La réhabilitation prothétique chez le sujet âgé / Odontologie Gériatrique

La réhabilitation prothétique chez le sujet âgé / Odontologie Gériatrique

La réhabilitation prothétique chez le sujet âgé / Odontologie Gériatrique

Introduction

La prévalence des édentements et des pathologies dentaires au sein de la population gériatrique en fait actuellement la classe d’âge la plus demandeuse de réhabilitation prothétique. La solution prothétique chez le patient âgé se doit d’être simplifiée, confortable et évolutive, face au risque d’aggravation de l’état de santé général. Il s’agit donc toujours de proposer des thérapeutiques simples et efficaces, en évitant de multiplier les séances qui devront toujours être courtes.

Sénescence des muqueuses buccales et pathologies associées

Spécifiques au port de prothèses

  • Hyperplasie papillomateuse : Elle est faite de multiples lésions papillomateuses, inflammatoires, siégeant le plus souvent au niveau du palais, sous une prothèse adjointe complète avec de nombreux débris alimentaires. Le Candida albicans et une pression négative sous la prothèse seraient responsables de la lésion.
  • Crêtes flottantes : Elles sont dues à une prothèse mal ajustée permettant à la muqueuse alvéolaire de se développer anormalement. Cette lésion a tendance à être aggravée par la prothèse trop grande et adoptant différentes positions à chaque occlusion.
  • Chéilite angulaire : Elle a une pathogénie infectieuse et prothétique.
  • Répercussions fonctionnelles : Les répercussions fonctionnelles sont nombreuses, notamment en termes de fragilité muqueuse, de susceptibilité accrue aux agressions externes et de retard de cicatrisation. De plus, l’atrophie des muqueuses masticatoires et de recouvrement, entraînant une vulnérabilité aux traumatismes et à la pression durant la mastication, expliquent la difficulté de consommer des aliments durs et la moindre tolérance au port de prothèses dentaires.

Non spécifiques au port de prothèses

  • Candidoses : Ce sont des mycoses habituellement localisées, presque toujours provoquées par le Candida albicans, champignon endo-saprophyte que l’on retrouve dans 30 à 50 % des cas sur la muqueuse saine.
  • Leucoplasies : Ce sont des plaques blanchâtres hyperkératosiques, rencontrées dans les zones de frottement, tels les bords et la face dorsale de la langue et la face interne des joues.
  • Lichens : Lésions se présentant dans leur forme plane sous la configuration d’un réseau de dyskératose plus ou moins arborescent situé sur la face interne des joues, le fond des vestibules et la zone rétromolaire.
  • Épulis : Ce sont des tumeurs bénignes fréquentes chez la personne âgée édentée non porteuse de prothèse.
  • Papillomes : Ils se rencontrent à la mandibule sur les faces vestibulaire et linguale de la crête et, au maxillaire, leur siège préféré demeure la région incisivo-canine.
  • Épithéliomas : Ce sont des lésions non douloureuses, qui n’engendrent aucune gêne et qui passent souvent inaperçues.
  • Perlèche : Classiquement favorisée par l’affaissement naturel du pli commissural et la macération salivaire, elle est rarement isolée ; elle est généralement associée à une candidose buccale.

Xérostomie

Définition et caractéristiques

La xérostomie, sensation de bouche sèche, est un symptôme buccal important chez le sujet âgé. La xérostomie est, par définition, subjective et ne correspond pas toujours à une réelle diminution du flux salivaire. En revanche, l’hyposialie, diagnostiquée à l’aide de tests salivaires, est un signe objectif de diminution de la sécrétion et se définit par un débit salivaire inférieur à 0,1 ml/min en flux non stimulé et à 0,5 ml/min en flux stimulé (intervenant lors de la mastication).

