide et bactériostatique, efficace contre les anaérobies. Elle est également fongicide (active contre Candida albicans) et possède un effet rémanent. Posologie : Irrigation 3 fois par semaine.
    • Eau oxygénée et bicarbonate de soude : Utilisés dans la méthode de Keyes, ces agents ont une action anti-inflammatoire et anti-plaque. L’eau oxygénée est hémostatique et libère de l’oxygène, favorisant l’élimination des anaérobies.
    • Hexétidine : Moins efficace que la chlorhexidine, mais possède des propriétés anti-plaque et anti-inflammatoires.
    • Triclosan : Peu utilisé en raison de son efficacité limitée.
    • Sanguinarine : Propriétés anti-plaque et antibactériennes inférieures à celles de la chlorhexidine.

Procédés à Libération Lente

Principes et Intérêts

Les procédés à libération lente visent à établir un réservoir antibactérien in situ, libérant l’agent actif à une concentration supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) pendant une période prolongée. Ces systèmes doivent être biodégradables, faciles à appliquer et rétentifs dans la poche parodontale.

Produits
  1. Gel de métronidazole (Elyzol) :
    • Présentation : Gel contenant 25 % de métronidazole, libéré lentement sur 36 heures.
    • Protocole : Appliqué après réduction de la charge microbienne par détartrage et surfaçage. Une seconde application est réalisée 8 jours après la première.
    • Indications : Parodontites chroniques avec poches profondes.
  2. Gel de minocycline (Dentomycine) :
    • Présentation : Gel à 2 % de minocycline, avec une libération prolongée sur 24 heures.
    • Protocole : 4 applications espacées de 14 jours.
    • Indications : Parodontites modérées à sévères.
  3. Fibres de tétracyclines (Actisite) :
    • Présentation : Fibres libérant une concentration efficace pendant 9 jours.
    • Avantages : Résultats cliniques et microbiologiques comparables au détartrage-surfaçage. Amélioration des résultats lorsqu’associées à un traitement conventionnel.
    • Inconvénient : Temps de mise en place long (8 minutes par dent).
  4. Periochip :
    • Présentation : Lamelle contenant 2,5 mg de digluconate de chlorhexidine, ajustable par découpe.
    • Durée d’action : Maintien d’une concentration efficace pendant 12 jours (contre 12 heures pour l’irrigation).
    • Indications : Parodontites chroniques avec poches ≥ 5 mm.
Effets Secondaires
  • Résistance transitoire aux tétracyclines (réversible).
  • Non-adhérence du métronidazole aux tissus.
  • Candidose buccale.
  • Douleurs ou abcès locaux.
  • Modification du goût.
  • Contre-indications : Allergie connue à la molécule ou à son support.

Voie Mixte

La voie mixte combine l’administration systémique et locale d’antibiotiques pour potentialiser leur action. Cette approche est particulièrement utile dans les cas de parodontites sévères ou réfractaires, où une action synergique est nécessaire pour contrôler l’infection.

Conclusion

La thérapeutique non chirurgicale constitue une approche essentielle dans la gestion des maladies parodontales. En combinant des techniques mécaniques, telles que le détartrage et le surfaçage, avec des approches médicamenteuses, elle permet de réduire la charge bactérienne, de contrôler l’inflammation et de stabiliser les lésions parodontales. Les antibiotiques et antiseptiques, administrés par voie générale, locale ou mixte, jouent un rôle clé dans le ciblage des pathogènes spécifiques et l’amélioration des résultats cliniques.

Cependant, le succès de ces traitements dépend de plusieurs facteurs : un diagnostic microbiologique précis, une sélection appropriée des agents anti-infectieux, et une coopération étroite du patient dans le maintien d’une hygiène bucco-dentaire rigoureuse. Les procédés à libération lente, tels que les gels et les fibres, offrent des solutions prometteuses pour optimiser la concentration locale des agents actifs, tandis que les associations d’antibiotiques permettent d’élargir le spectre d’action et de surmonter les résistances bactériennes.

En conclusion, la thérapeutique non chirurgicale, grâce à sa polyvalence et à son efficacité démontrée, représente une alternative précieuse aux approches chirurgicales, offrant des résultats durables pour les patients atteints de parodontites.

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