LA TECHNIQUE LINGUALE
1. INTRODUCTION :
Depuis leurs naissances, les techniques multi-attaches n’ont cessé d’évoluer permettant aux orthodontistes de traiter la majorité des malocclusions. L’inconvénient majeur restait, jusqu’alors, le côté inesthétique des appareils difficile à accepter pour les patients, principalement les adultes. Dès 1973, CRAVEN KURTZ aux États-Unis entreprend des traitements en collant des attaches sur les faces internes des dents. La technique linguale était née. Imprécise et difficile au début, elle était réservée à quelques cliniciens experts, et s’est vue alors modifiée au fil des années afin de répondre aux exigences des praticiens et patients.
2. DEFINITION :
L’orthodontie lingual tire son nom du positionnement des attaches orthodontiques sur la face interne des dents, c’est-à-dire du côté de la langue. Il s’agit d’une technique de traitement qui utilise les mêmes principes que les techniques classiques où les attaches sont positionnées sur la face externe des dents (vestibulaires). L’orthodontie linguale moderne est née dans les années 70, sous l’impulsion de FLUITA au Japon et de KURTZ aux USA.

3. HISTORIQUE :
FLUITA et KURTZ déposent en 1976, le premier au Japon, le second aux Etats-Unis, les brevets des attaches linguales. Mais cette dernière a rencontré beaucoup de problèmes concernant le collage des attaches, le contrôle des mouvements…
En 1984, le laboratoire ORMCO® mit au point une machine appelée le TARG, permettant d’optimiser le positionnement des attaches. Après une période d’euphorie, dès 1985, beaucoup de praticiens abandonnèrent cette technique trop imprécise et elle ne fut plus utilisée sauf par quelques irréductibles. Une des grandes difficultés était d’évaluer toutes les plures nécessaires sur l’arc afin d’aligner les points de contact.
La première évolution fut de se passer de ces plures en ajoutant entre l’intrados de l’attache et la dent des épaisseurs de colle destinées à compenser les différentes épaisseurs des dents. Ce système avait ses limites car l’épaisseur, quelquefois très importante, des patins de colle rendait les attaches très inconfortables et atténuait leur résistance au décollement.
L’évolution suivante a consisté à se passer de ce patin de colle en contournant le problème des plures d’arc très compliquées sur les faces linguales. Pour ce faire, en 1999, DIRK WIECHMANN mit au point une technique utilisant un robot pour fabriquer des arcs sur mesure. Grâce à cet apport, il proposa des attaches beaucoup plus près des dents, donc plus confortables et plus résistantes au décollement.
À partir de ce jour, les différences d’épaisseur furent répercutées sur le fil sous forme de déformation du premier ordre. Le dernier point faible était l’attache en elle-même : peu précise, elle engendrait des mouvements quelquefois non désirés et les finitions devenaient alors très difficiles à réaliser.
Afin de contourner ce dernier obstacle, en 2002 DIRK WIECHMANN et le laboratoire Top service mirent au point une attache sur mesure d’une précision alors inégalée. Cette attache allait donner naissance à LA TECHNIQUE INCOGNITO®.
4. MOYENS :
4.1. LES ATTACHES :
- Des attaches Ribbon-wise dans lesquelles on insère le fil : verticalement, horizontalement (90 % des cas) ;
- Des attaches Edgewise pour : expansion antéropostérieure à la mandibule ; la fermeture d’espace d’extraction d’une incisive inf. ; Corriger un over-jet important d’une cl II 1 au maxillaire.
- Des attaches en forme d’onlay peuvent être utilisées pour les molaires peu évoluées.