Causes

Avec l’âge, des modifications histologiques des glandes salivaires apparaissent, principalement représentées par une atrophie et une diminution de volume des acini, une irrégularité des canaux sécrétoires. La diminution de la production salivaire est retrouvée parmi les effets secondaires de plus de 400 médicaments, et 80 % des médicaments les plus prescrits en gériatrie sont responsables de xérostomie. Certaines maladies fréquentes chez le sujet âgé (maladie d’Alzheimer, diabète, maladie de Parkinson, etc.) favorisent par elles-mêmes l’apparition d’une hyposialie, aggravée secondairement par les psychotropes. La respiration buccale, qui prédomine chez les insuffisants respiratoires, est un facteur majeur des pathologies qui en résultent.

Répercussions

Outre l’inconfort et les douleurs que cela engendre, l’hyposialie a des répercussions fonctionnelles importantes, notamment en termes de difficultés lors de la mastication, de la déglutition et de la phonation.

Résorption

Modifications des arcades

C’est essentiellement la réduction de volume et la modification de la forme des arcades. La hauteur des arcades est diminuée. Au maxillaire, la voûte palatine s’aplatit, sa surface est de plus en plus réduite du fait de la résorption centripète. La mandibule est plus touchée par la résorption à cause de l’orientation trabéculaire de l’os. La résorption y est centrifuge. Avec l’ouverture de l’angle goniaque, l’arc mandibulaire s’élargit et a tendance à circonscrire le maxillaire avec passage d’une classe I squelettique à une classe III squelettique. La résorption est inégale sur chacune des arcades, celle-ci étant en rapport avec la répartition de l’os alvéolaire.

Articulation temporo-mandibulaire

L’articulation temporo-mandibulaire n’est pas épargnée par la résorption : le condyle s’aplatit, on observe une réduction de son diamètre antéropostérieur avec formation d’ergot. Le ménisque se minéralise, s’amincit progressivement et finit par se perforer.

La thérapeutique prothétique

La prothèse complète amovible

Conditions locales

Les conditions locales rendent sa conception et son acceptation biofonctionnelle de plus en plus complexes, voire impossibles. Ces conditions incluent :

  • La fonte de l’os alvéolaire.
  • La sécrétion salivaire et sa viscosité, qui diminuent, ce qui réduit l’adhésivité de la prothèse par l’intermédiaire de la salive et fragilise la muqueuse. Cette fragilité est accentuée par les mouvements de frottement et de déplacement de la prothèse.
  • La position linguale trop antérieure ou la « macroglossie relative » due à une hypotonicité créée par l’absence de remparts alvéolo-dentaires, qui peut être une source de déplacement de la prothèse et une entrave à sa bonne tenue en bouche.
  • L’équilibre musculaire de la face est modifié, ainsi que l’articulation temporomandibulaire.
  • L’involution alvéolaire sévère peut entraîner une irritation ou une compression du nerf lingual et être à l’origine de névralgies linguales ; les mêmes problèmes peuvent se produire au niveau du trou mentonnier. Le simple évidement ou échancrure de la prothèse peut être envisagé comme un recours favorable.

Conditions générales

  • La perte de dextérité manuelle et l’imprécision de vision du patient empêchent le port de cette prothèse.
  • Les difficultés d’adaptation neuro-musculaire entraînent l’atténuation de leurs réflexes conditionnés et leur mémoire occlusale. Cela provoque des difficultés lors de la conception prothétique, par exemple lors de l’enregistrement des rapports intermaxillaires ; le patient peut avoir du mal à reproduire la même position mandibulaire, ce qui oblige le praticien à des enregistrements successifs.

Techniques de réalisation

Tous ces facteurs vont avoir des influences modificatrices sur les techniques de réalisation. Il convient de privilégier :

