LA PROTHESE PIEZOGRAPHIQUE

LA PROTHESE  PIEZOGRAPHIQUE

LA PROTHESE  PIEZOGRAPHIQUE

La Prothèse Piézographique

Introduction

En 1728, Fauchart soulignait l’importance de considérer la forme et le modelé des surfaces internes et externes des prothèses dentaires pour éviter de gêner les fonctions de la langue et des joues. Cette observation, bien que formulée il y a plusieurs siècles, reste au cœur de la conception des prothèses modernes, notamment avec l’approche piézographique. La piézographie représente une avancée significative dans le domaine de la prothèse dentaire, en particulier pour les patients édentés totaux ou partiels. Elle permet de créer des prothèses qui s’intègrent harmonieusement à la dynamique musculaire buccale, garantissant stabilité, confort et fonctionnalité. Cet article explore en détail le concept de la piézographie, ses principes, ses objectifs, ses techniques, ainsi que ses applications cliniques.

Définition

Origine du terme

Le terme « piézographie » dérive des racines grecques piezein (presser) et graphein (sculpter). Il a été introduit dans le domaine odontologique par P. Klein, qui a défini la piézographie comme le modelage d’un matériau plastique par la dynamique des organes musculaires entourant un espace prothétique, qu’il soit virtuel ou réel. Cette approche peut être comparée à une sculpture réalisée par les forces musculaires, où les muscles agissent comme les mains d’un sculpteur pour façonner la prothèse.

Définition selon les auteurs

Selon A. Nabid, la piézographie est la reproduction tridimensionnelle de l’espace prothétique chez l’édenté total. Elle vise à capturer la dynamique des muscles buccaux et linguaux pour concevoir une prothèse adaptée à l’anatomie et aux fonctions spécifiques de chaque patient. En d’autres termes, la piézographie permet de créer une empreinte fonctionnelle qui respecte les interactions musculaires, assurant ainsi une prothèse stable et fonctionnelle.

Principe Fondamental

Le principe de la piézographie repose sur l’effet de pincement exercé par deux groupes musculaires antagonistes : la langue et la sangle buccinato-labiale (composée des muscles buccinateurs et des lèvres). Ces muscles exercent des pressions opposées qui modèlent le matériau piézographique, permettant de définir avec précision l’espace prothétique. Ce processus garantit que la prothèse s’adapte parfaitement à la dynamique musculaire, évitant ainsi les déséquilibres qui pourraient compromettre la stabilité ou le confort.

Objectifs de la Piézographie

La piézographie a plusieurs objectifs clés dans la conception des prothèses dentaires :

  1. Réalisation d’empreintes mandibulaires fonctionnelles : Ces empreintes capturent la dynamique musculaire pour garantir une adaptation optimale.
  2. Modelage des surfaces polies des prothèses : Les surfaces externes de la prothèse sont sculptées pour minimiser les interférences avec les muscles environnants.
  3. Détermination physiologique du plan d’occlusion prothétique : La piézographie permet de positionner le plan d’occlusion en harmonie avec les fonctions buccales.
  4. Détermination du volume prothétique et des éléments dentaires : Elle définit l’espace disponible pour les dents artificielles, garantissant un équilibre esthétique et fonctionnel.
  5. Obtention de prothèses stables et adaptées : En respectant la dynamique musculaire propre à chaque patient, la piézographie assure une meilleure rétention et stabilité.

Formes Cliniques de la Piézographie

Piézographie Analytique

Définition

La piézographie analytique est une empreinte spécifique conçue pour analyser les pressions exercées par la sangle buccinato-labio-linguale sur les prothèses.

Indications

  • Contrôle des surfaces polies et des éléments dentaires : Elle est utilisée pour vérifier la position des surfaces polies et des dents dans les zones prémolaires et molaires.
  • Vérification de l’intégration prothétique : Elle permet de s’assurer que la prothèse existante s’inscrit correctement dans le couloir prothétique, évitant tout déséquilibre musculaire.

Piézographie Prothétique

Définition

La piézographie prothétique vise à déterminer le couloir prothétique, c’est-à-dire l’espace idéal pour la mise en place de la prothèse.

Indications

  • Édentement total bi-maxillaire ou uni-maxillaire : Particulièrement indiqué en cas de résorption osseuse importante, entraînant des crêtes faibles, plates ou négatives (classes III et IV selon Landa).
  • Langue volumineuse : Chez les patients présentant une langue envahissant l’espace prothétique.
  • Asymétries ou paralysies faciales : Pour les patients atteints de paralysie faciale ou présentant des asymétries bucco-faciales.
  • Prothèse totale supérieure avec prothèse partielle inférieure (classe I de Kennedy-Applegate) : Indiquée lorsque le patient présente un réflexe nauséeux gênant.
  • Prothèse mandibulaire sur implants : La piézographie aide à optimiser la stabilité des prothèses implantoportées.