4.2. LE FILS
- Nivellement : Copper-Nitr® .016 puis .016×.022.
- Phase de travail : les fils en .016×.022 ou le .016×.024 ;
- Finitions : TMA.
- Le .0175×.0175 pour les corrections de premier et de deuxième ordre,
- Le .0182×.0182 pour les corrections de torque.
5. LES GOUTTIÈRES DE POSITIONNEMENT
- Silicone dur en lutésil®
- Mémosil®
- Double gouttière Bioplast
6. ETAPES DE TRAITEMENT :
6.1. LA PRISE D’EMPREINTE :
Le matériau choisi est le silicone. Pour sa plus grande simplicité d’utilisation dans le cas d’une arcade complète, nous utiliserons la wash technique qui consiste à fabriquer un porte-empreinte individuel avec le matériau lourd puis à effectuer une seconde empreinte avec le léger.
6.2. SET-UP :
Nous indiquerons ici le type de traitement envisagé : extractions ou pas, stripping, repositionnement incisif, mécanique de classe II, etc. Les modèles seront montés sur articulateurs. Le technicien cherchera à obtenir la meilleure occlusion possible tout en suivant scrupuleusement les indications du praticien. Ce dernier garde le contrôle total du plan de traitement et des options choisies pour le réaliser.
6.3. FABRICATION DES ATTACHES :
Chaque nouveau système essaie de présenter des attaches de plus en plus petites, que l’on surnomme micro-attaches. Deux types d’attaches linguales coexistent sur le marché de l’industrie orthodontique : des boîtiers linguaux standards, « prêts à porter » tels que les attaches STB (SCUZZO et al., 2007), les attaches EXPERIENCE L® des boîtiers entièrement réalisés par une conception numérique personnalisée (INCOGNITO®, WIN) (KNOSEL et al., 2014).
Le système INCOGNITO ® (WIECHMANN, 2002) est fondé sur la conception individualisée de chaque attache en or. L’utilisation de l’or permet d’obtenir des coulées d’une précision inégalable et d’un design très fin. Cependant, malgré cette finesse, il n’en reste pas moins que la face linguale de chaque dent est quasiment intégralement recouverte par l’attache.

La base de chaque attache sera dessinée par le technicien de laboratoire. Celui-ci a pour mission de créer la base le plus grand possible en évitant toute prématurité avec les arcades antagonistes. L’épaisseur des bases est de 0,5mm. Celles-ci se terminent en biseau sur leur pourtour afin de diminuer l’épaisseur des bords et de limiter par ce fait l’accroche de la plaque dentaire.
L’adaptation sur mesure de chaque base permet de coller en toute sérénité des attaches sur des dents naturelles ou synthétiques quelles que soient leurs formes ou leurs tailles.
Cette particularité est très avantageuse chez les adultes d’âge avancé pour lesquels il n’est pas rare de rencontrer des couronnes très atypiques. À l’inverse, elle est tout aussi intéressante dans les traitements de l’enfant, notamment pour adapter les bases à des deuxièmes molaires peu évoluées. Dans les cas d’encombrement avec des dents en forte rotation, la surface linguale est quelquefois peu accessible.
La fabrication sur mesure permet de coller toutes les dents, même celles qui sont peu accessibles, à condition que la surface disponible représente au moins 50 % de la surface totale de la face palatine. Les bases des attaches peuvent être reliées entre elles sous forme d’attelle généralement de trois éléments.
Ce système permet de bloquer certains secteurs pour lesquels nous ne souhaitons pas modifier l’occlusion. Les attaches peuvent être conçues par ordinateur : conception et de fabrication assistées par ordinateur (CFAO).
Les attaches virtuelles deviennent des attaches réelles grâce à une machine « rapid prototyping » qui les transforme en attaches en tire par une succession de couches de 0,02 mm d’épaisseur. Les attaches en tire sont ensuite transformées en or par un procédé de tire perdue.
6.4. FABRICATION DES ARCS :
Depuis l’arc en forme de champignon « mushroom arch » décrit par FUJITA en 1979 et présentant un ins-et entre la canine et la prémolaire, les nouvelles techniques ont progressivement évolué vers le concept d’arc droit. La fabrication des arcs est assurée par un robot. Par l’intermédiaire du logiciel de fabrication des attaches, le robot connaît exactement la position des gorges sur le set-up. Il a besoin de connaître le plan horizontal, la position antéropostérieure de chaque slot et sa position dans le premier ordre par rapport au slot qui le précède. Le robot est capable de plier les fils en Copper-NITI ®, en acier et en TMA.
Arc droit
Mushroom Arch » de Fujita (1979)
6.5. COLLAGE :
Préparation des surfaces dentaires et mise en place du champ opératoire. Sablets à l’oxyde d’alumine 50 µm; Champ opératoire: coton solivoire, Pompe à salive écarteur de lèvre; mordangage à l’acide orthophosphrique à 37 % pendant 30 secondes puis rincé et séché; Collage indirect en technique chemopolymérisable ou photopolymérisable; Caches esthétiques. Le recollage des attaches se fait souvent en technique directe.
7. AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE LA TECHNIQUE :
7.1. AVANTAGE :
- Invisibilité.