  • Le remplacement des prothèses « satisfaisantes » par imitation au plus près des précédentes.
  • La prothèse complète immédiate, pour minimiser les modifications neuro-musculaires imposées par une nouvelle prothèse.
  • La souplesse dans la détermination et l’enregistrement des relations intermaxillaires adaptées à la posture actuelle du patient (matériaux à prise rapide et répétitions des enregistrements). La disparition de la proprioception (dentaire) et l’imprécision des mouvements mandibulaires compliquent l’enregistrement correct des relations intermaxillaires.
  • Les techniques de réalisation pourront être simplifiées lorsque le tableau clinique général est trop lourd. Pour réduire au maximum les « séances au fauteuil », l’odontologiste propose une technique de duplication des prothèses existantes au laboratoire afin de réaliser de nouvelles prothèses plus adaptées au patient. Le montage des dents antérieures est réalisé sur ces duplicata qui permettent alors la prise d’empreinte finale, et l’enregistrement des relations intermaxillaires au cours d’une même étape clinique. Au laboratoire, le transfert sur articulateur semi-adaptable permet le montage de toutes les dents et la polymérisation définitive. C’est dans une deuxième et dernière séance clinique que les prothèses sont adaptées en bouche pour être remontées, puis rééquilibrées sur l’articulateur.
  • Pour les patients très affaiblis et invalides, le recours aux bases souples peut procurer le confort compatible avec le port et l’utilisation fonctionnelle de ces prothèses.

Particularités selon les pathologies

  • Sclérose en plaques : Les appareillages amovibles seront privilégiés. Le praticien proposera des appareils simples, et si possible peu encombrants en raison des difficultés respiratoires fréquentes (en cas de formes graves à évolution rapide).
  • Maladie d’Alzheimer : On préférera le rebasage des anciens appareils à une réfection totale, car ces patients ont de grosses difficultés à s’habituer à de nouvelles prothèses.
  • Maladie de Parkinson : La dyskinésie facio-bucco-linguale entraîne une instabilité des prothèses totales inférieures. La rigidité faciale engendre des problèmes pour la prise de relation intermaxillaire. Les difficultés d’ouverture gênent voire empêchent la prise d’empreinte dans une bouche partiellement édentée car le porte-empreinte est trop volumineux. Ce problème est également rencontré dans la polyarthrite rhumatoïde.
  • En prothèse totale, on s’attachera à trouver un compromis entre la tenue de la prothèse et ses possibilités de retrait rendu difficiles par les problèmes moteurs.

La prothèse partielle amovible

La détérioration des tissus sénescents accentue la difficulté de conception de la prothèse partielle amovible, qui est soumise à la dualité tissulaire du support. En revanche, la réduction de perception sensorielle est décrite comme un facteur positif de tolérance par les muqueuses orales du patient âgé. Il existe quelques impératifs de conception inhérents au retrait partiel du parodonte et à l’allongement coronaire résultant :

  • Le bras de levier augmenté au niveau des surfaces d’appui dentaires doit être compensé par l’augmentation de la surface de sustentation et du nombre de piliers afin d’assurer une plus grande répartition des forces.
  • L’insertion de la prothèse doit être facile.
  • La rétention est obtenue grâce à des crochets réalisés sur les dents bordant l’édentement. Il faut éviter les attachements de précision sophistiqués, car ils sont trop fragiles et compliquent l’insertion. Cependant, l’action des crochets reste nocive, il faut parfois savoir extraire une dent dont le parodonte est affaibli afin de ne pas compromettre le pronostic de la prothèse.

La prothèse conjointe

Si la réalisation est possible, elle est globalement semblable à celle d’un patient plus jeune, à quelques différences près :

  • Vitalité pulpaire : Il est possible de garder les dents pulpées.
  • Limites cervicales : Elles doivent se situer à un niveau supra-gingival ou juxtagingival, afin de ne pas traumatiser le parodonte souvent fragilisé à cet âge.
  • Dégagement des embrassures : Il doit être important, autant pour la maintenance d’un parodonte sain ou assaini, que pour faciliter les manœuvres d’hygiène buccale, plus difficiles à bien réaliser chez le sujet âgé.
  • Esthétique : Étant donné l’alvéolyse, le patient âgé ne découvrira pas, en général, la zone cervicale. Cela permet de favoriser l’adaptation, quitte à devoir réaliser un bandeau métallique cervical lors des réalisations esthétiques.

Hygiène bucco-dent-prothétique

Entretien des prothèses

Rythme de l’entretien

  • Dans l’idéal : après chaque repas.
  • Au moins deux fois par jour : par exemple lors de la toilette matinale et au coucher.