Techniques Piézographiques

Les techniques piézographiques se divisent en deux grandes catégories, selon la fonction modelante utilisée : la phonation et la déglutition.

Techniques Basées sur la Phonation

Auteurs

P. Klein est le pionnier de cette approche, qui repose sur l’utilisation des phonèmes pour modeler l’empreinte.

Avantages

  • Forte sollicitation musculaire : La phonation est la fonction buccale générant les forces horizontales les plus déséquilibrantes, ce qui permet un modelage précis.
  • Déplacement lingual important : La langue se déplace avec une grande amplitude, facilitant la capture de l’espace prothétique.
  • Fonction quotidienne développée : La phonation est une activité naturelle et fréquente, peu affectée par l’édentation.
  • Compatibilité avec les maquettes d’occlusion supérieure : Cette technique permet d’intégrer les maquettes supérieures dans le processus.

Inconvénients

  • Indications limitées : La phonation peut ne pas convenir à tous les patients, notamment ceux ayant des troubles de l’élocution.
  • Complexité technique : La réalisation demande une certaine expertise.
  • Temps de réalisation plus long : Le processus peut être plus chronophage que d’autres techniques.

Techniques Basées sur la Déglutition

Auteurs

Heath, Schiesser, Beressin et Nabid ont développé des techniques basées sur la déglutition.

Avantages

  • Simplicité technique : La déglutition est une fonction plus facile à reproduire pour le patient et à manipuler pour le praticien.
  • Matériaux faciles à utiliser : Les matériaux employés sont souvent plus simples à manipuler.
  • Stabilité de la maquette : La maquette reste stable pendant l’empreinte.
  • Large champ d’indication : Cette technique est adaptée à des populations spécifiques, comme les sourds-muets ou les patients atteints de troubles mentaux.

Inconvénients

  • Incompatibilité avec la maquette supérieure : La déglutition rend difficile l’utilisation de maquettes d’occlusion supérieure.
  • Risque d’écrasement de l’empreinte : L’empreinte peut être déformée par la pression contre la crête supérieure.

Phonèmes Piézographiques

Les phonèmes utilisés pour le modelage piézographique doivent solliciter simultanément la langue et la sangle buccinato-labiale. Les phonèmes recommandés incluent :

  • Consonnes : S, R, DE, TE, DA, TA (en arabe), PE, ME.
  • Voyelles : i, o, e (ou en arabe).

Ces phonèmes permettent de capturer les mouvements musculaires antagonistes, garantissant une empreinte précise.

Matériaux Piézographiques

Caractéristiques des Matériaux

Les matériaux utilisés pour la piézographie doivent répondre à plusieurs critères :

  • Manipulation aisée : Facilité d’utilisation pour le praticien.
  • Stabilité : Résistance à la déformation pendant le modelage.
  • Fidélité : Capacité à reproduire précisément les détails anatomiques.
  • Temps de plasticité lent : Permet un modelage progressif sans durcissement prématuré.
  • Irréversibilité : Le matériau doit conserver sa forme une fois durci.

Matériaux Proposés

  • Résines à prise retardée : Offrent une bonne plasticité et une prise contrôlée.
  • Thiocols denses : Matériaux robustes pour les empreintes fonctionnelles.
  • Silicones haute viscosité à prise retardée : Exemple : Xantopren Fonction, idéal pour sa précision et sa stabilité.

Techniques Piézographiques Mandibulaires

Création d’une Base Porte-Empreinte

La base porte-empreinte est essentielle pour garantir la stabilité de l’empreinte. Elle est généralement confectionnée en résine auto-polymérisante à partir d’un modèle primaire obtenu via une empreinte initiale. Selon P. Klein, une pré-empreinte sans porte-empreinte peut être réalisée avec du thiocol pour capturer les premières données anatomiques.

Phases d’Enregistrement (Technique Phonétique de Klein)

Premier Modelage Buccinateur (Jugal)

  • Procédure : Le matériau piézographique est injecté latéralement (droit ou gauche) sur la base, en écartant la langue pour éviter son interférence.
  • Phonèmes : Le patient répète « SIS » six fois et « SO » une fois pour solliciter la région buccinatrice.
  • Durcissement : La phonation est maintenue jusqu’à ce que le matériau durcisse.
  • Précautions : Éviter la déglutition pour ne pas déformer l’empreinte. Les excès de matériau sont éliminés.