7.2. INCONVENIENTS :
- Difficulté technique.
- Gène d’élocution.
- Temps important passé au fauteuil.
- Hygiène difficile.
- Alimentation limitée.
- Décollage d’un bracket.
Placement virtuel des îlgs de transfert sur le set-up numérique afin d’enregistrer la position exacte de chaque attache.
7.3. LIMITES DE LA TECHNIQUE :
Certaines morphologies des couronnes dentaires le rendent délicat. -Le positionnement lingual modifie l’élocution, notamment en tout début de traitement. Les progrès fait sur la forme et le dessin des attaches rendent ces traitements très supportables. Dans notre patientèle, nous comptons des professeurs, des avocats et des commerciaux qui, motivés par un traitement discret, doivent néanmoins assurer une communication orale quotidienne. Si les patients porteurs de bagues visibles ont, bien souvent, le désir de déposer leur matériel, parfois aux dépens de la finition, les patients traités avec des bagues non visibles ont un niveau d’exigence plus affirmé et préfèrent garder les attaches quelques mois de plus afin d’assurer le meilleur résultat. En fin de traitement, l’appareil lingual est bien intégré et beaucoup moins gênant qu’en début de traitement.
8. CONCLUSION
L’orthodontie linguale représente aujourd’hui la solution thérapeutique idéale pour les patients à la recherche d’un traitement orthodontique invisible. Les dernières innovations technologiques lui permettent ainsi de couvrir un large champ d’indications. Au regard des évolutions récentes détaillées précédemment, le système qui apparaît le plus aboutis semble être la technique Lingual Liberty, développée par le Dr FILLION, car elle intègre l’ensemble de ces évolutions. En exploitant la technologie digitale 3D associée à la technique de l’arc droit préformé, le système permet de pallier les deux principaux inconvénients de l’orthodontie linguale qui étaient le manque de précision et le manque Lingual Liberty de reproductibilité inter-praticien. De plus, le confort du patient est grandement amélioré par la taille réduite des attaches et par un temps de travail au fauteuil diminué. Parfaitement modulable, cette technique est également faite pour offrir un maximum de liberté à l’utilisateur. Passant du technicien à l’artiste, l’orthodontiste peut ainsi adopter un plan de traitement ultra-personnalisé pour chaque patient en l’imprégnant de sa touche et sa sensibilité personnelle, et se faire sienne la célèbre phrase de YVES SAINT-LAURENT : “Je ne suis pas un couturier, Je suis un artisan, un fabricant de bonheur”.

LA TECHNIQUE LINGUALE
Voici une sélection de livres:
- “Orthodontie de l’enfant et de l’adulte” par Marie-José Boileau
- Orthodontie interceptive Broché – Grand livre, 24 novembre 2023
- ORTHOPEDIE DENTO FACIALE ODONTOLOGIE PEDIATRIQUE
- Orthopédie dento-faciale en dentures temporaire et mixte: Interception précoce des malocclusions Broché – Illustré, 25 mars 2021
- Nouvelles conceptions de l’ancrage en orthodontie
- Guide d’odontologie pédiatrique: La clinique par la preuve
- Orthodontie linguale (Techniques dentaires)
- Biomécanique orthodontique
- Syndrome posturo-ventilatoire et dysmorphies de classe II, Bases fondamentales: ORTHOPÉDIE ET ORTHODONTIE À L’USAGE DU CHIRURGIEN-DENTISTE
LA TECHNIQUE LINGUALE

Dr J Dupont, chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie, titulaire d’un DU de l’Université de Paris, offre des soins implantaires personnalisés avec expertise et technologies modernes.