Matériel spécifique

  • Brosse à prothèse individuelle, à défaut brosse à ongles réservée à cet usage.
  • Boîte à prothèse individuelle étiquetée au nom de la personne.

Produits

  • Eau du réseau.
  • Savon doux liquide.

Mode opératoire

Malade autonome
  • Lui rappeler l’intérêt d’entretenir ses prothèses dentaires.
  • Lui remémorer la technique de nettoyage.
  • Lui rappeler l’intérêt d’effectuer un soin de bouche avant de remettre la prothèse.
Malade dépendant
  • Préparer le matériel et les produits.
  • Retirer les prothèses dentaires.
  • S’installer au-dessus d’un lavabo rempli d’eau.
  • Réaliser l’entretien de la prothèse dentaire.
  • Ne remettre la prothèse qu’après avoir effectué un soin de bouche.
  • Le cas échéant, placer la prothèse dentaire à sec dans sa boîte.
  • Réhydrater la prothèse avant de la remettre en bouche : immersion ou passage sous l’eau courante.

Hygiène bucco-dentaire (dents, muqueuses, langue)

Rythme du soin

  • Dans l’idéal : après chaque repas.
  • Au moins deux fois par jour : lors de la toilette matinale et au coucher.

Matériel

  • Gants non stériles.
  • Brosse à dents à poils souples (à remplacer dès que les poils s’évasent).
  • Gobelet, réniforme.
  • Serviette de toilette.
  • Compresses non stériles.
  • Abaisse-langue (uniquement pour écarter la joue).
  • Pince Kocher ou bâtonnets secs.

Produits

  • Eau du réseau.
  • Dentifrice à concentration élevée de fluor (dents).
  • Dentifrice dilué (muqueuses) : une noisette diluée dans de l’eau du réseau, préparée au moment de l’emploi.
  • Corps gras pour les lèvres (type vaseline).

Mode opératoire

Malade autonome
  • Lui rappeler l’intérêt de se brosser les dents, les muqueuses et la langue après les repas, l’y aider si besoin, et lui remémorer la technique du brossage des dents.
  • Lui laisser la possibilité d’utiliser le matériel dont il a l’habitude (par exemple : brossette interdentaire, fil dentaire avec porte-fil, hydropulseur, brosse à dents électrique, gratte-langue).
Malade dépendant
  • Préparer le matériel et les produits.
  • Installer le patient en position assise, tête soutenue.
  • Retirer les prothèses dentaires et les nettoyer.
  • Brosser les dents restantes.
  • Nettoyer les muqueuses et la langue si possible au doigt et compresse, sinon à l’aide d’une pince Kocher entourée d’une compresse ou d’un bâtonnet, après les avoir imprégnés de dentifrice dilué.

Conclusion

Chez la personne âgée, il est impératif de comparer les bienfaits de la thérapeutique prothétique avec le « service rendu » au patient, d’autant plus que la personne est dépendante. Il faudra faire des séances courtes et éviter autant que possible les traitements complexes augmentant le nombre de séances. Ce traitement devra être le plus durable et le plus fiable possible, afin de ne pas avoir à le modifier par la suite.

La réhabilitation prothétique chez le sujet âgé / Odontologie Gériatrique

  La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes. Les étudiants en médecine dentaire doivent maîtriser l’anatomie dentaire et les techniques de diagnostic pour exceller. Les praticiens doivent adopter les nouvelles technologies, comme la radiographie numérique, pour améliorer la précision des soins. La prévention, via l’éducation à l’hygiène buccale, reste la pierre angulaire de la pratique dentaire moderne. Les étudiants doivent se familiariser avec la gestion des urgences dentaires, comme les abcès ou les fractures dentaires. La collaboration interdisciplinaire avec d’autres professionnels de santé optimise la prise en charge des patients complexes. La santé bucco-dentaire est essentielle pour le bien-être général, nécessitant une formation rigoureuse et continue des dentistes.  

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