Deuxième Modelage Jugal

  • Procédure : La même technique est appliquée au côté opposé, en suivant les mêmes phonèmes et précautions.

Troisième Modelage Jugal

  • Objectif : La première empreinte buccinatrice peut être imparfaite en raison des mouvements linguaux initiaux. Le troisième modelage est réalisé dans des conditions optimisées, avec le deuxième modelage en place pour stabiliser l’environnement.

Modelage Antérieur

  • Modelage lingual : Utilisation des phonèmes « TE » et « DE » (ou « TA » et « DA » en arabe) pour capturer les mouvements de la langue.
  • Modelage vestibulaire : Utilisation des phonèmes « ME » et « PE » pour modeler la région des lèvres.
  • Remarque : Cette étape est réalisée sans maquette supérieure, et la position de la tête du patient correspond à celle d’une conversation courante.

Détermination du Plan d’Occlusion Prothétique (POP)

  • Référence linguo-mandibulaire :
    • Côté vestibulaire : Le fond du sillon, correspondant aux fibres horizontales du buccinateur.
    • Côté lingual : La jonction entre la muqueuse papillée et dépapillée de la langue au repos.
    • Antérieurement : Le plan est parallèle à la lèvre, répondant aux exigences esthétiques.

Empreinte Secondaire

  • Coffrage et coulée : L’empreinte secondaire est réalisée en utilisant des clés vestibulaires et linguales en silicone lourd ou en plâtre.
  • Duplicata de la piézographie :
    • Les clés sont confectionnées avant de démouler l’empreinte.
    • L’empreinte est démoulée, puis les clés sont repositionnées.
    • L’espace prothétique est coulé avec de la cire pour créer un modèle précis.

Enregistrement des Rapports Intermaxillaires

  • Maquette piézographique inférieure : Le plan d’occlusion est déjà défini.
  • Maquette supérieure : La dimension verticale (DV) est déterminée par la phonation.
  • Montage et équilibration : Un montage non engrainé et équilibré est réalisé, sans courbe de compensation, pour garantir la stabilité occlusale.

Semi-Piézographie Maxillaire

Création d’une Base Stable

  • Une base en résine auto-polymérisante de 2 mm d’épaisseur est confectionnée pour garantir la stabilité.

Recherche de la Pré-Dimension Verticale

  • Méthode : Trois cônes sont placés sur la maquette, et le patient prononce les phonèmes « SIS » et « SIR » pour déterminer l’espace phonétique minimum.

Modelage du Mur Postérieur

  • Procédure : La résine est injectée autour des cônes, et le patient effectue des mouvements de latéralité et de déglutition pour modeler le mur postérieur.

Enregistrement de l’Espace Prothétique Antérieur

  • Premier temps (face interne) : Utilisation des phonèmes « TE », « DE » (ou « TA », « DA » en arabe).
  • Deuxième temps (face vestibulaire) : Utilisation des phonèmes bilabiaux « ME » et « MI ».

Intégration des Images

Bien que le document original ne contienne pas d’images, il est pertinent d’imaginer l’inclusion d’illustrations pour enrichir la compréhension. Les images suivantes pourraient être intégrées dans une version enrichie :

  1. Schéma de l’espace prothétique : Une illustration montrant la langue et la sangle buccinato-labiale en action, avec les pressions antagonistes.
  2. Photographie d’une empreinte piézographique : Une image réelle d’une empreinte mandibulaire fonctionnelle réalisée avec un matériau comme le Xantopren Fonction.
  3. Diagramme du plan d’occlusion prothétique : Un schéma indiquant les références vestibulaires et linguales pour le positionnement du POP.
  4. Représentation des phonèmes : Une infographie illustrant les positions de la langue et des lèvres lors de la prononciation des phonèmes piézographiques.

Ces images, si disponibles, seraient insérées dans le document pour clarifier les concepts techniques et faciliter l’apprentissage.

Conclusion

La piézographie repose sur un principe fondamental : créer une empreinte qui respecte les organes paraprothétiques, tant au repos qu’en fonction, pour garantir une prothèse stable et fonctionnelle. En tenant compte des forces musculaires antagonistes, elle permet de concevoir des prothèses adaptées à l’anatomie et à la dynamique buccale de chaque patient. Les techniques piézographiques, qu’elles s’appuient sur la phonation ou la déglutition, offrent des solutions précises pour les cas complexes, comme les édentements totaux avec résorption osseuse ou les asymétries faciales. Grâce à des matériaux spécifiques et des phonèmes ciblés, la piézographie assure une intégration optimale des prothèses dans l’espace prothétique, améliorant le confort et la fonctionnalité pour les patients.

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